Maman m'a demandé de me faire beau pour ce soir, pour son premier vrai discours de Madame la Maire. Joséphine m'a aidé, j'ai un joli t-shirt blanc et bleu, et un short un peu marron clair. Elle a pas voulu que je mette mes baskets normales, alors elle m'a acheté une paire de chaussures qu'elle a appelé "bateau". Mais j'aime plutôt bien !

Le discours est plus tard dans la soirée, Maman veut à la fois pas qu'on s'éloigne trop ni qu'on reste dans ses pattes, du coup je me retrouve à être frustré sans savoir quoi faire... Mais bien décidé à ce que ça change, je décide de discrètement laisser un petit mot à Joséphine marqué "Vais acheter un cookie, je reste autour du Lac. Si je me perds, je crierais fort.".

Et me voilà, maintenant, à croquer dans mon énorme cookie bleu et rouge - je ne veux même pas savoir comment c'est coloré comme ça, c'est trop bon et c'est tout ce qui compte - en avançant autour du Lac. J'aime bien la fête comme ça, et je crois que j'aime bien aussi que Maman soit la nouvelle maire. Par contre, j'ai un peu peur aussi que maintenant, je ne sois plus que "le fils de @Grace Fordham".

C'était venu d'un quiproquo. Dans mon sac à main, j'avais toujours une peluche appartenant à Wednesday dont les grandes oreilles de lapin forçait à le laisser entrouvert, la fillette l'avait oubliée hier alors que nous étions toutes les deux sorties manger une glace, et je n'avais pas encore pu la ramener à son père. On m'avait donc tendu des cookies aux couleurs de la fête nationale, pour des enfants que je n'avais pas avec moi, et je m'étais contenté de sourire et de remercier la jeune femme. Sortant tout juste de table avant de prendre la route vers le lac Champlain, je les avais plutôt rangés soigneusement au fond dans mon sac entre deux tissus, songeant que j'en ferais cadeau à Benny une fois rentrée, j'étais persuadée que cela lui plairait. Les suites de mon passage dans l'armée avait fait pâlir mon amour patriotique, mais j'avais toujours aimé ce côté festif des grands rassemblements en plein-air pour l'occasion du 4 juillet. Après la plus récente tragédie et le sombre anniversaire qui avait été souligné la veille à Redwood Hills, ce vent de légèreté faisait le plus grand bien. Errant au bord de l'eau au travers les familles et les groupes installés sur de grandes nappes, je m'étais arrêtée près d'un stand qui vendait de grands verres de limonade aux fraises. « J'en prendrai deux, vous pourrez offrir le deuxième au prochain client. » Pourquoi pas ? Plutôt que de récolter la monnaie. Ce n'était que quelques dollars et il ne faisait jamais de mal de semer un peu de beau autour de soi, surtout par pareille occasion. C'était peut-être aussi une façon de rendre ces cookies qu'on m'avait offert par erreur.

(libre )

20h. Le nuit n'est pas encore tombée et je n'ai qu'une hâte, c'est qu'Alexis me rejoigne. Je n'attend pas depuis bien longtemps. Je n'ai fait que quelques pas autour du lac, une de mes plus jolies vestes sur le dos, sentant la brise sur ma longue robe d'été. Eté ne veut toujours pas dire que je suis prête à montrer mon corps au reste du monde. Mais je sens qu'avec Alexis auprès de moi je serais bien plus forte à présent. Bras croisé, stressée et timide à l'idée de ce premier vrai rendez-vous, je m'arrête près du stand de la pâtissière et ses hors-d'oeuvres qui ont l'air réellement délicieux. C'est la première fois qu'on ose se donner rendez-vous avec la blonde depuis notre soirée de la St Valentin. Cela n'a pas été évident de se jeter à l'eau, mais j'ose espérer que tout se passera bien entre nous, qu'on ne fonce pas droit dans un mur. Parce que oui, c'est bien trop beau pour être vrai. Comme si tout allait foirer maintenant qu'on se jette à l'eau.

Fêter le 4 juillet a toujours été un moment particulier pour moi. Du moins, dans mon ancienne vie. Celle que j'ai partagé avec mon ex-femme. Celle qui m'a trompé avec une autre. Celle qui est née un 4 juillet. Celle que je ne pourrais jamais oublier dans le fond. Celle qui aura toujours une place dans mon coeur, aussi petite soit-elle. Alors je fais toujours en sorte de sortir, de prendre la route ou de participer aux festivités de la ville. Qui à la recroiser, ça m'est bien égal, je suis passé à autre chose aujourd'hui. Même si j'aurais toujours des regrets et une certaine amertume envers elle. Mais avec Alice, ma fille, dans ma vie, maintenant que je peux davantage m'occuper d'elle, je n'ai plus de raison de me plaindre ou de me sentir malheureux et malaimé. Après tout, cette dernière chose, je le cherche. C'est bien quelque chose que je fuis comme la peste. Mais la journée a été particulièrement intense chaude et intense au garage. Alors forcément, la première chose vers laquelle je me dirige, c'est ce stand de limonade pour m'en prendre un grand verre frais. Je récupère par réflexe mon portefeuille dans la poche arrière de mon jean et la commande de la cliente devant moi attire mon attention C'est d'habitude moi qui offre les boissons aux charmantes jeunes femmes, pas l'inverse. Comme si je ne pouvais m'en empêcher. D'autant plus qu'elle est de dos, que je ne peux me baser que sur sa chevelure dorée pour cerner son charme. Mais en même temps, quelle femme est réellement moche ?

Un élan de générosité ne coûtait que quelques dollars, en tout cas, je ne m’étais certainement pas attendu à un remerciement aussi singulier de la part de l’homme à qui le geste allait profiter. Je me retournais dans sa direction et le toisais du regard quelques secondes, avant de me fendre d’un sourire songeur. « Et d’habitude, ça fonctionne cette approche ? » Je préférais en rire franchement, l’heure était à la fête et dans sa tournure étonnante, la chose s’était probablement voulue un compliment. Le vendeur s’occupait des deux verres de limonade et je patientais aux côtés du jeune homme qui n’avait pas la langue dans sa poche. « Vous pouvez toujours payer le verre de la personne derrière vous, il paraît qu’une bonne action en attire une autre. » J’avais spontanément utilisé ces formes de politesse pour m’adresser à lui, nous n’étions tout de même pas dans un bar. Sans compter que je ne connaissais pas son nom, ni quoi que ce soit d’autre à son sujet. « Si son petit ami ne vous y prend pas, vous avez peut-être une chance. Qui sait. » Je ne pouvais m’empêcher taquiner la maladresse (ou la trop grande confiance ?) du jeune homme qui ne semblait pas bien méchant dans le fond. La jeune femme derrière nous semblait bien plus jeune, début vingtaine, et son petit ami était plutôt baraqué. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il soit bon joueur et prêt à se voir ainsi donner la réplique, car je n’avais pas pour habitude de m’effacer moi non plus. Pour le moment, je ne connaissais que son opinion sur qui devait ouvrir le portefeuille et payer les verres – même de limonade.