Prénom(s) & noms ★ Till Armin Neuschwanstein. Un nom de famille à coucher dehors qui rend dingues ses élèves et ses collègues. Lieu et date de naissance ★ Berlin, le 8 décembre 1981. Till a vécu en Allemagne jusqu'à ses six ans avant de partir vivre aux Etats-Unis avec ses parents. Sa langue maternelle est donc l'allemand mais il maîtrise parfaitement l'anglais et arrive à gommer presque totalement son accent, sauf lorsqu'il s'énerve, ce qui demeure cependant rare. Quartier de résidence ★ Une petite maison sur Lilac road, proche de la nature.Âge ★ Till soufflera ses 42 ans en novembre de cette année. Statut social ★ Till vit comme un intellectuel modeste : sa paie d'enseignant n'est pas énorme mais il dépense peu et principalement dans des livres. Son budget café est également trop élevé. Situation maritale ★ Célibataire Orientation sexuelle ★ Homosexuel Métier ou études ★ Till a étudié l'histoire et l'enseigne désormais. Il est spécialiste de l'histoire européenne mais enseigne sans difficulté l'histoire américaine également. Avatar choisi ★ Hugh Dancy Groupe choisi ★ little talks

ANECDOTE 1 ★ Mais que disent tous ces gens ? Ce premier jour d'école aux Etats-Unis était décidément bien triste. Till ne comprenait pas un mot de ce que disait la maîtresse et ne pouvait même pas demander à ses camarades de l'aider. Ça l'angoissait. En Allemagne, c'était un bon élève : sérieux, calme, appliqué. Il voulait bien faire. Ne pas pouvoir bien faire, dans ce contexte, le rendait très triste. Il avait grandi en RDA et ne comprenait absolument pas le monde qu'il découvrait. A la fin de la première matinée, il fondit en larmes et attendit que l'école appelle sa mère pour venir le récupérer plus tôt. Le deuxième jour serait plus simple. En attendant, sa Mutti l'emmenait manger une glace pour oublier ce gros chagrin. Des glaces, même en RDA il y en avait.ANECDOTE 2 ★ Le mur tombe. La RDA n'existe plus. Till est trop jeune pour réellement comprendre ce qu'il se passe mais les images à la télévision le marquent à vie. Ses parents sont très agités pendant plusieurs jours et parlent de rentrer en Allemagne : maintenant que la dictature n'est plus, ils peuvent retrouver leur famille. C'est une période difficile pour l'enfant de huit ans qui s'est habitué à son nouvel environnement, a appris la langue, s'est intégré... Till finit par avouer qu'il n'a pas envie de partir et ses parents, qui l'aiment plus que tout au monde, l'écoutent et le comprennent. Ils ont déjà vécu assez de changements radicaux ces dernières années. Au moins, il sera désormais possible de faire venir les grands-parents en séjour aux États-Unis. ANECDOTE 3 ★ Concentration. Ne. Surtout. Pas. Bouger. Il fallait être habile pour construire cette maquette de dinosaure, mais Till en était capable. Il tirait la langue sous l'effort de concentration que cela lui demandait de ne pas se gratter le nez alors qu'il allait déposer le dernier os constituant entièrement sa maquette. Till a neuf ans et une passion dévorante pour les animaux préhistoriques. Son sac à dos est dino. Ses baskets sont dino. Sa gourde est dino. Posez lui n'importe quelle question sur les dinos, Till sait y répondre. ANECDOTE 4 ★ Il fait beau, Till sent le vent dans ses cheveux tandis qu'il pédale plus vite pour rejoindre son groupe de copains. Le prétexte donné aux parents est un exposé à préparer en anglais. La réalité, c'est qu'une partie de Donjons et Dragons se prépare et que Till a le meilleur rôle. Il a réfléchi toute la nuit à l'intrigue du jour et prévu trois snacks dans son sac à dos : des chips au vinaigre, des rollmops et des saucisses séchées. Les américains n'aiment pas trop ça mais en tant qu'allemand qui se respecte, Till porte des chaussettes dans ses sandales de printemps et un petit sachet de saucisses dans son sac. Sa Oma lui a assuré que son style était parfait avant qu'il ne quitte la maison et, bien que désormais jeune adolescent, Till était encore convaincu que sa grand-mère avait toujours raison. ANECDOTE 5 ★ Cela faisait déjà quelques temps que Till se posait des questions sur son "couple". Comme ses copains, il avait eu sa première petite amie vers les 16 ans. Une fille gentille, jolie, qu'il appréciait réellement. Le problème était qu'à la différence de ses copains, il ne ressentait pas particulièrement l'envie de l'embrasser ou de la serrer dans ses bras. Ou alors, seulement sur la joue, et seulement comme une amie. Il savait, pour avoir lu suffisamment de littérature sur le sujet, à quoi devait ressembler l'amour. Par conséquent, il était conscient de ne pas être amoureux. Les raisons qui l'empêchaient de tomber amoureux de cette fille pourtant très aimable ne lui apparaissaient cependant pas encore. ANECDOTE 6 ★ Les parents de Till faisaient les cent pas dans le salon tandis que lui demeurait calme, assis sur le canapé, résigné. Toute la maison attendait la lettre de l'université qui répondrait favorablement ou défavorablement à son souhait de s'inscrire en études d'histoire. Il avait un excellent dossier : de bonnes notes dans toutes les disciplines, un peu de sport, des remarques très positive sur son comportement. Mais qui sait ? Les universités américaines étaient compliquées. Son père parlait déjà de le renvoyer en Allemagne si jamais aucune université digne de ce nom n'acceptait son dossier ici. Till n'en pensait pas grand chose : il adorait l'Allemagne et aurait été heureux, au fond, de pouvoir prendre un peu ses distances. Ses parents étaient aimants mais il avait atteint l'âge où l'on souhaite vivre ses expériences en totale liberté. Le facteur arriva finalement : Till était accepté dans toutes les universités dans lesquelles il avait postulé. ANECDOTE 7 ★ Retour en Allemagne, pour une année seulement. C'était courant de passer une année à l'étranger dans le département d'histoire de son université qui encourageait ses étudiants à maîtriser plusieurs langues. Un aspect intime l'avait poussé à retourner en Allemagne. Il savait que ses grands-parents avaient adhéré au NSDAP. Ce n'était pas étonnant : la majorité des Allemands y avaient adhéré, officiellement, sans pour autant être activement complices des crimes du troisième Reich. Les détails de son histoire familiale demeuraient néanmoins obscurs. Ses grands-parents avaient toujours refusé d'en parler. Quant à ses parents, ils n'étaient capables que de donner des informations très superficielles. Eux-mêmes n'avaient jamais réellement su ce que leurs propres parents avaient fait entre 1933 et 1945. Till passa les premiers mois de son année à Berlin le nez fourré dans les archives pour essayer de retrouver son histoire. Ce qu'il trouva le changea définitivement. Il se mis en route pour toutes sortes de destination : Auschwitz, Treblinka, Buchenwald... Il se sentait redevable d'une dette contractée par son grand-père. Son nom, à lui, était dans les archives. En tant que jeune historien héritier de ce passé, son rôle était désormais de retrouver les noms de toutes celles et ceux qui avaient disparu dans ces camps. ANECDOTE 8 ★ "Si je bois encore ne serait-ce qu'un seul café, je me transforme en tasse". Till était au bout du rouleau, des cernes jusqu'aux genoux et le dos en compote. La soutenance de thèse était enfin arrivée. Après tant d'années passées à lire des atrocités sur les camps de concentration, il avait hâte que cela se termine. Aaron avait répondu à sa blague en riant, puis l'avait embrassé tendrement dans le cou avant de retourner à son bureau : les deux étudiants colocataires étaient en couple depuis deux ans déjà. Till avait fini par comprendre qu'il était homosexuel et l'accepter sans trop de difficultés. Il avait coupé les ponts avec son grand-père avant qu'il ne meure et débuté naturellement sa thèse sur le traitement des homosexuels dans le camps où cet homme, de son propre sang, avait volontairement travaillé. Avec le temps et le recul de l'historien, le poids de cet héritage s'apaisait. Lui n'y était pour rien. Il s'était évertué pendant plusieurs années à rendre la parole et l'histoire aux personnes que sa famille avait fait souffrir, c'était sa façon de racheter les crimes de son grand-père.   ANECDOTE 9 ★ Trop de bruit. Trop de gens. Trop de tout. Aaron adorait New-York, adorait l'ambiance, adorait le poste qu'il avait décroché à la suite de sa thèse au Metropolitan Museum. Till était moins enthousiaste. La visite de leur premier appartement lui donna envie de partir en courant : petit, sombre, au dessus d'un boulevard beaucoup trop fréquenté. Une seule pièce à vivre comprenant la chambre et la cuisine. Pourquoi s'infliger une telle vie ? Il répondit avec un sourire résigné à l'enthousiasme d'Aaron qui se projetait déjà dans ce trou à rats. Très bien, c'était parfait. Si l'homme de sa vie disait que ça l'était, alors ce le serait. ANECDOTE 10 ★ Dernier regard dans le miroir. Dernière vérification de n'avoir rien coincé entre les dents. Dire que Till était stressé serait en dessous de la réalité : il flippait complètement. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouverait dans une classe, il avait déjà fait des stages, donné quelques cours, assisté quelques professeurs à l'université, mais c'était la première fois qu'il serait réellement le prof. Le seul prof. Pour toute l'année. Quelle angoisse. Dans sa tête, il n'avait pas encore quitté les bancs de l'université et en entrant dans sa salle de classe, il eut presque envie d'aller s'asseoir dans le fond et d'attendre que le prof ne donne les consignes. Mais c'était lui, le prof. Pour suivre Aaron à New-York, il avait accepté la première offre d'emploi venue et se retrouvait à Harlem, dans une école visiblement très mal fréquentée. La première heure de cours fut... Intéressante. Il n'était pas habitué à ce public, à leur façon de s'habiller, à leur façon de parler. Il n'avait pas les connaissances de leur milieu social mais il avait un atout pour s'en sortir : l'intelligence du cœur. A force de patience, à force de dialogue, à force de bienveillance, il parvint à se faire sa place dans cette école et à se faire respecter. Ce ne fut pas drôle tous les jours mais il tenait le coup. Il s'était attaché à ses élèves qui le lui rendait majoritairement bien. Et il était avec Aaron. Tout allait bien. ANECDOTE 11 ★ Des fleurs, un cercueil, des pleurs. Oma était partie. Contrairement à son grand-père, Till avait gardé une affection profonde pour sa grand-mère jusqu'à la fin. Ils avaient pu échanger après les recherches de Till, mettre les choses à plat. Il avait alors été clair que le rôle de sa grand-mère n'avait été que passif, subissant ce qu'il se passait sans jamais y prendre part activement. C'était déjà trop mais Till savait que n'avait pas été résistant qui voulait : la pression du régime et de l'entourage avait été trop forte. Il lui avait pardonné. Till mit plusieurs longs mois à faire le deuil de cette Oma si douce qu'il avait aimé tendrement en retour. ANECDOTE 12 ★ Des copies, encore des copies. S'il en avait eu envie, il aurait été simple de reporter leur correction au week-end suivant. Néanmoins Till n'aimait pas traîner dans son travail. En outre, cette bonne excuse lui permettait d'échapper au vernissage auquel Aaron voulait absolument le trainer. Certes, Till était sensible à l'art, mais il l'était également au bruit, aux gens et à l'agitation : après une semaine en classe, il avait besoin de passer son week-end dans le silence le plus absolu pour récupérer. Il soupira avant de reporter son attention sur la copie qui lui faisait face tandis qu'Aaron chantonnait dans la salle de bain tout en se préparant. Leur appartement était si petit qu'ils étaient néanmoins plus ou moins dans la même pièce, séparés au maximum d'un mètre. "Je rentre dans maximum deux heures. Le temps de dire bonjour, de regarder, de dire au revoir." Till esquissa un sourire et lui souhaita de bien s'amuser. Ils échangèrent un baiser. "Je t'aime, je t'aime, je t'aime. A tout à l'heure". Et il était parti. Un nouveau soupir et retour à ses copies qu'il eu le temps de corriger entièrement : malgré sa promesse, Aaron fut ne fut de retour que sept heures plus tard, au petit matin, et passablement ivre. Ce n'était pas grave : Till ne souhaitait à son conjoint que de s'amuser et de profiter des choses qui lui faisaient plaisir. Il lui faisait en outre une absolue confiance et ne songea pas un instant qu'Aaron aurait pu être dans les bras d'un autre. Il s'était simplement laissé emporté par l'ambiance de la soirée. Rien de grave. Tant qu'il était avec Aaron, tout allait bien. ANECDOTE 13 ★ Un sourire d'excuses, des rires dans la salle. "Si j'avais un chat, je lui collerais probablement ça sur le dos. Mais je dois être honnête : ici, le chat, c'est moi." Till haussa les épaules avec un air désolé tandis que ses élèves se moquaient ouvertement, mais gentiment, de lui : eh oui, il avait renversé une tasse entière de café sur leurs copies... Sa conscience professionnelle le poussait à culpabiliser et il avait appréhendé le moment de l'avouer à ses élèves mais finalement, ils prirent la chose avec philosophie. Ils pouvaient réécrire les copies, cela leur donnait un temps supplémentaire pour réviser et mieux réussir cette évaluation. Et puis, leur enseignant d'histoire se montrait systématiquement compréhensif lorsque c'étaient eux qui avaient des difficultés pour réaliser certaines tâches ou rendre leurs travaux à temps. Cette relation de confiance mutuelle tua dans l’œuf tout reproche. Till se promit néanmoins de ne plus jamais boire de café tout en corrigeant. ANECDOTE 14 ★ Les minutes passaient. Till attendait. Ce n'était pas son rôle d'être ici, dans cette salle d'attente, espérant que rien n'arriverait à Ayse. Ce n'était pas à lui de tenir sa main lorsqu'elle reviendrait finalement sur un fauteuil roulant. Ce n'était pas à lui d'essuyer ses larmes et de la réconforter en lui promettant que d'autres occasions viendraient, qu'elle était encore jeune et avait la vie devant elle. Non, ce n'était pas son métier d'enseignant. Pourtant, cette élève n'avait trouvé personne d'autre vers qui se tourner lorsqu'elle avait appris qu'elle était enceinte d'un garçon qui s'en fichait pas mal. Elle aurait préféré mourir que d'en parler à ses parents. L'infirmière et la psy de l'école étaient débordées, surchargées par un système éducatif public qui ne mettait pas les moyens pour suivre les enfants dont il avait la charge. Alors, même si ce n'était pas son rôle de professeur, Till avait accepté d'être le confident, le père et l'ami de son élève tout à la fois, parce qu'à ce moment là elle n'avait aucun autre adulte vers qui se tourner. Il avait accepté de l'emmener consulter pour dater sa grossesse, d'échanger avec elle pour lui rappeler que ce serait son choix, de rechercher des pistes d'aides d'urgence pour le cas où elle le garderait. Elle lui avait finalement demandé de l'aide pour prendre rendez-vous et arrêter la grossesse. Lui-même désirait ardemment avoir des enfants mais il n'en parla jamais à Ayse : cela ne regardait que lui et son conjoint et jamais il ne se serait permis de formuler le moindre jugement. Chacun faisait ses choix. En la voyant fondre en larmes, Till sentit malheureusement que ce choix n'était pas tout à fait celui de son élève mais celui que les circonstances, que son âge, que son milieu familial lui imposaient. Il pensait ses mots : elle avait le temps. Cela ne remplacerait néanmoins jamais cet enfant. Avant de se faire déposer chez l'amie qui devait couvrir Ayse pendant sa période de convalescence, afin que ses parents ne découvrent rien, elle fit promettre à Till de ne jamais en parler à personne. Du haut de ses quinze ans, elle faisait entièrement confiance à ce professeur qui incarnait une forme de stabilité dans une vie extrêmement instable. Il n'était pas simple d'être une jeune femme à Harlem. Till promit et tint sa promesse : aucun enseignant, aucun élève, aucun de ses amis, pas même ses propres parents n'entendirent jamais parler de cette histoire. On avait placé en lui une confiance énorme, il devait s'en montrer digne. ANECDOTE 15 ★ Till esquissa un sourire navré tout en récupérant sa veste aux vestiaires. Il savait que cette soirée était extrêmement importante pour Aaron mais il avait déjà trop trainé : il était plus de minuit, il lui faudrait au moins une heure pour rejoindre leur domicile, et il avait cours à 8h le lendemain. Qui organisait des visites nocturnes d'expositions privées en pleine semaine ? Les gens qui travaillaient avec des horaires souples, comme Aaron et ses amis qui appartenaient tous au monde des arts. Dans l'éducation, l'emploi du temps était moins libre. Till embrassa Aaron, le félicita pour son travail et s'excusa de partir si "tôt". Aaron lui répondit avec un sourire et un nouveau baiser, lui assurant que cela ne faisait rien et qu'il avait déjà apprécié qu'il fasse l'effort de venir malgré ses cours le lendemain. Ils se respectaient mutuellement dans leurs obligations, envies et contraintes. Till salua brièvement les amis artistes, collectionneurs et conservateurs d'Aaron qu'il connaissait finalement peu faute d'avoir beaucoup de sujets de conversation en commun, et s'éclipsa discrètement. ANECDOTE 16 ★Des cartons, de livres surtout. Encore des cartons, de vêtements, de bibelots, de choses sans importance. Il n'avait pas envie de partir. Il n'avait pas envie de quitter Aaron. Et pourtant le camion de déménagement venait de se garer en bas de leur immeuble. Les déménageurs montèrent, prirent tout, chargèrent, partirent. Un avion attendait Till et sa petite valise. Il aimait Aaron et Aaron l'aimait mais cela ne suffisait pas ou plutôt ne suffisait plus. Leurs chemins s'étaient séparés au fil des années et désormais la trentaine bien tassée, des choix s'imposaient. Till avait besoin de nature, de calme. Il voulait construire une famille, s'éloigner de la ville. Aaron avait d'autres projets, en ville, dans un contexte mondain et sans aucun désir d'enfants. Les chemins s'étaient séparés sans cris, sans disputes. Dans le calme le plus absolu, ils échangèrent un dernier baiser et essuyèrent mutuellement leurs larmes : dans une autre vie, ils auraient peut-être pu rester ensemble. Dans celle-ci, ils s'étaient malheureusement rendu compte que leurs souhaits profonds n'étaient plus en adéquation et que se rendre mutuellement leur liberté restait le meilleur choix. Un choix respectueux, empreint de tendresse, à l'image de toute leur histoire. Till essuya une dernière larme et prit sa valise. Il était temps de partir. ANECDOTE 17 ★ Retour chez ses parents, chômage. Cette période creuse permit à Till de cicatriser sa séparation douloureuse. Il avait besoin de temps et ses parents l'accueillirent et lui offrirent le cadre et le réconfort dont il avait besoin. Il n'avait pas honte de retourner chez ses parents la trentaine largement passée : parfois, une pause était nécessaire et bénéfique. Il occupa son temps à lire, peindre, parler des heures en allemand avec sa mère qui sentait sa douleur et restait attentive aux besoins de son unique enfant. Quelques mois passèrent. Lorsqu'il s'en sentit capable, Till consulta les annonces de recrutement en éliminant d'office tous les établissements de ville : il avait quitté Aaron car il ne pouvait plus supporter ce rythme frénétique, désormais il était prêt à changer radicalement de vie. Ses parents acceptèrent difficilement qu'il ne cherche pas à réintégrer un établissement mieux placé. Compte tenu de ses études brillantes, il aurait pu postuler partout où il le souhaitait. Il décrocha finalement un entretien au lycée de Redwood, une ville si petite qu'il n'en avait jamais entendu parler avant de lire l'annonce. Il consulta internet pour savoir à quoi s'attendre puis réserva un vol pour se rendre à l'entretien : c'était parfait. Exactement ce qu'il cherchait. Exactement ce dont il avait besoin. ANECDOTE 18 ★ "Alors ? Quand est-ce que tu me feras de petits-enfants ?" Son soupir fut probablement assez fort pour que sa mère l'entende à l'autre bout du téléphone. Les années passaient. Till avait eu quelques histoires après Aaron mais rien n'avait fonctionné. Il savait ce qu'il voulait mais le trouver dans une aussi petite ville n'était pas forcément simple. Et les années passaient. Fêter ses quarante ans fut clairement un coup difficile, même s'il n'était pas vaniteux : il aurait simplement voulu en être à une autre étape de sa vie arrivé à cet âge. Malheureusement il n'y avait ni mariage ni enfants à l'horizon. S'il comprenait l'impatience de sa mère, il ne la partageait pas nécessairement : les choses viendraient lorsque ce serait le moment, et tant pis si elles ne venaient pas. On ne pouvait pas forcer le cours de l'histoire, y compris de son histoire personnelle. Sa petite vie solitaire lui convenait, avec ses habitudes, ses rituels, et surtout sa tranquillité. Il n'avait aucune raison de se plaindre, donc il ne se plaignait pas. ANECDOTE 19 ★ Il n'en était plus à sa première rentrée mais entendre les élèves bégayer sur son nom de famille le faisait toujours sourire avec autant de douceur. Neuschwanstein. Il ne serait probablement pas plus difficile de demander à un américain de dessiner un monde communiste heureux. Il attendit que les essais infructueux cessent dans sa salle de classe pour récupérer la parole. "Bien, la leçon d'histoire commence dès maintenant. Oui, oui, dès le premier jour. Neu-schwan-stein. C'est un nom que vous retiendrez et dont vous pourrez vous vanter de connaître les origines auprès de tous vos copains." Ses élèves lui lancèrent le regard qui dit : mais bien sûr, cause toujours. Leur intérêt ne bouda néanmoins pas longtemps et dès qu'il eut fini d'expliquer qu'il partageait son nom avec le célèbre château allemand qui avait inspiré Walt Disney, ses élèves confirmèrent ce que Till entendait chaque année : c'était une bonne anecdote qu'ils ne manqueraient pas de raconter autour d'eux.