Lorsqu’elles débouchent sur le trottoir qui fait face au Snow Rose, Katey s’immobilise. Elle regarde le café de l’autre côté de la route et inspire un bon coup. Elle n’a pas peur pourtant ; et pour s’en persuader elle-même et affirmer à Raelynn qu’aucune angoisse ne lui alourdit le cœur, elle ébauche un sourire en direction du ciel. D’accord, la dernière fois qu’elles ont mené l’enquête ensemble, elles sont allées voir Edith au magasin d’antiquités et cette dernière ne s’est pas montrée franchement enthousiaste à l’idée de leur venir en aide sans recevoir de contrepartie en échange. Mais aujourd’hui c’est tout à fait différent ! D’abord, chaque personne est unique, et Rafael Sullivan a son propre caractère. Ensuite, elle a pu réfléchir et tirer des leçons de ses erreurs passées : elle a compris qu’être surpris par des requêtes particulières sur leur lieu de travail pouvait ne pas plaire aux personnes qu’elle désire solliciter. Donc, elle a dit rendez-vous à midi trente à Raelynn, on ira au Snow Rose ensemble, il faut que je te présente quelqu’un qui pourrait nous aider à trouver de nouvelles informations. Leurs pistes sont un peu froides, elles manquent d’indices et Katey souhaite vraiment que ses idées, voire ses contacts, permettent à son amie d’avancer dans sa quête. L’air innocent sous le ciel découvert, elle lance à Raelynn : « Il doit déjeuner là, j’ai déjà discuté avec lui, ce sera plus tranquille pour qu’on parle tous ensemble. » Sous-entendu, ce sera plus tranquille qu’avec Edith. Et c’est plutôt confiante qu’elle descend du trottoir et parcoure les quelques mètres qui les séparent de la porte du Snow Rose.

« Tu veux quelque chose ? » demande-t-elle en arrivant devant le comptoir. Son ventre s’est mis à gargouiller en humant l’odeur des grains de café, et pour sa part elle s’avance pour commander un milk-shake. Elle croit qu’elle n’aime pas tellement ça mais ses collègues à la mairie n’arrêtent pas de dire que c’est délicieux, en ce moment. Meilleur pour la santé, si on veut un encas, que les petites tartes à la contemplation desquelles Katey s’arrache avec difficulté. Elle reporte son attention sur la salle. Trente secondes, son cœur se serre à la pensée que Rafael pourrait ne pas être là. Elle finit par le voir, dans un des box, elle adresse un nouveau sourire à Raelynn et elle l’entraîne vers l’homme. « Salut Rafael ! Comment tu vas ? » l’aborde-t-elle sans complexes. « Tu es à la boutique de jeux maintenant, c’est ça ? Ça se passe bien ? Est-ce que tu es pressé ou est-ce que tu aurais un petit moment ? » La petite moue qu’elle esquisse donne l’impression qu’elle s’excuse d’entrer si rapidement dans le vif du sujet, de ne pas chercher à noyer le poisson avant d’avouer que sa venue est tout à fait intéressée. « Je te présente Raelynn, on en avait parlé je crois… on cherche sa maman. Elle t’expliquera mieux que moi mais voilà, je me disais qu’avec tout ce que tu sais tu pourrais nous aider ! » Elle leur jette un regard successivement à tous les deux, Rafael, Raelynn, avant de piquer du nez dans son grand verre. Mmm, non en effet, elle n’est pas tellement fan…

@Raelynn Adams @Rafael Sullivan

Ça lui faisait encore tout drôle, à Rafael, de faire comme tout le monde... Son alarme sonnait désormais à l’heure où il avait eu l’habitude, pendant des années, de rentrer enfin dormir après ses nuits de travail à l’hôtel. Il y avait quotidiennement beaucoup de choses à coordonner et le hacker s’estimait chanceux de pouvoir compter sur sa compagne. Faith n’oubliait jamais les choses importantes et leur fille ne manquait de rien lorsqu’il la déposait chez sa gardienne les jours où ils étaient tous les deux occupés par le travail. Pour autant, ce n’était pas les horaires auxquels il avait eu le plus de mal à se faire. L’affluence des clients, voilà bien ce qui l’irritait parfois. Le Corner’s player était rarement désert pour longtemps et les conversations avec les clients duraient souvent jusqu’à un quart d’heure. Heureusement pour lui et sans aucun doute pour les clients, il n’était généralement pas celui qui faisait office de représentant du service client. Rafael, lui, remplissait des tâches plus techniques : gérer l’inventaire et gérer les commandes, organiser les horaires des employés, vérifier la comptabilité et la caisse à la fermeture de la boutique, etc. Il lui arrivait de regretter la liberté qu’il avait lorsqu’il passait de longues heures seul au comptoir de l’accueil de l’hôtel de Burlington. S’il avait plus de temps pour mener sa vie de famille comme le faisaient les autres, c’était désormais d’autres de ses occupations qui se retrouvaient à lui poser quelques défis de taille. Rafael n’avait plus le loisir de travailler sur son ordinateur personnel à l’abri des regards sur ses heures de travail, ce qui l’avait néanmoins conduit à prendre d’autres habitudes, comme celle de se tenir à l’écart sur son heure de déjeuner. Il préférait ainsi souvent un box solitaire du Snow Rose café à la toute petite salle des employés où rien ne passait jamais inaperçu. On l’y voyait régulièrement, son café noir avec juste un peu de sucre et un sandwich, tantôt occupé à lire le Redwood Echo du jour d’un air distrait, tantôt captivé par l’écran de son fameux ordinateur auquel il accordait enfin quelques précieuses minutes.
Ce jour faisait exception en ce qu’il n’avait pas l’habitude d’être abordé. Même les serveurs du café savaient qu’il préférait rester en retrait et qu’il prendrait soin de ramener ses couverts au comptoir avant de quitter le café pour reprendre le travail. Katey Swanson, qu’il découvrait d’un air perplexe, avait apparemment des intentions différentes. « Katey. » Quant à comment il allait, la question semblait bien ne pas avoir suffisamment capter son attention pour qu’il s’y attarde. Au lieu de ça, son regard se posait sur l’autre jeune femme qui accompagnait l’ingénue. Elle lui avait effectivement glissé un mot au sujet de Raelynn Adams et de sa quête pour retrouver sa mère biologique. Hope Pearson, le nom l’avait marqué, bien sûr. Le même que celui de sa fille. « Le Corner’s player, oui. » La réponse flottait entre eux dans une sorte d’hésitation étrange, sans que son regard ne quitte le visage de l’autre jeune femme pendant de longues secondes. « Ce n’est pas le meilleur endroit pour parler... » À vrai dire, il voudrait bien qu’elle comprenne, Katey. Qu’elle ne peut pas se comporter comme s’ils se connaissent aussi bien, l’un et l’autre, sans éveiller des soupçons. Il lui a toujours trouvé une très – trop – grande naïveté. Toujours était-elle qu’elles étaient là, toutes les deux, et qu’il ne souhaitait pas voir les regards curieux persister sur eux plus longtemps, alors il leur faisait signe de prendre place. « Je ne sais rien à propos de sa mère, Katey. » Affirmait-il calmement sans lâcher Raelynn du regard, puis il finissait par regarder la blonde. Rafael n’avait surtout pas envie d’être questionné sur les raisons qui poussaient Katey à assumer qu’il savait tant de choses. « Mais je peux peut-être trouver quelque chose. J’aide ma compagne, qui était journaliste, avec certaines recherches pour un bouquin. » Autant brouiller les pistes. Il ignorait ce qu’elle avait pu lui dire, Katey, mais il espérait qu’elle se soit montrée discrète sur ce qui les unissait.

Pour guérir tu dois aller à la racine de la blessure et l'embrasser
- Raelynn & Katey & Rafael -

En dépit de mon optimisme, je reconnais avoir une pointe d’appréhension avant de pénétrer à l’intérieur du Snow Rose café. Si j’ai envie de croire à une rencontre intéressante avec ce dénommé Rafael, je ne peux m’empêcher de penser à la rencontre avec Edith. Et si Katey m’aide de tout son cœur dans mes recherches sur ma mère biologique, l’antiquaire a prouvé que ce n’était pas le cas de ses connaissances. J’ai au moins obtenu la lettre convoitée. Par contre, concernant sa source, je n’ai rien. C’est bien dommage. J’aurais tant aimé avoir une personne à interroger au sujet de cette Hope Pearson. La toile s’est montrée étrangement muette face à ce nom, comme si elle n’avait jamais existée. Une chose qui devrait m’inciter à la prudence, mais le manque de mes origines est trop douloureux. Je ne peux abandonner en chemin. Je me refuse de le faire. J’ignore si ce Rafael me sera utile. Malgré l’antipathie d’Edith, je dois reconnaître que ça a été le cas avec elle. Katey semble connaître du monde possédant de multiples informations introuvables publiquement. Une énième incitation à la prudence en soi. Pourtant je la suis encore une fois. Nous pénétrons dans l’établissement. A cette heure-là, il est bondé, de nombreuses personnes étant venues savourer un déjeuner de qualité à un prix raisonnable avant de repartir travailler. Bien que mon ventre soit vide, je secoue la tête négativement à la proposition de la blonde. Mon estomac a beau grogné devant son milkshake, je ne l’entends pas en l’instant tellement je suis concentrée sur la raison de ma présence ici. D’ailleurs, je suis tentée de le rappeler à mon amie. Du haut de sa naïveté, de son étourderie,  je ne serai pas étonnée qu’elle ait oubliée devant les douces saveurs sucrées. Au final, je n’en ai pas besoin. Elle se charge d’elle-même de chercher et elle finit même par le repérer. Devant sa table, en écoutant ses phrases, je comprends qu’il n’est pas au courant de ce rendez-vous. Katey et son improvisation. Elle devrait savoir que ce n’est pas son domaine de prédilection pourtant. Si l’homme ne parait pas ravi, il ne nous renvoie pas au moins. Mieux il nous invite à sa table. Je lui offre un sourire pour le remercier tandis que nous nous asseyons. Cependant, il met immédiatement des barrières avec sa première affirmation. Il ne sait rien. Je doute que Katey soit de son opinion. Elle m’a toujours entrainée vers des personnes ayant des informations. Elle n’agit pas au hasard même si elle se montre souvent maladroite. Après la négativité, une source d’espoir. Elle reste maigre. Surtout que cette piste a déjà exploitée et creusée. « J’ai un cousin qui est journaliste. J’ai déjà épluché toutes les archives sur mon année de naissance pour trouver des indices. J’ai fait la même chose avec les archives de la mairie. J’ai peur que vous ne m’appreniez rien que je ne sais déjà… » Loin de moi l’envie de rejeter son aide. Je ne veux pas perdre de temps à refaire ce qui a déjà été fait. Je ne veux pas non plus lui faire perdre du temps. « Vous n’avez pas mieux à me proposer ? » Je le fixe dans les yeux. Je le sonde. Je lui témoigne également de toute ma détermination. Ma quête n’est pas une lubie. C’est un besoin vital. Je veux savoir qui je suis. Et je suis prête à tout entendre, quitte à m’aventurer sur un chemin épineux.

Les mains serrées autour de son milk-shake, Katey garde ses deux yeux fixés sur Rafael, sourire léger aux lèvres, dans une posture d’écoute attentive parfaite. Oh, certes, cela l’intéresserait de s’assurer que son nouveau travail lui plaît… s’il s’agissait de mener là une conversation anodine. Mais elle a à l’esprit là où elle veut en venir, et est loin d’oublier la présence de Raelynn à son côté. Les phalanges quelque peu crispées, en même temps qu’elle acquiesce aux paroles du nouvel assistant du magasin de jeux, elle cherche à décrypter son expression. Edith, lui semble-t-il, avait très vite montré des signes de son mécontentement… Persuadée qu’aucun changement sur sa figure, même très léger, ne pourrait lui échapper, Katey se sent encouragée par l’impassibilité avec laquelle Rafael les accueille, et elle se dit alors que tout va bien aller, cette fois. D’ailleurs, il lui fait justement remarquer qu’elle a bien fait de venir au café car son lieu de travail « n’est pas le meilleur endroit pour parler »… croit-elle comprendre. « Oui, c’est ce que je me suis dit, que ce serait mieux ici » s’empresse-t-elle de répondre en hochant plus vivement la tête encore. Elle s’installe face à lui, elle est très satisfaite de la tournure que prennent les choses même si en vérité elles n’ont encore obtenu aucune information, rien. Que le droit de s’asseoir, ce qui lui suffit bien pour l’heure. Raelynn commence à récapituler les pistes déjà suivies pour son enquête. Katey est empêchée de continuer à opiner du chef parce qu’elle a le nez dans son verre. La boisson fraîche ne refroidit toutefois nullement son ardeur, et elle ajoute aussitôt sa gorgée de milk-shake avalée : « Rafael a… a beaucoup de talents. J’ai pensé que tu pourrais nous donner d’autres sources à explorer, auxquelles on n’a pas accès facilement… moi je ne suis pas très douée avec l’informatique mais je sais qu’on peut retrouver beaucoup de choses. » Elle a du mal à s’expliquer parce que comme elle le leur signale, étant en grande méconnaissance de ces domaines, elle ne se représente qu’avec difficulté les possibilités qu’ils offrent pour parvenir à un but similaire au leur. Pourtant, elle sait que c’est possible. C’est possible… et Rafael est la meilleure personne qu’elle pouvait contacter à ce sujet, elle le sait parfaitement aussi. « Il y a bien autre chose que les archives de la région, non ? » Ses yeux bleus l’interrogent, cherchent à le faire parler. Elle sait, il sait. Il faut qu’il accepte de leur venir en aide maintenant.

@Raelynn Adams @Rafael Sullivan