Tobias se sentait parfaitement ridicule dans cet accoutrement de Père Noël. Il ignorait encore ce qu’il lui avait pris d’accepter une telle mission et ne le referait pas d’aussi tôt. Il mourrait de chaud avec ce costume rouge et blanc trop lourd et rembourré de couchers et de couches de coton, cette perruque blanche qui le grattait, cette barbe qui s’arrachait dès que les enfants tiraient dessus. Néanmoins, il fallait bien avouer que voir ces gosses rire aux éclats et lui courir après, un air heureux sur le visage, était quelque peu gratifiant. Tobias pouvait bien supporter ce ridicule déguisement encore un moment, dans ces conditions. Le pire était sans doute tous ces gens qu’il connaissait et qui le dévisageaient d’un air moqueur, même si au fond il n’y avait rien de méchant. Son éditrice avait largement fait comprendre que c’était une très bonne idée de jouer le temps d’une journée St-Nicolas, que ça améliorerait son image, qu’il aurait l’air plus proche des lecteurs. Tobias parvint à négocier une pause pour se dégourdir les jambes et errer parmi les stands du marché de Noël. Il s’était bien gardé de dire à la famille Yaxley, à Bonnie ou Anja ce qu’il faisait aujourd’hui ; il avait encore un peu d’amour propre. Il en profita pour jeter un œil aux nombreuses marchandises proposées par les commerçants. L’écrivain n’avait encore de cadeau ni pour sa famille, ni pour Bonnie, ni pour Anja. Cette année, il était particulièrement à la bourre. Qu’est-ce qui pourrait bien faire plaisir à une femme ? Il se gratta la – fausse – barbe pensivement, totalement perdu. Aussi décida-t-il de se détourner de ce tas de merveilles merveilleusement chères pour se perdre dans la foule, la tête dans les nuages.

L'hiver n'était pourtant pas la saison préférée de Sidney. La seule raison pour laquelle elle appréciait cette saison c'était pour les fêtes de fin d'années et le fait de se retrouver avec toute sa famille. Du moins, ça a été comme cela durant ses vingt premières années. Aujourd'hui, tout était différent. Sidney avait fuit sa famille. Personne ne savait où elle se trouvait et pour elle, Noël cette année ne rimait pas avec joie. Néanmoins, elle aimait bien se rendre dans les marchés de Noël et déguster un bon verre de chocolat chaud avec un bretzel tout chaud aussi. Vêtue d'un pull en laine blanc un peu grand pour elle mais dans lequel elle se sentait bien, d'un legging noir super confortable et de ses bottes préférées pour cette saison, Sidney avait sortie son écharpe ainsi que son manteau et son bonnet. Le froid s'était bel et bien installé et la demoiselle était extrêmement frileuse. Elle ne supportait pas avoir froid. Chez elle, le chauffage chauffait en permanence le petit appartement. Tant pis pour la planète. Sidney ne connaissait pas grand monde encore. Elle avait beau avoir l'air super à l'aise en public, il n'en était rien. En effet, la jeune femme avait beaucoup de mal à aller vers les autres. Un comble pour une future chanteuse non ?!

Arrivée au marché de Noël, Sidney admirait les enfants émerveillés par tout ce qu'il y avait. Elle aussi l'était. La magie de Noël ne lui était pas étrangère. Au loin, elle remarquait un homme déguisé en père Noël. Mais il avait l'air un peu triste. Tenant son gobelet de chocolat chaud à la main, Sidney s'avançait vers le papa Noël. Même avec sa barbe, elle put reconnaître Tobias. L'une des rares personnes qu'elle connaissait en ville. Il avait été le premier à l'accueillir chez lui lorsqu'elle avait débarquée à Redwood. Il lui servait de guide, de protecteur ou encore de confident. Un genre de grand-frère en quelque sorte. Elle se jetait dans ses bras. « Bon voilà, tu viens de réaliser un de mes fantasmes : faire un câlin au papa Noêl ! Je ne te remercierais jamais assez. » Disait-elle en plaisantant avec un large sourire.

Pol jette un coup d'œil au chien, qui s'est déjà désintéressé d'eux. Faute d'avoir l'air très utile selon les dires d'Astrée, Gadget leur aura au moins permis de faire connaissance. Acceptant la proposition Pol se tourne vers le stand de marrons chauds et en achète quelques uns qui lui réchauffent les mains. Il gèle et il n'est pas très couvert. Il a à peine le temps d'en avaler un qu'il se fait bousculer, l'inconvénient des foules, faisant tomber quelques marrons au passage que le chien avale sans demander son reste. Pol se retourne alors, faisant face à une certaine Sæny qu'il n'a, elle non plus, jamais vu de sa vie.
- Pol Persen.
Serrant la main qu'elle lui tend, il réalise alors qu'il ne s'est même pas présenté à Astrée. Tendant son sac de marrons chauds aux deux jeunes femmes, il propose à son tour.
- Marrons chauds ?

Pourquoi déjà avait-il souhaité participer à ce jeu ? C'était la première année qu'il le faisait, et il le regrettait un peu. Lui qui était déjà nul pour trouver des cadeaux corrects pour les siens s'était engagé à le faire pour un parfait inconnu. Ca ressemblait presque à du masochisme. Il s'était creusé la tête pendant quelques jours, sans que l'inspiration ne vienne. Il ne pouvait même pas offrir un livre, lui qui les aimait tant, sans connaître celui ou celle qui allait le recevoir. En désespoir de cause, il avait donc opté pour un tour sur le marché de Noël. Il fallait qu'il trouve son cadeau avant de trouver le récipiendaire, mais c'était peut-être sa meilleure chance.Il faisait froid aujourd'hui, mais la couche de nuages empêchaient les températures de tomber trop bas. Il avait pu se contenter d'un manteau et d'une écharpe pour aller faire son achat. Et, coup de bol, il avait rapidement trouvé ce qu'il voulait. Peut-être était-ce l'influence de la scierie, mais une petit sculpture en bois avec attiré son attention. Il s'agissait d'un entrelacs de très fines branches poncées, fruit de nombreuses heures d'un travail minutieux. Ne lui restait maintenant plus qu'à trouver à qui il l'offrirait, mais avant cela, un vin chaud serait le bienvenu. C'est là qu'il saisit les paroles d'un groupe d'hommes, vraisemblablement dans la même situation que lui. Il se permit de les aborder, se tournant vers eux. Bonjour messieurs. J'ai cru comprendre que vous aussi participiez à ce jeu de cadeau ?

L’homme se présenta, et Nevil hocha doucement la tête. Oui, maintenant, ça lui revenait petit à petit, il avait déjà entendu ou lu son prénom quelque part. Il se tourna pour recevoir le verre de vin chaud, et huma son contenu avec un petit sourire. Ça faisait un petit moment qu’il n’en avait pas bu. Le gobelet était brûlant, mais dans le froid qui régnait, ce n’était pas plus mal. Nevil qui ne mettait jamais de gants voyait et surtout sentait ses doigts reprendre peu à peu vie.
L’homme lui avoua alors diriger les pompes funèbres, et Nevil, qui cherchait toujours dans un coin de sa tête, finit la hocher une fois de plus. Étirant un petit sourire face au sarcasme de son interlocuteur, il répliqua : « Je suis psychiatre. Je dois bien avoir certains de vos clients parmi mes patients ! » Il n’espérait pas faire de l’humour, à vrai dire, cela n’en était pas. L’humour, Nevil ne maîtrisait pas tellement, la plupart de ses blagues, lorsqu’il s’aventurait à en faire, était pitoyable. Mais des petites réflexions comme celle-ci, il aimait se permettre d’en faire.

Ward lui demanda soudain s’il participait lui aussi à cette tradition de Noël constituant à offrir un présent à un inconnu. Il acquiesça tout en répondant : « C’est ma deuxième année, oui. D’habitude j’envoie ma sœur pour le faire, elle est beaucoup plus douée que moi, mais cette année, je n’ai pas pu y échapper. Donc c’est tout à fait possible que vous m’ayez déjà croisé, en effet. » Il but une gorgée de vin chaud, le liquide un peu brûlant lui faisant cependant du bien. Puis, il ajouta : « Ça égaye, ce genre d’évènements, j’imagine ? »
Un homme s'approcha soudain d'eux en leur demandant s'ils étaient dans la même situation que lui, et Nevil hocha la tête avant d'ajouter : « Hélas oui. C'est votre première fois ? »