Alejandro aurait été curieux d’en savoir plus sur la jeunesse de Justin, mais celui-ci ne semble pas vouloir s’étaler. Il n’insiste donc pas. Après tout, les deux hommes ne se connaissent pas plus que ça… Enfin, si leurs gosses ont décidé de faire le mur ensemble, ils vont probablement se revoir plus souvent qu’ils ne le pensent ! De son côté, le pompier se montre un peu plus curieux, demandant à Alejandro quand est-ce qu’il a connu la mère de ses enfants. Il le regarde un instant avant de lui répondre franchement. « J’avais vingt-deux ans quand j’ai connu ma première femme, la mère des deux plus grands et… la trentaine, pour la deuxième. La mère de Miguel et Emilio. » Il boit une nouvelle gorgée de bière. Il ne cache absolument pas ses deux mariages, ni ses deux divorces d’ailleurs ! « J’étais plutôt jeune quand j’ai rencontré ma première femme, mais déjà plus âgé, et plus mature, que ces deux-là ! » Il rit, désignant les deux adolescents. Alejandro avait rencontré Olivia au MIT. Rien à voir avec le lycée. En revanche, il est tombé amoureux quand il était ado. Seulement, il n’avait jamais osé dire quoi que ce soit à l’intéressée. Il imagine que son fils est un peu plus dégourdi et un peu moins timide que lui. « Vous aviez quel âge, quand vous vous êtes rencontrés avec la mère de Layla ? » Cela lui semble normal de lui retourner la question. Il imagine qu’ils étaient assez jeunes, vu le discours que lui tient Justin. « Nous mettre à l’épreuve ? Genre ils veulent savoir comment on va réagir ? » Ce qui serait tout à fait probable ! Tester les limites de leurs parents. Les deux grands étaient passés par là, eux aussi, même si Alejandro en avait été moins témoin… Miguel, lui, aura le droit à son père qui le cherche dans toute la ville en voiture, et qui ne se gênera pas pour lui faire un peu honte, surtout devant sa petite-amie ! Même si rien ne dit que Layla l’est… Il finit à son tour sa bière avant de déposer la bouteille vide sur le plan de travail de la cuisine. « Vamos ! » Il se dirige ensuite vers l’entrée de la maison pour attraper son manteau et ses clés, et enfiler ses chaussures. Il est temps d’aller retrouver les deux adolescents !

Alejandro n’a pas l’impression qu’il était si jeune que ça quand il a rencontré Olivia. Il était alors étudiant. Il commençait à penser à son avenir avec sérieux. Il était souvent sérieux à l’époque, même s’il s’amusait aussi un peu, avec son meilleur ami. Tout de suite, ça avait été sérieux avec Liv’. Vite ils avaient imaginés vivre ensemble, partager leur quotidien, et bien sûr, fonder une famille. Ils étaient heureux à ce moment-là, et puis les choses ne s’étaient pas passées comme ils l’avaient imaginé. Quand il pense aux instants partagés avec Olivia, et avec leurs deux enfants, Alejandro se dit qu’il a été heureux, tout de même. Donc, oui, il était plus mature que les deux gamins qui traînaient dehors à cet instant. Alejandro écoute Justin lui expliquer que sa fille n’a pas été longue à agrandir la famille. De son côté, ils avaient pris leur temps ! En même temps, Al’ avait rejoint ses parents et sa petite sœur en Amérique Latine. Il leur avait fallu s’installer et prendre leurs marques là-bas. « Et aujourd’hui, on en est au même point ! Tous les deux à se demander où est notre gosse… » Des gosses qui seraient donc en train de tester les limites de leurs parents. Ça se tient. Et bah Al’ n’a pas de limite sur ce coup-là et en deux minutes chrono, il est prêt à aller chercher son fils par la peau des fesses ! Il sourit, lui aussi, rien qu’à l’idée de leurs têtes quand ils vont se retrouver nez à nez avec leurs pères. « Va savoir… » Il n’a aucune idée si Miguel et Layla sont ensemble, de façon sentimentale. Au fond, ça ne l’inquiète pas tant que ça, Al’. Il espère juste que son fils sera prudent, si c’est le cas. Une fois en voiture, il faut désormais savoir où aller. « Il faut bien commencer quelque part ! » Au volant, Alejandro prend donc la direction du parc. Comme Justin, il a peu d’espoir de les trouver là. « Je ne me souviens pas où étaient les coins des amoureux, à mon époque… Et toi ? »

Layla étant la seule enfant de Justin, Alejandro se dit qu’il n’est pas au bout de ses peines et lui jette un regard compatissant. Miguel est le troisième enfant d’Al, et son deuxième fils. On ne peut pas dire que son aîné soit un vrai modèle. Il pense alors à Gustavo, qui se trouve à l’étage, dans sa chambre. Enfin, il croit… À vrai dire, il ne l’a pas vu depuis un certain temps… Le gamin de vingt-deux ans semblait se laisser complètement aller, ne faisant même plus semblant d’aller à l’université. Non, il passait son temps à glander ! Son père tentait de le motiver à se bouger, mais les résultats se faisaient attendre… Alejandro espère que Miguel ne suivra pas le même chemin que son frère, à ce niveau-là ! Quant à mentir pour passer du temps avec une fille… Et bien, c’est un ado, donc ça ne l’étonne pas plus que ça. « Miguel est un garçon sensé. Et je ne dis pas ça juste parce que c’est mon fils. Je peux te dire qu’il a une grand-mère et une sœur qui lui ont fait la morale, à lui et à ses frères, sur le respect à avoir envers les femmes ! » Il dit ça avec une pointe d’amusement, mais le sujet est assez sérieux, chez les Álvarez. Margaret, la mère d’Al, a un sacré tempérament, et ne supporte pas être traitée comme une citoyenne de seconde zone. Quant à sa fille, Zelda… Une femme indépendante et qui ne se laisse pas faire non plus, encore moins par un homme !

Arrivés au parc, Al’ gare la voiture et commence déjà à observer l’endroit, espérant apercevoir son fils en compagnie de Layla. « Hmm… je ne suis pas sûr que ce soit le genre des jeunes de maintenant… Et pas de McDo dans le coin alors… » Il pense au restaurant en ville, le Old Mapple, mais bien trop “adulte” pour les deux adolescents certainement. Il tourne la tête vers Justin. « Je pensais plutôt au coin un peu plus discret, tu sais… Si je me souviens bien, y’avait ce parking au bout d’un chemin de forêt… » commence-t-il à réfléchir. Adolescente, Alejandro était gauche et trop timide pour inviter une fille, alors ce parking, il y était allé juste comme ça et pas en compagnie d’une fille… « On va voir dans le parc ? » Sait-on jamais…