« Non, papa ça a rien à voir avec toi, je veux juste sortir pour voir Salvador et les autres, je voulais simplement te proposer de venir avec moi… Ok j’insiste pas, tu sais où me trouver si tu changes d’avis, bonne soirée, papa. » Azariah raccrocha son téléphone et se massa les tempes cinq secondes. S’il avait proposé à son père de se rendre au trentième « anniversaire » de l’incident de la rose lunaire, ce n’était pas par pure et simple bonté d’âme. Depuis qu’il avait apprit son lien avec la secte et son lien de parenté avec Ulysse plus rien n’était pareil. Il se méfiait de tout, comme si depuis toujours il faisait parti d’un complot énorme que lui seul ignorait. Mais ceux qui le connaissait savaient très bien qu’Azariah était un fouineur né et qu’une fois qu’il mettait le doigt sur quelque chose, il valait mieux tout avouer directement sous peine de se faire cuisiner habilement pendant des heures. Il avait toujours eu le don de repérer les détails, on ne pouvait rien lui cacher et il n’était pas journaliste pour rien. Hors ce soir, certes il ne travaillait pas, mais il avait envie d’en savoir plus, et la présence de son père lors d’un tel évènement aurait pu lui faire cracher quelques bribes de révélations en plus. Mais soit, il espérait encore que son paternel bourré de secret et d’alcool changerait d’avis et qu’il ramènerait son faciès de révérend indigne à cette soirée d’hommage. Le jeune Anderson avait enfilé une chemise bleue claire et un jean, il n’était pas du genre à en faire trop tant qu’il sortait comme il fallait. Quelques kilomètres en voiture plus tard, il arriva enfin à destination et fuma une dernière cigarette sur le porche avant d’entrer dans la salle. C’était l’une de ses premières sorties publiques depuis l’enterrement de Jace et il avouait encore être mal à l’aise sur le sujet, mais sa famille le connaissait assez bien pour comprendre son état d’esprit. Il localisa immédiatement Salvador qui se tenait devant le buffet, une tête connue, ouf. « Sal, tu as déjà dévalisé le buffet à ce que je vois ? Heureusement que c’est gratuit. », adressa-t-il a son cousin en esquissant un fin sourire. Il essayait de ne pas passer pour le dépressif de service alors avec sa famille, il se permettait d’oublier un peu. « Tu es venu tout seul ou ton frère et ta sœur te rejoigne ? », lui demanda-t-il avant de saisir un petit four. Ce qui était sur, c’était que Salvador ne pourrait pas lui retourner la question.

Rendre hommage est une chose importante pour Lizzie, qu'il ne faut surtout pas perdre. Il est donc normal qu'elle se rende à la cérémonie organisée aujourd'hui à l'occasion des trente ans, déjà, mais de quoi ? De ce suicide collectif ? Lizzie pense sincèrement que toute cette histoire de secte a belle et bien existé, que la Rose Lunaire a aussi une part de responsabilité dans le mal-être de son père. Elle n'a jamais réussi à lui tirer les verres du nez mais peu importe. Ils préfèrent tous se taire à ce sujet, évitant tout ce qui peut être gênant. Cependant, que certains n'y croient pas du tout, c'est leur droit, mais dans tous les cas, des gens sont morts, à cause d'une secte ou autre et ça, on ne peut pas le cacher. Le respect des disparus et des familles est donc de mise. Elle sait très bien qu'en se montrant là bas, des gens vont encore jaser, 'la fille de Manning, l'alcoolique qui a tué ce gamin en voiture il y a quatre ans, tu te souviens ?'. Pathétique. Mais qu'importe, il aura toujours des gens cons pour ne pas savoir tenir leurs langues. Cela faisait seulement quelques minutes que Lizzie était arrivée. Elle voulait passer inaperçue, pour éviter les mauvais regards au maximum. Se réfugier en bout de buffet, contre un mur et boire un verre en toute patience. Bonne solution non ? Cela lui permet d'observer tout ce petit manège. Entre ceux qui sont là pour manger, ceux qui sont par réelle envie de rendre hommage, ceux qui y sont obligés pour X raison et ceux qui viennent tout simplement rire de la situation, c'est assez exaspérant. Certaines paroles interpellent même Lizzie, notamment celles de Robin. Mais ce n'est pas vraiment étonnant quand on y pense. Si, pour elle, tout cela n'est qu'une supercherie, pourquoi être là alors ? Lizzie ne porte pas vraiment Robin dans son coeur, la brune à toujours été jalouse de la rousse, c'est évidant, et Lizzie trouvera toujours quelque chose à reprocher à Robin, ne cherchez pas. La réaction d'Edme fit sourire Lizzie, qui ne manquait pas de dévisager Robin durant de longues minutes, si elle pouvait la détruire sur place elle le ferait. La jeune Manning décida donc de rejoindre Edme dans ce combat pourtant sas contact direct, du moins pas encore. « A qui le dis-tu ! Mais laisse là où elle est elle, ignorante à souhait et irrespectueuse en plus. Elle n'a rien pour elle la pauvre. » dit-Lizzie en attrapant Edme par le coude, tout en continuant de regarder Robin avec ce sourire narquois que seule Lizzie manie à la perfection. Des années de pratique. A ce demande au final qui est jalouse de qui. « Heureusement que des gens comme nous sont là pour de vraies raisons, pour rendre hommage aux victimes, soutenir les familles et ne pas oublier, jamais. » ajouta Lizzie, se concentrant cette fois-ci sur Edme, future Manning bien sûr, qu'elle portait vraiment dans son coeur. Comme cette cause et cette cérémonie. C'est au même moment que Lizzie remarqua l'entrée d'Azariah, qui se dirigea directement vers le buffet et son cousin Salvador. Dans la tête de Lizzie, ce ne fit qu'un tour. Buffet, Robin, buffet Azariah. Robin et Azariah. Alerte.

Edme avait l’habitude de fêter cette cérémonie seule. Certes, il lui arrivait de croiser des têtes connues qui venaient lui parler, mais elle parvenait toujours à s’éclipser et commémorer en paix. Pourtant, quand elle entendit cette voix si familière, elle soupira de soulagement et ses muscles se relâchèrent. « Son visage me dit quelque chose, mais sans plus. » demanda-t-elle, même si elle connaissait la réponse, pour éviter de continuer sur sa lancée et de l’insulter de tous les noms. Il fallait qu’elle se calme parce qu’elle avait la mauvaise habitude de déverser sa tristesse et douleur dans la colère, ce qui se finissait toujours très mal. Or, elle n’était pas venu pour ça et elle ne le voulait pas. Pas ce soir, parce qu’elle avait autre chose à faire, quelque chose de bien plus important. Le problème était que cette cérémonie soulevaient différents souvenirs qui, non seulement provoquaient une tristesse immense chez Edme, mais surtout révélait cette colère qu’elle gardait au fond d ‘elle depuis si longtemps, si bien qu’elle finissait toujours par se rendre au gymnase, qu’elle réservait spécialement parce qu’il était forcément fermé à cette heure, mais elle en avait définitivement besoin : c’était soit un tas en cuir, soit de la chair humaine et elle avait déjà suffisamment de soucis comme ça. « Je ne comprends pas comment est-ce que l’on peut oser venir ici si ce n’est pour honorer ces malheureuses pertes. Ça me révolte, ça me révulse. » dit-elle en haussant légèrement la voix vers la fin, dévoilant sa colère. Elle n’avait pas envie que Lizzie se rende compte de son état d’énervement et d’épuisement dans lequel elle était : ça lui bouffait toute son énergie d’être là, dressée sur ses talons hauts, à porter sur ses épaules tous les membres des Roskins morts pour une cause aussi stupide. Edme sentait le rose lui monter aux joues en même temps que ses larmes et elle prit son amie dans ses bras, ce qui était très rare donc surprenant chez Edme qui laissait toujours un écart conséquent entre elle et les autres. « Excuse-moi. J’hésite entre pleurer et lui casser la gueule. » murmure-t-elle au creux de son oreille. La vulgarité, encore quelque chose qui ne lui ressemblait pas, mais elle n’avait pas envie que son amie voit ses yeux brillants. Pourtant, elle finirait par les voir, parce qu’elle la lâcherait forcément à un moment donné. Ce n’était pas dans l’habitude d’Edme de craquer, ni de prendre quelqu’un dans ses bras, mais c’était plus fort qu’elle. « Ton frère n’est pas là? » demande-t-elle en la relâchant, en tentant de reprendre un visage impassible.

Elise lui avouait la raison pour laquelle elle était ici, et Allen se sentit mal à l’aise, confus. Dans son franc parler légendaire, il l’avait peut-être froissée. Elle avait vécu une tragédie, et le visage du garçon se mua en une mimique compatissante et attristée. « Je suis désolé. » La curiosité l’emportait sur tout, mais il pensa d’abord à lui fournir une explication quant à sa position. « Je ne suis pas en train de renier les morts, car je sais bien que de nombreuses personnes ont péri ce jour-là. Ce que je remets en question c’est cette histoire de secte… » Mais peut-être avait-elle des éléments qu’il n’avait pas en sa possession ? « Toutefois, je ne campe pas sur mes positions, j’ai juste peur qu’on ait attribué tout ça à une mauvaise cause… » Pour lui, d’autres scénarii étaient envisageables, comme le meurtre, un mauvais pari ou le crime. Tandis qu’il reposait son verre sur l’étalage près de lui, se disant qu’il valait peut-être mieux éviter de s’adonner à la boisson ce soir, il vit Robin foncer droit sur lui, et il se pinça légèrement les lèvres. Le quiproquo n’allait pas en rester là. Elle lui reprochait de ne pas être venue la saluer et s’il avait envie de noyer le poisson en disant qu’elle était occupée, il préféra jouer franc-jeu. « Tu ne m’as pas dit au revoir, Robin. » Il faisait là allusion au départ de la jeune femme qui ne lui avait plus donné aucune nouvelle, et il l’avait très mal pris. Allen semblait croire que tout le monde partait un jour, sortait de sa vie pour l’abandonner, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Croisant ses bras sur son torse, il la toisait du regard, contrarié, mais paradoxalement, il était content de la voir. Rassuré, il se demandait bien tout ce qu’elle avait pu faire pendant son absence, et s’il était bougon parce qu’elle l’avait négligé, il avait hâte qu’elle lui conte ses aventures. Il adorait la jeune Myers, il ne pourrait donc pas lui faire la tête bien longtemps. Mais Elise sentit qu’elle était de trop, et il regrettait de ne pas pouvoir poursuivre sa discussion. Elle la remettait à plus tard, et Allen crut bon de lui signifier qu’elle ne dérangeait pas et qu’ils continueraient dans quelques minutes, le temps de mettre les choses au clair : « Je vous rejoins au buffet dans quelques minutes ! » Il appréciait sa compagnie et en plus, il n’avait pas forcément envie de faire une scène devant tout le monde. La jeune Myers lui demanda comment il allait, et il leva les yeux au ciel, toujours rancunier : « Tu t’en soucies à présent ? J’aurais pu être au fond du trou que tu ne t’en serais même pas souciée ! On est amis ou des connaissances ? » Légèrement contrarié, il tenta d’adopter un ton ferme, mais plus calme : « Mais je vais bien, merci. Et toi de ton côté ? » C’était le moment de lui raconter.

Je vis un mec s'avancer vers moi (Salvador), enfin plus précisément vers le buffet mais étant donné que j'étais planté devant la table il devait forcément passer à côté de moi. Il avait l'air aussi... Intéressé que moi par la commémoration. Il prit également des petits fours, mais lui ne se gênait pas pour tout prendre d'un coup. Je le regardais faire tandis qu'il me dit de ne pas me priver. Oui il avait pas tord, sauf que moi j'avais déjà une mauvaise réputation ici... Mais bon, au pire on s'en fiche hein ! Autant se faire plaisir et puis ceux qui critiqueront toute façon j'ai l'habitude un peu plus ou un peu moins. Alors à mon tour je remplis mon assiette de façon à ce qu'il ne reste plus une petite place pour le moindre petit four.

« Au moins une chose à honorer ici. »

Oui bon ok c'était pas très sympa de dire ça ici, pour ceux qui avaient perdus des gens à cause la rose lunaire, mais je restais sur mes convictions qu'il faut être sacrément atteint pour se suicider à cause de ça, alors on a aucun honneur à leur rendre. Et puis personne pouvait m'entendre, à part ce type, et les gens qui étaient vraiment près de moi, le reste vaquaient à leurs occupations. Et d'après la tête qu'il faisait, lui il s'en fichait de rendre honneur aux morts. Enfin, je regardais les gens et je vis de nombreuses personnes que je connaissais, en fait je connaissais pratiquement tout le monde de vue étant donné que j'avais passé ma vie ici, mais certains plus que d'autres. Edme. Lizzie. Adele. Des personnes que j'appréciais mais qui avaient perdu beaucoup à cause de la Rose lunaire et que je ne me sentais pas d'aller voir aujourd'hui, je ne voulais pas les offenser avec ma mine un peu trop réjouie par le buffet. Alors je restais ici, à manger mes petits fours et à boire mon champagne. Attendant que quelque chose de fou n'arrive. Et si rien n'arrivait quand je serais repus je rentrerais chez moi.