RÉGLER LES COMPTES
feat miranda & wyatt

Dans l’atelier de son oncle, le bureau est plongé dans un désordre chaotique. Les étagères flanchent sous le poids de dossiers éparpillés, les factures s'accumulent en un amas instable sur le coin du bureau, et le sol est jonché de boîtes dispersées, créant des îlots de papier. Depuis déjà un an, l'oncle Carl est en congé maladie, laissant son neveu aux commandes. Pourtant, malgré ses efforts inlassables de ce dernier, il se bat contre un flot incessant de responsabilités, cherchant désespérément à garder la tête hors de l'eau ne serait-ce qu'un instant. Wyatt rassure son oncle, affirmant avec conviction qu'il a tout sous contrôle, préférant dissimuler le fardeau des tâches à accomplir pour ne pas ajouter au stress de son oncle convalescent. Chaque fois que Carl cherche une excuse pour revenir au travail, Wyatt lui oppose un argument, obstiné à lui épargner les potentiels soucis de l'atelier. Mais derrière cette façade de maîtrise apparente, l'aspect administratif se révèle être un véritable défi pour Wyatt. Les rapports s'empilent, le budget est un mystère indéchiffrable et Excel semble résolument déterminé à lui jouer des tours. C'est particulièrement vrai aujourd'hui, alors qu'il doit s'assurer que les rapports à remettre au comptable pour des fins d'impôts sont à jour. Assis devant son bureau, Wyatt fixe l'écran de son ordinateur avec une expression tendue. Les chiffres dans les feuilles de calcul Excel s'allongent devant ses yeux, se mêlant en de longues formules complexes et incompréhensibles. Ses doigts volent sur le clavier, mais chaque touche semble déclencher une réaction imprévisible de la part du programme. Les formules qu'il tente d'appliquer semblent résister à sa compréhension, se transformant en énigmes insurmontables. Wyatt soupire profondément, sentant la frustration monter en lui alors qu'il réalise qu'il est en train de perdre la bataille contre ce nouvel ennemi numérique qu'est Excel. La technologie ne sert-elle pas à simplifier les choses ? Pourtant, chaque onglet semble être une nouvelle embûche sur son chemin, l'éloignant un peu plus de son objectif de mettre à jour ces maudits rapports. Wyatt se frotte les tempes, essayant de chasser toute envie de balancer l’ordinateur par la fenêtre. Inspire, expire.

Wyatt Lindstrom ? Le concerné lève la tête en direction de la voix pour y découvrir une jeune femme, tenant un dossier dans une main, et un sac dans l’autre. Son visage ne lui dit rien. Peut-être une future cliente. Il se contente de la regarder, la dévisageant légèrement avec cette lueur de méfiance qui habite naturellement son regard. Rares sont celleux qui se pointent sans rendez-vous. Boyden Valley. Ce nom fait résonner un soupir silencieux à travers le corps de Wyatt. Il se redresse légèrement sur sa chaise, soudainement inconfortable. Les souvenirs de ce fameux client, qui avait profité de la gentillesse de son oncle pour négocier un prix déraisonnable, affluent à sa mémoire. La tension qui avait suivi cette négociation imprudente est encore palpable dans l'air, même après toutes ces années. Wyatt n'avait pas pu rester les bras croisés face à cette injustice. Malgré les mises en garde de Carl, son oncle, qui l'avait prévenu de ne pas s'en mêler, de ne pas chercher des ennuis, Wyatt avait pris la situation en main. Cependant, il n'avait jamais imaginé revoir un représentant de la compagnie Boyden Valley franchir à nouveau la porte de son atelier pour lui poser des questions, des années après cet épisode houleux. La méfiance ressurgit instantanément en lui. « Si vous êtes ici pour négocier un nouveau projet », avait-il lancé d'un ton cinglant, « je tiens à vous rappeler que j'ai déjà été on ne peut plus clair avec votre patron : nous ne voulons plus rien avoir à faire avec votre entreprise. » Bien évidemment, lors de ladite discussion animée, Wyatt s'était exprimé avec une franchise accrue, exaspéré par l'attitude répétitive du propriétaire de la distillerie qui martelait sans cesse que le rapport qualité/prix que promettait les Lindstrom laissait à désirer. « À mon souvenir, c'était plus que mutuel », ajoute-t-il, une pointe d'amertume teintant sa voix alors qu'il se demande ce qui amène donc Miranda dans son bureau, aujourd'hui.

RÉGLER LES COMPTES
feat miranda & wyatt

Le service à la clientèle n'a jamais été considéré comme l'un des atouts majeurs de Lindstrom, et cela ne semble pas le déranger. Contrairement à ces employés de grandes surfaces qui semblent être programmés pour délivrer un service client irréprochable, Wyatt préfère conserver son air naturel, dénué de toute forme d'artifice. Avec lui, c'est une affaire de transparence ; what you see is what you get. Pour les clients habitués à l'accueil chaleureux et engageant de Carl, le fait de devoir interagir avec son neveu peut sembler quelque peu déstabilisant. Carl incarne à lui seul la convivialité, la loquacité et la sympathie - autant de traits de caractère qui semblent bien éloignés de l'attitude réservée de son neveu, du moins en apparence. Il convient de souligner que Wyatt, bien qu'il puisse paraître distant au premier abord, sait se montrer aimable lorsque le temps le permet. Mais contrairement à son oncle, il n'a jamais été en mesure de s'ouvrir aussi facilement, en particulier au travail. Il a rapidement compris que la gentillesse ne représente pas nécessairement un avantage. La distillerie Boyden Valley en est une très bonne preuve, alors qu’on avait tenté de profiter de la générosité de Carl, tout en critiquant son travail acharné. Et donc, de voir une représentante de la compagnie, dans son bureau aujourd'hui, ne l'enchante pas du tout et ne se gêne pas de le montrer. Malgré l'attitude réticente affichée par Lindstrom, de l'autre côté du bureau, la représentante essaie de maintenir un semblant de positivité quant à de possibles projets futurs. N’a-t-il pas été assez clair dans ses propos ? Apparemment, non, puisqu’elle reste plantée devant lui.

Cependant, dès qu'elle reprend la parole pour contextualiser la situation de gestion de la distillerie, Wyatt montre un certain intérêt, ses yeux restent fixés sur elle, attentif aux moindres détails. Lorsqu'elle mentionne que Logan n'est plus le propriétaire, Wyatt fait le lien avec l'individu avec lequel il a eu des différends par le passé. Il acquiesce lentement, reconnaissant implicitement les circonstances. Bien qu'il ait l'idée de souligner que cela semble être une juste conséquence, il décèle dans le ton de la jeune femme une connaissance préalable de la situation, rendant toute remarque superflue. Il se demande même si d'autres se sont plaints. « Félicitations », laisse-t-il échapper d'un ton légèrement confus, se sentant toujours incertain quant à la raison de sa visite aujourd'hui. Après tout, leur contrat s'est conclu il y a déjà un certain temps. Sans qu'il n'ait besoin de le lui demander, elle aborde immédiatement le sujet principal, et Wyatt saisit rapidement la direction vers laquelle cela se dirige. Honnêtement, il se demande s'il a vraiment envie de s'attarder sur ce sujet. Il n'est pas le genre à ressasser les événements passés, préférant les laisser là où ils sont, dans le passé. d'apprendre que ce Logan ait pu déformer la réalité des faits. Il se sent légèrement dérangé par l'idée que des contrevérités circulent au sujet de l’entreprise de son oncle. Après tout, après cette histoire, Wyatt ne s’était pas retourné pour raconter à tous que l’ancien propriétaire de la distillerie est un escroc. « Pourquoi ? » lâche-t-il, avec cet air toujours méfiant qui transparaît sur son visage. À quoi ça lui sert d’avoir sa version des faits ? « Vous cherchez à vous convaincre que vous avez fait le bon choix en le virant ? » La question est posée avec une pointe de sarcasme, témoignant du scepticisme de Wyatt quant aux motivations de la représentante de la distillerie. Il se demande si elle cherche à justifier ses actions passées ou si elle tente simplement de clarifier la situation pour leur propre bénéfice. « Et quelle est l’histoire que vous avez ? » demande-t-il en se penchant légèrement vers l’avant pour venir croiser les bras sur son bureau. « Que nous sommes une bande d'amateurs profiteurs ? » Un rire amer quitte les lèvres de l’ébéniste, alors qu’il lève les yeux au ciel en imaginant Logan raconter sa version des faits. Il échappe donc un soupir avant d’ajouter : « Il voulait qu’on lui fasse un bon prix. Carl lui a fait une soumission. Logan a fait une contre-offre et ils se sont lancé la balle, pendant un moment. Ils se sont entendus sur un prix. Tout allait bien. Jusqu’à ce qu’on lui livre les fûts… Délai trop long, livreurs désagréables, la finition du bois raté… J’ai décidé de m’en mêler. » Les clients du genre ne sont pas rares, beaucoup se plaignent de certaines choses, mais cette fois-là, c’était différent. L’intention n’était pas de vouloir un produit de qualité, mais plutôt d’avoir une compensation quelconque. « Il nous a menacé d’appeler le Consumer Products Safety Commission… » Ce qui avait mis son oncle dans tous ses états. « Carl lui a offert une compensation. » Wyatt était contre, mais bon. Carl est doué pour ne pas écouter les conseils de son neveu.

RÉGLER LES COMPTES
feat miranda & wyatt

Les drames du monde professionnel ne sont pas étrangers à Wyatt. Bien qu'il n'ait jamais eu à les affronter directement aux côtés de son oncle, les années passées à Middlebury lui avaient offert un aperçu des tracas que peuvent engendrer la vie en entreprise. Des tensions palpables entre collègues, des frictions entre supérieurs, des drames personnels, des divorces, des successions semblent constituer le quotidien de plusieurs propriétaires d’entreprise - bien qu'il ait su préserver une certaine distance vis-à-vis de ces tourments professionnels, Wyatt a parfaitement compris l'importance de rester en marge de ces querelles. C'est pourquoi il accueille avec une certaine prudence la présence de la jeune femme dans son bureau. Que l'ancien propriétaire soit encore présent dans les parages ou non, Wyatt ne veut en aucun cas se retrouver entraîné dans les méandres de ces histoires passées. Tout incident potentiellement explosif pourrait nuire à la réputation et à la tranquillité de l'atelier de son oncle, surtout en son absence. Ainsi, il préférait agir avec prudence et réserve, redoutant tout ce qui pourrait raviver d'anciennes tensions et risquer d'attirer des ennuis inutiles vers l'entreprise familiale. C’était une évidence. Au fil de son discours, il peut lire une certaine sincérité chez Miranda. Comme quoi elle était peut-être réellement là pour se racheter au sein des Lindstrom. Cependant, malgré l’ouverture de la nouvelle propriétaire de la distillerie, l'expression sur le visage de Wyatt reste impénétrable. Ses traits ne trahissent ni approbation ni réticence. Il poursuit donc son écoute avec une attention soutenue, cherchant à discerner les indices subtils qui pourraient lui indiquer la direction que prendra cette rencontre. Il m’a menti. Wyatt perçoit aussitôt la tension dans son ton, comme une note discordante dans la conversation. Il ne peut s'empêcher de reconnaître que les mensonges de Logan semblent avoir semé des graines de méfiance bien au-delà des relations avec son oncle et lui-même. Mais comme elle l’a si bien dit : c’était une évidence. Juste à voir comment il a géré son dossier avec Carl, ça en dit beaucoup sur le personnage, malheureusement.

Lorsque Miranda lui livre sa version de l'histoire, Wyatt écoute attentivement alors que la trame des événements prend une nouvelle forme à la lumière de ses révélations. Un léger hochement de tête accompagne sa compréhension. Il se sent reconnaissant envers Miranda pour sa franchise, pour avoir bravé les remous du passé afin de partager sa vérité. « C'est apprécié », articule-t-il enfin, ses mots teintés d'une sincérité palpable. « Ce n’est pas tout le monde qui ferait l’effort de venir jusqu’ici pour s’excuser des erreurs des autres. » Il reconnaît en lui-même une certaine réticence à admettre ses propres torts, une fierté qui peut parfois être un obstacle à l'humilité nécessaire pour reconnaître ses erreurs. Il sait que, même dans les moments où il se trompe, faire marche arrière et présenter des excuses n'est pas toujours son premier réflexe. Tout dépend de la personne, de la situation et des circonstances. Les sourcils du Lindstrom froncent légèrement, curieux, alors qu’elle sort de son sac une enveloppe qu’elle lui tend. La prenant doucement entre ses doigts, avec une méfiance naturelle, il l’ouvre pour y découvrir le contenu, sous les paroles de la jeune femme. Un chèque, fait au nom de la compagnie, avec un montant étrangement élevé. Wyatt relève les yeux vers la donatrice, d’un air incertain. « Je ne crois pas que je peux accepter cet argent. » Si c’était Logan qui se tenait devant lui, il aurait pris ce chèque avec plaisir, mais vu les circonstances, il ne savait plus trop où se mettre par rapport à cette situation. « Je comprends le point et c’est très gentil de votre part, mais je ne peux pas. » énonce-t-il en lui tendant de nouveau l’enveloppe, avec le chèque à l’intérieur. Le mal était déjà fait et il n’a pas vraiment envie d’avoir de sa charité, aussi gentil que ça puisse être. Il ne veut pas avoir l’impression de lui devoir quoi que ce soit. La paix peut s’acheter autrement et connaissant Carl, il aurait certainement refusé aussi. Après, bon, Carl ferait tous ses jobs à ses frais, s’il le pouvait.

Je souhaitais également vous montrer ce que nous sommes capables de faire à deux. Parce que ce n’est pas terminé ? Le Boyden Valley a-t-il tant à se faire pardonner ? S’apprêtant à refuser de nouveau, il se voit soudainement intéressé par cette bouteille, qu’elle sort de son sac. Il la prend délicatement avec ses mains pour mieux la regarder et se lève, enfin, de sa chaise de bureau, le regard intrigué figé sur le contenu de la bouteille. Il est excellent. À ces mots, on perçoit un sourire, se formant discrètement à la commissure de ses lèvres. « Mon oncle est un grand fan de whisky. » Collectionneur de bouteilles vides. Whisky, scotch, rhum… Celles-ci sont cachées dans les bas-fonds de ses armoires, souvenir d’une époque révolue où il ne jurait que par l’alcool. « C’était la première fois qu’il faisait un projet comme celui-là. » Habitué de construire des mobiliers, rares sont ceux qui les approches dans la construction de fûts. Carl s’était vu plus qu’enthousiaste à l’idée de ce projet. Enthousiaste qui s’est vu s’éteindre, peu à peu, à chaque échange difficile avec l’ancien propriétaire de la distillerie. « Ça va lui faire plaisir d’en voir le résultat. » Bien qu’il ne pourra pas l'essayer, il sera ravi de l’avoir, en présentation. « Merci. »