Pourquoi s’infliger de participer à de telles interactions sociales lorsque l’on est si timide ? Ángel se pose un instant la question alors que son regard se perd dans le fond de son verre, ses lèvres ne se défaisant pas une seconde de son éternel sourire embarrassé. Au fond, il connaît la réponse à cette question : bien qu’extrêmement timide, il aimerait sincèrement se faire des amis dans cette nouvelle ville et hors du Point, alors… Il essaie. Il sort, participe à certains évènements. Sur le papier, les cafés linguistiques semblaient être l’occasion parfaite de rencontrer du monde sans se mettre trop en danger. Après tout, il parle couramment l’espagnol grâce à ses grands-parents mexicains chez lesquels il a passé tant de temps. Ce serait donc être simple de se fondre dans les conversations, n’est-ce pas ? Sur le papier, oui. En pratique… Angie continue à venir, de semaines en semaines, mais ouvre rarement la bouche – à moins qu’on ne s’adresse directement à lui. Il se contente d’être là, de sourire timidement, de rire parfois à certaines plaisanteries qui fusent autour de la table. Puis de se taire de nouveau. Il est bien utile de prendre la peine de participer à un café linguistique si c’est pour ne pas y prononcer un seul mot, n’est-ce pas ? Le brun se désespère parfois lui-même. Il aimerait sincèrement être capable, comme le reste du groupe, de simplement lancer un sujet de conversation ou de s’y greffer spontanément sans même devoir y réfléchir. La barrière n’est pas linguistique pour lui : c’est juste qu’il passe tellement de temps à chercher quelque chose d’intelligent à dire qu’il finit par rater les occasions de parler, le sujet de la conversation change et il faut à nouveau trouver quelque chose d’intéressant à commenter pour se fondre dans la masse, mais le temps qu’il trouve, le sujet change encore – cercle vicieux des gens qui essaient désespérément de s’intégrer sans avoir la moindre once de confiance en eux, et ratent donc systématiquement leur chance.

Ce soir-là, comme souvent, la table réservée aux personnes souhaitant pratiquer leur espagnol est aussi grande qu’animée. Certains visages sont désormais connus, d’autres nouveaux. Il y a plusieurs locuteurs natifs, de différents pays hispanophones, qui devraient théoriquement être les premiers à relancer les conversations. Ange le sait, il n’est pas très utile dans cette petite équipe même s’il ne perd pas espoir de réussir, ce soir ou le suivant, à réellement participer. « Vu qu’on est vraiment nombreux et nombreuses ce soir, on va vous proposer de casser la table en petits groupes si ça vous dit ? Combien vous êtes ? » Dane, l’homme en charge de l’organisation de ses cafés linguistiques, compte rapidement les membres réunis autour de la table. « Un nombre pair, nickel ! Et si on formait des binômes, pour changer un peu ? » Il esquisse un large sourire avant de s’éloigner, laissant Ángel complètement pétrifié. Mauvais souvenirs d’école, alors qu’il fallait se trouver un partenaire pour les travaux de groupe. Angie, évidemment, était toujours le dernier choisi. Ses doigts se crispent un peu autour de son verre tandis qu’il observe autour de lui, ne sachant à qui proposer d’être son binôme. Tout le monde a l’air très gentil, là n’est pas le problème : Ange appréhende simplement de devoir demander, éventuellement de se faire rejeter. Il soupire. Peut-être est-ce le moment de partir discrètement ? Pas qu’il en ait réellement envie, mais il se sent si désespérément nul qu’il ne comprend tout à coup même plus pourquoi il a tenté de participer à ces cafés. C’est alors qu’il n’est plus qu’à deux doigts d’abandonner que son regard en accroche un autre, pour ne plus s’en défaire.

Teleny semble seul, lui aussi, du moins pour l’instant. Ange devrait-il lui proposer d’être son partenaire linguistique ? Il esquisse un sourire timide, sentant ses joues rougir tout à coup. Ce n’est pas la première fois qu’il croise le blond, à ces cafés ou ailleurs : sans jamais lui avoir parlé directement, il connaît son prénom et suit son compte instagram. Est-ce creepy ? Ángel se pose la question, tente néanmoins de se raisonner : dans une si petite ville, tout le monde finit plus ou moins par se connaître et c’est surtout pour ses dessins que ses réseaux l’avaient accroché… Teleny a l'air d'être quelqu'un de gentil, de doux - du moins est-ce ce qu'il dégage. Ange soupire encore avant de se lever, attrapant au passage son manteau et sa bière. Partir ou proposer au blond qu’ils passent le reste de la soirée ensemble ? Partir ou faire le premier pas ? Partir ou prendre sur lui pour dépasser sa timidité et enfin réussir à se faire quelques amis ? Ange hésite, finit néanmoins par faire un choix. « Salut » lance-t-il doucement tout en s’approchant du blond, si intimidé qu’il ne parvient pas à plonger une seconde fois son regard dans le sien. « Est-ce que tu as déjà trouvé ton ou ta partenaire ? » Les souvenirs d’école reviennent encore, serrant la gorge du brun. Toutes ces fois où ses camarades préféraient travailler seul plutôt qu’avec lui, toutes ces récréations passées assis dans un coin. C’est à cette époque qu’il avait appris que mexicain pouvait être une insulte, et ce même s’il était né sur le sol des États-Unis comme tous les élèves qui le rejetaient. Il n’y a définitivement rien de confortable dans le fait de participer à ces cafés pour Ange, mais peut-être est-ce aussi une façon d’exorciser ces vieux souvenirs qui auront marqué le jeune homme à vie.

Teleny avait toujours été quelqu’un de sociable. Très sociable. Voire trop. Et sa vie tout entière le reflétait bien. Il était tout le temps occupé, toujours entre deux projets, toujours entre deux rencontres et toujours entouré de monde. Il n’y avait que lorsqu’il patinait qu’il était seul en général, maintenant qu’il ne le faisait plus que par plaisir. C’était un instant privilégié, un sanctuaire, un moment où il aimait être seul avec lui-même pour voler. Mais c’était une des rares activités où il restait seul. C’est pour cette raison que malgré son emploi du temps chargé, entre son travail au jardin d’enfant, le bénévolat à la SPA, la danse et ses divers projets pour son prochain livre,Teleny trouvait quand même le temps de participer aux diverses activités que proposait la ville, qu’il s’agisse d’ateliers créatifs ou de cafés linguistique. Ca lui permettait de faire des rencontres ou de retrouver des connaissances tout en faisant ce qu’il aimait. Le meilleur des deux mondes pour lui !

Ce soir justement, le jeune homme participait à une de ses rencontres, entouré de personne qui, comme lui, souhaitait s’exprimer en espagnol le temps d’une soirée. Teleny était capable de comprendre et de tenir une conversation dans cette langue mais il savait que sa maîtrise était loin d’être parfaite. Il avait appris cette langue en regardant les telenovelas qui passaient sur le câble, un de ses petits plaisirs quand sa vie était réglée comme du papier à musique pour mener sa vie d’athlète, avec le stress et la pression qui allait avec. Sa façon de parler espagnol était donc assez dramatique, ponctuée de gestes grandiloquents qui amusaient souvent ses interlocuteurs. Teleny était donc ici pour se perfectionner et aussi parce qu’il aimait la langue et les différentes cultures qui y étaient liées.

Il était arrivé à Burlington au volant de Starbust, pas à l’heure mais pas non plus en retard et il avait été heureux de voir à quel point cette soirée semblait populaire. Le café était plein, les divers clients discutant ensemble et formaient un brouhaha agréable, le genre d’atmosphère qu’adorait le jeune professeur. Après quelques instants, le temps pour Teleny de se procurer une margarita, histoire de rester dans le thème, et la soirée démarra avec Dane qui leur annonça qu’ils passeraient la soirée en binôme. Un choix auquel il n’avait rien à redire, il fallait juste qu’il se trouve une compagne ou un compagnon pour le reste de la soirée. Il cherchait du regard quelqu’un de libre et de volontaire lorsqu’il croisa un regard sombre bardés de longs cils qui ne lui était pas inconnu.


Ángel, un homme qu’il avait déjà croisé plusieurs fois durant ce genre d’évènement, quelqu’un qui semblait partager pas mal de ses intérêts et à qui il avait plusieurs voulu faire la conversation sans en trouver l’occasion. Teleny était du genre à papillonner pendant ce genre de rencontre et il s’était toujours laissé distraire lors de ses tentatives d’approche de l’autre homme. Il semblait que cela allait changer ce soir, Ángel se dirigeant vers lui, l’air incertain. Teleny lui offrit un grand sourire chaleureux lorsqu’il parvint à sa hauteur et le salua, incapable de le regarder dans les yeux. Teleny ne lui en tint pas rigueur et se contenta de désigner la chaise à ses côtés d’un signe de la main.

-Il semblerait que je vienne de le trouver !

Il parlait évidemment de Ángel. Il était vraiment content de pouvoir enfin faire vraiment sa connaissance, sans parler du fait que l’autre homme était hispanique, donc parfait pour pouvoir s’exercer à l’espagnol. Teleny devait vraiment avoir une étoile qui brillait au-dessus de lui ce soir pour avoir autant de chance.

-Je suis tellement content que tu sois mon partenaire pour ce soir !  Ca fait un moment que je voulais faire connaissance avec toi mais à chaque fois j’étais distrait. Je te suis sur Instagram mais c’est loin d’être pareil !

Avec son enthousiasme habituel, il se montra d’une franchise désarmante, comme d’habitude. Teleny ne voyait jamais l’utilité de cacher ce qu’il pensait. C’était bien plus simple quand on s’exprimait clairement. Ángel semblait nerveux et Teleny voulait aussi bien se montrer poli que le saluer, avec sa délicatesse de bulldozer.

-Est-ce que tu veux boire ou manger quelque chose avant qu’on commence ? C’est moi qui offre !

Lui-même n’aurait pas dit non à une autre margarita, à la fraise peut-être, avant le début des choses sérieuses. Il avait vraiment hâte. Et puis, Ángel était vraiment agréable à regarder ce qui ne gâchait rien.

Drôle de sensation que celle de se retrouver de nouveau à devoir aller convaincre un partenaire de bien vouloir souffrir sa présence, il a certes grandi mais peu de choses ont finalement changé depuis les douze ans d’Ange. Toujours incertain, toujours embarrassé de lui-même, le new-yorkais passerait sans doute ses journées enfermé chez lui si tout le paradoxe ne résidait pas justement dans le fait que sa timidité ne l’empêche pas de chercher désespérément la compagnie des autres. Il serait plus simple de vivre en ermite, son grand cœur espérant toujours réussir à se faire aimer en retour ne peut cependant s’y résoudre. Alors, même si ses yeux ne parviennent pas à retrouver ceux de Teleny, Angie force ses pieds à l’emmener jusqu’à l’homme pour au moins tenter d’amorcer une rencontre, un contact, n’importe quoi qui puisse atténuer l’espace de quelques instants sa solitude. Même entouré d’un large groupe, l’esprit tourne en rond sur lui-même. Ange aurait tant besoin qu’on le sorte de cette danse monotone. « Oh… » Il s’apprête déjà à faire marche arrière, hésitant à se confondre en excuses pour l’intrusion déplacée alors que Teleny lui affirme avoir justement trouvé son partenaire. Or, il n’y a personne à part lui : cela finira peut-être par faire tilt ? De fait, l’enthousiasme du blond parvient tout à coup à rompre la danse et enfin Ange se risque à le regarder de nouveau, peinant tout à la fois à croire qu’il ait pu être remarqué ou attendu.

« C’est vrai ? C’est… Moi aussi, je te suis sur les réseaux. Je n’osais pas t’aborder dans la vraie vie » confesse-t-il tout en se sentant rougir de plus belle, confus de son propre aveu mais trop honnête pour tenter de dissimuler la vérité. « Je suis content de faire ta connaissance » et peut-être même d’oser enfin relever le regard pour constater à quel point celui de son interlocuteur est bienveillant, chaleureux même, au point d’en devenir réconfortant pour une âme aussi sensible que celle d’Angie. Et puisque ce réconfort représente absolument tout ce dont il a le plus besoin, le brun compte bien s’y plonger tout entier alors qu’un sourire affleure enfin aux lèvres. « D’accord, la même chose que toi. » Invitation bien facilement acceptée en apparence, qui nécessite en réalité un énorme effort pour dépasser la timidité. Les mots lui viennent difficilement lorsqu’il est en présence d’inconnus, mais fort heureusement certaines choses ont tout de même changé depuis ses douze ans : plutôt que de se murer dans un silence embarrassant pour tout le monde, Ange est désormais capable de se faire violence pour agir comme une personne capable d’interactions, normale. D’un trait, il termine le fond de sa bière pour se donner du courage tout en suivant le blond jusqu’au bar. « Ça fait longtemps que tu participes à ces soirées ? » Question idiote et d’une banalité atroce, mais Ange ne sait par quelle approche amorcer la conversation. Il écoute mieux qu’il ne parle, attentif à chaque détail mais incapable de retenir les façons les plus adéquates de sociabiliser sans passer pour le dernier des idiots. « Tu parles déjà bien l’espagnol. » Une observation formulée dans un nouveau sourire, Ange ne prétendra pas n’avoir jamais fait attention à la manière dont Teleny s’exprime, aussi théâtrale qu’amusante, alors que le blond fait très certainement partie des hôtes qui se remarquent le plus facilement dans ces soirées.

Savoir qu’Ángel le suivait lui aussi sur Instagram lui avait fait vraiment plaisir. Teleny ne faisait pas toujours attention aux nouveaux abonnés qu’il recevait et c’était une merveilleuse nouvelle d’apprendre que quelqu’un qui l’admirait le faisait aussi. Son sourire ne fit que s’agrandir. Cette soirée commençait vraiment sous les meilleures auspices. Il quitta sous siège pour se rendre au bar, attendant patiemment son tour avant de pouvoir attirer l’attention de la barmaid, déjà visiblement surbooké par le monde présent ce soir-là, Ángel à ses côtés.

Alors qu’il patientait, ses pensées allaient vers son partenaire de ce soir. Teleny n’en avait pas l’air comme ça mais il s’inquiétait un peu. Non ce n’était pas vraiment ça, ce n’était pas de l’inquiétude mais plutôt de l’appréhension. Il était vraiment content que Ángel ait fait le premier pas ce soir et il espérait ne pas trop l’effrayer. L’instituteur avait parfaitement conscience de sa nature de bulldozer parfois -souvent- trop intense. C’était quelque chose qu’il n”avait jamais vraiment réussi à contrôler, une partie intégrante de lui-même et il savait que tout le monde n’appréciait pas ce genre de personnalité. Et Ángel, de ce qu’il avait pu observer, était quelqu’un de posé et de calme, l’antithèse de lui-même quelque part .

Son tour vint enfin et il commanda donc deux margarita à la fraise et un bol de nachos aussi, au cas où l’un ou l’autre aurait une petite faim. Le temps qu’il fallut à la barmaid pour réunir leur commande et Teleny avait déjà rangé ses interrogations dans un coin de sa tête. Il était là pour faire connaissance avec l’autre homme -et exercer son espagnol- alors il resterait fidèle à lui-même. Et si c’était trop pour ce dernier, et bien au moins il saurait à quoi s’en tenir.

-Oh ça doit bien faire deux ans, quelque chose comme ça ? Je n’ai pas commencé direct en revenant à Redwood Hills mais ça me manquait ne parler autre chose que l’anglais. Et toi ? Je t’ai souvent vu de loin mais pas toujours.

Ils saisirent leurs verres, Teleny attrapant aussi la corbeille de nachos, et retournèrent à leur table qui n’avait pas été volée entre temps. Une fois assis, Teleny bu une gorgée de sa boisson, lâchant un murmure d’appréciation en sentant le parfait équilibre du cocktail. Lorsque Ángel le complimenta sur son espagnol, Teleny s’illumina aussitôt, aussi resplendissant qu’une guirlande de Noël.

-¿De verdad? ¡Muchas gracias! Aprendí viendo telenovelas  en la televisión -por cable.

Il adorait les telenovelas depuis qu’il avait découvert Betty, la Fea et Ruby dans un hôtel alors qu’il était en pleine compétition et qu’il n’arrivait pas à dormir à cause du stress. Il n’avait que 17 ans à l’époque et les émissions étaient toutes en espagnol alors il avait fini par apprendre la langue de la manière la plus dramatique qui soit. Il parlait toujours avec de grands gestes, en parlant un peu trop fort et mélangeait parfois les expressions mexicaines, argentines, colombiennes et autres.

-¿Y tú? ¿Te gustan las telenovelas? ¿O prefieres otra cosa?

Autant entrer directement dans le vif du sujet. Il voulait apprendre à le connaître, autant le faire le plus tôt possible.

Ángel n’est pas le plus doué pour se faire des amis. Doux et sincèrement intéressé par le monde qui l’entoure, on pourrait certes croire que sa compagnie serait généralement agréable si seulement sa timidité maladive ne prenait pas aussi régulièrement le dessus, au point de le paralyser presque totalement. A chaque mot prononcé, des dizaines de questions silencieuses en arrière-plan. La peur d’être trop intrusif, trop curieux, trop bizarre. D’être toujours un peu en trop, aussi. S’il a fait d’énormes progrès depuis son enfance pour sortir de sa coquille, comme disait son père, il n’en demeure pas moins un homme réservé, qui préfère généralement laisser les autres faire le premier pas. Avec Teleny, il a néanmoins été obligé de sortir de sa zone de confort. La manière dont il tente laborieusement d’entretenir la conversation avec le blond est-elle seulement extrêmement maladroite, ou extrêmement maladroite et en plus parfaitement inintéressante ? Tâchant de prendre sur lui pour dépasser sa nervosité, il esquisse un sourire timide. « Ça ne fait que quelques semaines… Je ne suis pas de la région. » Il devine l’inverse pour son interlocuteur qui a précisé être « revenu » à Redwood Hills, information qu’il note précieusement. Attentif, Ange. Toujours tellement à l’écoute des autres et si peu souvent à l’écoute de lui-même. « Mais c’est chouette, l’ambiance. Et… Parler autre chose que l’anglais. » Même si, en la matière, Angie n’est pas le locuteur natif le plus loquace qu’il soit. Existe-t-il quelque chose de plus profondément intime qu’une langue maternelle ? Or, sa mère, Ange l’a perdu très jeune.

Loin de ces considérations, il se saisit de son verre en imitation de son compagnon pour la soirée. « Gracias » souffle-t-il tout bas, comme s’il avait encore un peu honte de parler espagnol alors qu’il est là exactement pour cette raison. Docilement, il suit Teleny jusqu’à une table et réprime un léger soupir, appréhendant le reste de la soirée. Les têtes à têtes, définitivement pas sa spécialité. Au moins, dans un groupe, il a la possibilité de se fondre dans le décor et de laisser les conversations se dérouler sans devoir y prendre trop activement part. Dans cette configuration, tout repose sur ses épaules. Ne sachant d’ailleurs pas vraiment sur quoi débuter la conversation, Ange se décide pour un compliment : façon délicate de montrer à Teleny qu’il l’a déjà remarqué lors de ces soirées, qu’il apprécie sa manière de s’exprimer. La réponse du blond ne manque cependant pas de le surprendre, lui arrachant même un rire au passage. « ¿Ah sí, gracias a las telenovelas? ¡Es demasiado divertido, qué historia ! » Sans que son sourire ne s’efface en imaginant Teleny happé par ces émissions de télévision, Ange prend une gorgée de sa margarita puis secoue doucement la tête. « Creo que las únicas veces que he visto alguna fue en casa de mi abuela. Pero puedo entender el atractivo. » Et finalement, ça lui vient plus facilement qu’il ne l’aurait imaginé, la discussion en espagnol. Tant qu’il n’y réfléchit pas trop, Ange n’a pas le loisir de se sentir fondre sous la pression. « ¿Alguna vez has estado en un país donde se habla español? » demande-t-il finalement en relevant les yeux vers Teleny, la timidité de son sourire toujours présente mais s'efforçant malgré tout de ne pas laisser mourir cette conversation qui serait agréable, si seulement Ange ne craignait pas si fort d'être un interlocuteur aussi peu distrayant.