Les Baldini étaient tranquillement installés sur un grand drap, sur le flanc de la colline, papotant gaiement, quand l’ambiance changea. La famille au complet, à l’exception de Nieves qui était la plus méfiante, ou bien la plus lucide tout dépendait du point de vue, leva le regard avec émerveillement en voyant les fusées de détresse rouges dans le ciel. Assurément, cela présageait d’une animation surprise spectaculaire. Ce qui suivit, cependant, les laissa perplexe. Qu’est-ce que ces mots inscrits sur une bannière blanche pouvaient bien vouloir dire ? Cela n’avait rien de professionnel et le slogan était menaçant.
« C’est quoi cette— » commença Nieves, avant d’être interrompue par des grésillements.
Le message diffusé ensuite ne fut pas pour la rassurer, et tous les Baldini se regardèrent, à la fois légèrement apeurés et curieux. Était-ce une vaste blague organisée par la Mairie ? Qu’est-ce que c’était, la Rose Lunaire ? Elene était là depuis le mois de septembre, mais elle n’en avait jamais entendu parler.
« Vous savez ce que c’est ? » demanda-t-elle à sa famille.
Mais aucun n’était plus informé qu’elle. Pas même Agostino, qui était pourtant celui qui avait le plus créé de liens à Redwood Hills. Il avoua avoir déjà entendu le nom de la Rose Lunaire, mais il ne savait plus dans quel contexte.
Au vu de tous les gens autour d’eux qui se levaient, la mine paniquée et terrifiée, et à capter les bribes de conversation qu’elle entendait, Elene se dit que cette fameuse Rose Lunaire devait être bien connue des habitants. Pourquoi Danny ne lui en avait-il pas parlé ? Et qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Elle avait le sentiment que c’était une vaste farce, mais bien peu de gens semblaient en rire. Tous ceux qui étaient assis autour d’eux, en tout cas, avaient pris ça au sérieux : ils s’étaient levés et s’en étaient allés. Nieves n’avait elle-même pas l’air très rassuré, mais elle ne réclamait pas pour autant qu’ils rentrent au campement. Le reste des Baldini, eux, avaient fait le choix de prendre cet événement comme une blague, plutôt originale pour une municipalité, mais une blague quand même. Comme les gens partaient, la place se dégageait, et les télescopes qui étaient jusque-là tous occupés se libéraient. Elene en profita donc et se posta derrière l’un d’eux pour enfin observer les étoiles autrement qu’à l’œil nu ; bientôt, son frère aîné Ugo et sa petite nièce la rejoignirent et ils admirèrent à tour de rôle une constellation dont ils ne connaissaient pas le nom, des grands sourires éclairant leurs visages.

Rafael détestait être ainsi dévisagé. Ironique, quand on pensait que lui ne se privait pas d'observer ceux qui attisaient sa curiosité comme Louise pouvait le faire et qu'il mettait son nez là où bien des gens ne voudraient surtout pas être découverts. Tout le monde laissait sur la toile des milliers de traces comme autant de fil permettant de remonter jusqu'aux plus sombres secrets. Tout le monde, sauf Louise. C'était l'une des rares personnes qu'il rencontrait depuis longtemps qui n'avait aucune, pas la moindre, existence sur internet. Cela suffisait bien sûr à la rendre intéressante à ses yeux. Après lui avoir témoigné son indifférence habituelle, le jeune homme reportait son regard, que l'on pouvait percevoir comme hautain alors qu'il était plutôt lointain, quelque part perdu dans ses réflexions profondes, sur elle. C'était toujours surprenant, la réaction des gens. « M'aider ? » L'ombre d'un sourire curieux paraissait sur son visage, si tôt disparue. Il n'avait pas besoin qu'on l'aide. Non par suffisance, mais tout simplement parce que tout se déroulait exactement comme il pouvait le souhaiter. « Vous le faites déjà. » Elle l'aidait à patienter dans la nuit noire et froide qui n'offrait que des étoiles. « Vous êtes la première à m'adresser la parole. » Commentait-il d'un ton énigmatique qui ne laissait rien présager en particulier. Ni joie, ni reconnaissance, ni frustration.

Un vent de changement balayait la foule regroupée en petits groupes. Des lueurs rougeâtres illuminaient le ciel et pour la première fois depuis le début de cette soirée, le concierge levait vraiment les yeux pour les observer avec calme. Une voix retentissait et son regard se perdait dans le vide, à l'écoute des profondeurs. Même une fois que la voix s'était tue, son attention restait voilée. Ce n'était que lorsque la jeune femme se mettait à parler qu'il reconnectait avec la réalité ambiante. Louise avait les mains jointes et ses paroles flottaient avec la même ferveur spirituelle que celles qui venaient de terrifier bon nombre des gens présents à cette soirée d'observation des étoiles. En se retournant vers lui, elle lui parlait des étoiles. Non sans penser à lui faire une politesse, le jeune homme relevait les yeux vers le ciel dans l'exacte même direction que Louise portait elle-même son regard. Il les contemplait enfin, les étoiles, sans savoir laquelle était Vega et sans éprouver cette fascination qui avait pourtant conduit toutes ces personnes à se rassembler et à être témoin de ce nouvel avertissement. La Rose lunaire... En voilà une chose qui méritait toute son attention et qui recelait des mystères les plus ensorcelants. Comme si sa route n'avait de cesse de croiser la leur, au point de laisser s'immiscer en lui un sentiment de familiarité depuis toutes ces années. « Ce n'était pas Dieu, c'est exactement l'inverse. » Prononçait-il gravement, bien que l'impact de ses propres mots ne semblait pas se répercuter chez-lui. Rafael n'était que plus pensif et plus inquisiteur encore, dans la façon dont il posait avec insistance son regard sur elle. « Excusez-moi... » Commençait-il alors, comme si d'autres explications allaient suivre. Pourtant, il n'y en avait pas et Rafael se frayait un chemin au travers ceux qui étaient encore rassemblés autour d'eux. Il s'éclipsait dans la nuit sans plus de cérémonie parce qu'entre ces deux objets de sa curiosité, la Rose l'avait emporté ce soir.

@Louise Howell

Spoiler:

Je ne réfléchis pas et me lance à la poursuite de cette menace invisible avec pour seuls indices ces fusées de détresse. Elles ont bien été tiré d’un endroit précis, je me dirige vers ce que je pense être l’une d’elle, en contre bas. Le sentier est escarpé et dans le noir c’est d’autant plus difficile même avec une lampe torche. Je finis par m’arrêter, observant les alentours à la recherche d’un quelconque indice supplémentaire. Des traces de passage ou quoi que ce soit d’autre qui prouvera que je ne poursuis pas des fantômes. J’entends du bruit derrière moi et me retourne instinctivement, c’est Jamie. Je le regarde, surprise de le voir là alors que je le pensais avec Grace, pour la protéger, être le preux chevalier gage de sécurité de sa belle. « Ouais ça va. » je soupire « Non quedal. » mon regard se fait de nouveau interrogateur, il comprend très bien pourquoi et me répond comme à son habitude avec l’insolence de l’ancien flic habitué de l’action. « Non ça non. Mais que tu resterais avec ta dulcinée ça oui. » je lui adresse un léger sourire puis m’avance un peu plus sur le sentier, balayant devant moi et sur les côtés avec la lumière « Ils se sont barrés vite fait… » j’échappe un rire ironique « Courageux mais pas téméraires. ». Mon regard s’arrête sur quelque chose dans un bosquet, je me rapproche et reconnaît un pistolet utilisé pour lancer des fusées de détresse. Etonnant de le trouver là, avec un peu de chance il est tombé de la poche du tireur et des empreintes s’y trouve peut-être. Portant des gants pour me protéger du froid, je ramasse l’objet « Bon et bah on a au moins ça. » je hausse les épaules et indique à Jamie de faire demi-tour « Ils sont sans doute déjà loin et on voit rien. On remonte. » je suis un peu déçue, mais nous ne revenons pas totalement les mains vides auprès de nos collègues restés plus haut pour assurer la sécurité des gens. Beaucoup sont déjà partis, effrayés par cette intervention de la secte. Les autres s’apprêtent à le faire « Et bah on dirait que c’est pas encore ce soir que je vais regarder les étoiles. » dis-je dans un soupir « On se voit demain au boulot Whelan. » un dernier salue à mes collègues et moi aussi je rejoins ma voiture repensant aux mots crachés par cet enregistrement de mauvaise qualité. La Rose Lunaire a une fois de plus gâché la tranquillité de Redwood Hills.

Il n'a que d'yeux que pour ce ciel étoilé qui le fascine et l'apaise à la fois. Il essaye de faire le vide et de ne surtout pas penser à cette frustration d'être seul ce soir. Au contraire, il se dit que c'est une bonne chose que chacun puisse avoir des moments à soi. Au risque de se sentir étouffé. C'est en tout cas ce dont il était en train de se persuader tandis que quelqu'un entra en collision avec la chaise sur laquelle il se trouvait. C'est à peine si les gouttes de la boisson de la jeune femme le touchèrent. Cette présence impromptue le fit au contraire sourire. « Effectiv'ment il aurait été bête de ne pas assister à l'évènement. Tu auras sûrement tout un tas d'questions de la part de tes élèves. C'bien de les ouvrir à d'autres choses », assura Alarik avant d'inviter Alexis à prendre place à côté de lui. « J'étais en compagnie d'Casper donc j'pense pas que ça le dérange vraiment que tu prennes sa place ! », dit-il pour la rassurer. « On m'a lâchement fait faux bond pour ce soir... les étoiles ça doit pas être assez girly », lâcha-t-il un peu amer, en haussant les épaules, tandis qu'un homme scanda un message bien huilé. Ce qui lui donna presque aussitôt envie d'éclater de rire. Il se concentra à nouveau sur le ciel étoilé, s'enfonçant un peu plus dans sa chaise, afin de pouvoir mieux admirer le spectacle. « Ouais on sait faire les choses en grand à Redwood Hills faut croire », assura-t-il, un sourire coincé au coin des lèvres. « Je m'y intéressais pas mal en étant plus jeune... le ciel, les étoiles ça m'a toujours fasciné. », dit Alarik, avant de tourner le visage en direction de la jeune femme. « Et toi c'est juste pour faire bonne figure devant ta classe ? », voulu-t-il savoir sans méchanceté aucune.  

Ce moment de quiétude fut bien vite interrompu. Les lumières rouges. Les projecteurs. Cela ne dit vraiment rien qui vaille au Danois. Même si, durant quelques secondes il ose croire en une superbe mise en scène, même s'il ne fait pas vraiment le lien entre les flashs de lumière et les constellations qu'il n'arrive plus à regarder, trop déconcentré par cette pollution lumineuse. La voix dans le mégaphone ne laisse plus aucune place au doute. Encore cette fichue secte. Son premier réflexe fut de poser la main sur le bras d'Alexis, ayant entendu sa question. « Peut-être, même si j'ai pas envie d'leur donner raison en prenant la fuite. Tu veux que j'te raccompagnes à ta voiture ? », demanda Alarik, ne voulant pas laisser Alexis seule. Un mouvement de foule se fit sentir et déjà des personnes se pressaient pour quitter les lieux au plus vite.  

1981. Le texte sur la banderole. Même procédé. Même mots. Jamie s’attend carrément à croiser le cadavres d’animaux morts à mesure qu’il s’éloigne. Oh il était loin d’être en état de comprendre en ce temps-là. De le voir de ses propres yeux, encore moins. Mais voir ça, maintenant, suffit à lui donner envie de bruler le tissu jusqu’à la barrière avec. S’il pouvait le faire d’un simple regard, il le ferait. Mais il se contente de courir, comme il a toujours couru. Il a l’impression qu’il ne cessera jamais de courir. Olly aussi s’est élancée, avant lui. Et quand il retrouve sa trace, sans même l’avoir cherchée, c’est parce qu’ils ont eu l’idée de regarder au même endroit à quelques secondes d’intervalle. Elle soupire à sa question. Ouais, elle est un peu bête. Ça ne peut pas vraiment aller. Qu’elle n’ait rien vu, rien trouvé ne l’étonne pas, mais il soupire quand même à son tour. Que sa présence ici, loin de la scène des étoiles, loin de sa ''dulcinée'' comme l’appelle Olly l’étonne, ça, Jamie ne s’y attendait pas. Elle doit le connaitre depuis le temps. Ou peut-être est-ce simplement lui qui se sent coupable d’être là et pas ailleurs, là où il ne peut pas vraiment être. « La dulcinée est auprès de ses enfants. » Et déjà loin, il espère. La lampe qu’Olly tient est bien plus efficace que celle de son téléphone. « Et pas très originaux non plus. Ces espèces de slogans, c’est du réchauffé… » Ou une savante technique de lavage de cerveau. Jamie est trop occupé à suivre de l’oeil ce qu’éclaire son binôme pour se lancer dans des théories. Il préfère qu’elle lui demande ce qu’elle ne sait pas, si toute fois elle ne le sait pas, au lieu de sous-entendre qu’elle n’aurait pas été suffisamment briefée sur l’historique de la secte. Parce que Jamie en aurait été vexé à sa place. Et qu’il n’en a pas vraiment le temps. Olly brandit le butin. Un des pistolets ayant lancé les fusées de détresse. En détresse, Jamie l’est un peu moins, maintenant, mais n’ose se réjouir à voix haute, juste d'un simple sourire. Il faudrait trouver des empruntes là-dessus… Remonter la trace jusqu’au vendeur. Il est passé par là tellement de fois… Il ne veut pas la décourager d'avance. Alors il s’execute simplement, faisant demi-tour sans contester son ordre. Il sent qu’elle est autant déçue que lui. Et il ne sait s’il doit s’inquiéter ou se réjouir de cette… similitude… entre eux. Il y a quelques années, il serait arrivé le premier, lui, et aurait tendu ce truc tout fier et plein d’espoir à un vieux de la vieille arrivé quelques secondes en retard. Les rôles sont inversés aujourd’hui. Jamie pourrait y voir une forme de poésie, de la même plume qui habille le ciel étoilé, mais à quoi bon ? Rallumer les étoiles… Elles se sont éteintes ce soir. Son regret le plus sincère est de n’avoir eu le temps d’en faire découvrir l’étendue à Olly. Partager quelque chose de sympa, un peu de la beauté qui subsiste en ce bas monde, il aurait bien aimé, ouais. « Partie remise, Smith. » Les étoiles ou la chasse aux fantômes ? Invitation sage ou promesse malheureuse...