Prénom(s) & noms ★ Edward Clayton Sterling. Nul hommage à ses ancêtres, le seul choix d'une mère férue d'Histoire britannique, laquelle affectionnait tout particulièrement  Édouard le Confesseur, roi d'Angleterre. Clayton fut le prénom arrêté par son père, duquel il tira son patronyme. De cette association se détache une certaine ironie monétaire, Edward qui signifie gardien des richesses, auquel se joint un nom qui évoque immanquablement le livre sterling. Sera surnommé Ed par les intimes. Date & lieu de naissance ★ Né le 2 mai 1981. Point d'histoire grandiloquente quant à sa naissance, sinon qu'il eut le bon ton de se retourner peu avant l'accouchement, se présentant ainsi par le siège. Sa mère y gagna une césarienne et  lui nombre de plaisanteries familiales. Du reste, Edward préférait sans doute avoir la tête à l'endroit. Il naquit au Dungloe Community Hospital du compté de Donegal, au petit matin du 2 mai 1983. Il bénéficie de fait de la double nationalité, le droit du sol ayant cours en Irlande. Quartier de résidence ★ Midtown. Vit désormais dans un petit appartement du centre-ville, faute d'avoir pu honorer le remboursement de sa maison.Âge ★ 41 ans. Statut social ★ Endetté, c'est à peine s'il arrive à boucler les fins de mois. Situation maritale ★ Divorcé – Porte toujours son alliance à l'annulaire, bien que la séparation soit effective. Ed n'a toujours pas trouvé le courage de la retirer. Marié, il l'a été pendant presque vingt ans à une femme qu'il n'est pas tout à fait certain d'avoir vraiment aimée. Deux enfants sont nés de cette union, Jeffrey et Adrian, qui ont respectivement dix-neuf et douze ans. Une famille construite sur de fragiles fondations, un mariage de raison souhaité par des parents conservateurs. Son divorce lui aura laissé un amer goût d'échec en tant que mari et père.  Orientation sexuelle ★ Hétérosexuel, jusqu'à preuve du contraire. Métier ou études ★ Il a fait ses classes à l'armée, carrière écourtée. Le revers l'a conduit à effectuer son droit à l'université de l'Indiana. Edward a exercé en tant que juriste d'entreprise, au sein de la firme familiale Sterling, avant de tirer ses grègues. Des boulots, il en a connu pas mal et semble presque avoir exploré tous les corps de métier. Touche-à-tout, Ed va au gré des opportunités qui se présentent à lui. Avatar choisi ★ Ryan Gosling. Groupe choisi ★ Our broken garden.

ANECDOTE 1 ★ Where the Craig is mighty. - Il a peu de souvenirs limpides de ses premières années. L’enfant se conjugue au présent et ne regarde que l’avenir, guère soucieux de consigner dans sa mémoire les instants volatiles. Quelques images se sont pourtant fixées dans son esprit, pour y laisser une empreinte durable. Ardara. Petit village perdu dans la lande irlandaise, coin du monde où les gens savent encore sourire. C’est entre les murs de cette vieille cité tisserande qu’il a fourni ses premiers pas vacillants. Son père œuvrait dans une entreprise de négoce textile, chargé de l’export du tweed sur le marché américain. Ils habitaient un vieux cottage aux murs épais et au toit de chaume. Bâtisse qui vous garde des aléas saisonniers. L’époque était heureuse, insouciante. La récession économique des années huitante entraîna néanmoins leur retour au pays. Si la plupart de ses souvenirs se sont estompés, demeure l’influence d’une contrée généreuse et la caresse des embruns océaniques de l’Atlantique Nord. ANECDOTE 2 ★ Crossroads of America. - Le plus clair de son enfance s’est écrit dans l’Amérique du Midwest, berceau familial. Un territoire enclavé, fait de rivières sinueuses et de grands lacs. Il n’y fut ni malheureux, ni particulièrement heureux. C’est surtout l’ennui qui prédomine dans un désert rural qu'on livre à soi. Les dimanches se passaient à l’église, où officiait un pasteur dont le caractère pontifiant égalait le ridicule d'un Mister Collins. L'homme de foi prêchait la bonne parole, déterminé à guider ses ouailles vers le droit chemin. Ed s’ennuyait comme un rat mort, écoutant les sermons assommants et moralisateurs. Le discours d'une Amérique profonde qu'il sentait déjà hostile aux différences. Il fut bientôt obligé de chanter les louanges du seigneur au sein de la chorale locale. On lui trouvait une jolie voix de soprano... Il échappait pourtant au carcan rigide d'une éducation religieuse, laquelle ne passa jamais le seuil de sa porte, jouissant d'une liberté offerte par ses parents.  ANECDOTE 3 ★ In god we trust. - Son père était un homme d’intuition, archétype du self made man. Quintessence de l’American Dream qui vous gâte les dents. Il fut coursier, employé de mercerie, négociateur textile, autant d’expériences qui lui permirent d’acquérir une parfaite connaissance de l’industrie et de ses mécaniques. Au cœur des années 80, il fondait son entreprise de confection et ouvrait sa première boutique dans l’Indiana, usant du carnet d’adresses qu’il s’était constitué au gré des années. Ses modèles s’inspiraient librement des grandes maisons de couture. Le rêve fait vendre. Fort de ce postulat, le business man entendait démocratiser le marché du luxe et redéfinir l’industrie du vêtement en série, proposant des tissus de qualité et des coupes irréprochables . Un magasin succéda à un autre. Le modèle fonctionnait. Le succès était entier. ANECDOTE 4 ★ Sky is the limit. - In the 90s, les Sterling quittaient la bourgade de Burket, rejoignant la capitale de l’État. Burket qui a pour particularité d’être la plus petite ville de l’Indiana. Visualisez donc une communauté étriquée où tout le monde connaît tout le monde. Edward n’était certainement pas prêt pour la jungle urbaine. Les affaires de son père le tenait loin du foyer. De Facto, sa mère ne supportait plus l’éloignement constant et les chuchotis réprobateurs des vieilles bigotes. Sitôt que vous sortez du moule, on vous scrute d’un œil réprobateur. Une maison cossue remplaça le petit pavillon familial. Parement blanc, palissade fleurie, sans oublier une porte dont le rouge éclatant aurait fait pâlir Brooke Davis de jalousie. Une maison qui était le reflet d’une réussite sociale et économique, située dans l’une de ces banlieues proprettes et chicos où seul compte le paraître. Sa mère rejoignit les real housewives locales. Son père entra dans le parti conservateur. À bien y regarder, ça ressemblait au pilote d’une série brossant les dérives de la jet society. Parents pourris de fric, gosses livrés à eux-mêmes… Ce n'était qu'une illusion d'intégration. Le porte-monnaie de son père avait son ticket d'entrée, lui n'était qu'un vendeur de chiffons. Quant à sa mère, elle était tolérée au titre de divertissement. Les mondaines aimaient à se rire d’elle avec une "rare finesse". Bien sûr, il faut de la subtilité – pour peu qu'elle soit évidente. Ed n'a jamais été dupe. ANECDOTE 5 ★ Freedom and Unity. - Couvait des tensions intra-familiales. Jetez sous un même toit des parents ouvertement conservateurs et un adolescent au plus fort de ses idéaux. S'ensuivront quelques étincelles. Les ambitions politiques du patriarche se faisaient connaître. Il en résultait des frictions quotidiennes. Le père était aux yeux du fils l’incarnation réactionnaire. Un discours qu’il avait si souvent entendu et qui débordait à présent des lèvres converties de son paternel. Edward rejoignait les rangs d’une jeunesse contestataire, défiant par-là-même l’autorité parentale.  Il était de toutes les actions entreprises, engagé plus que jamais. C’était une guerre personnelle. L’opposition du fils ne tarda pas à peser sur la campagne menée par le père. Il écornait l’image d’une famille parfaite, si nécessaire à l’animal politique américain. Les dissensions révélées au sein de ses propres rangs étaient du pain béni pour l’opposition.  Le jeune chien fou faisait tache. On résolut de l’écarter pour un temps. Edward fut expédié au fin fond du Vermont, confié aux bons soins de sa tante maternelle. Redwood Hills devait être sa punition. Le coupant de son cercle d’amis, ses parents espéraient tempérer son jugement. ANECDOTE 6 ★ Vermont -  Redwood Hills. Il avait été envoyé dans cette petite ville pour achever le lycée, exilé sous le toit de sa tante. Débarqué en cours d’année, il n’y connaissait personne. Les gosses, pour la plupart, étaient natifs du coin. Pour ainsi dire, ils avaient élevé les cochons ensemble. Pas facile de trouver sa place au milieu d’une unité soudée, qui plus est avec un tempérament quelque peu glacial. Edward a toujours eu un talent indéniable pour faire fuir les gens. À l’époque, il puait le protest-singer façon Bob Dylan. Flanqué de sa guitare, il jouait les rebelles pacifistes prêts à franchir les barricades de police. Il avait tout du cliché, blue-jean troué, cigarette au bec, regard torturé et chevelure négligée… Le bougre accusait deux bonnes décennies de retard. Ed y repense souvent avec une certaine honte de soi. Il n’était pas mauvais parolier, mais on avait connu meilleur gratteur de guitare. Probablement que c'est l'âge auquel on se donne des airs. Le jeune homme parvint tout de même à tisser quelques amitiés – durables avec ça. S’il déserta les couloirs de la Redwood School, il se plut sincèrement dans le Vermont ANECDOTE 7 ★ Duty, Honor, Country. - Adepte de l’école buissonnière, Edward ne s’intéressa jamais à ses cahiers. La cage était trop petite pour lui. Il se préférait au grand air. Le divorce s’était prononcé au petit matin d’une scolarité en dents de scie, irréconciliable ennemie. Des différences marquées et des résultats peu satisfaisants avaient grossi la boule niché au creux de son ventre. Il brillait par son absence, non par ses notes. Son père se désespérait. Sa mère minimisait. « Ils ne te comprennent pas. » Ils. Ses professeurs. Une femme peu ordinaire, sa mère. Elle était si désireuse de voir en ses échecs la marque d’un génie. Edward demeurait pourtant un enfant en difficulté scolaire. Il se crut stupide, ne comprit que tardivement qu’il possédait sa propre intelligence. Il résonnait différemment, comprenait par ses propres voies, voilà tout.    ANECDOTE 8 ★ This We'll Defend. - Au 11 septembre 2001 s’éveillait le patriotisme de toute une jeunesse, cette génération née sur les cendres du Vietnam. L’effondrement des tours jumelles l’ébranla profondément, l’identité de son pays atteinte dans sa chaire. Edward décidait de s’enrôler dans l’armée. Son père ne fut pas à même de reconnaître l’engagement véritable d’un fils, l’accusant plutôt de jouer à l’homme quand il n’était à ses yeux qu’un enfant. Sterling rejoignit le camp d’entraînement du comté de San Diego. Il suivit une formation intensive et éprouvante, en résulta son déploiement au Moyen-Orient. Quatre années sous les drapeaux… 2007, Mossoul. Attentat suicide au camion piégé. Cinq de ses frères d’arme y perdent la vie. Edward en réchappe de peu. Lourdement blessé, le jeune sergent est déclaré inapte et libéré de l’armée à l'issue du délai réglementaire.    ANECDOTE 9 ★ Wedding - Ce n’était pas de l’amour, rien qu’une attirance, une musique passagère qui expire dans un écho. Il l’avait rencontrée au petit bonheur la chance, lors d’une permission. Histoire sans lendemain, Elle se trouva pourtant enceinte. Il avait vingt-trois ans, elle en avait vingt. Ed se souvient qu’il souriait de cet air con que l’on prend parfois sous l’effet d’un choc.  À l’intérieur, il avait envie de crever. Il vivotait. Elle. Ce n’était qu’une gamine, une étudiante sans le sou. Il n’y avait pas assez d’eux pour faire un parent convenable. Elle voulait avorter. Il comptait se plier à sa volonté. Son corps, son choix. C’était sans compter sur des darons qui s’en mêlent. Milieu conservateur oblige, une interruption de grossesse était pour eux hors de propos. L’enfant vint au monde. Edward prit ses responsabilités, épousant la mère de son fils. Jeffrey, qu’ils l’appelèrent. ANECDOTE 10 ★ I am the master of my fate : I am the captain of my soul. - Convalescent, il regagna ses pénates, retrouvant le carcan familial. Prison dorée… Edward portait sur le monde un regard sans vie. Le chien fou devint le parfait pantin de son père. Il était si aisé de se laisser guider par d’autres. Edward n’était plus que l’ombre de lui-même. Le patriarche entendait le modeler à son image. En tant qu’aîné, il était attendu de lui qu’il reprenne un jour les rênes de l’entreprise familiale. Il s’était toujours refusé à suivre les pas de son paternel. Le patronat ne l’intéressait pas plus que l’industrie textile. Poussé par les siens, il rejoignait pourtant l’Indiana University Robert H. McKinney School of Law. Edward y fit son droit, de sorte à servir les affaires du Patriarche en tant que juriste d’entreprise. Le lion indocile entrait enfin dans le rang.  ANECDOTE 11 ★ The son. - La parentalité, le rôle qui vous change viscéralement. Sitôt que son regard se posa sur lui, qu’il perçut son premier cri, s’imposa la certitude que jamais plus son esprit ne serait tranquille. Ils se regardaient, étonnés. Père et fils. C’était que le début du chemin. Il était dans sa tête, dans son ventre, dans son sang. L’ordre du monde était inversé. Son fils était désormais son unique priorité. ANECDOTE 12 ★ Family - La vie de famille ne fut pas toujours tendre. Des débuts chaotiques eurent presque raison de son mariage. Pouvait-on attendre mieux d’une union contractée par obligation morale, entre deux étrangers ? Il y avait toutefois du respect, une forme d’amitié. Avec le temps s’esquissèrent des gestes tendres. Edward n’était pas un homme facile, plutôt mutique. Ses dispositions à l’ourserie compliquaient singulièrement l’apprivoisement. Il a toujours été malaisé de l’approcher. L’humeur farouche et les ombrages furent quelque peu dissipé, et tous d’eux trouvèrent un terrain d’entente, une juste proximité. La naissance d’un second garçon put en attester. Adrian. La paternité fut également périlleuse. Persistait l’ombre de son père et le poids d’une relation conflictuelle, qu'il craignait de réitérer auprès de ses fils. Une peur qui eut parfois raison de lui.  Edward peina à briser sa carapace, demeura ce papa  ours, distant et pudique. Chez lui, l'amour est de fer. ANECDOTE 13 ★ De l’extérieur, symptômes du bonheur. Jeune cadre dynamique dans une industrie fleurissante ! Malaise originel, dans ces beaux bureaux de glaces qu’il arpente quotidiennement, entouré de commerciaux et de managers aux discours de requins… On lui promet monts et merveilles, fric et champagne, question de mieux le poignarder dans le dos par ailleurs. Après tout, il est le rejeton du patron. Edward s’en fout. Il est mort à l’intérieur.  Souvenirs intrusifs, douleurs fantômes, anxiété intense, dépersonnalisation. Il se sent crever, encore et encore. L’horreur de la guerre, qui le saisit de ses crocs. Puis, la pulsion de vie par la vie. Adrian vient au monde et Edward naît une seconde fois. ANECDOTE 14 ★ Bureau sans charme, dans l’une de ces tours trop hautes qui puent le syndrome de Babel. Dignité du costume croisé bleu de chez Prada, Ed jette sa démission sur le bureau de son père. Il n’en peut plus des requins aux dents longues, qui rayent le parquet. Il fout le camp. Exit le diplôme, les discours mielleux de la Bible du manager, le droit des entreprises, la firme familiale. Le lion sort de sa cage. Bonjour le Vermont, la vie simple, la ferme retapée de ses mains, les Montagnes-Vertes, l’air pur. La Rose Lunaire… ANECDOTE 15 ★ Jeffrey. C’était un petit garçon au regard fuyant, fragile, différent. Il avait une sensibilité à fleur de peau, des émotions vives et changeantes. Il naviguait entre colères, joies euphoriques et larmes. C’était un enfant cyclone, imprévisible, tonitruant. Un rien déclenchait l’étincelle. L’errance diagnostique, l’incompréhension qui se mêle à l’impuissance. Edward ne trouvait pas les mots et les gestes pour l’aider. Des années de lutte et de souffrance, un tissu familial rongé, les regards extérieurs, les bleus couverts. L’enfant était agressif, portait parfois des coups, quand il ne se mettait pas en danger. Vous ne dormez plus ou d’un sommeil fragile, de peur qu’il ne commette une bêtise. Vient ce jour, cette pièce froide et stérile, ces sièges inconfortables. Tombe le diagnostic. « Troubles bipolaires. »   ANECDOTE 16 ★ Traitement et suivi en psychiatrie lui permirent de trouver son équilibre. Jeffrey allait mieux. Il fut bientôt en âge de questionner sa médication. Des prises qu’il espaça, des rendez-vous qu’il négligea. Les crises sévirent à nouveau. Les bêtises débutèrent. Le téléphone sonnait régulièrement. Edward quittait le travail en urgence, pour se rendre au lycée de son fils et le ramener à la maison. S'ensuivirent les exclusions. Le cyclone frappait de plus belle. Il était des jours où il se trouvait sur le toit du monde. D’autres où tout son univers semblait s’effondrer. Il promettait de reprendre son traitement et d’honorer ses rendez-vous. Cela ne durait jamais. L’adolescent s’y tenait pendant un temps, puis basculait à nouveau. Ils tentèrent de contrôler sa médication, d’assurer son suivi. Ce n’était pas le père qu’il voulait être, ce gardien carcéral. Jeffrey découcha… Des nuits blanches qu’il passait à l’attendre sur le pas de la porte. Le garçon disparaissait souvent pendant plusieurs jours, puis réapparaissait comme une fleur. Nul ne savait où il se rendait. Puis... Edward dut se déplacer au poste. Une fois. Deux fois. Trois… « Tu penses à ton avenir ?! » Il avait l’impression d’entendre son père, vingt ans plus tôt. Son fils devenait parfois le reflet de ses propres incertitudes.  « Je n’en ai rien à foutre. »  Le téléphone sonnait encore et toujours. De jour comme de nuit. Il redoutait l’appel, celui qui annoncerait l’irréparable. Son couple se délitait. Le cadet en pâtissait. Ils ne dormaient plus. Ils ne vivaient plus. Un soir, Edward lui barra la route. Le ton qui monte. Les traits qui se crispent et les poings qui se serrent. Jeffrey voulut l’écarter. Sa mère vint s’interposer. Le garçon la bouscula dans la mêlée. Elle tomba au sol. La goutte de trop. Le point de rupture. « Dégage. » Des mots jetés sur le coup de la colère. Des mots qu’il ne pensait pas vraiment. Il n’en pouvait plus. Jeffrey attrapa son sac et disparut avec fracas. .  ANECDOTE 17 ★ March 2021 - L’affaire avait fait le tour de la presse locale. Un drame d’une rare violence. Il fallait probablement être fou à lier pour renverser quelqu’un de sang-froid, en toute connaissance de cause. « Un acte prémédité. » qu’ils disaient.  Un bref instant, un si court instant, la pensée avait traversé son esprit. J’espère que ce n’est pas lui. Edward s’était ressaisi. Il avait fait comme tout un chacun, regarder derrière lui en marchant dans la rue. Fermer la porte à double tour. Scruter l’actualité en espérant que le coupable soit attrapé. Des gestes clefs visant à tromper ses angoisses. Il n’avait pas de nouvelles de Jeffrey. Pas depuis leur altercation. Son épouse ne le regardait même plus. Quelque part, c’était comme s’ils savaient déjà. ANECDOTE 18 ★ Le monde qui se délite par strates successives… Il chercha son gamin, des semaines durant. Les rondes en voiture, les camarades interrogés, les mille-et-un messages envoyés, la lumière du porche laissée à dessein. Personne n’était capable de dire où il se trouvait ou personne ne voulait le dire. Les forces de l’ordre ne communiquaient pas davantage.  L’angoisse se cheville au corps et les reproches lui trouent la peau. « C’est ta faute. » qu’elle lui lança un jour, rompant son vœu de silence. Des mois qu’ils ne se parlaient plus, ne se regardaient plus, ne se touchaient plus. « Tu lui as fermé la porte. » Il n’avait jamais vu un regard si plein de rancœur. ANECDOTE 19 ★ September 2021 - Il y eut le coup de téléphone. L’irréparable… Le gamin venait d’être arrêté par les autorités, puis placé en garde à vue. C’était lui dans cette voiture. Lui qui, par une nuit de mars, avait foncé tout de go sur la directrice adjointe de la Austen Transportation. Son fils. Les gens regardent leurs gamins entrer dans le grand théâtre, face à l’enfance qui rompt les amarres. C’est le deal, les accompagner, les préparer autant que faire se peut. Présentement, c’était plus qu’on ne pouvait lui en demander. Il croyait, Ed, qu’on ne pouvait pas tomber plus bas. C’était une chute sans fin dans un gouffre sans fond ANECDOTE 20 ★ Jeffrey avait trouvé en la Rose Lunaire une forme d’issue, un ultime recours. De quelles chimères l’avait-on abreuvé pour susciter son adhésion ? Gamin instable, influençable... Ce geste était le sien, un acte commis à sa propre initiative. « Je voulais faire mes preuves et gagner ma place. » qu’il avait clamé, l’expression froide et impassible. Sur ces dernières paroles, Ed avait quitté la pièce en trombe, puis vider ses tripes dans la poubelle la plus proche. Le gamin avait passé les derniers mois planqué chez l’un de ses copains. Il ne paraissait pas même nourrir de remords, inconscient de la gravité de son geste. L’adolescent en semblait plutôt fier, ne songeait pas un seul instant au tort causé à cette femme.  La Rose Lunaire, elle, niait toute implication ou appartenance du dénommé Jeffrey Sterling à ses rangs. Accusé de conduite dangereuse, son fils s’apprêtait à comparaître devant un tribunal pour mineur. Il n’était pas prêt de revoir la lumière du jour. ANECDOTE 21 ★ Son nom était à présent donné en pâture à la presse. Le sien. Le leur. Débuta la vindicte populaire. Courriers anonymes, injure, déprédation, opprobre social… Coupables, ils l’étaient pour une part de l’opinion publique. Edward allait désormais porter le fardeau d’un crime qu’il n’avait pas commis. Il y perdit son travail. Voilà qui lui parut tout d’abord un moindre mal, face à un tel déferlement de haine. Intimidation quotidienne, lettres de menace, appels en numéro caché... L'amalgame est chose courante. Victime collatérale, c’est le nom que l’on donne aux familles de criminels. Il n'y avait pour eux aucune existence juridique. On l’accusa de pire. Il fut traîné dans la boue, sa vie passée au crible. Ne frayait-il pas avec la Rose Lunaire ? N’était-ce pas lui au volant de cette voiture ? À la douleur indicible s’ajouta un cauchemar permanent. ANECDOTE 22 ★ La perte de son emploi entraîna une réaction en chaîne. Les frais d’avocat, les remboursements mensuels d’un prêt immobilier, les factures qui s’empilent… Ed fit face à une situation économique critique. Ses difficultés à retrouver un emploi n’arrangèrent guère la situation. Il en vint aux dernières extrémités, contractant une hypothèque sur sa maison. Le navire allait déjà par le fond. Il ne pouvait plus écoper. ANECDOTE 23 ★ Le divorce fut prononcé. Il n’y eut pas de coups en traître sauce Mariage Story, nulle guère d’avocats façon Kramer vs. Kramer. Il n’était pas Dustin Hoffman. Elle n’était pas Meryl Streep. On s’était déjà chargé d’étaler leur linge sale en public. Ils n’allaient pas en rajouter. Les choses se firent proprement, sobrement, à leur image. ANECDOTE 24 ★ Établi dans le Vermont, il trouva une place stable au sein d'une cidrerie locale, basée non loin de Burlington. Rien d'artisanal, c'était une production on ne peut plus industrielle. Il  aimait pourtant le boulot. Quand son aîné fut inculpé, le patron préféra se séparer de lui, en dépit de douze années de bons et loyaux services. Ed ne l'a toujours pas avalé. ANECDOTE 25 ★ Son rêve, c'était d'ouvrir sa cidrerie artisanale. Il comptait cultiver son propre verger, et s'inspirer de la tradition cidrière irlandaise. Business plan en tête, Ed avait constitué une petite épargne qu'il comptait utiliser pour obtenir un lopin de terre adapté à l'agroforesterie. Tout est parti dans les frais juridiques de son fils. ANECDOTE 26 ★ Amateur de rap américain, pour avoir grandi durant son âge d’or. Eminem est sans conteste son monument, rappel nostalgique d'un lointain début de millénaire. Lose Yourself jouait à pleine puissance dans l’habitacle confiné de son vieux taco. Il lui arriva aussi de vomir sa rage sur quelques couplets de son cru. Ed rappe encore dans l’intimité de sa voiture, son gamin pour seul témoin. Le petit dit de lui qu’il a le débit d’une Nicki Minaj au sommet de sa forme. ANECDOTE 27 ★ September 2023 - Deux années d’un état de sidération. Ed sort doucement du brouillard. Il est difficile de remonter la pente quand on a touché le fond. Romain Gary le disait lui-même : « Les traités de paix avec soi-même sont les plus difficiles à conclure. » Lui, il a beaucoup à se pardonner. Son reflet dans le miroir, il a du mal à la supporter. C’est une lutte de chaque instant. La quarantaine, on vous la vend comme la décennie des acquis. Le bel âge ! Ironiquement, il y aura tout perdu. « Dépression. » Le mot s’est échappé des lèvres de son généraliste. « Il faudra un bon mois avant de sentir une amélioration. » Il parlait d’antidépresseurs. Un mois, ça lui paraissait un délai insoutenable. À cette pensée, il a compris que ça n’allait plus. Qu’il n’en pouvait plus. Au lieu de hurler, il écrit. Au lieu de s’effondrer, il force un sourire pour le gamin. ANECDOTE 28 ★ Work - Ses mains sont calleuses, généralement recouvertes de pansements ou d’égratignures. Des mains de travailleur, que l’on dit… Edward est passé par de nombreux ouvrages, métiers souvent pénibles, parfois ingrats. Il a le sens du travail et du consciencieux, ne craint pas de se salir. Il faut ce qu’il ce qu’il faut pour boucler les fins de mois.  ANECDOTE 29 ★ Ed vit de ses petits boulots. Il sort peu, planqué au fin fond de sa vieille ferme, aux poutres grinçantes. Elle craque comme la coque d’un vieux bateau. Des vieilles maisons se détachent les bruits rassurants de l’enfance, mais le passé en encombre les murs du sol au plafond. Tout y résonne trop fort, écho de cette solitude désormais coutumière, cri de leur absence. Il refuse de vendre, en dépit de ces murs encombrés de fantômes. C’était la bicoque de sa tante, et il y a coulé des jours heureux. L’année passée Sterling a rafistolé les vieilles ruches de son oncle. Sur son temps libre, il a commencé à cultiver son propre miel. L'apprenti apiculteur a des "projets d'expansion". Depuis peu, il fait les marchés locaux. Les pots se vendent bien. Ça rajoute toujours un pécule à la fin du mois. Vrac ★  Souffre toujours des stigmates de son accident de la route, une grave fracture à la jambe gauche ayant nécessité la pose de broches. Il a dû subir plusieurs interventions au fil des années. La douleur, elle, ne s’est jamais vraiment effacée. – Passionné d’astronomie, Ed est capable de passer des heures entières à scruter un ciel étoilé. Souvenir des soirées d'été vécues à Burket, sans autre occupation que celle de poser les yeux sur la voûte céleste. Il est à même d’identifier la plupart des constellations. – Déteste la télévision. – Réfractaire aux objets numériques, il possède un téléphone par obligation, mais en serait volontiers resté à l'antique Nokia 3410. Vous ne trouverez chez lui aucun ordinateur ou autre objet multimédia. Cela vaut aussi pour son gamin, lequel est tout de même parvenu à planquer une Nintendo Switch sous son oreiller. Vrai parti pris ou excuse vendu à son fils pour ne pas avoir lui expliquer qu'il n'a plus les moyens de lui offrir toute la tech dont il rêverait ? – Très mauvais cuisinier, il tient plus du papâte que du daron cordon bleu. Les plats réchauffés représentent un réel danger pour lui. Tête en l’air, il oublie souvent de retirer les éléments métalliques, comme l’alu. Il a déjà fait cramer deux micro-ondes par ce moyen. – Il n’a jamais fumé une clope de sa vie. Ado, il arborait une cigarette au titre de symbole, un genre de métaphore façon Augustus Waters. – Buveur de thé. – Aime le bruit de la pluie, déteste les étés caniculaires et les amateurs de chaleur. De son point de vue, il faut être fou pour aimer se griller au soleil – Ambidextre, il peut écrire des deux mains. -  Aime la poésie. Il a commencé par gratter des pamphlets contestataires destinés à son père, mais a pris goût à l’écriture. Ed jette souvent ses émotions sur le papier. – Porte un attachement particulier à l’océan, souvenir de l’Irlande. – Irlande dont il n’a jamais vraiment perdu l’accent. – Ed est un être manuel. Il aime bricoler et jardiner. – Possède une vieille Harley qu’il n’a pu se résoudre à vendre. – Il a toujours aimé la simplicité. Ed a connu les excès des familles bien nanties, dont l’idéalisme se réduit à posséder. Un univers dont il voulu s'extirper, n'en déplaise aux siens.