feat hannah & philip

Je me retrouve là, à jongler avec deux tasses de café bien chaudes, un petit sandwich pour le déjeuner et un muffin. Je me rends compte assez rapidement que le refus de prendre un plateau pour les cafés s'avère être une mauvaise idée alors que je me débats pour ouvrir la porte du Snow Rose. Hannah, à quelques mètres de moi, semble plongée dans ses pensées, totalement inconsciente de mes difficultés. Les tasses s'empilent sous mon menton, défiant la gravité alors que je tente de garder un semblant d'équilibre avec elles, tandis qu'une main s'occupe des sacs de papier et l'autre s'efforce d'ouvrir cette maudite porte. Un exercice de patience et de coordination, mais je m'accroche, ouvrant lentement mais sûrement la porte du café. Finalement, après ce qui semble être une éternité, j'arrive à franchir le seuil, soulagé de ne pas avoir répandu de café brûlant sur moi-même ou sur le sol. Hannah, toujours absorbée par ses pensées, semble à des années-lumière de remarquer mes efforts. Avec un soupçon de sarcasme teinté d'amusement, je lui lance : « C’est bon de savoir que t’as mes arrières, » tandis que je lui tends une des deux tasses de café et le sac contenant son muffin préféré. Me penchant contre la voiture, je savourant le calme après l'effort, en prenant une bouchée de mon sandwich. De la mayonnaise s’accrochant au coin de mes lèvres, j'y glisse ma manche pour l’essuyer. « Ça t’a manqué de patrouiller avec moi, avoue. » Faut dire que, de mon côté, ça m’a un peu manqué (juste un peu), mais surtout parce que j’avais été coincé à faire du solo ou à me coltiner Sam, le nouveau qui parle beaucoup trop. Puis, partager la voiture avec une Brennan, ce n’est pas aussi mal que mon père me l’a fait croire.

À toutes les unités disponibles. On signale une chèvre agressive en liberté au Shopping Precinct. Toute unité disponible pour répondre à cet appel, veuillez vous diriger immédiatement vers le Shopping Precinct pour maîtriser l'animal en attendant les services de contrôle animalier.

J’échange un regard avec Hannah, avalant ma dernière bouchée - difficilement -, et me dirige vers le côté passager, tout en annonçant dans ma radio : « On le prend. » Derrière l’ordinateur de bord, j’entre les coordonnées alors que Hannah prend le volant pour se rendre sur les lieux. Arrivés au bord de la rue piétonne, on se stationne rapidement pour sortir de la voiture de patrouille pour se mettre à la recherche de ladite chèvre, qui ne semble pas être en vue. « Bon, si t’étais une chèvre, tu te cacherais où ? » L’absurdité de la situation me donne envie de rire. Disons qu'on ne voit pas ça tous les jours. D’un pas prudent, on continue lentement notre chemin, scrutant chaque recoin. « Excusez-moi, avez-vous vu une chèvre dans le coin ? » Je m'adresse au premier piéton que je croise, qui pointe rapidement du doigt vers une boutique de vêtements. Une foule de curieux s'est rassemblée devant la vitrine, attirée par une scène inattendue. Nos pas se hâtent alors que nous nous frayons un chemin à travers la foule, déterminés à découvrir ce qui se trame à l'intérieur.La scène qui nous accueille dans la boutique est digne d'un film comique. La chèvre, un t-shirt entre les dents, se livre à une sorte de bras de fer avec le vendeur qui tente désespérément de récupérer son bien. « Tu prends la chèvre et je m’assure qu’elle ne sorte pas ? »

feat hannah & philip

Calée contre la portière du véhicule de patrouille de police, bras croisés, Hannah a en effet l’esprit et le regard un peu ailleurs, que sur le drame qui va peut-être se jouer à quelques pas de la jeune femme. A savoir, un risque majeur de chute de gobelets de café très certainement brûlant. Si au moins ses pensées étaient tournées vers le travail, sa distraction mentale pourrait être un peu plus pardonnable, hélas ce n’est pas franchement le cas. Non, non ! Avec le retour du soleil, bien qu’il fasse encore un peu frisquet, l’officier pense plutôt à l’été à venir et à la possibilité de partir en vacances. Cela fait un moment qu’elle n’a pas vu un autre paysage que celui du Vermont, que la rouquine affectionne beaucoup, mais changé d’air ne lui fera pas de mal. Et puis, partir avec Archie et lui faire découvrir un peu le monde qui l’entoure pourrait être sympathique, cependant, ça va devoir attendre encore un peu tout ça. Finalement, Hannah revient sur terre lorsque son coéquipier lui adresse la parole tout en lui tendant un café et un petit sac en papier kraft.

— La mission était si difficile que ça ? demande la rousse sourire en coin.

Elle lève son gobelet vers Philip, une façon de le remercier pour la boisson chaude et le muffin, dans lequel elle ne tarde pas à croquer avec délice Pas terrible de s’envoyer une pâtisserie pour le déjeuner, mais à sa décharge elle n’a pas plus faim que ça et elle avait juste besoin de se caler l'estomac. Ce soir, elle pourra se rattraper, Winona l’invite au restaurant alors elle ne compte pas se priver. Un nouveau sourire naît sur la frimousse d’Hannah quand l’officier King reprend la parole.

— Ça va, tu n’as pas de problèmes de chevilles en ce moment ? Questionne la miss faussement sérieuse.

Oui, elle apprécie de patrouiller avec Philip, mais ça hors de question de lui dire, elle risque d’en entendre parler jusqu’au siècle prochain.

— Soit dit en passant, il n’avait pas de serviettes au Snow Rose ? J’ai eu l’impression de voir mon fils s’essuyer la bouche et lui, il n’a deux ans et demi officier King.

Non, le geste ne lui avait pas échappé, pauvre manche d’uniforme maintenant barbouillée de mayonnaise, avoir du gras sur des vêtements ce n’est pas aisé, elle en sait un rayon là-dessus. Soudain, la causette légère de l’élite policière de Redwood Hills prend fin lorsqu’ils reçoivent un appel pour le moins inattendu, Hannah manque même de s’étrangler avec son café en riant. Une chèvre ! Ils vont devoir très sérieusement arrêter une chèvre ?! C’est la meilleure de l’année celle-là. En tout cas, ils prennent l’appel en charge et se rendent sans plus tarder au niveau de la rue piétonne, à la recherche de la délinquante à cornes.

— Aucune idée… Tu penses qu’on devrait faire appel à un mentaliste ?

Difficile quand même de prendre tout ça au sérieux, ce n’est quand même pas banal de faire appel à la police pour un animal en fuite. D’ailleurs, ce ne sont pas plutôt les services vétérinaires qu’on aurait dû contacter ? Philip questionne le premier promeneur qu’il croise et rapidement on leur indique une boutique de vêtements.

— Excellent, on n'aura pas à demander un portrait robot pour placarder des avis de recherches partout dans Redwood.

Ça aurait été comique tiens. Finalement les deux flics arrivent à la boutique mentionnée par le piéton et découvrent la chèvre en pleine session de shopping, visiblement elle a un différent de prix très certainement, avec le vendeur. Bien vite, Philip lui fait part de son plan.

— Tu sais, je ne suis pas sûr que je pourrais lui passer les menottes. On devrait essayer de l’amadouer avec de la salade ou quelque chose du genre plutôt.

Ou pas. Vu que le vendeur crie pour qu’on lui vienne en aide. Hannah s'exécute et tente de tirer en douceur, ça reste un animal  quand même, la chèvre vers elle. Hélas, mademoiselle Seguin s’ébroue, donne un coups de cornes au vendeur, un coup de pattes à la rousse, avant de prendre la fuite par l'arrière boutique, toujours le t-shirt entre les dents. Même si elle a sentie le coup de sabots passer, l’officier Brennan s’élance à sa poursuite.

— Suis moi Philip !

Quelle histoire.

feat hannah & philip

« Ce n'est pas ce que j’ai dit, » rétorque-je, en prenant une première gorgée de café. Je sens le liquide chaud et réconfortant glisser le long de ma gorge, me donnant le petit boost nécessaire pour bien commencer la journée. La dynamique entre Hannah et moi, en tant que partenaire, est différente de celle que j'ai eue avec son cadet lorsque celui-ci faisait partie de notre groupe. Entre Hannah et moi, il y a toujours cette compétition, bien assumée, un écho de la rivalité ancienne, qui perdure à travers les générations. Chaque échange est une bataille déguisée, chaque pique et mauvaise blague est une stratégie subtile pour prendre l'avantage. « Mes chevilles se portent très bien, merci de t’en soucier. » Reste que, tension familiale ou non, je trouve un plaisir à mes échanges avec la rouquine. Quoi que, chaque fois que je me dis que ce n’est pas aussi mal, je me mérite une critique. Je lève les yeux au ciel, lui glissant une grimace avant de rétorquer : « Si t’as pas remarqué, j’avais les mains pleines. » C’est alors que notre premier appel de la journée nous interrompt. Un appel qui allait assurément entrer l'histoire. Les animaux… il faut toujours que je tombe sur ce genre de cas. Si ce n'est pas une chèvre agressive, c'est un oiseau de proie qui s'attaque à un gamin. Si ce n'est pas l'oiseau, c'est un coyote qui terrorise les poules de Monsieur Johnson.  Ça ne finit plus. Et à un moment donné, on en rigole plus qu’autre chose. « Vu le nombre d'appels en lien avec des animaux sauvages, oui, j’en voudrais bien un dans l’équipe », que je lâche d’un ton amusé, mon regard alerte qui balaye le shopping precinct avant qu’un piéton nous dirige au bon endroit : un magasin de vêtements. À l’intérieur la scène est digne d’une comédie. Reste à savoir si nous saurons être à la hauteur de ce spectacle improvisé. « Pourtant, c’est la première chose qu’on nous apprend à l’académie », dis-je en glissant un sourire espiègle sur mes lèvres. On plaisante pour alléger la tension, tandis que le vendeur panique, dans son duel contre la chèvre. Bon, assez rigolé, il est temps de passer à l'action. Hannah décide de faire la première tentative. Elle avance prudemment mais la chèvre, loin d'être impressionnée, lance un coup de sabot précis. Profitant de la confusion de l’instant, elle s'élance à nouveau à travers la pièce. Hannah se met immédiatement à la poursuite de l'animal, me faisant signe de la suivre.  

Mes pieds martèlent le sol pavé tandis que je m'élance à la poursuite de la chèvre, le bruit de mes bottes de police résonnant dans les ruelles étroites. La chèvre zigzague habilement entre les passants, évitant avec agilité les obstacles sur son chemin. Je dois redoubler d'efforts pour la rattraper, manquant de trébucher à plusieurs reprises. Pendant ce temps, la chèvre continue sa course effrénée, déterminée à nous semer. Soudain, la chèvre fait une brusque embardée vers la gauche, la menant dans un cul-de-sac, m'obligeant à faire face à elle. Nous nous retrouvons alors dans un face-à-face tendu, la chèvre prête à charger, et moi, prêt à faire face à cette dernière confrontation. « Tout doux », lui ordonne-je, les mains levées en signe de pacification, cherchant à apaiser la bête. J'entends les pas précipités de Hannah qui me rejoint, son souffle court témoignant de l'effort qu'elle déploie pour nous rejoindre. « Stop, attends, » lui lance-je d'un ton impératif, sachant que tout geste brusque pourrait déclencher une réaction imprévisible de la part de la chèvre. « Je vais essayer de m’approcher », annonce-je d'une voix calme, essayant de projeter autant de confiance que possible malgré le battement précipité de mon cœur. Mes pas sont lents et mesurés, chaque mouvement calculé pour ne pas effrayer davantage l'animal déjà sur les nerfs. Mes mains restent levées en signe de paix, mes doigts légèrement écartés pour montrer que je ne représente pas une menace. Je garde mon regard fixé sur la chèvre, cherchant à établir un contact visuel qui pourrait apaiser sa méfiance. Juste au moment où je suis à portée de main, je prends une décision audacieuse et bondis vers elle, prêt à la maîtriser entre mes bras. Clairement, j’ai sous-estimé l’animal. Avec une agilité surprenante, elle bondit vers la droite au dernier moment et s’échappe, poursuivant son chemin derrière moi. Je m'effondre au sol, sentant mes coudes s'érafler contre le pavé rugueux. La douleur me fait grimacer, mais je n'ai pas le temps de m'attarder dessus. « Attrape-la ! » crie-je à ma partenaire, la voix pleine de frustration et d'urgence, espérant que Hannah puisse reprendre la poursuite.

feat hannah & philip

— Évidemment, je ne voudrais pas que tu te fasses mal en tombant à cause de chevilles défectueuses, dit-elle sans se départir de son petit sourire en coin.

Hannah pourrait sans doute passer un moment à lui lancer des blagues et des piques, elle n’a jamais eu sa langue dans sa poche et avec Philip, ils sont toujours en train de se chamailler, de chercher à avoir raison et d’être dans un genre de rivalité. Rivalité que la jeune femme ne prend pas bien au sérieux dans le fond, disons que c’est stimulant, mais ça n’a strictement aucun rapport avec la relation que pouvait entretenir King Senior et Brennan Senior. Ce qui est au mieux du point de vue de la rouquine, une saine et amusante compétition, c’est très stimulant tant que ça ne devient pas toxique et anxiogène, c’est ok ! Toujours est-il que s’il n’y avait pas eu cet appel de la centrale, la demoiselle lui aurait rétorqué qu’elle aurait très bien pu tenir son gobelet ou son sandwich pendant qu’il essuie proprement sa bouche. L’officier Brennan se contente donc de lui jeter un regard qui en dit long sur ce qu’elle pense de cette mayonnaise sur un uniforme de police, avant de prendre le volant pour aller stopper une chèvre délinquante. Les animaux qui prennent la tangente, ce n’est pas quelque chose d'inhabituel, ça arrive même assez régulièrement et si Hannah n’a pas eu forcément l’occasion de gérer ce genre d'affaires régulièrement, elle en a quand même eu son lot. Comme la fois où une bande d’oies avaient pris la piscine de Miss Parker en otage, avec du recul elle peut en rire, mais les oies peuvent pincer fort quand elles le veulent.

— Tu devrais demander au capitaine une formation de mentaliste animalier, vu que tu as l’air préposé à ce genre d’enquête, dit-elle sur le ton de la conversation, tout en cherchant la fameuse chèvre des yeux.  

Chèvre que le duo de flics retrouve finalement dans un magasin de vêtements, grâce aux indications d’un piéton et autant dire que l’animal offre un spectacle plutôt amusant quand on ne subit pas son courroux. Elle rit doucement tout en roulant des yeux à la remarque de son collègue.

— Je n'ai pas eu l’occasion de m’entraîner à menotter des chèvres pendant ma formation à l’académie, c’est aujourd’hui que je saute dans le grand bain !

Ou pas en vérité. Cette chèvre n’est pas du genre à se laisser faire, et même avec toute la délicatesse du monde, l’animal ne semble pas apprécier d’être prise en sandwich par le vendeur qui tente de récupérer le vêtement et la fliquette qui essaye de l’attraper. Boum ! Un coup de sabot et la bestiole prend la clé des champs. Heureusement, Hannah est aussi têtue que cette biquette et se lance à sa poursuite après avoir enjoint son collègue à faire de même. C’est une course poursuite effrénée et digne des plus grands films d’action qui s’engage dans les rues de Redwood, face à un adversaire des plus incongru mais particulièrement agile et rapide. Bien vite et malgré ses efforts, Hannah se fait distancer par l’animal et son collègue, cependant, la jeune femme arrive tout de même à les avoir encore en vue de sorte qu’elle peut suivre leur parcours. C’est le souffle court que la jeune femme parvient à finalement les rejoindre dans un cul-de-sac, Philipp prend les choses en main ce qui lui laisse le temps de reprendre son souffle tout en gardant l’animal à l’œil.

Cette chèvre est définitivement un vrai petit démon, malgré toute la vigilance et la précaution de son coéquipier, l’animal parvient à esquiver l’homme. À son tour, elle tente de stopper la demoiselle, réussissant à s’emparer d’un bout du vêtement qu’elle tient encore entre ses dents, Hannah essaye de ramener l’animal vers elle pour la maîtriser, mais dans un déchirement bien sonore le vêtement en question finit coupé en deux et la biquette prends à nouveau la clé des champs. Plutôt que de se lancer à nouveau à sa poursuite, sachant que ça ne semble pas être un bon plan, la rouquine va plutôt aider son collègue à se redresser.

— Ça va, pas trop de casse ? Questionne la jeune femme en tendant sa main.

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« J’y compte bien », que je réponds avec un sourire narquois, toujours dans la plaisanterie, à ma partenaire. La gestion d’un animal hors de contrôle est une compétence que l’on acquiert sur le terrain. Oui, pendant les formations, on nous explique brièvement comment réagir face à certains animaux dangereux, mais la chèvre, personne n’en parle. Personne ne s'attendait à ce qu'une chèvre ait des intentions malhonnêtes, encore moins à ce qu'elle veuille voler le plus beau t-shirt de la ville, prête à se battre avec le vendeur pour l'obtenir. Dans toute ma carrière, c’est une première, et visiblement pour Hannah aussi. La scène est surréaliste, avec les clients éberlués qui nous regardent, certains dégainant leur téléphone pour filmer ce spectacle impromptu. La chèvre, apparemment plus rusée qu’elle n’en a l’air, réussit à semer le chaos dans la boutique. Hannah tente d’attraper l’animal, mais elle se retrouve rapidement dépassée. C’est alors à mon tour de prendre le relais. La poursuite nous mène dans un cul-de-sac, où, honnêtement, je croyais avoir l’animal piégé. Mais rien ne se passe comme prévu. La chute est brutale et je sens immédiatement la douleur des petites roches incrustées dans mes avant-bras et mes coudes. Les égratignures brûlent et je sais que des futurs bleus commencent déjà à se former sur mes genoux, une douleur sourde et lancinante qui ne fera que s'intensifier. Mais le plus dur à encaisser, c’est mon ego qui en prend un sacré coup.

Hannah vient me rejoindre rapidement, prête à reprendre le relai, mais malgré sa tentative, le t-shirt se déchire et la chèvre disparaît de nouveau. Au lieu de la suivre, ma partenaire se tourne vers moi et vient m’aider à me relever. Je prends sa main et me redresse. « Ça va, ça va » que je lance orgueilleusement en reprenant ma main dès que je suis debout, pour essuyer mon uniforme poussiéreux et couvert de débris. Je jette un coup d'œil à mes avant-bras, où je vois quelques gouttelettes de sang perler des égratignures. D'un coup de main, je balaie les petites roches qui sont restées collées à ma peau. Je ne m'attarde pas trop longtemps sur mes blessures, préférant me concentrer sur l'opération en cours : trouver cette fichue chèvre. Mon esprit est déjà en mode stratégie, essayant de deviner la prochaine étape de notre adversaire à quatre pattes. « T’as vu par où elle est partie ? » que je demande, jetant un regard autour de nous pour repérer le moindre indice. On s’aventure de nouveau dans le shopping precinct, à la recherche de la chèvre. L’autre bout du t-shirt est au sol, nous indiquant qu’elle est passée par ici. Ça ne prend que quelques secondes, on la voit, au loin en train de mastiquer une plante. Je m’arrête pour mieux réfléchir à un plan. « Elle a faim, je crois. » Ce qui me donne une idée. Je plonge la main dans ma poche et en sors la barre protéinée que je traîne toujours avec moi, celle que j'oublie sans cesse mais que je garde au fond de ma poche par habitude. « Prends ça et essaie de l'attirer en douceur. Je vais tenter de me rapprocher discrètement par derrière pour la maîtriser » que je lui dit, en lui tendant la barre avant de faire un grand détour pour me placer derrière l’animal, tandis que Hannah tente d’attirer de l’attirer. Hannah, avec une patience remarquable, commence à attirer la chèvre en agitant doucement la barre protéinée. La chèvre, bien que méfiante, semble intéressée et s'avance prudemment vers elle. Ça fonctionne mieux que prévu. Pendant ce temps, je me faufile lentement vers l'animal, prenant soin de ne pas faire de bruit et de rester hors de son champ de vision. La chèvre est presque à portée de main. Juste au moment où elle semble s'apercevoir de ma présence, je l'attrape rapidement. Elle se débat violemment, et je dois mobiliser toutes mes forces pour la contenir. Je glisse mes bras autour d'elle, m'assurant de bien la maintenir pour éviter de recevoir un coup de sabot en plein ventre ou pire. « Ils arrivent quand, les services de contrôle animalier ? » je lance d'un ton impatient, espérant qu'ils ne tarderont plus. En attendant, j'essaie de calmer l'animal en lui parlant doucement, répétant des mots apaisants tout en la caressant de la main. Peu à peu, je sens ses muscles se détendre sous mon emprise, et je relâche aussi légèrement ma prise, soulagé de sentir la tension diminuer. « Donne-lui la barre, » dis-je à Hannah, espérant que cela aidera à maintenir la chèvre calme jusqu'à l'arrivée des services de contrôle animalier.

feat hannah & philip

Une fois n’est pas coutume, l’officier Brennan va sans doute prendre un certain plaisir à écrire son rapport concernant cette affaire de la chèvre fugueuse, ce n’est pas tous les jours qu’elle poursuit un animal en ville. Enfin, la jeune femme espére que l’animal ne fera pas plus de dégat que le pauvre t-shirt qu’elle a osé arraché au vendeur, qui aurait surement préféré resté couché, ni que cette histoire ne fera pas mauvaise presse au prés du public. Hannah a en effet bien remarqué les badaux filmant la scène avec autant d’amusement que d'étonnement, mais trop occupée à gérer la demoiselle à cornes, elle n’a pas trop eu l’occasion de leur demander de ranger leur smartphone. A l’heure qu’il est, Philip, la chèvre et elle doivent sans aucun doute déjà se trouver sur les réseaux sociaux. Bah il sera temps de gérer ça plus tard, le plus urgent pour le moment c’est d’aller aider son collègue qui a malheureusement chuté et rencontré le bitume en voulant retenir cette bestiole qui commence doucement à lui sortir par les trous de nez. La rouquine se doute qu’elle est sûrement effrayée plus qu’autre chose, mais la jeune femmee croise les doigts pour qu’ils ne doivent pas lui courir après dans toute la ville. Philip donc, qu’elle aide prestement à se redresser et qui même s’il ne semble pas avoir de grave blessures, a sûrement connu des jours meilleurs. En revanche, en lui tendant la main, la rousse ne s’attendait pas à une réaction si pleine d’arrogance.

— C’est toujours un plaisir de t’aider Philip, la prochaine fois que tu te manges le macadam je te laisserais en tête à tête avec, répond-t-elle de manière acerbe.

Hannah a le mot crétin sur le bout de la langue, mais se retient de justesse, préférant lui jeter un regard qui en dit long sur ce qu’elle pense, avant de se détourner du brun. Scrutant rapidement les alentours en quête d’indice laissé par la chèvre, l’officier Brennan secoue doucement la tête à la question de son collègue. De toute façon, elle n’est sûrement pas loin, elle a l’air de préférer servir dans les environs du shopping precinct et le duo ne tarde d’ailleurs pas à remettre la main dessus. D’accord, cette fois ils vont peut-être réussir à l’attraper, les services vétérinaires la prendront en charge et la demoiselle à cornes ne sera plus qu’un lointain souvenir, en priant pour que le prochain animal qui viendra mettre le binz à Redwood sera moins récalcitrant. Toujours est-il que l'hypothèse de la faim lui semble tout à fait pertinente, qui sait depuis combien de temps l'animal erre et n’a donc pas dû se nourrir comme il se doit, la biquette chercher peut-être simplement à trouver de quoi se mettre sous la dent. S’emparant de la barre que lui tend son coéquipier, Hannah s'accroupit pour être à la hauteur du petit mammifère et commence à l’attirer en agitant la nourriture, tout en restant très calme et très patiente. Si l’option de courir après n’était pas la bonne, celle de la patience devrait porter ses fruits, et en effet après plusieurs longues minutes la demoiselle s’approche encore et encore et… Au moment où elle comprend qu’elle est suivie, Philip l’attrape et doit l’immobiliser au mieux pour ne pas qu’elle s’échappe à nouveau, ce qui serait franchement ballot.

— J’imagine qu’ils ne devraient plus trop tarder maintenant.

Si au départ la chèvre semblait apeurée, elle a doucement l’air de se calmer grâce aux mots apaisants et aux caresses de son collègue qui la tranquillise. L’homme qui murmurait aux chèvres, bientôt sur vos écrans !

— Non, je ne lui donnerais pas ça, répond la rouquine en collant la barre protéinée à la poubelle. Qui sait ce qu’il y a là-dedans…

Un coup d'œil rapide de son environnement lui donne une idée, rejoignant une petite épicerie bio, Hannah achète une belle salade bien verte et bien fraîche, avant de revenir vers le flic et la chèvre. Elle se demande au passage si elle pourra faire passer ça en note de frais, c’est pas tous les jours que la police achète un légume pour les besoins d’une intervention.

— Vous formez un beau couple, dit-elle un peu moqueuse en commençant à nourrir la belle à cornes, qui en effet mourrait de faim.

feat hannah & philip

En pleine action, je sens déjà mes limites poindre. Ce besoin irrépressible de tout contrôler, d’être celui qui garde les rênes, voilà ce qui met en péril ma fierté. Et chaque échec, même minime, je les encaisse comme un coup, comme une mise à l’épreuve de ma capacité à tout mener par moi-même. C’est que, voyez-vous, une humiliation me reste longtemps en travers de la gorge. Et là, pour couronner le tout, je suis littéralement en train de me faire déjouer par... une chèvre. Oui, une chèvre, le diable incarné sur quatre pattes, qui me toise avec ses yeux placides, comme pour mieux me rappeler que la situation m’échappe. Pas le genre de scène qui inspire le respect ou qui fait de moi un héros aux yeux de mes collègues. Pas que maîtriser cet animal me fera entrer dans les livres d’histoire, mais au moins, ça m’éviterait de devenir la blague de l’équipe. Mon orgueil commence à percer dans ma voix, un peu plus tranchant, un peu moins patient. Hannah le remarque bien vite et, fidèle à elle-même, elle ne perd pas une seconde pour me renvoyer la balle. Je soupire discrètement, lève légèrement les yeux au ciel avant de poursuivre les recherches. Encore une fois, elle nous a échappé. Heureusement, elle n’est pas si difficile à retrouver, alors qu’elle est en train de faire du jardinage en arrachant les plantes à coup de dents.

Avec un coup d’œil à Hannah, je sors la barre protéinée que j’avais oubliée dans ma poche. En quelques gestes silencieux, nous formons notre plan d’attaque : elle fait diversion en agitant le paquet pour attirer l’attention de l’animal, pendant que je me faufile discrètement derrière. Un bond bien calculé, et je parviens enfin à l’attraper, serrant la chèvre entre mes bras, sentant sa respiration s'accélérer sous ma prise, dans laquelle elle finit enfin par se calmer. Je lève les yeux, cherchant de l’aide auprès d’Hannah. Mais à ma grande surprise, elle se détourne, les lèvres pincées, puis jette négligemment la fameuse barre dans la poubelle la plus proche. « Hey, mais qu’est-ce que tu fais ?! » Ma voix est un mélange d'incrédulité et de protestation. C’était ma barre, celle que je gardais pour les urgences – et en quoi cela lui donnait-elle le droit de s’en débarrasser ? Je la regarde s’éloigner : « Où tu vas ? » Ma question fend l’air, un peu plus fort pour qu’elle m’entende malgré la distance qui s’agrandit. Mais elle ne se retourne pas, continuant son chemin jusqu’à ce qu’elle atteigne l’épicerie bio du coin. Elle s'arrête, disparaît quelques instants derrière la porte automatique, et je soupire, me demandant si elle va vraiment me laisser ici, seul avec l’animal encore dans mes bras. Finalement, elle ressort, avec une laitue fraîche. Je comprends enfin son idée et ne peux m’empêcher de sourire en coin alors qu’elle s’approche de la chèvre, lui tendant le légume avec une assurance tranquille. Le museau de la bête se tend, curieux, et se met à mâchonner les feuilles comme si rien d’autre au monde n’existait. « Fais pas ta jalouse, » que je lance, un sourire espiègle aux lèvres. « Je commence à avoir l’habitude avec les animaux. »

Les services de contrôle animalier arrivent enfin. Ils prennent la chèvre en charge sans perdre une seconde, et je me relève, époussetant mes vêtements. Un regard à Hannah, un hochement de tête complice, et nous nous éloignons ensemble pour retrouver notre voiture, laissant derrière nous l’animal désormais sous contrôle. « On a fait du bon boulot, j’y ai presque pas cru, » je lance, un sourire amusé aux lèvres. Un léger rire m’échappe malgré moi, le genre de rire qui vient quand on se sait chanceux d’avoir évité de justesse la catastrophe. « Sérieusement, on aurait été la blague de la semaine, au poste, si ça avait foiré. » Les collègues auraient pris un malin plaisir à nous rappeler sans fin cette aventure absurde. C’est presque une tradition, ces taquineries bon enfant qui se transforment en légendes autour de la machine à café. De retour dans la voiture, je m’installe côté passager, prêt à gratter quelques lignes pour le rapport pendant que Hannah prend le volant. « En passant, j’ai fait la rencontre de ta cousine. Elizabeth. » Un sourire taquin se glisse dans ma voix, mais je ne peux m’empêcher de froncer les sourcils en y repensant. « Elle est toujours aussi... froide ou je dois le prendre perso ? » Après bon, avec Mama King dans les parages, la froideur était quelque peu mérité.