Le jour du départ à Nassau était arrivé ! Armé d’une seule valise et d’un sac à dos, mon compagnon de voyage et moi avions embarqué à Burlington pour un trajet d’un peu plus de cinq heures en début de matinée. S’occuper n’avait pas été si terrible que ça puisque je pouvais toujours compter sur les récits sans fin de ce dernier qui, bien souvent, me faisaient froncer les sourcils. Comment un homme pouvait-il faire face à des situations aussi abracadabrantes en une seule vie ? Sans parler aussi de son excitation maintenant qu’il savait enfin où je l’entraînais. Car oui, j’avais conservé le secret jusqu’à ce que notre trajet dans l’aéroport lui fournisse la réponse tant attendue. Son unique indice auparavant avait été : « Tu seras quasi à poil de A à Z donc ne prend que du léger. ». Il m’avait alors suspecté d’avoir planifié une semaine où nous ne quitterions jamais notre chambre d’hôtel et… j’y avais songé pour être honnête ! Sa réaction en comprenant que nous partions aux Bahamas avait fait tourner bien des têtes alentour, attirant l’attention sur notre duo. Je m’étais habitué à son excentricité après plus de six mois à nous fréquenter ! Là, tandis que nous arrivions à l’hôtel, j’étais abasourdi par la beauté du paysage avec ses eaux d’un bleu vif. Je n’avais jamais mis les pieds ici auparavant et j’étais on ne peut plus fier d’y remédier ! Pour célébrer cela en grandes pompes, je n’avais pas fait les choses à moitié ! En effet, je nous avais réservé une chambre double de 139² avec : une vue sur l’océan et la montagne, un balcon, un bain à remous et une cuisine emménagée. Le Paradis du luxe comme je pouvais me le permettre sans lui demander de régler sa part. Nous serions comme des princes pour notre premier séjour ensemble. Oui, j’avais conscience que nous passerions pour un couple aux yeux des employés mais je n’en avais rien à cirer. À défaut de vouloir s’attribuer une étiquette nous partagions souvent la même couette ! Leurs soupçons ne seraient donc pas complètement injustifiés.

Dès que nous eûmes récupérés la clé à l’accueil, nous fumes escortés jusqu’à notre palace (sans avoir besoin de traîner nos bagages nous-mêmes) où quelques instructions nous furent données avant de nous retrouver enfin en tête à tête. Après un coup d’œil fasciné autour de nous, j’en conclus que le Margaritaville Beach Resort méritait ses cinq étoiles ! Le panorama extérieur était à couper le souffle et l’intérieur lumineux possédait des propriétés relaxantes qui n’étaient pas pour me déplaire. Le dépaysement était complet. Peu de secondes avaient défilé quand mes doigts caressèrent le rebord de la table de billard et que je fixai Wilson avec un air qu’il ne connaissait que trop bien. Cela se passait de commentaire, si bien que je ne pris pas la peine de formuler mes pensées à voix hautes. À la place de quoi je lui demandais tout simplement :

- Alors ? Qu’est-ce que tu en penses ? Toujours prêt à passer ta cure de désintox ici avec moi ?

Je parlais bien sûr de son travail qui l’obsédait tant même si, je le savais, qu’il n’y songe pas mille fois par jour serait mission impossible. D’ailleurs, je ne souhaitais en aucun cas l’en empêcher. Je ne me lassais pas de l’embêter sur ce point mais j’aimais surtout lire la passion dans son regard ainsi que l’entendre faire vibrer sa voix dès qu’il récitait ses histoires macabres (oui, j’étais parvenu à m’ajuster à son originalité) ! Enfin, je me rapprochai de lui puis laisser mon index glisser le long de son torse tout en le suivant des yeux.

- Maintenant… Tu vas te déshabiller et enfiler ton plus beau maillot de bain. La plage nous attend !

Nous n’aurions qu’à trouver de quoi nous remplir le ventre sur le chemin ! Sur ce, je retirai mon t-shirt qui était la pauvre victime d’un long trajet suivi d’une arrivée dans une fournaise puis partis fouiller dans ma valise à la recherche de vêtements de rechange. Une chemise hawaïenne serait parfaite !

Et voilà, après ce qui m’avait semblé être une éternité, j’avais enfin pu révéler notre destination à Wilson ! Les Bahamas, oui, rien que ça ! Autant dire que l’endroit fut à la hauteur de mes attentes puisque je fus ébloui dès que nous eûmes mis un pied là-bas. J’avais hâte de me prélasser sur la plage, de vagabonder dans les rues sableuses, de noyer mon invité… Oui, un programme tout en délectation ! L’hôtel me fit tourner la tête également. À croire que je n’étais pas habitué à un tel luxe et que j’enchainais les deux étoiles voire moins ! Le constat que je n’étais pas blasé face à splendeur à laquelle seuls les aisés avaient accès me rassurait grandement : j’étais encore capable de m’émerveiller. Et que dire de l’anthropologue judiciaire dont les yeux ressemblaient désormais à des soucoupes géantes ? J’avais visé juste. Un bon point pour moi ! D’ailleurs, pour la première fois depuis notre rencontre, j’allais découvrir sa peau avec une teinte halée, cette dernière habituellement si pâle dû à sa fréquentation excessive des morgues américaines. Son surnom de « mort-vivant » était clairement justifié. Cela ne me dérangea pas pour lui soumettre une idée foutrement chaude à travers mon regard dès lors que mes doigts rencontrèrent la table de billard. Toutefois, cette activité sportive devrait attendre encore un peu malgré son attrait indéniable car il était l’heure d’explorer notre nouveau terrain de jeu (et non pas de la façon suggérée par mon interlocuteur qui se plaisait à citer toutes les pièces et meubles qu’il souhaitait inaugurer).

- T’as oublié le balcon, ajoutais-une une fois sa liste terminée.

À en voir mon expression impassible, il était très difficile de savoir s’il s’agissait-là d’une blague ou non et je me fis un plaisir de ne pas éclaircir ce point. Je savais parfaitement que cela ne le laisserait pas indifférent. En outre, ce fut à cet instant que sa main se referma sur ma taille dénudée alors qu’il enchaînait les baisers. Difficile à croire que je lui avais si longtemps refusé ce type de contact. Pourtant, je commençais moi-même à venir chercher ses lèvres de manière de plus en plus fréquente. Était-il le premier homme à avoir réellement réussi à abaisser mes barrières ? Les apparences tendaient en cette direction et l’accélération dans ma poitrine à chacun de nos rapprochements n’était pas anodine. J’avais eu ce qu’on pouvait qualifier de « coup de foudre » pour ce type. Encore fallait-il que je sois prêt à l’assumer plus frontalement. Toutefois, avions-nous envie d’officialiser quoique ce soit alors que nous pouvions encore jouir de notre liberté ? Ses paroles douces témoignaient de la réciprocité de mes sentiments. Un sourire étiré sur le visage, je lâchai :

- Ok, mais je te mets au défi d’acheter le souvenir le plus affreux de leur boutique. Sinon, tu seras privé de billard et, pire encore, de visite de la morgue du Princess Margaret Hospital !

Car oui, qu’est-ce qui serait pire pour lui que l’abstinence après des journées entières près d’un Darren en maillot de bain ? L’impossibilité de visiter les morts du coin ! Aussi morbide cela pouvait-il sonner, j’étais sûr que cela lui avait d’ores et déjà traversé l’esprit. Je lui donnai une tape sur les fesses puis enfilai ma chemise hawaïenne criarde (j’avais choisi d’embrasser complètement les clichés) puis le laissai se changer à son tour avant de l’entraîner vers l’épicentre de ce coin paradisiaque : la plage. Là-bas, le soleil tapait tellement que ses rayons paraissaient indifférents à la présence de ma casquette sur mon crâne et que le fin bout de tissu sur mon dos me faisait l’effet d’une doudoune en plein cagnard. Nous nous retrouvâmes rapidement perdus dans les allées de commerces de souvenirs. Tout me faisait envie au point que je regrettais de ne pas avoir payé pour une valise supplémentaire (il était sûrement encore possible d’en faire la demande !).

Devant un véritable bric-à-brac, j’attrapais un chapeau que j’enfonçais sur le crâne de mon ami. Bien sûr, je ne pris pas le modèle sobre mais celui qui s’accompagnait d’un petit ruban on-ne-peut-plus féminin. Je ris devant cette image puis immortalisai le tout d’une photo qui ne quitterait jamais mon téléphone. Forcément, pour conclure l’affaire, je lui achetai !

- Parce que personne ne le portera mieux que toi, me justifiai-je, amusé.

Me retournerait-il la faveur en m’offrant un article à la hauteur de celui-ci comme ces lunettes de soleil aussi épaisses que vives ? De toute façon, les opportunités d’une revanche ne manqueraient pas en une semaine ! Notre passage achevé, nous arrivâmes à un bar posé sur la plage. Un rafraîchissement ne serait pas de refus ! J’étais en nage.

- Un cocktail vous tenterait-il, très cher ? Sans alcool pour moi mais vous n’êtes pas ma responsabilité. Faites comme bon vous semble.

Déjà, je l’imaginais ivre en train de se dandiner sur la plage en hurlant les paroles des chansons tirées des Noces Funèbres ou allez savoir quels autres titres macabres. Cette pensée me fit lâcher un gloussement impossible à réprimer.

Je me doutais bien qu’une visite à la morgue du coin suffirait à le mettre dans tous ses états. Bien que je ne pouvais prétendre comprendre sa fascination morbide, je faisais des efforts pour qu’il se sente libre d’assumer cette facette de lui-même en ma présence. On pouvait au moins affirmer que j’avais hérité d’un gusse sacrément original ! Il en avait même les larmes aux yeux. Je lui fis un simple signe de la main afin de lui signifier que ce n’était pas grand-chose et le laissait se changer sans davantage d’annonces choc. Ce voyage resterait gravé dans sa mémoire jusqu’à la fin de ses jours, cela ne faisait aucun doute ! Plus tard, je me retrouvais à le photographier en train d’arborer un chapeau en somme très féminin que je lui achetai dans une sorte de défi muet. Sa pose ridicule me fit lâcher un éclat de rire, phénomène de plus en plus récurrent chez moi. Redwood avait réellement eu une influence positive sur moi même si je ne me départirai jamais totalement de mes airs bougons. Wilson y était également pour beaucoup ne nous leurrons pas ! Ses interventions dans mon existence étaient toujours surprenantes et hautes en couleurs. Ce type était carrément fêlé et je ne cessai d’en redemander tel une drogue. Pouvait-on affirmer que j’étais addict à ce garçon ? Ma face fascinée dès que je posais les yeux sur lui en était la preuve.

- Tu as intérêt à le faire si tu ne veux pas me décevoir très profondément, répliquai-je après sa promesse de danser sur le sable chaud sur lequel nous nous trouvions.

Toutefois, l’heure n’était pas à la folie mais à la relaxation. Posés sur des transats avec nos cocktails non-alcoolisés aux mains, nous laissions la chaleur nous envahir. Bordel. Je m’attendais à des températures élevées mais pas à cuir littéralement ! Ne tenant plus cette torture que même ma boisson ne parvenait à apaiser, je me débarrassais de mon haut sans une trace de pudeur. Nous nous trouvions sur une plage après tout et je n’étais pas le plus désagréable à regarder aux alentours. Puis, le discours improvisé de mon interlocuteur me fit décocher un sourire attendri. Il était extrêmement rare que des paroles comme celles-ci me soient destinées. J’en sortais complètement décontenancé. Je me raclai la gorge et repris, tentant d’enterrer mes émotions.

- Bon courage pour faire mieux lorsque tu me demanderas en mariage. C’est du haut level là !

Comment répondre autrement qu’avec une dose d’humour ? Je faisais tout juste mon entrée dans ce monde de « J’exprime ce que je ressens » et il était clair que j’avais encore du pain sur la planche ! Quant à mes propos… Non, je ne m’attendais pas à ce qu’il s’exécute un jour. Nous ne formions même pas un couple, alors se passer la bague au doigt… Cependant, s’imaginer qu’il puisse en être autrement était amusant. Je n’ajoutais rien là-dessus mais saisi brièvement sa main libre que je serrai avec affection avant de la relâcher. Des gestes parlent parfois plus que des mots.

- Alors ! Qu’est-ce qui te ferait plaisir ensuite ? Que je te noie ? Quoique te connaissant tu aimerais sûrement bâtir un fort en forme de pénis géant dans le sable.

Je bus une gorgée tout en affichant l’air le plus dédaigneux dont j’étais capable.

À croire que mon interlocuteur avait bel et bien réfléchi à sa demande en mariage ! Enchaînant idées et détails, j’en étais rendu à me demander s’il n’avait pas des attentes bien plus poussées que moi sur le long terme. De quoi foutre les jetons ! Pourtant, je ne me décomposais pas (dommage pour lui ?) et ne ressentais aucunement le désir de prendre la fuite. Au contraire : j’en étais très amusé. Déjà, je m’imaginais les drôles virevolter dans tous les sens et se crasher après qu’il ait demandé de s’essayer au pilotage, ou allez savoir quel autre drame comprenant des feux d’artifices. Oui. Vous l’avez compris, venant de lui il ne pourrait que y avoir un désastre ! En attendant, j’étais là à contempler son visage souriant à la barbe apparente, son charisme naturel toujours éblouissant en dépit du chapeau féminin qu’il arborait sur le dessus de son crâne. Aurais-je supporter un type comme lui deux ans plus tôt ? Probablement que non. J’avais changé et je me plaisais à croire que c’était uniquement pour le meilleur. Je laissais le snobisme à Castiel. Aussi aurais-je douté de discuter avec Wilson s’il n’était pas parvenu à incruster le terme « morgue » dans la discussion ! Nul doute qu’on le retrouvait également dans son discours à l’autel s’il venait un jour à se marier réellement.

- Tu seras bientôt obligé de bosser à McDo. Ou dans l’un de ces fast-food où ils portent une casquette en forme de coq. Elle ira à la perfection avec ton costume de marié.

Mieux valait-il que l’image ne se forme pas dans mon esprit si je tenais à conserver mon sérieux. Bon sang, ce serait tellement ridicule ! J’adorais déjà. Je bus une nouvelle gorgée de ma boisson à mon tour, taisant mon désir d’aller me noyer dans un bain de glaçons. Prochaine destination : les Alpes en plein hiver !

- Je retiens quand même que tu ne m’as jamais parlé de ton voyage à Séoul. Tu me caches encore beaucoup de choses comme ça ? Je nous croyais proches toi et moi mais tu n’es qu’un étranger finalement.

Je détournai mon regard, fixant les vagues d’un bleu éclatant. Bien sûr que j’en faisais des caisses dans le but d’être on ne peut plus dramatique ! Ce mec avait vraiment une mauvaise influence sur moi ! Bientôt, l’élève dépasserait le maître. Je ne pouvais pas accepter cela. Bref, nous en vînmes ensuite à discuter du planning pour le reste de la journée. Si j’avais bien envie de le voir se prendre pour un artiste en dessinant des formes perverses dans le sable, le reste ne manqua pas non plus de me faire rire. Quel idiot ! Ses collègues devaient bel et bien avoir un peu de répit maintenant que ce grand (et adorable) guignol n’était plus dans leurs pattes !

- Un bain de minuit hein ? L’idée me convient. Au moins, il n’y aura pas de témoins si je décide de rendre service à tes collègues.

Oui oui, je menaçais de le noyer sans broncher. De toute façon, je savais parfaitement que l’anthropologue ne ressentirait même pas l’ombre d’un frisson de trouille. Pour une raison qui me dépassait complètement, ce dernier semblait m’assimiler à une sorte d’ours en peluche. Bourru certes, mais tendre à l’intérieur. Où avait-il été chercher ça hein ? Plus éloigné de la réalité, tu meurs (ou pas) !



Un sourcil arqué et un bisou express plus tard, j’abandonnai mes affaires et fonçai sans crier gare, m’improvisant ballerine sans talent jusqu’à ce que la pointe de mes pieds rencontre l’eau chaude. Que mon numéro puisse amuser quelqu’un d’autres que Wilson m’indifférait. Je possédais plus d’autodérision que ce que l’on pouvait soupçonner ! Le contact de l’eau sur ma peau constitua un soulagement absolu me faisant lâcher un soupir de plaisir. Bon sang ! Je nous avais envoyé dans un brasier ! La tête émergée, je jetais un coup d’œil à mon compagnon de voyage puis lançai :

- Tu comptes me laisser seul ?

Après tout, ce n’était pas car nous avions rendez-vous à minuit que nous ne pouvions pas en profiter auparavant !

Nous enchainions les provocations et taquineries, mais celles-ci n’avaient rien à voir avec celles que j’échangeais régulièrement avec Castiel. Non, ici, elles n’étaient que douceur et affection. Jamais je n’aurais pensé tant m’attacher à un gaillard comme lui. Il était si… si… original ! Et pourtant nous y voilà, en la compagnie exclusive l’un de l’autre, à des kilomètres de la commune où nos chemins s’étaient croisés pour la première fois. Poser une étiquette était toujours hors de question mais n’importe quel observateur extérieur assurerait sûrement que nous formions un couple. Et probablement aurait-il raison. Nous tenions juste à ne pas nous placarder ce terme pour une raison inconnue au bataillon. De mon côté, je m’étais déjà brûlé plus d’une fois en amour avec mon divorce pour point culminant. Pourquoi aurais-je envie de tenter le Diable plutôt que de profiter de ce que nous partagions et qui était déjà aussi excellent que suffisant ? Les raisons de Wilson étaient quant à elles beaucoup plus obscures mais je n’y adressai pas la moindre attention. Bref, après l’avoir menacé de le noyer, l’uppercut de riposte me fit afficher une mine catastrophée.

- Pardon ?! m’exclamai-je avec une voix plus aiguë que d’ordinaire. Tu vas regretter tes paroles, sache-le. Profite bien de la plage aujourd’hui car tu n’es pas près de la revoir.

En gros, je sous-entendais qu’il serait bien trop épuisé pour remettre le nez dehors. Il n’existait pas plus idiots que nous deux. Surtout réunis. Peu après, je fonçai dans l’eau avec une discrétion on ne peut plus inexistante. Dommage que je ne sache pas faire des pointes ! Sans parler que le manque de stabilité induite par le sable n’aidait en rien. Une fois passé cet instant de folie que l’on attribuait habituellement aux chiens par exemple, l’homme me rejoignit avec précipitation et nos regards se croisèrent sans jamais se quitter pendant un long moment. Le sien était plus sombre que le mien, avec quelques touches vertes adorables. J’étais en incapacité complète de me débarrasser du sourire extatique occupant mon faciès et qui ne fit que de s’allonger lorsque le brun se blottit contre moi. Entre-temps, il me fallut tout de même éviter quelques éclaboussures volontaires que je lui rendis au centuple !

- Pourquoi ? Il est là ? demandais-je affolé en regardant de tous les côtés à la recherche du « meilleur anthropologue judiciaire au monde ».

Incapable d’être sérieux plus de dix secondes top-chrono. Avec lui, j’avais l’impression d’être une tout autre personne, soit celui que j’aurais dû être si je n’avais pas été élevé dans un milieu aussi frigide que le mien. Mes mains s’étaient posées sur sa taille fine immergée tandis qu’il était occupé à me caresser le visage. Une fois de plus : je me fichais de l’opinion des autres touristes autour de nous. Je ne me mêlais pas de leur vie et j’en attendais tout autant de leur part. De toute façon, ceux qui oseraient se manifester y perdraient plus que moi grâce à mon avocat.

- Tu fais bien de me remercier. Tu as l’immense privilège d’être accompagné du meilleur parti des États-Unis. Pour ne pas dire du Monde même !

Je ris puis déposai un bisou éclair derrière son oreille gauche. À ce rythme, Wilson épuiserait son stock de remerciements avant que notre séjour soit terminé ! Il n’avait pas à se sentir redevable de quoique ce soit. Il ne m’avait pas forcé à l’inviter ici ni même à décider de passer la majorité de mon temps libre en sa compagnie. Il s’agissait-là d’un choix exclusivement personnel. Puis, pour continuer sur cette lancée légère, j’ajoutai avec humour :

- Tu crois qu’il y a une salle de sport dans le coin ? J’adore voir tes mollets en action !

Après tout, n’était-ce pas dans un tel endroit qu’il m’avait tapé dans l’œil pour la première fois ? Ma demande était aussi ridicule que sortie de nulle part et je profitai de sa surprise pour me faufiler hors de son emprise en tentant – inutilement – de battre un record de vitesse comme si j’essayais d’échapper à un requin très menaçant. « Wilson’s Jaw. Bientôt dans vos salles obscures. »

**

Le lendemain matin, nous embarquâmes à bord d’un véhicule de tourisme avec 13 autres personnes. C’était parti pour une visite de Nassau, en commençant par l’escalier de la Reine, ses 66 marches et sa cascade. L’endroit était splendide et, sans même y prêter attention, ma main ne quitta pas celle de mon binôme. Nous avions fait un sacré chemin depuis le temps où je n’osai pas lui témoigner la moindre marque d’affection en public. J’arrivais même à l’embrasser désormais, moi qui avais mis tant de temps à y parvenir au départ. Notre stop à la chocolaterie Graycliff me mit l’eau à la bouche.

- Est-ce que tu m’en voudras si je troque mes tablettes dures contre du fondu ?

Oui, absolument tout me faisait envie.