Ça avait l'air de la faire rire, d'imaginer les deux frères Myers perpétrer leurs habituelles bêtises. Il fallait dire que toute la région avait dû en avoir écho, tant ils s'étaient passionnés pour cela. Avec le temps, les choses s'étaient calmées - chacun avait tracé sa route, débuté sa vie d'adulte, et la fréquence des conneries avait diminué, et les effets avaient perdu de l'ampleur. Pourtant, Nathan n'y pensait pas avec nostalgie, mais toujours avec joie. Il s'agissait de moments exceptionnels, privilégiés, qu'il avait partagé avec son frère - le meilleur de tous -, et il s'en souviendrait jusqu'à la fin de ses jours. Et si par malheur il oubliait, il se rappellerait de cette complicité incassable, de cette fraternité impérissable, et de cette réalité inébranlable. De cette folie de la jeunesse ! Malgré les dires amusés de Jailys, elle n'était pas finie, et ne finirait jamais - on reste toujours de vieux enfants, bercés par des rêves et propulsés par des espoirs.
Casey enchaîna sur sa réplique - les Myers, discrets ? bonne blague ! -, et il eut un sourire énigmatique - les Myers, discrets ? la vérité ! A défaut d'être sages comme des images, ils avaient été discrets comme des comme des furets - pour changer des souris. L'étudiante finit de parler, et aussitôt il demanda : « Ah ouais ? T'as grandi où ? » Ça ne lui serait même pas venu à l'esprit qu'elle pût ne pas être d'ici. Il lui semblait que ça tombait sous le sens - peut-être parce que la plupart des gens qu'il connaissait ici venait d'ici -, et pourtant, il n'était pas profondément surpris. En fait, il aurait dû y penser - tout bêtement parce qu'il ne l'avait jamais vu à l'école, par exemple, alors qu'ils n'avaient jamais que quatre ans d'écart, ou un truc comme ça.

De ce qu'elle avait pu entendre, les frères Myers avaient toujours été des terreurs et elle était presque sûre qu'au fond, sa mamie les aimait bien, juste parce qu'ils fichaient un peu le bordel en ville. Sa grand-mère était une catastrophe. Nathan a l'air encore proche de son frère, en tout cas, c'est l'impression que la jeune femme en a. Ils sont quatre les Myers, ça elle le sait. Elle connaît un peu sa frangine et s'entend plutôt bien avec elle, malgré l'épisode qu'elle avait pas trop compris. C'est vrai qu'elles les imaginaient pas trop discret vu à quel point Nate pouvait être exubérant. Mais bon, pour les conneries, ils avaient dû l'être un minimum pour pas se faire choper à chaque fois. "Et ouais ! Incroyable, y'a des gens qui viennent pas d'ici..." Un sourire amusée aux lèvres, elle continue. "J'ai pas grandi trop loin, Burlington juqu'à 18 ans. Puis New York jusqu'il y a un peu plus d'un an maintenant. C'est ma vieille folle de granny qui vit depuis toujours à Redwood Hills." Vieille folle, c'était le terme. Et même pas un qui vexerait la vieille dame. Casey s'était d'ailleurs parfois demandée d'où son père tenait ce côté coincé, sûrement pas de Gladys Connors. D'ailleurs sa granny adorait tout mettre sur le dos de son défunt mari. "Une granny qui m'organise des blind date, change d'amant plusieurs fois par année et a dans l'idée de partir faire un trek au Tibet." C'était les nouvelles lubies de la vieille. "Et alors, c'est toi qui a convaincu Gaël de venir à cette soirée ?"

« Oh, ça va ! » rétorqua-t-il avec un sourire amusé en levant les yeux au ciel. « C'rare les gens qui s'installent ici. » Ce qu'il comprenait, dans la mesure où c'était petit, perdu, et infesté par une secte - en général, ceux qui arrivaient étaient déjà liés, d'une manière ou d'une autre, au village. De quoi faire rêver, hein ? Nate avait toujours fantasmé les grandes villes. Toutes ces lumières qui brillaient à perte de vue, éblouissant l'humanité d'une pureté toute factice, mais pas moins belle, pas moins éclatante ; et puis tous ces gens qui vaquaient entre les bureaux et les bars, promenant leurs corps et leurs esprits, toujours ailleurs, toujours ici ; et enfin cette activité qui prospérait paisiblement, s'offrant toujours, bouillante de jour comme de nuit... Mais il ne s'était jamais résolu à partir ; il ne savait pas s'il s'y résoudrait, dans un futur plus ou moins proche. Malgré tout, Redwood Hills, c'était sa vie, et surtout sa famille. Il y demeurait pour elle, c'était certain, et s'imaginer loin d'eux - parce que Burlington était une ville, mais ce n'était pas New-York, Los Angeles ou Chicago - lui était difficile. Burlington ; c'était là qu'elle avait grandi. New-York ; c'était là qu'elle avait mûri. « Woh, Burlington et puis New-York ? Ça a dû t'faire un choc de débarquer ici, nan ? Même si tu devais connaître un peu avec ta grand-mère, c'pas pareil d'y vivre. » Il allait poser une question sur la vieille dame, mais elle enchaîna, et il rit. « Elle a l'air cool ! » Sa brève description plaisait à Nathan. Elle avait l'air de ne pas se prendre la tête, et c'était quelque chose qu'il appréciait chez les autres - d'autant plus chez les personnes âgées, ou du moins plus vieilles que lui, parce qu'il avait le sentiment que cela se perdait. « Ouais, j'ai fait ma granny moi aussi... j'l'ai pas vraiment convaincu, j'l'ai plus traîné jusqu'ici, s'tu vois l'truc. » Gaël, c'était typiquement le genre de mec qui réfléchissait trop, qui se prenait la tête. Surtout avec ces trucs-là ; et l'étudiant n'osait même pas imaginé comme ça avait dû bouillir dans son cerveau lorsqu'il était tombé sur Casey. « Mais j'suis sûr qu'ça lui fera du bien, ça peut être assez fun c'trucs-là, alors j'espère qu'il passe une bonne soirée. »

Elle pouffe de rire à ce qu’il rétorque, c’est vrai qu’elle s’est un peu foutu de sa gueule. Rare ? Pas tant que ça quand même. "Baah quand même !" Elle en avait quand même rencontré pas mal, bon beaucoup avait des racines à Redwood Hills, même s’ils n’y avaient jamais vécu. Après il y en avait aussi qui ont juste débarqué, comme Jules ou la coloc de Nate et sûrement d’autres. Elle parle ensuite un peu plus d’elle. Elle hoche la tête en souriant. "J’ai toujours eu une préférence pour la campagne. Mais les premiers temps, c’est sûr ! À New-York, si tu fais de l’insomnie, tu peux sortir, te mêler aux gens. Ici, tu peux te noyer dans ta solitude…" Et elle rit. Ce qui lui manque le plus ? Sûrement les ptites boutiques ouvertes 24h, la diversité des restos… vu qu’elle était pas capable de cuisiner autres choses que des sandwichs, les restaurants lui manquaient. Elle donne un peu de détails sur sa granny, elle l’adore, même si elle râle souvent. Elle a l’air de plaire à Nate, ça l’étonne pas. Elle est presque sûre aussi qu’il doit la connaître, même vaguement. Pour Gaël, il confirme, c’est lui qui l’a tiré… presque de force. Elle sourit en coin. Faire du bien ? Elle se demande pourquoi, il n’a pas vraiment de problèmes à rencontrer des filles… et rien qu’à cette idée, une moue boudeuse apparaît sur son visage. Qu’il s’amuse ? Ça la dérange pas, tant que c’est pas trop. Et à peine cette idée à traverser son cerveau, elle se dit qu’elle abuse et qu’il peut bien avoir autant de fun qu’il veut ! Il faut vraiment qu’elle arrête. "J’espère aussi. Il m’a dit qu’il me raccompagnerait, mais bon, je rentrerais à pied si jamais." Dans le fond, y’avait sûrement qu’elle qui se rendait pas compte que ça la dérangerait vraiment. Un jour peut-être, elle se réveillera, sûrement après une bonne claque derrière la tête, enfin même pas sûre que ce soit suffisant… la pelle serait peut-être bien nécessaire tout de suite. "Toi, tu boudes plus, c’est bon signe. J’suis pas trop chiante alors…" Changez de sujet, changez de sujet, voilà pas mal la seule chose que son cerveau lui hurlait.

Il haussa lentement les épaules en adoptant une moue pensive. « Bah y'en a, mais proportionnellement j'sais pas, j'pense pas qu'ce soit si important qu'ça. » C'était sûrement difficile de savoir, puisqu'il était loin d'avoir fréquenté tous les habitants de la ville, ou de connaître la trajectoire de ceux qu'il avait croisés. Puis, sa famille était ancrée ici depuis un moment, ce qui facilitait la création d'un cercle de relations attachées à Redwood Hills, souvent depuis longtemps. « Enfin bref, c'pas très important ! » conclut-il. Il écouta la réponse à sa question, et rit avec elle. « Ouais, ici tu peux t'trouver d'la compagnie dans les champs, 'paraît que les vaches du coin sont plutôt sympa... Si tu testes tu m'diras, hein. » Un sourire taquin courba ses lèvres. Quand il avait une insomnie, il préférait se vautrer dans le canapé, et lancer un film, un jeu vidéo, ou une émission stupide. Si l'humeur était bonne, il envoyait un sms à des potes, et ils sortaient. Dans tous les cas, il n'allait pas câliner les bovins qui paissaient dans les prés. Il faudrait vraiment l'y traîner de force, comme lui l'avait fait avec Gaël pour cette soirée. Il devait se dire que ce n'était pas si horrible que ça - certes, Casey avait tendance à annihiler toutes les fonctions motrices du brun, mais au moins il était tombé sur la fille qui lui plaisait et, qui sait, les choses avaient peut-être avancé. Au moins un peu ? Nate ne savait pas trop où en était ces deux-là ; il avait été bien trop préoccupé par ses propres problèmes, ces derniers temps... Il haussa les épaules. « J'vois pas pourquoi il te raccompagnerait pas, s'il a dit qu'il le ferait... » Il était fiable, il n'y avait aucune raison qu'il lui fît faux bond... à moins que ça eût sévèrement dérapé entre les deux ? Il n'imaginait même pas la possibilité, contrairement à Casey, que Gaël préférât rentrer avec une autre fille. Il allait poser une question, mais l'étudiante enchaîna, et un vague sourire étira les lèvres de Nathan. « Ouais, ça va, pas trop relou. » Il retint le "cette fois" qui lui brûlait les lèvres, avec l'idée fugace que la pointe d'humour ne passerait peut-être pas. « C'est l'avantage d'être moi tu vois, en général ça passe vite. Et heureusement ! » ajouta-t-il dans un énième sourire, les sourcils haussés. Lui non plus n'avait aucune envie de s'attarder sur ce sujet précis. « Tu boudes longtemps, toi ? » Il s'arrêta pour reprendre aussitôt : « J'sais pas pourquoi, mais j'suis sûr que t'es ou étais une boudeuse professionnelle... » Elle avait la tête de l'emploi.

Il avait évidemment raison pour les étranger, même si elle pensait qu’il y en avait plus que ce qu’il s‘imaginait. Mais ça avait en effet pas vraiment d’importance. Elle lui tire la langue en riant quand il lui dit simplement qu’elle pourrait aller rencontrer les vaches des alentours. Un vrai petit con dans le fond, le Nathan. Mais quand il ne faisait pas le dragueur supra lourd, elle le trouvait un brin attachant quand même. "J’te ferais un rapport promis, et si j’en trouve une jolie, je te la présenterais…" Un sourire aux lèvres, elle n’a pas été vexée de ses paroles, elle commence à savoir et comprendre comment il fonctionne. Et puis ça parle un peu de Gaël, ça l’étonne vraiment pas que ce soit lui qui l’ait un peu forcé, traîné ici même si on écoute Nathan. Elle sourit en haussant les épaules, oui, elle pensait aussi qu’il la ramènerait vu qu’il l’avait dit. Mais il avait l’air de trouver souvent des filles avec qui passer la nuit, ce qui était logique, c’était un gars adorable… ce qu’elle acceptait pas malgré tout. Elle lève les yeux au ciel en pouffant de rire quand il dit que le rendez-vous est pas trop relou et il dit que le boudage dure jamais trop, il veut savoir ce qu’il en est pour la réciproque et il avoue que ça doit être une boudeuse professionnelle… Les yeux grands ouverts, elle en revient pas qu’il ait dit ça ! "Espèce de chieur !" Son expression prouve qu’elle est pas fâchée contre lui, en fait, elle trouve ça drôle. Elle n’a jamais été une vraie boudeuse. "Même pas en fait. J’suis du genre trop gentille…" Ce qui était plutôt vrai. Elle avait consciente d’être trop gentille, d’avoir tendance à donner le bon dieu sans confession à n’importe qui… Mais elle était comme ça, un vrai bisounours comme une de ses copines de fac l’appelait. "Et enfant je pouvais pas vraiment boudé non plus, vu que c’était mes parents les spécialistes." Et c’était une vérité toute simple, elle ne s’en plaignait pas, ça avait juste été comme ça. Un sourire en coin, elle l’observe. "T’as toujours le jugement aussi facile ?" Elle ne pense pas que c’était un jugement en tant que tel, mais il la cherchait un peu, pourquoi ne pas en faire autant ?

Ça allait, elle rigolait. Pas si coincée que ce qu'il avait pu penser lors de leur première rencontre, finalement ! Elle avait même de la répartie - enfin, ça, il avait cru le deviner, mais l'ambiance était tout autre. « Oh, c'est trop gentil ! » s'exclama-t-il, la main sur la poitrine, les sourcils froncés et les lèvres pincées dans une petite moue. « Présentes-en-moi une avec de beaux yeux de biche, ça m'fera craquer à coup sûr. » Nate avait retrouvé le sourire. Certes, il aurait été difficile d'imaginer pire rendez-vous que celui avec Reagan, mais il avait le sentiment désagréable que, depuis quelques mois, les emmerdes le suivaient à la trace. Ce n'était pas oppressant au point d'avoir envie d'envoyer tout balancer et de s'en plaindre régulièrement, mais pour lui qui était habitué à vivre tranquillement, posé avec un joint au coin des lèvres, c'était dérangeant, et ça avait fini par éveiller sa méfiance. Mais à ce moment, elle semblait s'être envolée, et c'était tant mieux. Si sa relation avec Casey était loin d'être sans accroc, elle se lissait au fil du temps, et cette soirée paraissait poursuivre cette voie. Ils discutaient avec entrain, à coup de petites piques, et c'était sûrement le genre de conversations que Nathan adorait - pas prises de tête et amusantes. Il éclata de rire à l'insulte qu'elle lui lança, l'air effaré. « Trop gentille ? Woh, mais j'découvre une nouvelle facette là... » rétorqua-t-il dans un sourire malicieux. Elle éclaira aussi le côté enfance, mais il se contenta de hocher la tête, sans poser de questions - ses propos étaient assez mystérieux, mais ils ne se connaissaient pas assez pour que l'étudiant eût le droit, ou l'envie, de relever. Il sourit encore à sa provocation. « T'imagines même pas... la plus grosse biatch du coin, c'est moi, c'est sûr ! » Bien évidemment, il plaisantait. En ce qui le concernait, les gens faisaient ce qu'ils voulaient de leur vie. Et avec leur caractère, ils faisaient ce qu'ils pouvaient. Enfin, il supportait quand même Robin, il était sorti avec Reagan... il était probablement doté d'une patience inépuisable, du moins capable de supporter les pires. En comparaison, une boudeuse, ça aurait été bien peu de choses ! DONG. « Ah, on dirait que l'heure a sonné... Bon bah, j'espère que t'as pas trouvé ça trop relou non plus ! » lança-t-il dans un sourire, tout en se levant et en enfilant son manteau.

La plaisanterie allait bon train, il n’y avait pas à dire. Sûrement son premier rendez-vous avec Gaël qui l’avait détendue un peu. Ça lui avait fait du bien en tout cas, à n’en pas douter. Peut-être qu’un dialogue allait finir par se rétablir entre eux deux, elle l’espérait vraiment. Pour le reste ? Elle ne savait toujours pas ce qu’elle voulait. Un grand sourire aux lèvres, elle lève les yeux au ciel. Quel idiot. Mais elle n’a aucun doute sur le fait qu’il craquerait sur la première jolie fille avec des yeux de biche. Il était un séducteur, elle n’allait pas l’oublier. Simplement, il était un peu plus sympa que la moyenne. Quand elle l’insulte, il en rit. Et elle se met à rire en papillonnant des cils. "Bien sûr ! Pas ma faute si tu jouais au con la première fois…" Elle ne lui en tient pas rigueur finalement. Oh, s’il se mettait dans l’idée de la draguer… ça allait clairement pas lui plaire et elle le lui ferait savoir. Par contre, tant qu’il ne se la jouait pas grand séducteur, elle l’appréciait. Pour rire, elle lui demande s’il juge toujours aussi facilement. Il s’auto-traite de plus grosse biatch du coin. Là, elle le croit pas. Direct. Et puis la cloche sonne annonçant ainsi la fin de la rencontre. Elle lui sourit et hausse les épaules. "Non, non, ça pouvait aller. T’es moins con que ce que tu peux paraître…" Ça a l’air que l’entente était meilleur quand il discutait de façon légère tout en s’envoyant des piques… pourquoi ne pas continuer ? Elle se lève à son tour et prend sa veste et son écharpe qu’elle enroule autour de son cou. "À plus !" Elle lui sourit et puis s’éloigne, cherchant celui qui la raccompagnerait ce soir.