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Danny n’en avait pas conscience, mais s’il avait eu un peu plus de recul, il aurait sans doute réalisé qu’il mettait Louise dans une position embarrassante à lui parler de cette histoire tellement privée, qu’il n’avait encore jamais évoqué à personne à part à Avi, forcément. Personne ne connaissait les détails. Louise lui assura que l’essentiel était qu’ils se soient trouvés, lui et sa sœur, le reste ne comptait pas, mais il n’en était pas certains. « Mais si ma mère me l’avait dit plus tôt, dès le départ, je n’aurais pas grandi comme ça, je n’aurais pas été... celui que je suis aujourd’hui, mais un type probablement beaucoup mieux que ça. Lexie appartient à ma famille, quelque part, et on a perdu trente ans de notre vie à cause des adultes en qui on avait confiance, à l’époque » Danny s’emballait, mais maintenant qu’il avait commencé, il devait finir, il devait être honnête avec Louise. Il n’aurait peut-être plus d’occasion de l’être. Et puis elle plaqua sa main sur la sienne et il tressaillit, ne s’y attendant certainement pas. Il n’avait pas prévu le coup et son cœur commençait à battre plus fort, l’angoisse montait. Sans réfléchir, il ôta sa main, lui adressa un sourire gêné. « Désolé, je... » il se tut pour ne pas s’enfoncer davantage. Elle interpréterait mal ce geste, il le savait déjà. Mais Danny n’était pas prêt à ça, parce que Louise ne devait surtout pas s’attacher à un mec comme lui, un mec capable de disparaître du jour au lendemain, un mec qui avait fait tellement de conneries dans sa vie qu’il aurait pu recevoir un trophée. « J’aurai une question, alors. Une seule » reprit-il, la gorge sèche. En réalité, il en avait des tas, mais il ne pouvait pas avant de savoir une chose. « Est-ce que tu me fais confiance ? »

Danny lui avait posé la question qui le hantait, il voulait savoir si elle lui faisait confiance et sa réponse le déstabilisa. Comme il s’y attendait, elle sembla gênée qu’il retire sa main et il regretta son geste, mais c’était plus fort que lui. Danny n’était pas quelqu’un de tactile, surtout pas avec les personnes qu’il ne connaissait pas trop, même si Louise, elle lui faisait tourner la tête, même s’il aurait tout donné pour être un peu plus proche d’elle, cette barrière physique, elle était terriblement importante pour lui. Elle lui assura qu’elle lui faisait confiance et il demanda « Mais pourquoi ? Tu ne me connais pas ! Tu... Tu ne sais pas qui je suis, ce que j’ai fait » ce qu’il avait fait. Sa mine s’assombrit tandis qu’il repensait à Chicago. Non, il n’avait tué personne, mais c’était tout comme. En croisant le regard de Louise, il se sentit perdre pied à nouveau, alors qu’il prenait conscience que quoi qu’il en soit, lui et elle, ce serait impossible. La tension augmentait d’un cran, alors que, pourtant, la discussion avait si bien commencé, Danny était heureux de venir et heureux de la voir, mais c’était compliqué. Il ferma les yeux, tenta de se calmer et de revenir au sujet de la conversation. « L’autre jour, tu m’as dit que tu avais passé dix-neuf ans sans fêter Noël avec ta famille, mais tu ne m’as jamais vraiment expliqué pourquoi » lâcha-t-il finalement. La curiosité avait gagné et comme Louise avait été plutôt vague la dernière fois, Danny retentait sa chance à nouveau. « Mais tu n’es pas obligée de me répondre, toi non plus. On a tous nos secrets » surtout lui. Surtout elle ?  

Et Louise lui expliqua seulement qu’elle avait dix quand c’était arrivé, même si Danny n’avait toujours aucune idée de ce qui était arrivé. Elle avait fait confiance à la mauvaise personne et c’était tout ce que Danny sut. « Je comprends » il ne comprenait pas vraiment, mais c’était un terrain sensible et il n’était pas certain qu’il faille l’aborder durant ce speed-dating, alors qu’il y avait tant de monde dans la salle, qu’on entendait les murmures ou les rires, ce n’était pas vraiment une ambiance propice aux confessions. « ça tombe bien, moi non plus » répondit-il quand elle lui expliqua ne pas donner sa confiance à n’importe qui. Il ne l’avait jamais accordé, d’ailleurs, car on ne lui avait jamais appris à le faire. Si sa mère lui avait enseigné l’amour de la vie, elle lui avait aussi appris à fuir, à être prudent avec tout le monde, à ne croire personne, car cela risquait de lui jouer des tours. Il avait grandi avec cette crainte là et aujourd’hui, était tel un animal sauvage, un animal blessé. « On est bien trop différents, toi et moi, ça ne pourrait jamais... Non, on est trop différents » et c’était peut-être cela qui l’attirait, ces différences, ce mystère, mais Danny savait dans son for intérieur qu’il fallait en rester là. Toutes ses précédentes histoires, elles avaient mal fini, ou presque, et c’était de sa faute. Parce qu’il s’enfuyait toujours, sans prévenir, parce qu’il craignait que ça ne devienne trop sérieux et il partait. Et Louise ne méritait pas qu’on lui brise le cœur. Il se racla la gorge et décida qu’il était temps de revenir à une conversation un peu plus réjouissante et il sortit son biscuit chinois. « Je me demandais... Comment tu réagirais si je te demandais si je pouvais t’appeler Biscotte, parce que t’es vraiment craquante ? » s’enquit-il maladroitement. « Est-ce que c’est une nouvelle façon de draguer de nos jours, que je ne connaitrais pas ? » il rit à cette idée. « J’ai vécu en marge de la société pendant plus de quinze ans, alors... »    

Comme il s’y attendait, la phrase écrite sur le biscuit chinois n’était donc pas une façon de draguer sérieuse. Heureusement qu’il avait demandé à Louise, alors. Un nouveau rire franchit le seuil de ses lèvres tandis qu’il hochait la tête avant de fourrer à nouveau le papier dans sa poche, pour le garder en souvenir. « C’est noté, je ne la dirai jamais » il écouta Louise parler à son tour et lui parler de sa 200e conquête et il se demanda si elle était sérieuse. Danny, quand il voulait, il était du genre crédule, mais tout de même, 200 conquêtes, c’était énorme. Il croisa le regard brillant de Louise, cherchant à savoir si elle plaisantait ou non, puis sourit à nouveau. « Si tu me disais ça, je te répondrais que je suis flatté d’être choisi mais que tu as beaucoup plus d’expérience que moi ! » si Danny avait connu bien des aventures d’un soir au cours de ses voyages, plus de relations sans lendemain que de relations sérieuses, d’ailleurs, ce n’était au point d’avoir autant de conquêtes ! Mais elle plaisantait, il en était certain. C’était probablement écrit sur son biscuit chinois, il n’imaginait pas Louise avoir eu autant de conquêtes, à moins qu’elle cache bien son jeu ! « Mais... Qu’est-ce que je gagne, à être ta 200ème conquête ? Il y a toujours un cadeau, à la clé » il avait vu ça dans une pub un jour, le millième visiteur d’une marque repartait avec un voyage ou il ne se souvenait plus trop quoi. C’était amusant.

Danny était un peu perdu, alors qu’il avait l’impression d’être pris au piège. Il avait dit à Louise qu’ils étaient bien trop différents, quoi qu’il se passe, ça ne pourrait jamais marcher entre eux, ça n’était même pas envisageable et maintenant, la curiosité l’emportait, il semblait prêt à revenir sur sa décision par simple jeu. Louise paraissait le chercher, vouloir jouer et il se laissait avoir, il tombait dans le panneau mais dans le fond, il s’en délectait. Jusque-là, Louise lui plaisait beaucoup physiquement, mais à présent, il commençait à discerner peu à peu les traits de son caractère et il appréciait le spectacle. Néanmoins, lui aussi voulait jouer, elle n’allait tout de même pas s’en sortir ainsi. En fait, venir ici était une excellente idée, il ne regrettait rien. « Disons que la 200ème conquête, c’est beaucoup d’honneurs. Tu serais prête à sortir avec un mec que tu ne connais pas, qui ne te plaît peut-être même pas, pour ajouter un nom à ton palmarès ? Alors oui, ça m’intrigue » répondit-il, une lueur amusée dans le regard. Et il le savait, ce speed-dating s’achèverait bientôt, lui qui avait l’impression d’être hors du temps toucherait terre à nouveau et il n’en avait aucune envie. Ce jeu s’achèverait de lui-même, alors il avait la ferme intention d’en profiter jusqu’au bout.