Non, vraiment, je ne m’y attendais pas. J’avais conscience que l’animosité que nous ressentions l’un envers l’autre s’était estompée récemment, mais je n’aurais jamais imaginé que ce soit au point où Castiel DeWitt me céderait potentiellement une part de l’une de ses entreprises. J’étais sur le cul, excusez-moi du vocabulaire. Ainsi, un instant me fut nécessaire afin de remettre de l’ordre dans mes pensées. D’abord, je l’interrogeais sur la passion qu’il ressentait pour ce lieu. D’où venait-elle puisqu’il n’appréciait pas particulièrement ce qui s’y déroulait ? D’ailleurs, pourquoi en avait-il fait l’acquisition ? Attentif à sa réponse, je l’écoutais sans fléchir. « Des personnes comptent sur moi. » S’il était sincère dans ses propos, alors mon interlocuteur prouvait une fois de plus qu’il n’était pas uniquement le sale type égoïste se prenant pour le centre de l’univers. Même lui possédait un cœur. Plus je découvrais cette facette de sa personnalité, plus je me sentais idiot à avoir pensé pendant si longtemps qu’il eut été capable de commanditer le meurtre de Sidonie. Est-ce que mon ressentiment pour lui avait pu à ce point impacter sur mon jugement ? À croire que oui. Je l’interrompis uniquement pour lâcher un « Tu le considères encore comme un ami ? » lorsqu’il lâcha ce terme pour décrire Roman. De ce que j’avais entendu ces dernières minutes, cela ne collait pas trop à la situation actuelle maintenant qu’il tentait de lui dérober le Valhalla. Remarquez, qui étais-je pour juger des relations tendant vers une extrémité puis une autre ? J’étais devenu pro dans ce domaine avec le millionnaire se tenant face à moi.

J’ignorais d’où provenait la fougue qui m’habita alors mais je lui promis de lui venir en aide. J’étais sûr que notre duo ne pourrait être détrôné. Nous possédions tout : l’argent, les connexions, le caractère… Cela faisait une éternité que j’étais persuadé qu’une alliance nous rendrait redoutables. N’était-ce pas ce que sa femme avait tenté de nous rentrer dans la tête bien des années auparavant ? Nous étions juste trop aveuglés par notre haine réciproque pour l’intégrer. Alors oui, je n'étais pas habitué au rôle du « méchant » mais je traînais parmi beaucoup d’entre eux, me permettant d’assimiler leurs caractéristiques et de m’en resservir au besoin. « Et qu’est-ce qu’ils pourraient bien me faire ? Je suis irréprochable. Mes seuls « vices » sont disponibles en ligne et, pour la plupart, ont déjà été placardés sur des panneaux publicitaires. » répliquais-je sans préciser de quoi je parlais. Castiel ne le savait que trop bien. Ce fut ainsi statuer. Notre partenariat prenait une nouvelle tournure, plus poussée, plus… égalitaire. Si nous ne risquions pas d’élaborer une stratégie d’attaque dès ce soir, il était indéniable que les choses seraient amenées à évoluer dans les prochains mois, voire semaines.

Toutefois, avant de passer aux choses sérieuses, nous avions une mission à achever : le visionnage de Grease ! Déjà que celui-ci était loufoque de base, qu’il eut lieu juste après cette discussion ne faisait que d’en renforcer l’absurde. Troie avec Brad Pitt aurait été plus approprié. Pour l’heure, je notai que le brun n’était pas contre l’apparition d’un jacuzzi dans ma propriété. Nous ne nous refusions rien ensemble depuis peu, si ce n’est peut-être une session de yoga, dénudés dans la forêt. Il fallait bien instaurer des limites, non ?  

Tandis que le générique de fin se lançait, je me tournais vers Castiel afin de prendre connaissance de son avis sur le long-métrage devenu culte. Je ris à sa conclusion qui, sous un fond de demi-teinte, était très positive venant de lui ! « Avoue que mon talent vocal a beaucoup aidé. » Cette dernière heure aurait été bien plus terne si je m’étais retenu de pousser la chansonnette ! Ok, cette affirmation était extrêmement bancale. La question qui se posait maintenant était… Quelle était la suite du programme ? Mes propositions ne firent pas mouche puisque l’homme opta pour se retirer. « Dommage que tu le prennes comme ça. Je t’aurais laissé choisir entre La La Land et Chantons sous la pluie… » Je haussai les épaules, feignant une déception profonde. La réalité était que, si cette soirée inattendue touchait à sa fin, j’étais plus sûr que jamais qu’une autre lui succéderait.