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VAN ⅋ ESTHER

Petite, Esther allait souvent en forêt avec son père. Elle adorait lui faire comme blague de partir se cacher derrière un arbre ou dans le creux d’une petite grotte de terre. Alors, elle attendait qu’il hurle son prénom – c’était la coutume, et qu’il vienne la trouver. Une partie de cache-cache en plein air, somme toute. Mais une fois, l’enfant qu’elle était alors s’était aventurée trop loin. Pas stressée le moins du monde, elle attendait sagement que son père ne la retrouve, jouant avec tout ce qu’elle pouvait trouver pour patienter. Sans s’en apercevoir, elle s’éloignait un peu plus du paternel à chaque caillou trouvé et finit par atteindre les recoins les plus sombres de l’endroit boisé. Et pour la première fois, Esther eut un peu peur. Du haut de ses huit ans, elle s’époumonait : « Papa ? Papa ? » sans réponse. Toutefois, elle entendit des bruits de pas dans les feuillages tout près d’elle. Elle se retourne : une petite fille qui ressemblait à une petite poupée de porcelaine. Une petite poupée un peu abîmée. Peut-être un peu plus vieille qu’elle. « Comment tu t’appelles ? » avait demandé Esther, toute souriante. Parfaitement sociable, elle en était presque à oublier qu’elle était perdue au milieu de nulle part, avec la lumière qui déclinait comme en début de soirée. « Je m’appelle Esther. J’ai perdu mon papa. » Huit ans, insouciante, heureuse de ne plus être seule. Les deux enfants avaient joué ensemble pendant quelques temps, peut-être une demi heure avant que Dan Ramsey ne trouve enfin sa fille toute recouverte de boue et de feuilles de chêne.


Mais Esther était trop petite pour se rappeler de cette rencontre. En réalité, elle avait quelques vagues souvenirs de cet échange surréaliste avec la petite fée de la forêt. Seulement, avec l’âge, elle s’était persuadée qu’elle en avait seulement rêvé. Elle y repensait à chaque fois qu’elle décidait de partir se balader à ce même endroit, seule désormais, capable de retrouver son chemin en parfaite autonomie depuis le temps. La petite fée de la forêt. Avec ses cheveux tout brun et son doux visage malicieux.
Aujourd'hui, munie de son appareil photo et de ses meilleures chaussures de randonnées, elle était déterminée à faire ses plus jolis clichés. Avec la lumière de l’été, c’était gagné d’avance. Arrivée près d’un petit point d’eau, elle se baisse afin de plonger sa main et se rafraîchir un peu. Quelle chaleur ! La jeune femme verse un peu d’eau sur sa nuque à l’aide de sa petite gourde. Un petit bruit dans les feuillages l’interrompt dans sa pause fraîcheur, et elle se relève immédiatement, alerte.
Alors quand elle voit cette jeune femme en face d’elle, qu’elle tombe nez à nez devant elle à vrai dire, Esther se liquéfie. Figée, les yeux ronds, on dirait qu’elle a vu un fantôme ou qu’elle vient d’enfin rencontrer une personne qu’elle n’avait vu jusqu’ici qu’en rêve. Et elle ne croît pas si bien dire. « Toi ? » fait-elle en bégayant. Elle reconnaît ce visage malicieux, malgré ces nouveaux cheveux blonds polaires. Mais elle a du mal à se rendre compte, Esther. Ça lui paraît inconcevable dans son esprit ultra cartésien. « Tu existes ? » Elle a l’air sûrement complètement folle, face à la jeune femme. Parce qu’elle a quand même bien l’air d’exister, cette personne en face d’elle. Les yeux plissés, toujours dans la même posture, Esther semble figée dans l’espace-temps. Elle n’en croit pas ses yeux, et pourtant.

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VAN ⅋ ESTHER

Juste après avoir prononcé cette dernière phrase, Esther recula légèrement en secouant la tête. Tu existes pensa t-elle bien silencieusement, se rendant compte de l’absurdité de cette question alors que la blonde devant elle semblait aussi surprise qu’elle, mais pas dans le même sens. Esther ne regarda pas tout de suite comment était habillée la jeune femme, toujours un peu choquée par sa présence et fixait son visage à la recherche d’une sorte d’explication qui n’arrivait pas… Reprenant ses esprits, elle secoua à nouveau sa tête en fronçant les sourcils ; Esther ne perdait jamais le contrôle, ne se laissait que rarement rattrapée par ses émotions. Question de pragmatisme. « Tu es... » murmura t-elle presque silencieusement alors que la jeune femme remplissait sa gourde à son tour. Maintenant qu’elle était plus proche, Esther était sûre de la reconnaître et eut cette sorte de révélation : ça n’était donc pas un rêve ? « La petite fée de la forêt ! » s’exclama t-elle en éclatant de rire. « C’est fou ! » Après la surprise vint l’émerveillement. « Je me suis perdue ici quand j’étais petite, et j’ai toujours cru que j’avais rêvé cette scène mais je suis presque sûre que c’était toi. Mais tu étais brune. » L’étudiante, de retour à un calme normal, scrutait maintenant ce fantôme tout droit venu du passé. Elle était vêtue d’un pantalon noir et blanc, assez usé et terni par le temps, mais qui avait l’air vraiment confortable. A ses pieds, de belles rangers elles aussi légèrement usées. Son haut tirait aussi un peu sur la corde. Et ces cheveux ! « Tu as fait une couleur ? C’est très joli. » Esther prenait un ton décontracté, comme si elle connaissait pour de vrai cette jeune femme depuis toujours. A vrai dire, à force d’avoir pensé à elle (même en tant que songe), elle avait l’impression de la connaître un peu.

« Je suis Esther. » dit-elle en espérant raviver la mémoire à son interlocutrice. Plissant les yeux, elle tentait tant bien que mal de se souvenir du prénom de son interlocutrice qui pendant tant d’années ne répondait dans ses souvenirs qu’au surnom de petite fée de la forêt. Cette rencontre la rendit aussi heureuse que mélancolique, lui rappelant les promenades dominicales avec son défunt père. Elle ne se rappelait pas si ce dernier avait réellement vu la petite fille, ses souvenirs étant vraiment flous sur le début et la fin de cette mini aventure. En tout cas, Esther n’avait vu aucun adulte à la recherche de la petite fée de la forêt, et elle lui était apparue plutôt libre, dans le genre élevée par les loups. Son apparence d’aujourd’hui venait valider cette théorie un peu sulfureuse, bien qu’elle ne veuille surtout pas s’avancer sur la situation familiale de… « Comment tu t’appelles, toi ? J’ai le souvenir d’un prénom très court. » Le moment restait tout de même mystique.

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Esther pouffa lorsque la blonde lui répondit sur le ton de la blague. « Bannie ? Carrément ? Mais qu’est ce que tu as bien pu faire pour subir cette sentence ? » La jeune femme avait toutefois l’air un peu espiègle, pas du genre toute sage, plutôt baroudeuse. Pas de là à subir le joug d’une communauté toute entière, certes, mais elle l’imaginait bien faire les quatre cent coups.
Les deux jeunes femmes se re-découvraient, réalisant toutes les deux – du moins Esther – qu’elles s’étaient déjà croisées cet après midi là des années auparavant. La brune acquiesça. Oui c’était moi !  La vie avait bien changé depuis. Les balades étaient un peu plus solitaires. Esther n’avait plus de couvre feu, même si à l’époque ça n’y ressemblait pas. Disons qu’elle était raisonnable et qu’elle savait qu’il fallait qu’elle rentre à la tombée de la nuit. Autrement, ses parents lui faisaient suffisamment confiance. « Oh, pourtant c’est plutôt chouette d’être brune » répondit-elle du tac au tac alors que la mystérieuse blonde déclara ne pas aimer sa couleur de cheveux naturelle. Esther éclata de rire une nouvelle fois en l’entendant se justifier, puis balaya l’air de la main. « Je valide ! Pour ce que ça vaut... » fit-elle sobrement.
Esther entreprit de révéler son prénom, puisque cela faisait bien cinq minutes que le mystère planait à ce propos entre elles. Elle avait imaginé toute sorte de prénom pour la petite fée de la forêt à l’époque, en gardant en tête que c’était un prénom court, joli, harmonieux. Line, Maya, Dawn, Jan… Et finalement, ce fut donc Van. Elle sentit un vide se combler à l’intérieur de son cerveau. Une délicieuse sensation s’apparentant à celle d’enfin trouver le nom de quelque chose dont on peine à se souvenir. « Van. » répéta la brune, savourant l’effet.

Le moment était aussi agréable qu’étrange, mais surtout pas gênant. C’était juste bizarre de se retrouver après tant de temps, en sachant que les deux femmes n’avaient partagé à l’époque que quelques heures, peut-être même moins puisque la notion du temps à l’époque était un concept très précaire pour les enfants qu’elles étaient. De quoi parler, en vrai ? Esther ne se voyait pas lui poser des questions banales comme tu fais quoi comme études ? D’ailleurs, Van faisait-elle des études ? Etait-elle dans la vie active ? Elle pourrait simplement lui demander un plus vague tu fais quoi en ce moment ? Qui permettait une certaine liberté/créativité dans la réponse, moins culpabilisant et plus encourageant. Finalement, Van écourta son périple pensif. « Euh oui ? » Esther était toujours partante pour l’aventure. Suivre cette fille qu’elle avait rencontré une fois il y a presque vingt ans et avec qui elle n’avait passé que quelques minutes hors de l’espace et du temps ? Okay. « Je te suis, Dora ! » En référence à Dora l’exploratrice, classique de leur enfance, grâce à laquelle elle avait appris l’espagnol.
Elle suivait donc la blonde, totalement en confiance. Elle avait hâte de découvrir où elle l’emmènerait… Quelque chose lui disait que Van allait lui faire découvrir un endroit féerique, un peu dans la même énergie que ce personnage tout droit sorti de Peter Pan. Et mieux que ça, arrivée à destination et confirmé par un Tada plus qu’évocateur de la part de la jeune blonde, Esther découvrit – ou plutôt re-découvrit – l’endroit clé qui les liait toutes les deux. « Waow ! » Elle sentit une petite boule se former dans sa gorge. L’excitation mêlée à la nostalgie, sans doute. « C’est incroyable » s’exclama t-elle en s’éloignant un peu de Van, parcourant le lieu et touchant les troncs des arbres qui ornaient le bout de forêt. C’était ici. Ici qu’elle s’était retrouvée toute seule, ayant semé son pauvre père. « Je n’aurais jamais pu retrouver cet endroit c’est fou, tu as un sens de l’orientation hors du commun ! Comment c’est possible ?? » Elle était pourtant elle même assez douée en la matière, sachant se déplacer en ville sans gps assez intuitivement. « Tu reviens souvent te balader dans la forêt ? » Esther ne put s’empêcher d’accompagner cette phrase avec un regard sur les rangers de Van, usées et un peu couverte de boue. Avec cette dégaine de baroudeuse, on pouvait penser qu’elle habitait carrément dans la forêt.

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@Esther Ramsey   & Van

Bannie, oui, c’était bel et bien le mot. Oui, la brune ne comprenait pas, mais pour Van, elle avait cette sensation. La sensation qu’elle avait était bannie de la vie, bannie de sa famille -si on pouvait appeler cela comme ça-, bannie de la civilisation.  C’était pour cela qu’elle s’était réfugier ici, au cœur de cette forêt qu’elle avait toujours aimer et qui selon elle, lui rendait bien. L’âme de la foret l’aimait, l’âme de la forêt lui rendait  l’amour qu’elle lui portait. Elles se protéger mutuellement. Elle n’était finalement peut être pas aussi déçu que cela d’avoir était « bannie ». Mais ce n’était pas un sujet sur lequel elle voulait trop s’étendre. Elle préférait garder ce sourire qui était afficher sur son visage et continuer dans l’humour qui avait pourtant en soit un sens.  Juste que la brune ne comprenait pas, car elle ne savait pas grand-chose de Van. « Ouais bannie ! Pour plein de raisons. T’sais les fées c’pas aussi ouvert d’esprit qu’vous l’pensez vous autre les humains. » Dit elle en faisant  un petit clin d’œil a la brune, un clin d’œil amusé.  Et puis le sujet en vin a ses cheveux, fraichement décolorés pour devenir blond polaire. Elle haussa les épaules. « Ouais, toi ca t’vas bien. Mais pas a moi. » Dit elle en secouant la tête a la fin de sa phrase. En soit, c’était aussi pour ne plus ressembler a ses parents, ne plus avoir de similitude avec eux. Elle n’avait plus envie d’avoir un quelconque rapport avec eux. Elle portait déjà le même nom qu’eux et c’était bien assez.  Elle avait tout de même un petit peu de rancœur envers eux. C’était enfouis, c’était bien cacher au plus profond d’elle, mais c’était là.  « Moi j’suis mieux en blonde. » Dit elle en souriant. Elle se sentait mieux comme cela. Elle se sentait plus elle, plus en adéquation avec sa personne.
Elle annonça son prénom. Pas l’officiel, celui qui trônait sur les rares papiers officiels qui devait encor existé la concernant, mais celui qu’elle avait toujours annoncer comme étant le sien. Van. Un diminutif, mais ca lui suffisait. C’était court, c’était rapide, simple et efficace. Ca rester en mémoire ou ca s’oublier et ca lui allait très bien.  Et c’était toujours mieux qu’un prénom bidon comme ses géniteurs avait put lui donner.  Elle haussa rapidement un sourcil quand Esther le répéta. Elle ne comprenait pas, elle était a des lieux de comprendre qu’elle venait de réveillé quelque chose chez cette brune. Elle s’était rendu réel, là où la brune avait toujours pensée qu’elle était le fruit de son imagination de petite fille. Donnant vie a des pensée et des songes. Van ne comprenait pas cela, parce qu’elle ne connaissait pas vraiment cette brune. Leurs rencontre et amitié avait était éphémère a l’époque. Pourtant, chez elle aussi ca avait révéler quelque chose. Ca avait révélé la véracité d’un de ses souvenir qui lui revenait parfois.

Elle l’avait conduit sur le lieux de leurs rencontre. Elle se souvenait parfaitement où c’était et comment y aller. Après tout, elle connaissait cette forêt comme le fond de sa poche.  Elle sourit en voyant la brune s’émerveillée. Elle l’observa un instant, s’adossant délicatement a un arbre un peu penché qui était vers elle.  Un fin rayon de soleil venait faire briller la chevelure brune d’Esther et rendait surement l’endroit un peu plus féérique.  Et si Van profita un peu de ce spectacle en souriant, il n’en restait pas moins que de temps en temps son regard se promener sur les contours du lieux. Elle était a la frontière de la partie de la forêt où elle ne devait pas  aller.  Elle avait l’impression que n’importe quel danger pouvait surgir de derrière un arbres, un buissons ou même un rocher. Elle reposa son regard vert sur la brune quand celle-ci parla. Elle haussa les épaules.  « Je connais cet endroit par cœur. » Dit elle simplement. Elle oubliait un moment le danger et focalisa son attention sur la brune.  Un instant elle pouvait bien se permettre de se sentir bien non ? Elle  se décolla de l’arbre et s’approcha un peu de la brune. « Non. » Dit elle en premier lieu. Elle regarda autour d’elle et alla se pencher un peu vers elle pour lui souffler a l’oreille. « Je vie un peu plus loin. » Elle se redressa en souriant. Puis elle pointa du doigt la « frontière » d’où elle ne pouvait plus aller. « Je ne vais jamais par ici par contre. C’est dangereux. C’est de là qu’on m’a bannie. Je te conseil de ne jamais y aller toi non plus. » Elle soupira doucement. « Les gens qui y traine sont pas des gens gentil. Ils pourrait te tirer dessus et dire qu’ils t’on prit pour du gibier. »  Elle les connaissait bien ces gens, elle avait grandi avec eux. Elle savait que son père et sa bande n’était pas ce qu’on pouvait appeler des bon chasseurs.  C’était même tout le contraire, ils tirait a vue et se fichait de savoir sur quoi ils tiraient. Van ne serait pas surprise d’entendre un jours qu’ils avaient abattue un randonneur ou un animal de compagnie. Des fou de la gâchettes, voila ce qu’ils étaient aux yeux de la fausse blonde.  Alors elle se devait de prévenir celle qu’elle voyait comme son amie, même sans la connaitre. Pour qu’il ne lui arrive rien.  Et puis, elle ne voulait pas une nouvelle vie sur la conscience, pas encore un fantôme accrocher a elle.  Elle sourit a nouveau. « Ton papa va venir te chercher a nouveau ? » Demanda t elle sans savoir que ce n’était sans doute pas le meilleur sujet a aborder avec Esther.

Spoiler:

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Esther maîtrisait l’art de gérer ses émotions. Elle n’avait jamais été la proie du stress, ne s’était jamais retrouvée submergée par des situations jugée insurmontable, rien de tout cela. Ça n’était même pas qu’elle ne ressentait rien – bien au contraire – mais seulement qu’elle excellait dans l’art du camouflage. Question de politesse, de savoir vivre presque. Laisser ses émotions prendre le dessus pouvait embarrasser les gens, gâcher une expérience commune, se mettre soi même en difficulté ; bref, Esther gérait aussi bien en apparence qu’à l’intérieur. En tout cas, c’était ce qu’elle pensait et jusqu’ici, rien n’avait pu mettre à mal cette habilité bien précieuse.
Van ne pourrait donc pas voir à quel point ce lieu ravivait de jolis souvenirs en elle, agréables mais ternis par un petit creux dans la poitrine. Normal, elle accentuait sur la partie plaisante de redécouvrir cet endroit de la forêt et Van, ce qu’elle choisissait d’ailleurs de mettre en avant aussi bien d’apparence qu’à l’intérieur. Elle souriait, attendrie, alors que Van lui disait connaître cet endroit par cœur. Elle ne broncha pas tout de suite, en revanche, lorsque la blonde lui indiqua habiter un peu plus loin. Bien sûr, le ressenti des distances était subjectif, et un un peu plus loin pour certaines pouvaient vouloir aussi bien dire cinq cent mètres ou un kilomètre et demi. Mais il semblait bien à Esther qu’il n’y avait pas d’habitations à plusieurs kilomètres à la ronde… Hormis de vieilles cabanes de chasseurs ou des repères de randonneurs. « Je ne vais jamais de ce côté là de la forêt, je t’avoue que je préfère prendre de la hauteur en général. » Et donc partir de l’autre côté, là où la faune et la flore était plus respectée, où les sentiers restaient clairs et où l’on pouvait rencontrer d’autres marcheurs pacifistes dans la promenade. Esther regardait Van attentivement, masquant son air préoccupé. C’est de là qu’on m’a bannie, c’est donc certainement là bas et chez ces gens que Van a évolué dans son enfance. L’hypothèse dans sa tête pouvait être corroborée par le fait qu’elle qualifiait ces gens de méchantes personnes. Dangereuses. « A quel âge as-tu été bannie ? » demanda t-elle en regardant au loin vers l’endroit interdit pour appuyer son propos. La manière qu’elle avait de s’exprimer, ce franc parler très nature et tout son attirail marquait la franche différence de style de vie entre les deux jeunes femmes. Esther avait vécu – vivait toujours – la vie d’une nantie, disposant de tout ce dont elle avait toujours eu besoin,  n’ayant jamais manqué de rien. Ayant reçu la meilleure éducation possible, aussi bien dans sa famille qu’à l’école. Tous ces marqueurs sociaux n’étaient pas dissimulables, eux. Avaient-ils une incidence sur leur échange ? Van remarquait-elle le bagage social d’Esther ? A ce moment là, elles étaient à nouveau les deux petites filles d’il y a quelques années, jouant dans la forêt, insoucieuses. Du moins, c’était le cas pour Esther à l’époque.

Sauf que non, son père n’irait plus jamais la chercher. « Non je me ballade toute seule maintenant » dit-elle en pouffant silencieusement. Il était inutile et surtout très plombant de déclarer d’emblée que son père était désormais mort. La question de Van était beaucoup trop mignonne pour être salie par de tristes informations de la sorte. « Tu as quel âge Van ? » La vie de la petite fée de la forêt l’intriguait énormément, en réalité. « Et tu disais que tu ne vivais pas très loin, c’est plutôt vers l’est de farming area du coup ? » Elle ne voyait que cela de possible, si on allait à l’opposé de l’endroit où elle était bannie. A part farming area, se situant à bien quatre kilomètres d’où elles se trouvaient, aucune autre civilisation aux alentours.

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Le sourcil droit d’Esther s’arqua furtivement en voyant Van marmonner toute seule. Elle n’en perdit pas son sourire, plus amusée qu’effrayée par la jeune femme atypique qui se situait devant elle. « Je t’avoue qu’en effet, ce sont les chasseurs qui me font un peu peur ici. » déclara t-elle avec une moue désolée. Peur de pas grand-chose sauf d’être confondue avec une biche un dimanche matin pendant la saison de la chasse, la brune. « Mais tu pourrais explorer avec moi ? T’as tellement l’air de la meilleure guide ! » La petite fée de la forêt portait bien son nom. Elle avait l’air de faire corps avec le décor, en parfaite harmonie. Pas une once de méfiance, une attitude sûre d’elle à en faire pâlir tous les gardes forestiers du coin.
Esther avait tout de même l’intuition qu’il ne fallait pas brusquer Van. Bien sûr, elle avait l’air sûre d’elle, très chill et le courant passait très bien, mais restait cette impression qu’elle avait que Van ne fréquentait pas beaucoup de monde. Un côté un peu sauvage, elle avait tout l’air d’avoir besoin d’être apprivoisée. « 17 ans... » Cela venait confirmer ce qu’elle pensait. Pas majeure, bannie… Etait-il possible que Van soit toute seule toute seule ? Elle allait franchement lui demander lorsque la blonde décolorée lui posa une question qui détourna totalement son attention. Son papa. Un mince sourire s’étire sur son visage alors qu’elle lui répond qu’elle marchait toute seule désormais. Et Van n’avait pas idée d’à quel point c’était vrai. Son père décédé, sa mère partie à droite à gauche tous les quatre matins, ne rentrant que par convenance (et par culpabilité?) quelques jours par mois la laissait matériellement irrévocablement seule. Elle n’en était pas malheureuse, ayant tout ce dont elle avait besoin pour vivre correctement. Des amis, des hobby, une certaine liberté aussi quelque part… Quelque chose lui disait que Van serait à même de comprendre cette solitude. Une solitude avec laquelle elle avait fait la paix.

« Tu crois ? » Là, Esther éclata de rire franchement… Avant de retrouver une mine plus sérieuse, loin d’elle l’envie d’avoir été désobligeante. Pour sa gouverne, les gens savaient leur âge en temps normal. Elle savait qu’au fur et à mesure des années passées, on faisait moins attention. Pas envie de se rappeler le temps qui passe. Mais c’était plutôt rare d’avoir ces préoccupations dans la vingtaine. « Vingt-trois ans ! » répondit-elle sobrement, sourire chaleureux pendu aux lèvres.
Mais où est ce que Van vivait, du coup ? Farming area ? C’était les seules habitations du coin. Au Nord. « Mais ce... » Esther buggait forcément un peu. Ça se voyait à sa mine perplexe. Van devrait tiquer, à son plus grand dam. Dans son logiciel pré-établi, les gens vivaient dans des maisons. Parfois dans des quartiers, d’autres un peu plus en marge d’autres habitations. Au Nord ça n’était que la forêt. « On est loin à combien de temps de chez toi là ? » Pas envie d’être brusque, Esther. Ca n’était pas du tout son genre. Mais la curiosité la brûlait intérieurement et elle aurait voulu savoir. « Moi j’habite en ville. Dans une maison sur Lilac Road. » Tout d’un coup, elle eut presque honte. Tout le monde savait que Lilac Road abritait des maisons incroyables et luxueuses. Celle d’Esther faisait partie des plus impressionnantes… « C’est celle de ma mère ! » crut-elle bon de préciser, comme s’il fallait se justifier d’une telle vie aisée. Mai-Linh avait vendu celle où avait eu lieu le drame d'il y a quelques années, préférant faire table rase. Une nouvelle vie à deux... qu'elle avait dit. Plutôt une et demi en réalité.

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