s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

Sophia se souvenait que Robin n’avait jamais été du genre à pousser les gens dans leurs retranchements ou repousser leurs limites. C’était d’ailleurs appréciable qu’elle ne lui demande pas de plus ample détails sur les raisons de son retour. Depuis le jour où elle avait quitté Chicago, ou plutôt la nuit, elle avait affirmé qu’elle ne se définirait pas par ces évènements. Ça avait certainement causé son lot de soucis, à confondre guérison et déni, mais elle avait fini par apprendre et surtout accepter. C’était arrivé et ça avait eu des conséquences. Maintenant, elle pouvait avancer. « Oui ! Et je suis bien partie pour rester. » fit-elle d’un air assuré. Bien sûr, tout n’était pas rose dans sa vie. Pas encore. Mais il y avait de plus en plus de raisons de rester, à commencer par cette amitié renouvelée. Le sourire de Robin déteignait sur la rouquine. C’était comme si rien n’avait changé, presque, parce que c’était même mieux qu’avant. Les voilà toutes les deux adultes, plus matures que lorsqu’elles étaient à la fin de leur première dizaine, à discuter de sujets dont elles ne discutaient pas forcément plus jeunes. Les relations, les flirts, l’amour même, c’était des sujets sur lesquels Sophia préférait rester secrète. Pas sûre d’elle, cultivant son appétence pour la discrétion et le mystère, elle avait toujours gardé ses crush pour elle. En ce sens, Robin n’avait jamais su pour Kyle Grayson, le mec pour qui elle a eu un béguin immense pendant tout le lycée, ni même pour Amelia Reed, cette dernière étant arrivée bien plus tard dans sa vie. Robin ne devait même pas savoir que Sophia était bisexuelle.

« J’ai l’impression que c’est quelqu’un de bien. Avec ses bagages émotionnels, bien sûr mais qui n’en a pas ? » Elle prend une nouvelle cuillerée en haussant les épaules d’un air vaincu. Alors qu’elle précise la nature de cette relation avec Reid, l’avocate voit son amie tiquer. Les deux femmes ne s’étaient pas vues pendant des années mais Sophia réussissait toujours à déceler les émotions de son amie comme si elles ne s’étaient jamais perdues de vue. La façon dont elle re-calibrait sa voix pour adopter un ton détaché, la raideur survenue au niveau de ses épaules et son sourire crispé : et puis ses mots qui vinrent confirmer ses gestes. « Tu le connais ? » demanda la rouquine en se redressant. Redwood Hills, dans toute sa splendeur. Évidemment qu’elle le connaissait, et dans la tête de l’avocate, ça coulait de source. Robin Myers et Reid Dewar avaient beaucoup de points communs ; leur mine renfrognée par moment, l’humour piquant au vif, ce fort caractère aussi déroutant qu’attachant… Sophia posa sa cuillère dans le plat, hochant impatiemment la tête vers la brune. Aller, crache le morceau Myers !! « Vous… » Elle s’attarda sur cette seule syllabe en guise de question, assez lourde de sens pour qu’elle n’ait pas à la finir. C’est à ce même moment légèrement survolté qu’on put entendre à l’étage un pas lourd puis un son qui s’apparentait à une fenêtre s’ouvrant et cognant contre un mur. La tête de Sophia se leva brusquement pour regarder le plafond puis Robin. Elle s’apprêtait déjà à se lever, prête au combat s’il le fallait.  

hrp:

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ROBIN ⅋ SOPHIA

Au tour de Sophia d’éclater de rire. Elles n’étaient pas devenues amies pour rien à l’époque, ces deux là. Déséquilibrées, peut-être un peu oui. En tout cas, c’était les conclusions d’une thérapie qu’elle avait entamé ces derniers temps. Robin avait-elle entrepris le même travail sur elle même. Sophia ne la voyait absolument pas raconter sa vie et ses déboires dans un cabinet de consultation. Pourtant tout pouvait arriver… Déséquilibrée, Sophia l’était sans aucun doute. Elle s’était même retrouvée à plusieurs reprises à flancher, tomber du fil et manquer de s’écraser par terre. Ca frôlait même le caractère dysfonctionnel. Si avec Robin les choses s’étaient améliorées, elle était loin du compte avec Victor. D’ailleurs, tant que les choses n’étaient pas au clair entre eux deux, aucun travail psychologique ou quelconque thérapie ne pourrait combler le vide créant ce déséquilibre au creux d’elle même. Avec Reid c’était différent, encore. Elle aimait se dire qu’elle créait quelque chose de nouveau alors que tout était encore possible. Il ne la connaissait pas d’avant, semblait n’avoir aucun lien avec elle… Jusqu’à ce que Robin fasse cette tête bizarre. Se connaissaient-ils ? Ouais, un peu. Mais qu’est ce que ça voulait dire ‘ouais un peu’ ? Dans leur langage d’adulte, ça voulait à peu près tout dire et son contraire. De la connaissance qu’on croise à la boulangerie every other morning à la passion dévastatrice consumée dix, quinze ans auparavant. Pas franchement jalouse ni possessive pour deux sous, le complément d’information que Robin lui lâcha attisait tout de même sa curiosité. En mauvais terme donc ? Qui était en mauvais terme avec un voisin qui achète son pain au même endroit que soi ? Le son s’échappa de sa bouche pour insinuer un type de relation, un vous… plutôt évocateur, elle ne put s’en empêcher, la rouquine. Elle était curieuse en plus d’être totalement manichéenne. Comme s’il n’y avait pas d’entre deux possible entre ces deux cas de figure. Mais elles n’eurent pas le temps de s’étendre sur la question qu’un énorme bruit sourd attira leur attention vers l’étage. Comme une sorte de pression surnaturelle, leurs yeux s’accrochèrent. « Leo » répondit Sophia du tac-o-tac, prête à suivre Robin qui lui ordonnait de la suivre en haut.

Pas feutrés, rapides tout de même, les deux arrivèrent enfin à la chambre du petit bébé endormi. Tandis que Robin s’assurait visuellement que tout allait bien dans le berceau, Sophia inspectait la chambre à la recherche de toute information pouvant représenter un danger. Rien. L’avocate surprit alors le regard de son amie, un regard qu’elle n’avait jamais eu l’occasion encore de rencontrer. Une flamme, débordante à la fois de tendresse et de soulagement. Leo n’avait rien, et maman ours pouvait respirer. C’était donc ça l’instinct maternel ? Elle aurait presque pu avoir les larmes aux yeux, Sophia, si Robin n’était pas déjà passée à autre chose. Toujours dans l’action, déjà en tête d’aller inspecter la chambre voisine. Avant de s’exécuter, Sophia croisa le visage du petit être à la peau toute rose, endormi profondément. Pendant une mini seconde elle se surprit à sentir un soulagement immense. Sans s’en être rendue compte, elle avait aussi sorti les griffes. Serré toutes ses dents.
Demi-tour pour rejoindre Robin, direction chambre voisine. La fenêtre était en effet grande ouverte. « C’est marrant, je sens vraiment aucun courant d’air » C’est marrant… On entendait pas non plus une tramontane démentielle dehors. Pourtant, elle sentait ses poils se hérisser comme si quelqu’un soufflait doucement sur sa peau. « J’entends rien, vraiment rien... » dit-elle d’un ton un peu trop assuré, pour rassurer son amie, et elle-même aussi peut-être. Elle se tut instinctivement pour mieux écouter, promenant son regard partout dans la chambre, les meubles, Robin, la porte, la fenêtre. La tension à son comble, elle ne put s’empêcher de pouffer nerveusement. « Rassure moi, personne n’est m o r t dans cette maison, right ? » Elle avait volontairement épelé le mot mort pour le comique de situation, comme si Leo pouvait comprendre quoique ce soit à son âge. Elle se rapprocha de la fenêtre pour observer la rue aux alentours. Personne. Peu d’enfants venaient faire la chasse aux bonbons dans ce coin de la ville, visiblement. « Peut-être sommes nous les victimes de quelque chose de pire que l’occulte... » Elle replonge dramatiquement son regard dans celui de Robin. « Des teenagers. » déclara t-elle sombrement avant de hausser des épaules. Et elles savaient très bien de quoi ils étaient capables, pour avoir été des pires à cet âge.