Cela soulageait beaucoup Joel d'entendre l'expérience d'un autre papa.  Quand ses proches – sans enfants – lui disaient qu'il agissait de la bonne manière, même si c'était adorable à souhait, une part de lui doutait quand même.  Etait-ce parce qu'ils le connaissaient qu'ils prétendaient que les adolescents sont difficiles ou bien était-ce réellement le cas chez tout le monde ?  Pour sa part, il donnait son maximum et tentait d'être un 'bon père' si cela existait, même s'il était difficile, dans cette tranche d'âge de s'ajuster parfaitement à la bonne dose de limites à imposer, contrebalancée par tout l'amour qu'il éprouvait pour son enfant.  Les disputes à répétition pourraient le pousser à abandonner et laisser plus de latitudes à sa fille ou juste à s'arrêter à son comportement difficile, mais Jo essayait que ça ne soit pas le cas, bien que cela ne soit clairement pas facile tous les jours !  « Je ne sais pas si ça me rassure ou me désespère ! »  Reconnait-il, soulagé tout de même de ne pas être le seul à tâtonner.  Les deux hommes conviennent avec complicité que, puisque eux étaient des adolescents 'faciles', ils devaient être exceptionnels.  D'ailleurs, les compères s'entendent si bien qu'Alejandro fait une petit blague qui manque de nous faire perdre le journaliste, déjà parti dans son imagination débordante et se figurant tous les dangers auxquels sa fille pourrait être confrontée si elle était dans la nature plutôt que chez les voisins de quartier.  

Les deux hommes ne sont pourtant pas là que pour faire la conversation et passer un moment convivial.  Non, ils ont une mission de la plus haute importance : chaperonner, avec d'autres parents, la soirée d'Halloween.  Si Joel s'était tout de suite imaginé les bêtises que faisaient généralement les plaisantins, il avait omis qu'il devrait jouer les médiateurs dans des histoires de jeunes, pas vraiment un rôle dans lequel il se sentait à l'aise, mais bon, il était trop tard pour se dérober à présent.  Après un bref accord avec Alejandro, Jo se lance et tente de résoudre le premier drame adolescent auquel ils sont confrontés ce soir.  Evidemment il s'agit d'un problème de filles.  Evidemment parce que ça met notre trentenaire moins en confiance que si c'était deux gamins qui étaient en train de se chamailler.  Il trouve toujours la situation plus délicate lorsque l'embrouille a lieu entre deux demoiselles car il peut être maladroit et n'a pas envie de heurter leurs sentiments.  Visiblement, la chance lui sourit ce soir et il s'en sort honorablement, en toute modestie, et pas mécontent que le prochain 'cas' tombe sur son collègue d'un soir.  « Faut croire... »  Il était peut-être un peu surpris lui-même, au final. « Des fois je me dis que même si ce n'est pas la bonne solution, les mecs au moins ils se tapent dessus cinq minutes et puis le problème est réglé.  Je ne suis pas non plus très à l'aise avec les grandes discussions à coeur ouvert, surtout quand elles ne me regardent absolument pas ! »  Reconnait-il avant de plaisanter au sujet de la boisson.  « Oh bon sang, pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt ? »  Ils seraient bien tranquilles s'ils pimpaient la boisson, ce qui restera bien évidemment au stade de fantasme dans le chef de Joel.  D'humeur joueuse, comme bien souvent, Joel propose un petit pari.  A combien vont s'élever le nombre d'interventions qu'ils vont devoir réaliser ?  Peut-être que cela leur porterait malheur d'arrêter un nombre... ou pas.  Il opine du chef à la réponse de Mario avant d'entendre des cris et de voir le plombier d'un soir prendre sa tâche très au sérieux et se rendre vers les lieux des cris.  

Pour sa part, Joel continue de guetter les alentours et tente à nouveau de repérer sa fille, en vain.  Il sort donc son téléphone portable pour lui envoyer un petit message et s'assurer que tout va bien.  Il rêve sans doute s'il imagine qu'elle va lui répondre alors qu'il lui fait déjà la gêne ultime de chaperonner la soirée.  Disons que l'espoir fait vivre.  Reportant son attention sur les boissons et les jeunes autour de lui, il laisse ensuite ses yeux vagabonder à la recherche d'Alejandro, se demandant s'il s'en sort et restant aux aguets, au cas où il aurait besoin d'un coup de main !

Jouer les chaperons est une tâche plus difficile que ce qu’Alejandro imaginait. Lui qui pensait seulement avoir à surveiller quelques adolescents qui rient et qui dansent, il se rend désormais compte que tout peut être source de problèmes ! Sans quitter des yeux le punch qui se rapproche plus d’une boisson énergétique qu’autre chose, ils doivent aussi, avec Frankie, régler les disputes entre les jeunes. Le premier à s’y coller, c’est son acolyte qui s’en sort pas trop mal, même s’il avoue que ce n’est pas son truc. Alejandro approuve. Les garçons, c’est plus simple. En même temps, Zelda tient plus du garçon manqué alors… son expérience est assez limitée ! Sauf si les disputes avec ses deux ex-femmes entrent en compte… « J’avoue, ce serait une bonne solution ! » Endormir tous ces petits monstres… Il ne sait même pas où regarder tellement il y a de mômes à surveiller. Combien d’interventions auront-ils à faire, demande Joel. Al’ espère juste qu’il n’y en aura pas trop. Il est pas assez qualifié pour gérer les crises adolescentes. Pourtant, c’est sans hésitation qu’il se précipite vers des cris qui viennent d’un coin de la salle.

Il se faufile entre les jeunes, se rapprochant petit à petit de l’agitation qui se fait donc de plus en plus forte. Il doit jouer des coudes pour franchir les derniers mètres qui le sépare de l’action pour découvrir… deux gamins qui s’empoignent ! « Joder… » qu’il grince avant de se précipiter pour tenter de séparer les deux garçons. Plus difficile qu’il ne le croit, ce n’est qu’après quelques minutes qu’il arrive à faire en sorte qu’ils ne se touchent plus. Il tente bien sûr d’avoir des explications sur ce qui vient de se passer, mais ne comprend que dalle ! « Suffit ! Vous allez me suivre ! » Il les empoigne, un de chaque côté, et revient vers Joel. « Une bagarre ! » qu’il lance à son acolyte, tout en poussant les deux ados sur des chaises, non loin de là. « Pas bouger ! » Son ton se fait dur, un peu agacé par les comportements des deux jeunes. « Les faire poireauter là un instant ça les calmera ! » Il remet sa casquette en bonne place. « Tout va bien de ton côté ? » Il jette un œil au punch, un coup d’œil suspect à Frankie. Il a plus confiance, lui non plus !!!

La mission des deux papas s'avère un peu moins reposante que ce qu'ils n'auraient pu imaginer.  Enfin, que ce que Joel n'avait pu s'imaginer !  D'ailleurs, s'il se colle à la première dispute, c'est ensuite au tour de son acolyte d'aller régler le second problème auquel ils étaient confrontés.  Encore heureux qu'ils ne sont pas les seuls parents bénévoles ce soir, sinon ils risqueraient bien de s'écrouler de fatigue avant même que le premier adolescent ne rentre chez lui !  En papa poule, le journaliste sportif essaye d'apercevoir sa fille parmi les nombreux déguisements qui défilent sous ses yeux, mais il n'y arrive pas.  Dans une manœuvre désespérée (il préfère ce terme à pathétique), il envoie un message qui n'obtiendra certainement aucune réponse, malgré les consignes bien claires qu'il avait pourtant données à l'Audrey Hepburn d'un soir.  

Joel a visiblement bel et bien porté la poisse, prétendant que les disputes de petits mecs sont plus faciles à gérer que les conflits féminins !  C'est ce qu'il constate alors qu'Alejandro revient flanqué de deux garnements dont les déguisements ne masquent pas l'air penaud.  Franchement, Jo doit se retenir pour ne pas éclater de rire tant la scène est comique à voir !  Il se mord l'intérieur des joues et hoche la tête avec un faux air sérieux apprenant ce qui s'est passé.  Puis, il est franchement impressionné par l'autorité de Mario qui donne ses consignes que les deux petits gars, n'en menant pas large, respectent en allant gentiment s'asseoir la tête baissée.  « J'suis à deux doigts d'aller moi aussi m'asseoir sur une chaise et de te demander pardon ! »  Annonce-t-il, ne riant qu'à moitié !  « Ici tout le monde a été bien sage, c'est promis. »  Dit-il, levant les mains en l'air, espérant ainsi qu'on le croit sur parole.  

Le reste de la soirée se déroula sur le même ton.  Entre quelques plaisanteries ou anecdotes échangées, il y eut une cheville à aller vérifier après quelques pas visiblement un peu trop endiablés sur le dancefloor, une dénonciation de jeunes qui fumaient dans les toilettes et autres joyeusetés adolescentes.  Joel ne fut pas mécontent que la soirée touche à sa fin, complètement crevé.  « On n'a plus vingt ans ! »  Constata-t-il en baillant, en direction de son acolyte avec qui il avait franchement apprécié passer la soirée.  C'était passé bien plus vite grâce à la présence d'Alejandro.  « Si ça vous dit de venir souper à la maison un de ces soirs, on serait ravis de vous accueillir !  Petite précision qui pour l'instant peut te sembler futile, mais qui ne l'est pas le moins du monde : on commandera des pizzas ou quelque chose parce que si je me mets derrière les fourneaux... vous risqueriez bien de ne plus jamais revenir ! »  Plaisanta-t-il, avant de finalement prendre de congé des Alvarez.