« Voyons, Emmy, tu n’es pas prête à reprendre du service. » Se dit-elle en frottant ses cheveux avant de reprendre en soupirant. « Oui mais si je ne remonte jamais en selle, je ne pourrais pas savoir. » Et voilà son éternel débat. Accepter le fait de se planter ou pas. Emmy n’aimait pas les échecs, elle en avait vécu un avec son agression et le fait de ne pas pouvoir exercer ensuite. Maintenant, la brune voulait simplement renouer avec son ancien métier et proposer de nouveau ses services. Il allait être surpris le docteur Kershaw en la voyant débarquer à son cabinet ! Sa décision était prise ! Elle sortit de la douche, s’enveloppa dans sa serviette puis envoya un message à Andrea lui annonçant qu’elle avait trouvé une candidate pour le poste de psychologue. Qu’elle voulait bien lui présenter aujourd’hui s’il était disponible. Attendant sa réponse, la brune s’habilla comme il le fallait pour un entretien d’embauche mais pas trop non plus, elle n’était pas à NY ! Bizarrement, elle sentit comme une excitation à l’idée de passer un entretien pour ce job. La réponse ne se fit pas attendre bien longtemps, Andrea l’attendait d’ici deux petites heures. Parfait, le temps pour Emmy de se préparer mentalement.
Cela faisait dix minutes qu’elle faisait les cent pas devant le cabinet du docteur Kershaw. Le doute l’habitait de nouveau, est-ce qu’elle était en train de faire une connerie ? Elle se mordit le pouce en regardant l’enseigne puis secoua la tête. Au pire, elle pourrait toujours proposer sa collègue, ni vu, ni connu ! Prenant son courage à deux mains, la brune franchit la porte et s’annonça au secrétariat. Elle prit place sur une chaise et regarda le mur droit devant elle. Respire Emmy, respire. Elle lâcha un long soupir et croisa les jambes puis les décroisa. Merde, le stress montait. Elle ferma les yeux puis entendit la voix d’Andrea proche d’elle. Un sourire se posa sur ses lèvres et elle se leva, tendant la main. « Bonjour docteur Kershaw. J’espère que vous allez bien. Merci de me recevoir aussi vite. » Dit-elle d’une traite. Stressée ? Nooon, pas du tout. Si, terriblement mais elle savait bien le cacher. Emmy se mit à le suivre et ses yeux se mirent à observer autour d’elle. Si elle cherchait quelqu’un ? En quelque sorte… depuis qu’elle avait revu Edward et qu’elle avait su qu’il travaillait là, sa décision de venir travailler ici n’était pas anodine non plus… peut être que ça lui permettrait de se rapprocher de lui. Mais avant tout, elle voulait reprendre du service, remonter en selle… Il fallait simplement qu’elle arrive à convaincre Andrea mais surtout qu’elle arrive à se convaincre elle-même. «  Je suis désolée de vous avoir prévenue tard, j’ai eu la réponse aujourd’hui. » Ce qui était vrai puisqu’elle s’était décidée sous la douche tout à l’heure.

« Pas même un tout petit créneau, n’importe où ? » Penché au-dessus du comptoir de la réception, Andrea soupire tout en attendant la réponse de sa secrétaire. Deb esquisse une moue sans détacher son regard de son écran. « La seule pause que tu as aujourd’hui, c’est pour déjeuner… » Un fin sourire naît sur les lèvres du psychiatre. Déjeuner représente largement le cadet de ses soucis, et l’urgence de trouver une collègue n’est que plus criante alors qu’il observe son agenda si contraint. Aucun créneau libre avant des semaines. C’est évidemment une bonne nouvelle de constater que le cabinet fonctionne si bien, et en même temps le succès a également un revers de médaille : Andy est surchargé. Par défaut, tout le suivi adulte entre automatiquement dans son planning y compris lorsqu’il ne s’agit pas de cas relevant de la psychiatrie ; Une situation ridicule à laquelle il faut absolument trouver une solution. Or, la solution est toute trouvée et explique justement le besoin urgent de se libérer aujourd’hui. « Je déjeunerai sur le pouce juste avant mon rendez-vous suivant » promet-il sans toutefois être certain de réussir à s’y tenir. Il essaiera : il sait à quel point Deb déteste le voir enchaîner les heures de travail sans prendre la moindre minute pour se nourrir.

« Bonjour, Emmy. » La main d’Andrea trouve celle de l’infirmière tandis qu’il lui adresse un sourire bienveillant, quelques heures plus tard. « Merci à vous de m’avoir écrit, j’ai désespérément besoin de ce contact. » Le fait est qu’il pourrait tout aussi bien passer une annonce et éplucher les candidatures, mais cela représente également une quantité de temps dont il ne dispose pas. Puis, au fond, il aime que son cercle d’associés demeure assez fermé : des professionnels qui en connaissent d’autres, se recommandent mutuellement… Un lien de confiance préétabli, plus simple pour la suite. C’est bien parce qu’il apprécie et estime Emmy qu’il lui a demandé une recommandation, sachant qu’elle serait nécessairement bonne. « Aucun problème, j’attendais votre message. » Nouveau sourire alors qu’il s’écarte, désignant la porte ouverte de son bureau pour poursuivre cet échange. Emmy observe les lieux avec intérêt, et Andrea l’observe elle. C’est la première fois qu’ils se rencontrent en dehors de l’hôpital, et cela est un peu étrange. Il remarque à quel point elle est élégante mais n’en déduit rien, n’ayant après tout aucune idée de ce à quoi s’apparente son style vestimentaire d’ordinaire, une fois la blouse blanche rangée au casier de l’hôpital.

« Bienvenue au cabinet Kershaw et associés » déclare-t-il tranquillement tout en refermant la porte de son bureau, un fin sourire aux lèvres.« Voici mon bureau, mais il y en a d’autres évidemment : nous avons une collègue en pédopsychiatrie, un ergothérapeute, une sophrologue… Et évidemment Deb au secrétariat ainsi qu’un collègue pour l’entretien. » Emmy en a-t-elle quelque chose à faire ? Peut-être pas, après tout. Ce n’est pas pour visiter le cabinet qu’elle est là. « Puis, bien sûr, un bureau vide pour un ou une psychologue que j’espère bien voir occupé dès que possible. » Nouveau sourire alors qu’il hésite pour désigner l’endroit idéal pour s’installer : face à face à son bureau, ou dans les fauteuils dans lesquels il reçoit ses patients ? Pour ne pas avoir la sensation de renouveler un rendez-vous de suivi, il se décide finalement pour le bureau et s’y installe sans se défaire de cet air presque réjoui qui change si radicalement sa mine. Depuis les deux dernières heures, la perspective de ce rendez-vous le soulage sincèrement. « Alors, je vous écoute. » La main vient déjà chercher un stylo tandis qu’une feuille vierge est disposée sur la surface plane du bureau : il ne perd pas de temps, le psychiatre. Il est prêt à noter tous les noms qu’Emmy lui donnera, et à les contacter aussi rapidement que possible.

Le stress montait, pourquoi avait-elle eu cette folle idée ? N’importe quoi. Elle pouvait encore reculer, rien n’était joué. Après tout, elle en connaissait des psychologues, elle n’aurait qu’à donner quelques noms au docteur Kershaw et le tour serait joué. Et pourtant, dans son for intérieur, elle le voulait ce poste. Elle voulait renouer avec ce pour quoi elle était douée. Mettre au monde des enfants, c’est beau mais ce n’était pas le métier de prédilection d’Emmy. Non ce qu’elle voulait, c’était aider les autres, les aider à se comprendre, à comprendre leur problème. Voilà pourquoi elle se retrouvait dans cette salle attenante au bureau du docteur Kershaw à se triturer les mains pour évacuer son stress. Son corps ne montrait aucun signe de stress ni de malaise, à l’intérieur par contre… une bombe à retardement. Em n’eut pas le temps de se décider à faire demi-tour que la porte s’ouvrait sur Andrea. Elle se jetait dans la gueule du loup. Sa main dans la sienne, elle apprécia la chaleur de cette dernière et se sentit tout de suite plus à l’aise. Emmy avait déjà remarqué qu’il était doué pour mettre les patients à l’aise et elle ne fut pas étonnée de voir que ça fonctionnait aussi avec elle. Un sourire se dessina sur ses lèvres. « J’espère que ça fonctionnera. » Dit-elle ne sachant toujours pas si elle se présentait elle ou bien sa consoeur qui cherchait également un poste dans une plus petite ville. Son cœur balançait, son sort serait bientôt scellé !
Une fois dans son bureau, Em regarda autour d’elle, simple, sobre, élégant. Ca lui ressemblait beaucoup. La brune prit place dans un fauteuil en face de lui et croisa une jambe sur l’autre. Ses battements de cœur s’accéléraient, elle se sentait comme une enfant avant de passer sur scène pour réciter une leçon ou bien une poésie. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas passé d’entretien aussi. Le regard d’Emmy croisa celui d’Andrea et elle l’écouta établir les différents bureaux présents dans le cabinet. Ca faisait pas mal de monde tout ça ! Impressionnant. Pour une petite ville du moins. Elle tiqua sur la dernière personne : quelqu’un pour l’entretien… Ce pourrait-il que ce soit Edward ? Sûrement. Enfin ce n’était pas le moment d’y penser. Son avenir était en train de se jouer ! La brune n’osait pas ouvrir la bouche, elle voyait bien qu’Andrea était pressé d’en venir au fait, de savoir qui Emmy allait lui proposer comme collègue. Sa gorge se serra un peu, ses mains devinrent moites et elle sentit son sourire se crisper quand il posa enfin son regard sur elle, attendant enfin un nom. « Et bien, ce que je peux vous dire déjà, c’est que votre cabinet donne vraiment envie qu’on y travaille. Propre, serein, calme. Ca lui plaira énormément. » Commença-t-elle en souriant avant de poursuivre. « Elle a fait ses études à New York. Oui parce que c’est une femme, je ne pense pas que cela vous pose de souci. » Elle disait cela pour la forme car elle ne voyait pas le docteur Kershaw sélectionner quelqu’un pour son genre. « Elle a étudié quelques années là-bas dans un cabinet privé, elle a aussi été faire des stages dans des cliniques spécialisées. » Elle souriait toujours, se sentant de plus en plus à l’aise avec cette discussion. Emmy sentit son corps se relâcher et elle décroisa les jambes, posa les mains sur ses cuisses pour poursuivre. « Elle a arrêté quelques années suite à un incident lié au travail. » Son regard s’assombrit quelque peu en disant cette phrase et sa voix se cassa. Se ressaisissant, Emmy redressa les épaules et sortit une ancienne carte du cabinet où elle bossait, dessus y figurait simplement son nom. Elle la fit glisser devant les yeux d’Andrea. « Emmy Fitzgerald, psychologue. Enfin, anciennement…» Elle venait de choisir de se présenter elle. Les dés étaient jetés, impossible de reculer à présent.

Soulagé, Andrea l’est réellement tandis qu’il accueille Emmy. Avec le succès grandissant du cabinet, il était devenu indispensable de recruter davantage de professionnels de santé, le psychiatre commençant à crouler sous les rendez-vous et à ne plus savoir où donner de la tête. Bien qu’il soit plutôt solitaire, Andy est en outre un médecin qui aime paradoxalement travailler en équipe. Il a besoin de collaborateurs et de collaboratrices pour confirmer ou infirmer ses impressions, prendre le relais lorsque lui-même arrive au bout de ses capacités, proposer d’autres méthodes que lui ne maîtrise pas nécessairement. Il n’a sincèrement aucun problème d’ego à reconnaître les limites de ses compétences, aucun complexe du super-héros qui le pousserait à s’acharner ou se surmener tout en nuisant inévitablement aux patient.e.s. Au contraire. C’est leur bien qui passe avant tout, et dans cette mesure le secours d’un ou d’une psychologue lui est devenu absolument indispensable. « J’en suis ravi. J’ai hâte d’en savoir plus sur cette personne également. » Le cabinet Kershaw offre en effet des conditions de travail plutôt agréables et Andrea se réjouit d’entendre Emmy lui confirmer que ces conditions correspondent aux attentes de la collègue qu’elle s’apprête à lui recommander. Quant à savoir si cette mystérieuse collègue correspondrait également aux attentes du cabinet ? Attentif comme toujours, Andrea écoute la description tout en hochant un peu de la tête. Son sourire s’élargit un peu davantage. « Aucun problème, évidemment. Beaucoup de collègues féminines travaillent déjà ici. » Puis la question, tout à coup : pourquoi Emmy penserait-elle qu’Andrea verrait un problème à s’associer à une femme ? S’est-il déjà comporté de manière déplacée à l’hôpital ? A-t-il déjà eu des remarques pouvant être qualifiées de sexistes ? Il ne lui semble pas, pourtant, dégager cette mentalité. Ou se pourrait-il qu’Emmy ait deviné qu’au fond, Andrea préfère effectivement les hommes non pas dans le milieu professionnel mais disons pour des affaires plus… Personnelles ?

Le doute provoque un bond dans sa poitrine et doucement, le sourire s’efface tandis qu’il tente malgré tout de se concentrer sur les mots de son interlocutrice. Serait-elle perspicace au point d’avoir réussi à lire cet élément pourtant si bien caché et enfoui au fond du psychiatre ? Une profonde inspiration, Andrea s’efforce de contenir la soudre inquiétude qui grandit en lui. « Je vois… » Léger froncement de sourcils alors qu’Emmy semble tout à coup être elle aussi renvoyée à d’autres images et d’autres lieux que celui où ils se trouvent actuellement. « Vous la connaissez bien, j’ai l’impression » qu’il note pour la forme et pour combler un silence qu’il craint de voir s’installer. A quelle réalité exactement renvoie la mention de cet accident du travail ? Cela pourrait être tellement de choses… Mais c’en est visiblement une qui, d’une façon ou d’une autre, a perturbé Emmy. Elle se reprend néanmoins, poursuit puis sort finalement une carte de visite qu’Andrea saisit sans une nouvelle fois réellement comprendre ce dont il s’agit. « Oh. » La surprise efface un instant tous les autres sentiments qui se mélangeaient jusqu’alors. Tout comme il n’aurait jamais pensé que quiconque puisse soupçonner son homosexualité sans le connaître très personnellement, il n’aurait jamais pensé qu’Emmy souhaiterait intégrer elle-même ce cabinet. La jeune femme a décidément le don de le prendre de court, pour le meilleur comme pour le pire semble-t-il. « Je… Pardon, je suis surpris. Je n’avais pas compris que vous aimeriez… » Il s’interrompt dans sa phrase, à la fois désolé de ne pas avoir songé à lui proposer directement le poste et retenu de le faire pleinement à présent. « J’ai beaucoup d’estime pour vous Emmy mais pensez-vous… Que ce soit une bonne idée ? Cet accident du travail que vous avez mentionné… » Il relève les yeux vers elle, l’observe un instant de ce regard si typique des psychologues et psychiatres. Elle le sait, bien sûr, qu’il lit entre ses mots : c’est leur métier à tout les deux après tout. « Et vous ne m’avez pas dit que le poste vous intéressait lorsque nous en avons discuté à l’hôpital » note-t-il encore, plus pour lui que pour elle tandis que les pièces du puzzle se mettent doucement en place dans son esprit. « Avez-vous réellement envie de reprendre du service après ce qu’il vous est arrivé ? » Evènement dont il ignore tout mais qu’il devine traumatique, ayant tout à la fois poussé Emmy à quitter son emploi puis l’ayant retenue d’ouvertement postuler lorsqu’une opportunité s’était de nouveau présentée. Ce n’est pas qu’Andrea ait envie de transformer ce rendez-vous en séance de psychanalyse, mais il s’interroge effectivement, pour son bien à elle avant tout.

Elle ne savait pas encore ce qu’elle ferait, s’annoncer elle-même pour le poste ou bien présenter sa collègue. Emmy avait encore un peu de temps devant pour se décider. Alors elle le suivit et regarda autour d’elle sentant comme une petite excitation monter en elle. Ca faisait si longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cette chose, ce frisson concernant le travail, l’envie. Voilà, c’était le mot. L’envie était là, celle de reprendre, de s’occuper des autres, de les aider. Andrea venait peut être de l’aider à renouer complètement avec son premier métier, sa passion, son métier de prédilection. Encore fallait-il le convaincre à présent. Car oui, Em venait de se décider, elle se proposerait elle pour le poste ! « Oh, super. » Dit-elle en souriant quand elle apprit qu’il y avait des collègues féminines dans ce cabinet. Quand elle exerçait à NY, la majorité de ses collègues étaient masculins. Voilà pourquoi elle avait posé cette question. Elle espérait ne pas l’avoir gêné d’ailleurs car elle crut déceler une certaine gêne quant à sa question. Enfin, ce n’était pas grave ! Le plus important, c’était qu’Andrea était prêt à recruter une femme et cette femme pouvait être elle !
Alors Emmy se mit à parler, à raconter, à s’exprimer. Ca faisait beaucoup en peu de temps mais si elle voulait remonter en selle, il fallait qu’elle parle, qu’elle dise la vérité, sans ça, elle ne pourrait pas travailler à nouveau dans un cabinet. Puis elle devait la vérité à Andrea avant une potentielle embauche. Elle sourit quand il lui dit qu’elle la connaît bien. « Vous ne croyez pas si bien dire. » Dit-elle en riant légèrement avant d’être replongée dans ses souvenirs, prête à affronter ses vieux démons encore une fois. La carte posée devant Andrea, elle attendit et grimaça quand elle l’entendit dire qu’il ne s’attendait pas à elle. Bien sûr, elle le savait, elle faisait fragile, peu sûre d’elle et pourtant. Emmy avait envie, elle était prête ou presque. Il ne manquait pas grand-chose, un peu d’aide ou d’encouragement, un dernier suivi… Puis la brune savait qu’il avait deviné, après tout, elle était dans un cabinet thérapeutique et il était psychiatre, elle le connaissait bien ce regard. Celui qu’elle pouvait lancer à Simon et qui lui faisait remarquer tout de suite, le regard qu’elle lançait à sa mère pour décoder ce qu’elle voulait vraiment dire, le regard qu’elle lançait aux patients de l’hôpital. Bref, elle n’était pas dupe, il n’était pas dupe. « A l’hôpital, je ne savais pas encore si je voulais reprendre. Quand vous en avez parlé, ça m’a effleuré l’esprit puis ça a fait son chemin. Et me voilà. » Elle sourit, légèrement avant de reprendre son sérieux. Le docteur Kershaw ne semblait pas la voir prête à reprendre cette activité et pourtant, l’envie ne lui manquait pas à la brune. « Mon métier me manque terriblement. Je veux reprendre. De là à dire que je suis prête, je ne le saurais jamais, pas tant que je n’aurais pas essayé. » Elle ne voulait pas lui assurer qu’elle était guérie, elle ne l’était pas de toute façon. Mais elle voulait lui montrer sa volonté. « Je suis suivie par un psychologue à NY. Je l’appelle régulièrement. Il pourrait vous faire une note si vous souhaitez. Vous pouvez même me faire passer un test si vous voulez. » Elle était prête à essayer. Si ça ne s’avérait pas concluant, elle n’irait pas plus loin, elle accepterait la fin de sa courte carrière en tant que psy. « Je veux reprendre. Je veux vous montrer que je peux, que je suis douée. » L’envie parlait pour elle maintenant, Emmy était sûre de vouloir reprendre. Sa détermination était présente comme au début. La brune savait que ça serait difficile que parfois, ça serait dur, qu’elle devrait faire attention. Mais ce n’était pas à elle de décider, c’était à Andrea. « Ce qui m’est arrivé est ma faute, je n’ai pas su voir ce qui se passait. Je me suis laissée engloutir par le travail, ce cas. J’aurais dû le référer au service adéquat mais j’étais persuadée de pouvoir l’aider. Et je ne ferais plus cette erreur. » La brune plongea son regard dans celui du docteur et attendit, elle était sincère, il pouvait le voir. Emmy avait enlevé les barrières, fait en sorte qu’il puisse lire entre les lignes, qu’il puisse lire dans son regard. La jeune femme venait de se mettre à nue devant lui d’une certaine façon.

Ainsi, Emmy souhaiterait intégrer le cabinet. Il s’agit d’une drôle de révélation qui prend Andrea un peu de court, il ne pourrait le nier. Les explications de la jeune femme le laissent songeur bien qu’il réponde à son sourire, lointain mais doux. Leur conversation à l’hôpital remonte effectivement à quelques semaines, désormais. Il ne semble donc pas impossible qu’Emmy ait simplement saisi la balle au vol même si la démarche laisse toujours le psychiatre dans un léger inconfort. Il ne connait pas si bien que cela Emmy, or il lui a bien semblé comprendre entre les lignes qu’elle avait quitté son poste de psychologue dans des conditions particulières. Cette offre est-elle réellement la meilleure pour remettre le pied à l’étrier ? Ce n’est pas qu’il ne la croit pas lorsqu’elle affirme être prête, c’est juste qu’il redoute de la placer involontairement dans une situation compliquée. Sans beaucoup l’avoir fréquentée, Andrea apprécie Emmy : la dernière chose qu’il souhaite serait qu’elle s’abîme davantage que ce qu’elle laisse déjà entendre en creux de chacun de ses mots. « Un test ? Non, c’est… » Il fronce un peu les sourcils, secoue la tête. La jeune femme lui prête décidément des intentions qu’il n’a pas, ce ne sont pas ses méthodes de recrutement. Elle ne lui laisse cependant guère le temps d’expliquer, poursuit son argumentaire, décidée et pleine d’assurance. Andy l’observe sans tenter d’interférer, son regard plein de bienveillance commençant à peser le pour et le contre. Ce n’était pas tout à fait ce qu’il avait en tête, certes, mais il est vrai qu’il fait confiance à Emmy. Qu’il a déjà travaillé avec elle, déjà constaté qu’elle avait de réelles compétences. Alors pourquoi pas, au fond ?

« Je comprends. » Le psychiatre acquiesce avec douceur, détache un instant son regard de son interlocutrice pour le laisser se perdre dans le vague. Il a besoin d’y réfléchir. Malgré toute la détermination d’Emmy, l’évocation de cet incident passé continue de lui tourner dans la tête comme une petite ritournelle. Lorsqu’il plonge de nouveau son regard dans celui de la jeune femme, une ébauche d’idée semble avoir pris forme dans son esprit. « Vous savez, ce poste n’est pas aussi solitaire que l’on pourrait le penser. Au contraire, j’ai réellement besoin d’un ou d’une associé.e avec qui pouvoir régulièrement échanger à cœur ouvert sur les dossiers. Alors… » Il inspire profondément, marquant une très courte pause seulement le temps de trancher définitivement sa décision. Le pour et le contre. En l’occurrence, il voit bien davantage d’aspects positifs à s’entourer d’Emmy que l’inverse. Ne demeure que cette petite zone d’ombre qu’il ne veut pas prendre le risque de voir s’étendre. « Je serais ravi de vous voir intégrer notre équipe. D’une part parce que je sais que vous êtes douée et que j’ai confiance en vous. D’autre part parce que je sais que quoi qu’il arrive, nous serons amenés à travailler étroitement ensemble et que cela me permettra de vous accompagner dans votre reprise. » La déclaration est pleine de bienveillance, de douceur. Il n’a pas besoin de note ou de test, Andrea : Emmy a été honnête avec lui et tout ce qu’il peut faire désormais, c’est lui proposer d’être la main tendue qui l’aidera à remonter en selle. « Ainsi, si jamais quelque chose ne va pas… Je serai directement là et nous aviserons ensemble. Qu’en pensez-vous ? » De fait, la notion d’équipe est réellement très importante au sein du cabinet. Andrea se propose d’épauler Emmy tout comme il épaule ses autres associés chaque jour, peu importe les situations.