Satya s'était inscrit à une rencontre dans un bar de Burlington sans trop savoir à quoi s'attendre. L'information lui était parvenue de façon anodine, entre deux clients à la boutique où il travaillait avec Eugen. Un habitué un peu excentrique avait mentionné cette rencontre, vaguement thématique, où l'on abordait de tout, mais surtout ce qui n'était pas exactement "officiel". L'idée de rencontrer de nouvelles têtes, lui avait semblé une occasion à ne pas manquer. En arrivant au bar, il balaya la pièce d’un regard curieux, espérant y trouver l’aura de mystère et de conspiration qu’il imaginait, un sourire énigmatique déjà esquissé sur ses lèvres.

Il avait soigné sa tenue pour l’occasion, optant pour un look décontracté et beaucoup moins coloré que ce qu’il portait habituellement. Il portait une veste en cuir noir, légèrement usée, qu’il avait déniché dans une friperie. En dessous, un t-shirt gris délavé, simple mais évocateur, comme s’il sortait d’un concert de rock des années 80. Son pantalon beige en velours côtelé ajoutait une texture inattendue à sa silhouette. Pour parfaire le tout, il avait enfilé ses lunettes de vue légèrement teintées, donnant à son look un air détaché, comme s’il observait le monde à travers une fine barrière de verre.

Plutôt bien intégré à la population locale, Satya se sentait presque chez lui parmi les visages familiers et nouveaux du bar. Tout en sirotant son verre, il observait discrètement les autres participants, notant mentalement chaque détail de leurs tenues, expressions et gestes. Une femme en robe bohème à motifs fleuris semblait un peu trop rêveuse pour être là par hasard, tandis qu'un homme au look strict mais élégant dissimulait sans doute un esprit curieux sous sa façade lisse. Satya s'amusait à imaginer leurs histoires secrètes, cherchant à savoir qui, parmi eux, pourrait faire partie de la mystérieuse Rose Lunaire. Chaque regard échangé, chaque silence partagé lui semblait un indice, et il se disait qu'un sourire ou une poignée de main pourrait être un signe d’appartenance à cette société secrète.

Bien sûr, tout cela n’était probablement que le fruit de son imagination débordante. Il savait que la plupart des personnes présentes étaient simplement là pour passer une soirée tranquille, sans mystères ni complots. Mais il ne pouvait s'empêcher de transformer la scène en un tableau d’espionnage. Chaque geste, chaque sourire échangé devenait un code, un signe discret d’allégeance. La Rose Lunaire, alimentée par ses suppositions et ses envies d’aventures, prenait des allures de mythe vivant. Ce qui pour d'autres était une rencontre sociale se transformait pour lui en une pièce de théâtre invisible où les autres, sans le savoir, jouaient un rôle.

Perdu dans ses spéculations, Satya fut soudainement tiré de ses rêveries par la mention de la mescaline, prononcée comme un mot magique. Il réalisa qu'il avait manqué une partie de la conversation, absorbé par ses pensées. Pourtant, il s’accrocha rapidement aux bribes de phrases qu’il avait entendues, comme un journaliste qui collecte des détails pour reconstruire une histoire. La femme qui parlait venait de partager une expérience mystique vécue sous l’effet de la mescaline, et Satya se demanda brièvement si son récit était véridique ou exagéré. Feignant l’assurance, il se réintégra au cercle de discussion, prêt à rebondir sur cette histoire comme s’il n’avait rien manqué.

Satya sourit, amusé par le récit de la femme. Pour lui, ses propres pensées suffisaient à l’emmener bien loin. Il se trouvait déjà assez "barré" sans avoir besoin de substances hallucinogènes. Il avait toujours eu cette capacité à se perdre dans ses mondes intérieurs, à remodeler la réalité avec ses idées folles et ses interprétations excentriques. La mescaline ? Il n'en avait pas besoin, sa tête était déjà un kaléidoscope en soi, bien assez coloré sans l’aide de produits mystiques. Mais il écouta attentivement, savourant l’histoire comme une pièce à analyser, un fragment de la vaste mosaïque humaine qu’il aimait observer.

Il tourna alors son regard vers l’homme qui avait posé la question, un sourire intrigué aux lèvres. Après un bref silence, il haussa un sourcil et, avec une expression malicieuse, lui demanda : « Intéressé ? » Son ton était à la fois taquin et sérieux, comme s’il cherchait à sonder les véritables intentions de l’inconnu.