find the solitary tree
DARCY ⅋ ESTHER

tw: suicide

« Dans un lieu où le silence s'étend sans fin,
Parmi les stèles, là où chacun trouve son destin,
Cherche l'arbre solitaire, gardien d'un précieux butin. »

Pas trop difficile, celle-ci. Esther le reconnaît.
De tous les recoins de Redwood Hills, c’était de loin celui qu’elle fréquentait le moins. Pas étonnant, les cimetières n’étant en effet pas les endroits les plus chaleureux ou propice à la fête. Du moins, pour elle. Pas de jugement envers celles et ceux qui éprouvent un intérêt quelconque à y traîner.
Pas étonnant pour la plupart des gens sans doute. Seulement, c’était dans ce cimetière que reposait Dan Ramsey depuis 2019 ; année où il prit la décision d’en rester là. Exit, son rôle de mari. Exit, son rôle de père. Exit, toute perspective d’avenir. Exit, son existence même. Personne n’avait rien vu venir, selon tout le monde. Tout le monde sauf Esther. Pas si surprise d’avoir reçu cette lettre ultime. Pas si surprise d’avoir dû appeler les pompiers ce soir là.
Ça avait certainement impacté la façon de vivre son deuil. Un peu comme quand on cohabite avec une personne très malade. Même si on se voile la face jusqu’au bout, on sait que ça va arriver. Que c’est inévitable. Alors elle avait vécu sans le savoir – et tant mieux – avec cette petite épée de Damoclès au dessus de sa tête. En y repensant, les signes étaient là. Subtils, mais bien là. Pour ça, peut-être, qu’elle l’avait aussi bien vécu. Elle avait surpris tout le monde, Esther. On la qualifiait de solide. Résiliente. Quand on l’attendait plus bas que terre, elle était déjà debout en train de courir à l’autre bout de la terre. C’est qu’il y a mille façons de vivre un deuil. Mille façons de contourner les problèmes aussi… Et Esther courrait vite.

Trois ans qu’elle ne s’était pas retrouvée face à cette stèle.
Dan Ramsey, fils, mari, père.
Il avait été tellement plus que ça.
Devant la tombe de son paternel, Esther sort son téléphone. Retombe sur l’énigme du Corbeau. Elle n’est pas venue pour se recueillir ce soir mais bien pour mener l’enquête. Munie de sa lampe frontale et chaussée de ses bottes de randonnée, elle recule pour mieux regarder les alentours. Il fait déjà trop sombre pour que sa frontale ne suffise alors elle sort la lampe torche, à la recherche de cet arbre solitaire. Une nuée d’oiseaux jaillissent alors qu’elle éclaire les hauteurs de certains conifères. Le tonnerre lugubre de leurs ailes claquant dans la nuit déclenche un frisson le long de son échine. Traîner dans le cimetière à cette heure de la nuit, seule, c’est uniquement pour l’histoire. Parce qu’évidemment, elle compte bien écrire un papier sur tout ça, Esther. Le mystérieux Corbeau ayant fait son apparition à Redwood, les secrets des habitants menacés d’être dévoilés… C’est du pain béni pour la journaliste en herbe qu’elle est. Pour le moment, elle joue le jeu. S’il faut résoudre une énigme, découvrir un secret, elle le ferait. Mais derrière tout ça, elle réfléchit à comment mener sa méta-enquête. Qui est le Corbeau ? Quel est son objectif ? Méchanceté pure ou dessein politique ? Pourrait-il être relié à la Rose Lunaire ? En tout cas, tout ça promet de gros drama à venir dans la communauté.
Des pas feutrés venant de l’arrière de sa tête la sortent de ses pensées. Elle a quand même un instinct de survie, Esther. Alors elle éteint sa frontale et cache sa lampe torche contre son jean, le temps qu’elle se cache derrière une grosse stèle faisant deux fois sa taille. S’il faut, ce n’est que le gardien. Un type taciturne mais pas trop méchant, semble t-il. La lumière se rapproche et elle distingue une voix qu’elle a déjà entendue auparavant. Le ton, le rythme… « Darcy Morgan ! » murmure t-elle, pour elle. S’il est en train d’effectuer une captation, elle risque de tout foutre en l’air si elle se fait remarquer. Il pourrait aussi être au téléphone… Ou se parler à lui-même ? Tant pis, elle ne supporte plus de rester inerte derrière cette tombe toute glauque. C’est qu’elle aimerait aller vite, la brune, pour pouvoir rentrer au chaud et commencer l’écriture de son article.

Pour se signaler, elle fait un pas hors de sa zone et éclaire son visage à la manière dont on s’éclaire lorsqu’on raconte une histoire d’horreur en feu de camp. « Surprise ! » fait-elle, rallumant sa frontale au passage. « Esther Ramsey. » précise-elle, au cas où il ne reconnaîtrait pas le timbre de sa voix. Après tout, ils ne se sont eus qu’au téléphone dernièrement. « Attends mais… Toi aussi tu es là pour l’énigme ! » Une affirmation plutôt qu’une question. Esther est intelligente, et c’est plutôt logique qu’une personne exerçant le métier de Darcy soit dans les mêmes combines qu’elle.

@Darcy Morgan    

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DARCY ⅋ ESTHER

« Dans un lieu où le silence s'étend sans fin,
Parmi les stèles, là où chacun trouve son destin,
Cherche l'arbre solitaire, gardien d'un précieux butin. »


La brune, pas peureuse pour un sou en temps normal, réalise qu’elle souffle depuis que Darcy est dans les parages. Elle a voyagé en Europe seule, Esther. S’est retrouvée dans des endroits pas très nets où personne ne parlait sa langue ; mais n’importe qui frissonnerait de se retrouver au milieu des tombes à la nuit tombée, même en pays anglophone, aucun doute là dessus. « Super sujet en effet, je compte faire un papier pour le Redwood Echo également. »
Elle observe avec attention tout l’attirail de son interlocuteur, toujours épatée de voir à quel point il est méthodique et possède du matériel de qualité. « J’allais te proposer la même chose. A deux cerveaux, on devrait avancer plus vite ! » Le ton sérieux, elle sortit à nouveau son téléphone pour regarder l’intitulé de l’énigme. « Je me rappelle d’un chêne particulièrement massif qui se situe tout au fond du cimetière, près de la remise où sont entreposés le matériel d’entretien du lieu. En temps normal, nous le verrions d’ici. Mais il fait trop sombre, et j’ai l’impression que le brouillard tombe. » Atmosphère des plus lugubres, en effet. Une fine couche blanchâtre s’est déposée sous leurs yeux, empêchant toute vision à plus de cinq mètres à la ronde. « Avançons par là, suis moi. »

Elle se souvient bien du chêne centenaire, celui sur lequel elle avait posé toute son attention le jour de l’enterrement, dans une quête d’échappatoire. Elle n’aimait pas ressentir d’émotions trop fortes, et la cérémonie n’avait pas été des plus reposantes. Dan Ramsey était aimé de la communauté et bien des gens avaient voulu apporter son soutien à sa famille en ce jour funeste. « Darcy, es-tu toujours OK pour l’article sur toi dans le Redwood Echo ? J’aimerais beaucoup mettre en valeur ton travail dans le prochain numéro. » lui demande t-elle avec ce ton très professionnel et sûr d’elle. Son stage au Redwood Echo est maintenant terminé, mais il lui est toujours possible de proposer des articles en freelance ; autant en profiter, et ça lui permet de s’exercer à l’écriture. Le brouillard ne faiblit pas – au contraire - alors qu’ils marchent côte à côte vers l’endroit espéré. Cette ambiance glauque ne déstabilise pour autant pas la jeune journaliste en herbe, même si elle ressent un petit malaise dans la poitrine au moment où le hululement d’une chouette se fait entendre devant eux. « J’espère que tu as pu capter ça ! » chuchote t-elle le regard attiré vers le cri d’oiseau, croisant ses bras contre sa poitrine.

@Darcy Morgan    

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DARCY ⅋ ESTHER

« Dans un lieu où le silence s'étend sans fin,
Parmi les stèles, là où chacun trouve son destin,
Cherche l'arbre solitaire, gardien d'un précieux butin. »


Ce n’est pas tant qu’elle a peur, Esther, mais qu’elle est presque gênée d’être là. Gênée parce qu’elle sait la portée symbolique du lieu qu’ils sont en train de fouler. Le repos final. Elle n’a jamais été du genre à traîner au cimetière à la recherche d’une adrénaline peu conventionnelle comme ça a été le cas de bon nombre de ses amis. Pas qu’elle juge, loin de là, seulement elle n’aurait pas été capable de s’amuser de la sorte. En plus d’être un lieu de recueil, c’est aussi un espace de travail. Loin d’elle l’envie de gêner le travail des gardiens de ces lieux ; labeur qu’elle respecte tout autant que les gens qui viennent solennellement apaiser leur peine auprès de ceux qu’ils ont perdu. D’ailleurs, qu’en est-il du gardien ? Il est à coup sûr au courant de l’énigme et que des curieux gambadent entre les stèles à la recherche du précieux butin. Sont-ils surveillés actuellement ?
Le visage de la jeune femme reste tranquille, ne trahissant pas le moins du monde toutes ces pensées qui l’assaillent. Esther est du genre à tout anticiper et se préparer à toutes les éventualités possibles. Garder la tête froide, elle sait faire. Parer à tout imprévu, elle est connue pour ça. Mais c’est sans compter ce cri d’oiseau lugubre qui la fait frissonner quelques secondes. Ca, Darcy semble l’avoir remarqué puisqu’il lui tend gentiment son bras pour qu’elle puisse trouver un semblant de soutien. Nice gesture. « Eh bien, j’ai tout de suite pensé à ce chêne là en particulier en lisant l’énigme du Corbeau parce qu’il y en a bien un qui se démarque de tous, au cimetière. Crois moi, tu verras par toi même et tu me diras ce que tu en penses... » La fin de sa phrase se veut énigmatique, alors qu’elle ne peut s’empêcher de faire de la rétention d’information. Darcy verrait par lui même ce qu’Esther ne peut vraiment décrire, et il ne leur faut pas plus de trois minutes pour arriver à l’endroit en question.

Esther stoppe leur démarche, passant un bras devant Darcy pour marquer leur pause. Elle brandit sa lampe torche devant eux, mettant en lumière le spectacle tout à fait remarquable d’une nature ayant repris avec force et assurance ses droits. « Regarde. » Elle parcourt toute l’étendue de l’arbre du bas vers le haut sur une bonne quinzaine de mètres. « Il n’est pas dramatiquement plus haut que les autres, mais si l’on revient en bas... » Le faisceau de lumière illumine alors les impressionnantes racines qui sortaient de la terre, du pieds du tronc jusqu’à envahir certaines stèles dont une – en marbre – qu’elles ont même fini par fêler. « Il y a cette vieille rumeur ancestrale qui dit que les racines avaient brisé la pierre tombale de M. Clark dans une tentative vaine de le sauver parce qu’il avait été enterré vivant. » Esther frissonne à nouveau, gagnée par l’ambiance lugubre qu’elle n’a fait qu’alourdir avec cette vieille légende urbaine propre à Redwood Hills. « Le folklore des petites villes. » fait-elle en s’esclaffant, s’éloignant de Darcy pour s’aventurer près de la tombe du défunt en question. « Elle n’a jamais été réparée, au cas où. » Elle se baisse pour mieux regarder les mots gravés sur la stèle en marbre. « Les gens sont plutôt superstitieux, ici. » Ce qui n’est absolument pas son cas, résolument athée et rationnelle.

@Darcy Morgan    

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