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@Levi Collins

Toute seule sur un parking, en pleine nuit. Comment elle s’est retrouvée là ? Qu’est-ce qui t’a pris putain. La faute au corbeau. Norback comme elle l’appelle, moins menaçant ainsi, plus... personnifiable. La Austen Transportation n’a pas été difficile à trouver, le parking n’est pas un lieu où il est difficile de s’introduire, non, c’est le lieu en lui même qui est difficile. C’est l’ambiance. C’est la nuit. C’est d’être une fille. D'un coup, seule au milieu des camions, elle se sent minuscule ; l’envie de rire est partie depuis longtemps -un peu de courage et l’idée de relever le défi n’est plus si trépidante. Il n’y a personne, il n’y a personne... Elle se le répète sans cesse, pour se convaincre, se rassurer. Mais Nova n’est pas convaincue, méfiante, trop prudente pour se trouver là. Pourquoi ? Elle ne sait même pas ce qu’elle fera de ce secret si elle le trouve. Elle n’a rien a gagné, mais c'est Nova. Elle doit toujours agir, faire quelque chose, parce que les autres ne font rien. Parce que, et si personne n’y va ? Elle n’a rien à gagner c'est vrai, elle n’a surtout rien à perdre -ça c'est ce qu’elle se disait avant de se retrouver dans la peau d’une femme seule au milieu d’un parking entourée de camions- elle n’a pas envie que Norback gagne. Et puis elle s’ennuie, dans cette petite ville, dans cette petite chambre elle attend. Pas seule mais seule, à l’intérieur. Elle a fait des rencontres Nova, mais aucune n’est lui. Et c'est à lui qu'elle pense, qu’elle a pensé en fait, à la seconde où elle a pris connaissance du leak. Quelque chose l’a appelé dans ses tripes, une occasion à ne pas manquer, inexplicable ; la conviction que ça lui plairait, à Levi. Il ne pourra pas résister. L’illusion de le connaître encore, la folie de vouloir le lui prouver. Oui, sûre que ça lui plairait, juste pas avec elle. Alors elle a créé ce profil à la con. Une blonde. Il ne pourra pas résister. C’est sous ce faux profil qu'elle l’appelle au secours, lui et personne d’autre, parce qu'il n'y a personne d'autre qu'elle appellerait au secours. Parce que même à des milliers de kilomètres, c'est toujours son nom qui lui vient. Pas question de ne pas aller au bout, mais pas question de rester seule. Elle hésite un instant à dévoiler sa véritable identité, pour qu’il vienne l’aider elle, Nova, sa soeur, qu’il n’ait pas le choix. Elle se ravise, et s’il la laissait se demmerder ? S’il la laissait là ? Pas sûre qu’elle puisse le supporter cette fois. Superblondie saura mieux y faire.
En attendant que le le jeune mâle morde à l’hameçon de la demoiselle en détresse, la vraie rassemble son courage pour inspecter les rangées de camions, armée de la lampe torche de son portable. Il n’y a personne n’oublie pas. Sauf qu’elle sent qu’il y a quelqu’un. Une présence. Elle a presque oublié Levi, son cœur s’affole avant de réaliser que c’est sûrement lui. « Levi ? » Peu de chance qu'il ait entendu. Elle se décale de l’arrière du camion où elle était accroupie. Tout ce qui lui importe c’est de le voir, que ce soit bien lui et pas le propriétaire de la bête, un taré qui rode sur les parkings, n'importe qui. « Le- » Allez, du nerf ! « Levi ? Je suis ici ! » Elle agite son portable pour qu'il voit la lumière. Oubliée Blondie, trop soulagée qu’il soit venu. Oublié aussi que ce n’est pas elle qu’il s’attend à voir. Le mec louche sur le parking, c'est toi Nova.

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@levi.l Oui j'suis là, pourquoi, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que t'as fait ?

L’envie, immédiate, viscérale, que cette inquiétude soit pour elle, vraiment pour elle. Quelque chose en elle se brise, à l'endroit auquel devrait se trouver le cœur. Il n’y a plus rien depuis longtemps. Elle l’a laissé, son cœur, bagage abandonné quand elle a pris la route, qu'elle est partie en laissant son petit frère dans le rétroviseur. Elle ne l’a pas emporté avec elle, rien qu'un membre fantôme ; la douleur s'est réveillée et ça fait mal. C’est pas pour toi qu’il s’inquiète, Nova, ce ne sera plus jamais pour toi. C’est ta faute. Pour anesthésier la douleur, l’urgence. Elle tape ses réponses du bout des doigts, frénétiques, dans le parking vide et silencieux où les ombres rodent ; dans la nuit, dans sa tête. Enfin, vide, elle veut y croire. Qui sait ce qui se cache entre les camions, sous les roues ou dans leurs cargaisons ? Personne, elle l’espère. Le soulagement, passager, fragile ; il va venir, c’est bon, il va venir. Elle l’imagine courir le cœur battant, haletant, voler vers cette fille plantureuse et joyeuse. Cette fille, ce n’est qu’elle, matérialisation de son esprit tordu, désespéré. Quelle déception. Mais ça aussi, Nova l’oublie sous l’effet de l’adrénaline, le suspense qui monte, qu’elle fait monter seule. Elle ne sait pas ce qu’elle attend le plus, de voir Levi apparaître, que dans ce laps de temps il ne se passe rien, ou qu’il se passe quelque chose.
Légère secousse quand elle l’entend arriver, toujours le doute que ce soit autre chose, un truc mauvais ; tous les éléments sont réunis pour. Ça pourrait être un gigantesque piège, tout ça, mais pour ce qu’elle en sait, tout le monde est revenu vivant du premier tour. En tout cas, aucune déconvenue majeure n’a été déplorée sur le blog du piaf diabolique. Bien sûr elle a regardé, bien sûr elle a attendu, Prudente Nova, méfiante... jusque ce soir. Elle l’appelle alors, doit s’y reprendre à plusieurs fois, enfin elle voit la lumière -le phare dans la nuit, Levi, il a pensé à tout. Elle entend sa voix -il a l’air vachement content, merde, c’est vrai. Elle se rappelle pourquoi. Merde double merde. Prendre une grande inspiration et son courage à deux mains. La lumière de son téléphone lui répond, lui dévoile son vrai visage quand elle l’abaisse et tout ce qu’elle a envie de dire c’est dieu merci tu es là. Toi ? Est-ce qu’il est déçu ? Il est déçu. Fake Blondie profite de sa surprise pour capitaliser dessus, esquiver toute potentielle colère. « J’ai un faible pour les routiers. » Très drôle Nova, peu de chance que ça prenne. Mais ça lui donne une contenance. Elle affiche toute l’assurance qu’elle a perdue, qu’elle perd dès qu’elle se retrouve face à Levi, sa plus grande culpabilité. Douée pour la ravaler, Nova. « Non bien sûr que non, mais toi t’aurais pu tomber sur Robert, 55 ans et un penchant pour les petits blondinets enchaînés dans une cave. » Qu’il s’estime heureux que ce soit elle, alors ? Elle ne lui laisse pas vraiment le temps de considérer sa chance, ni de comprendre que the real blondie n’a rien de real du tout. Si elle peut éviter le sujet c’est encore mieux. « C’est ce foutu corbeau avec ses jeux de piste, ça m’a menée ici et j’ai flippé. » Y’avait de quoi. Content ? Comment expliquer la suite des évènements ? Qu’elle n'a trouvé que ça, blondie, pour l’intéresser, le faire venir ; pour qu’il lui réponde pour commencer. Une blonde, le plus vieux piège à homme. « Maintenant que t’es là… et équipé, t’as pas envie de percer le mystère ? » Non ? Pas même un peu ? Allez, il ne va quand même pas la laisser là ? Pitié me plante pas. Sur le point de découvrir s'il en serait capable, Nova s’empresse d’ajouter, puisant tout le courage qui lui manquait dans une source insoupçonnée : « Moi je continue. » Avec ou sans lui, donc, mais elle espère avec. Déterminée -être forte, toujours devant Levi, même après toutes ces années, son adn, elle s'élance. Ignorant le coton dans ses jambes et les frissons dans l’échine, elle attrape la lampe torche des mains de Levi qu'elle braque sur la rangée de camions en face -mieux, beaucoup mieux. « Il me reste tous ceux-là à inspecter. » Elle parle comme s'il elle était sûre qu'il la suive, pourtant elle n'oserait se retourner. Trop peur de découvrir qu'elle parle dans le vide.

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Elle ne sait pas si Robert existe, Nova -bien sûr qu'il existe, mais est-ce qu’il existe ici ? Ce qu’elle sait, c'est qu'elle aurait été sa première victime -elle s’est davantage mise en danger que Levi, et elle aurait probablement usé de la même répartie si les accusations s’étaient tournées contre elle. Mais Levi ne lui retourne pas sa menace, il ne l’accuse de rien et quelque part c’est pire. Elle le mériterait. « Ah ouais ? » Qu’elle rétorque, l’air de dire t’es sûr de ça parce que c’est un peu ce qu’elle a fait, lui tendre un piège. Il n’est plus question de Robert mais bien d’elle ; c’est Nova l’arnaque. Elle n’en est pas très fière, fait de son mieux pour ne pas le montrer. Autant éviter le sujet. Levi semble sur la même longueur d’ondes. Vas-y fous-toi de moi t’as le droit. Ah ouais ? Elle est vraiment étonnée cette fois. J’ai le droit vraiment ? Il lui donne ce droit-là. Est-ce que c’est le même qu’elle donnait au collège et au lycée ? Vas-y moque-toi j'm’en fous quand en vérité son cœur pleurait. Rien n’a jamais fait autant mal que le sentiment d’injustice, que d’être rejetée. Parce que t'es une Collins. Tu seras jamais rien qu'une Collins. « Une prochaine fois peut-être, Lancaster. » Ouais, c’est plus facile d’esquiver, ce nom qu’elle lâche avec dérision et, en sourdine, le fait qu’elle ne l’aime pas, qu'elle le méprise, plus que celui de Collins. Parce qu’il est faux. Parce qu’elle n’aurait jamais pu le retrouver, que de tous les Collins de la terre, aucun n’aurait été Levi, son Levi, son petit frère. Lancaster... Elle n’y aurait jamais pensé.

« Pas toi ? » Le corbeau, oui, c’est à cause de lui qu’ils se retrouvent là, mieux vaut se concentrer là-dessus. Nova est déterminée. Que sa curiosité ne soit même pas un tout petit peu éveillée, elle peine à y croire. Pas pu se tromper tant que ça ! Non Levi, pas à moi. Elle se souvient des pirates Nova, elle se souvient des trésors qui n’existaient que dans leur imagination d’enfant. Une poignée de cailloux dans une boîte rouillée enterrée dans un champ, parfois à même la terre. Des croix au feutre rouge sur des papiers et des après-midis à courir, à creuser, à ramper dans les fourrés. Sous les doigts l’herbe et la terre, dans leurs yeux le sable chaud ; au loin les vagues et leur bateau. Le plus grand, pour le plus grand des pirates. Nova glissait parfois un poème, pour lui dire qu’elle l’aime, que de tous les trésors Levi est le plus précieux, le seul qu’elle ait, et un jour elle l’emmènera voir la mer pour de vrai. Ça non plus, elle n’a pas oublié.
Les années ont filé, sûre que le grand blond qu'elle éclaire ne joue plus aux pirates depuis longtemps. Pourtant, n’est-ce pas exactement ce qu’ils font ? Oui Nova, qu’est-ce que t’espères exactement ? « Je sais pas. » Voilà qui les avance bien. Lampe de poche fermement empoignée, elle balaye l’allée de camions et peste en silence. « Un truc qu'aurait l'air louche... » encore faut-il savoir ce qui est louche et ce qui ne l'est pas sur un putain de parking. « ...un indice. » N’importe quoi, en somme. Ça ressemble à une gigantesque farce et elle n'est pas loin d’abandonner -non, pas vraiment, Nova n’abandonne jamais. Elle est frustrée. Quand elle a l’idée de s’éloigner un peu, prendre du recul puisqu’ici aucun camion n’a l’air suspect, elle vérifie que Levi la suit bon gré mal gré, craint qu’il s’impatiente trop. Elle serre la lampe un peu plus fort alors, comme si ce petit objet suffisait à le faire rester, qu’il ne pourrait partir sans. Objet qu’elle braque sur sa poitrine d’un coup plus rien à foutre parce qu’elle se trouve au bout de sa main et que c'est sa main qu’elle utilise pour stopper Levi. Regarde. Mais aucun son ne sort. La trouille. Elle tapote la lampe contre sa poitrine, l'abaisse -là ! il les voit forcément, les traces de pas à ses pieds. Nova, elle ne voit qu’elles. Quelqu’un était là. Son sang ne fait qu'un tour. Comme quand ils étaient gosses, elle met le doigt devant la bouche -Chhhuuut et comme elle a baissé la lampe elle se baisse aussi, suivant les pas encore frais à la manière du Petit Poucet. Sauf qu’elle ne sait pas ce qu’elle trouvera au bout du chemin. Pas la maison. Plus de chances qu'ils tombent sur le grand méchant loup. Est-ce que les loups vivent dans des conteneurs ?
Elle s’arrête, ses jambes manquent un peu de courage. La prudence la freine, la pousse à se tourner vers Levi avant d'aller plus loin. Elle lui fait signe d'avancer avec ses mains, droit devant, comme elle l’a vu faire maintes fois dans les films. Levi sûrement aussi. « Mieux vaut pas qu’on se sépare. » Ironique, quand on n’y pense, mais Nova n’y pense pas, elle agit. Ce qu’elle pense, c’est qu’ils doivent entrer là-dedans ensemble quitte à mourir ensemble, sinon l’autre se fera choper, c'est sûr. C'est toujours comme ça dans les films d’horreur. Ça aussi Levi l'a forcément déjà vu.

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« Il est très chic. » Ça grince, ça grince, mâchoires l’une contre l’autre et bouche fermée. Crispé, le petit sourire qui lui plisse les yeux. Ils sont un peu mauvais, sûrement trop fiers, parce qu’il ne lui plait pas du tout, ce nom-là. Mais tout est mieux que Collins, hein ? Lancaster, ça sonne bien. C’est vrai que c’est chic, c’est même le but, pas besoin d’être un génie comprendre. Elle se demande s’il a muri ce choix, s’il y a longtemps réfléchi comme on réfléchit à un prénom. Une identité. Et Nova se demande, qui est réellement Levi Lancaster ? Le jeune homme en face d'elle est-il toujours simplement Levi, ou son petit frère a-t-il complètement disparu lui aussi ? Ça le fait sourire, il a l’air d’aimer l’agacer. C’est toujours ça, elle se dit, si elle peut l’emmerder… Norback, un type qui s’ennuie. Elle tique. « Il se donne vachement de mal pour un type qu’a rien à faire de ses samedis. » Ouais, mais elle doit avouer que pour les faire tourner en rond il est sacrément doué, ce qui ne lui plait pas tellement. Ça aussi ça doit s’entendre dans sa voix. Elle ne réfute pas trop fort, réfléchit à voix haute : « Je me demande ce qu’ont pu faire ces gens pour que tout le monde veuille mettre le nez dans leurs affaires. » Sous-entendu rien, à tous les coups, elle ne peut s’empêcher de relever leur malchance à voix haute. Ça la travaille, Nova. Peut-être qu’elle n’a pas tant changé. Peut-être qu’elle est la même qu’au Lycée. Tout pour retarder la prochaine question. L’inévitable. Mais elle ne peut pas se dérober, pas alors qu’ils ne sont que tous les deux sur un parking, dieu sait quoi qui les attend. Pourquoi moi Craquèlement à l’intérieur d’elle, les fondations vacillent. Brisures supplémentaires derrière les tripes. Elle ne peut pas. « Parce que. » Ne voudrait-il pas se contenter de ça ? Parce que. La réponse à tout. Parce que parce que, parce que quoi ? « Je voulais pas appeler quelqu’un d’autre. » Là. Haussement d'épaules, les billes reprennent leur exploration passant d’un camion à l’autre, se plissent pour s’aider à voir dans l’obscurité. Peu de chances que la raison lui plaise, mais c’est lui qui a demandé. Incapable de lui foutre la paix, Nova y repense et la bile qu’elle avait ravalée ce jour-là remonte.

J’ai juste pensé à toi.

« Si, c’est exactement ce que c’est ! » Réfute la brune, lampe de poche à la main, lumière qui réfléchit un peu partout quelques secondes -ça se voit pas ? Ils sont deux idiots au milieu de nulle part qui cherchent un trésor mystère. Tant pis si Levi n’a plus sept ans, tant pis si Nova doit jouer pour deux. Ça leur ressemble tellement. Touché. Elle encaisse. Qu'est-ce qu’elle peut dire ? Ce n’est pas le moment de se défendre. Tu n’as rien à défendre, Nova. Que sa propre cause à plaider. Lancaster est un petit malin qui a réponse à tout, un sourire qui donne envie de l'effacer sur le champ. Elle commence à le cerner. « Toi, si tu continues de faire le malin. » Chuchote trop fort Nova, et parce qu'elle n'est pas blonde -trop tôt pour en rire, agitant le bras dans le vide pour le réprimander. Levi est proche et trop loin à la fois. Reste près de moi, j'ai peur, ne me laisse pas. Est-ce ça qu’il a ressenti, toute sa vie ? Est-ce ça qu'il ressent, chaque fois qu'elle n'est pas là ? La sensation d’un monstre tapi tout proche, prêt à surgir derrière son épaule à tout moment. C’est ce qu’elle ressent devant le conteneur. Elle remercie la nuit de dissimuler son visage.

Personne n’a peur.
Personne n’est là.
Tout va bien.

Putain de porte de métal. Le bruit n’est sûrement rien, mais dans le silence du parking il perce la nuit. Nova a des frissons dans tout le corps à chaque pas qu’elle fait. Levi a l’air dans son élément, elle ne peut s’empêcher de le remarquer. Il fouille. Il… s’amuse ? Qui cherche un trésor, alors ? Tournée vers la porte elle sourit, le goût d’une victoire prématurée et silencieuse, les yeux sur la porte qu’elle n’arrive pas à lâcher. Parce qu’on ne sait jamais, ses propres avertissements résonnent, la repartie de Levi résonne. Je savais que ce n’était pas un piège. Et maintenant ? « Tu trouves quelqu… » Chose, mais il a disparu, dans le noir complet Nova ne distingue plus sa silhouette. « Attends ! » Ne te fais pas manger par le monstre. Le monstre, là, dans le noir ! Nova lâche la porte pour voir où il trifouille, braquant la lampe vers le fond du conteneur quand ça fait BAM, une mâchoire gigantesque qui se referme sur eux. « La porte ! » Elle revient sur ses pas, se jette dessus et donne quelques coups. Le dernier du pied, de rage et de frustration. « Bon, au moins on est sûr que le tueur n’est pas à l’intérieur. » Ne serait-ce pas une phrase de Lancaster ? Il y a comme un petit air de famille. Elle lui propose la lampe, une manière inconsciente de jauger son état, selon s’il la prend ou pas. Le croire la rassure. As-tu peur, Lancaster ? « Laquelle on ouvre en premier ? » À toi l’honneur, Lancaster. Autant satisfaire leur curiosité, qu’ont-ils de mieux à faire ? Nova ne sait pas ce qu’elle espère trouver là-dedans, de la bouffe, un portail dimensionnel ou un flingue. Le secret n’est plus la priorité.

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Un coup de la rose lunaire. Elle y a pensé, oui, comment ne pas y penser, dans cette ville ? Tu souris trop Nova. Trop naturel, ce sourire, trop satisfait. Il dit il s’en soucie, il veut savoir, quand son cœur n’en est pas si sûr mais espère. Ça doit être bien, avoir un frère à ses côtés, qui pose des questions, qui s’intéresse, toujours prêt à voler à son secours sans qu’elle ait besoin de stratagème. Oui, comme ça doit être bien. Tout ce qu’elle a raté, sacrifié. Elle en a un aperçu d’une maigreur ridicule, sur un sujet tellement banal. La question qui doit être sur toute les lèvres : la Rose. Pourtant ça lui suffit. « Ouais, je pensais pas que y’aurait eu tant de nouveautés à ce sujet depuis le lycée. » Depuis la dernière fois qu’elle s’est intéressée au sujet, avant de disparaître. Levi ne s’en souvient peut-être pas. Pas trop le genre de trucs qu’elle raconterait à un gamin aujourd’hui, mais Levi, elle lui racontait tout. La voilà prise d’un doute. « Mais c’est pas dans leur intérêt de garder les secrets de tout le monde ? » Pour mieux s’en servir contre eux, c’est ce qu’elle insinue, pensant à voix haute. Le corbeau semble laisser le choix aux habitants. Nova s’est posé la question, si tout le monde savait, ne serait-ce pas mieux ? Pourtant elle est là. Le serait-elle si elle n’avait pas pensé à Levi avant de penser à elle. Ça va lui plaire. Tu parles. Pas grand chose chez elle ni dans ce qu’elle dit n’a l’air de lui plaire. Elle ne peut pas lui en vouloir, mais n’en est pas moins triste. Pourquoi, Nova ? Elle n’aurait pas la réponse. Parce qu’elle regrette, c’est tout. Elle n’a pas envie qu’il lui dise que c’est trop tard. Elle ne veut pas l’entendre. Fous-moi la paix. C’est tellement plus facile. Fous-moi la paix n’est pas irrévocable. Fous-moi la paix peut être dit sous le coup de la colère. Il ne le pense pas vraiment.

Ses illusions s’éteignent dans le conteneur en même temps que la lumière. Les voilà prisonniers. Levi ne dit rien, ne bouge pas ;  un instant elle croit que son esprit quitte son corps puis elle comprend. Levi n’a jamais peur. Levi doit être fort tout le temps. Parce qu’elle n’a pas été là. Il a pris la lampe. La mort en dedans, ils reprennent leur fouille, suivent le scenario : deux explorateurs calmes et sans peur. Quelle caisse ouvrir en premier ? Comme la question la plus naturelle au monde, qu'elle ne venait pas de se jeter sur la porte dans un acte désespéré. Elle imagine une caméra planquée quelque part et Norback derrière l’écran qui se marre. Elle le traiterait bien de connard mais autant ne pas empirer leur cas. Va pour celle-ci, alors, ce que dit son regard silencieux en le regardant ouvrir la caisse. Elle ne s'attend à rien du tout, lâche un rire nerveux en se retrouvant nez à nez face aux bouteilles. « T’aimes pas le sirop d’érable ? » Elle, elle en attrape une, pour ne pas être venus pour rien. En la portant à ses lèvres, elle s'imagine que c’est une bouteille de whisky, que c'est comme ça qu'on se jette sur la bouteille après avoir frôlé la mort. Nova n’en sait rien, elle n’a jamais bu de whisky. Le sucre est une maigre consolation à l’angoisse ; puisqu’elle n’a plus la lampe elle a au moins de quoi occuper ses mains. Levi ne se laisse pas abattre. Nova aime le regarder faire. Elle en oublie de chercher aussi. Ça ressemble à ça, l’espoir. C'est aussi bête qu'ouvrir tout un tas de caisses convaincu qu’une renfermera un trésor, quand on sait qu’il n’y aura rien d’autre que du sirop d’érable. Ou alors... ? « C’est quoi ça ? » Elle écarquille grand les yeux, remballe son sourire en prenant conscience de ce qu’il lui montre. Une bombe ? C’est ce qu'elle a pensé en premier, évidemment. « Mais non » T’es bête. Mais les yeux qu’elle pose sur lui disent tout le contraire. Je suis désolée Levi. Merde putain, je suis désolée. Quelle idée elle a eu de le mêler à tout ça ! C’était dangereux, elle le savait, maintenant ils vont crever ici, enfermés par un psychopathe à attendre la fin d’un compte à rebours. Du calme Nova. Elle respire, se reprend, reprend son sourire. « T’as déjà vu les films Saw ? » Alors ce n’est peut-être pas une bombe, juste un compte à rebours à la fin duquel elle ou Levi devra décider lequel des deux sortira d’ici en un seul morceau. Chouette. Pas drôle ? Encore un peu tôt pour rire, peut être, elle n’a rien trouvé de mieux pour désamorcer -sans mauvais jeu de mot- la situation. Sans trop de conviction, elle examine l’écran. Le décompte la stresse mais elle va trouver. Levi revient sur ses propos, traite le corbeau de dégénéré et ça la fait sourire -la dérision, une technique usée qui a fait ses preuves, enfin ce qu’elle entend, trop concentrée. Réfléchis Nova, réfléchis. « Ça a forcément un lien… » Elle regarde à moitié Levi, à moitié les caisses comme si la réponse se cachait dedans, partout et nulle part. « Il nous a pas fait venir sur ce putain de parking par hasard. » Nous, oui, bon. Il ne l’a toujours pas engueulée ; qu’est-ce qu’il attend ? Les cargaisons, le parking, les camions... les camions ! Sa main s’agite dans le vide, frénétique. Chut. Écoute. C’est un bruit de moteur. « Le camion ! » Lâchant l’écran, elle fonce de nouveau sur la porte, dé-ter-min-née cette fois. « Aide-moi. » Ses muscles, ses nerfs sont en compote. Elle n’avait pas réalisé. Elle a compris, mais l'explication ne vient pas clairement, les mots tous pressés au bout de sa langue, elle ne parvient pas à les organiser. « Il va partir ! » L'urgence, c'est tout ce qu'elle voit, tout ce qu'elle peut dire et qu'elle essaie de transmettre à Levi. Oui, il faut le chopper ! Nova ne sait pas encore comment ils vont s'y prendre, mais elle est dé-ter-mi-née.