« Miss Toledo ? » Sourire avenant aux lèvres, la directrice de projet se lève lorsqu’une silhouette passe la porte du foyer dont l’ouverture officielle ne tardera plus – pour lequel quelques détails restent néanmoins à ficeler. Manque de personnel, notamment pour faire ce que Kat s’apprête à faire : les relations humaines. Pas que ça l’ennuie, mais les dossiers s’empilent déjà sur son bureau et elle aurait sincèrement besoin d’une personne pour la seconder sur ce genre de tâches. Plus tard peut-être. La mission du jour est plutôt de pallier le manque de personnel soignant féminin pour le foyer, pourtant indispensable. En l’absence de connaissances qui seraient disponibles pour assurer ce rôle, une petite annonce aura donc été passée dans le journal et sur les sites en ligne. Recherche infirmière libérale pour assurer le suivi d’un public adolescent et jeune adulte dans le cadre d’une structure associative. Qualités recherchées : écoute, suivi personnalisé, capacités d’organisation et de communication. Quotité horaire : 20 heures à répartir sur la semaine selon vos disponibilités. Rémunération : 45$ de l’heure. Expérience et diplômes exigés. Contactez… Des exigences plutôt classiques, une rémunération dans la moyenne haute pour ce genre de poste, la possibilité d’organiser ses temps de présence comme on le voudra ; La DeWitt a l’habitude de bien traiter ses employés, cela se confirme dans chacune des structures où le célèbre homme d’affaires tend à investir son argent.

« Kathleen Miller, nous avons brièvement échangé au téléphone. Ravie de vous rencontrer. » Aucune appréhension réelle en recevant la candidate du jour : CV qui colle à ce qu’on recherche, personne rapidement disponible pour un entretien, que demander de plus ? Bien sûr, le foyer est le bébé de Kat et pour cette raison elle tient à sélectionner les meilleurs collaborateurs possibles. Mais dans la réalité, elle n’a ni un choix illimité dans la région ni un temps illimité pour gérer cette campagne de recrutement. Espérons que ce soit vous, Miss Toledo. Ça m’arrangerait vraiment. « Je vous laisse me suivre jusqu’à mon bureau ? » Nouveau sourire en observant son interlocutrice avant qu’elle n’enclenche le pas dans la direction désignée, en profitant pour désigner au passage les différents espaces devant lesquels les deux femmes passent. « Voilà le foyer, nous ne tarderons plus à l’ouvrir au public. La grande salle, le coin détente, là-bas il y a des espaces de réunion et de travail, la cuisine, un petit jardin, derrière, aussi. » Elle se retourne pour s’assurer que son interlocutrice la suive, sourit de nouveau en ouvrant une porte. « L’infirmerie. Il faut encore compléter le matériel, mais j’attends d’avoir l’équipe au complet pour savoir ce dont vous auriez besoin exactement. » Même si Damian aura déjà donné quelques indications, et qu’au final il n’y a rien de trop particulier dans cette infirmerie : pas un hôpital, pas la vocation d’être une clinique gratuite non plus, on trouve principalement le nécessaire aux premiers secours dans les placards. « Et… Mon bureau. Je vous en prie, installez-vous. » Visite express, probablement assez cependant pour se faire une idée globale.

Arrête de m’appeler, je vais arriver en retard ! Post décrochage de téléphone, attend impatiemment la fin du message automatique qu’elle a si souvent entendu qu’elle pourrait être sa meilleure-amie. You’ve got a phone call from an inmate in Chittenden Regional Correctional Facility. Press one to accept the call. S’en suit un échange téléphonique comme tant d’autres, qu’est-ce que tu fais, quand est-ce que tu viens me voir. Pas forcément l’envie d’y passer tous ses week-end; malgré l’affection toujours présente. J’ai un entretien tout à l’heure. Il sait, au fond, voulait juste lui dire mierda pour la forme. Lucía avait épluché le journal, à l’ancienne - on s’adapte à la ville restée dans le passé, en se disant qu’elle n’avait pas grand chose à perdre à tenter. Nouveau foyer pour jeunes qui venait tout juste de sortir de terre; surprise de voir un élan d’évolution dans ce village, et ne peut que l’accueillir avec enthousiasme. Qui plus est, pour le job, c’est tout de même bien payé, avait évidemment relevé les 45 dollars de l’heure - un emploi à mi-temps, ce qui lui laissait l’opportunité de trouver autre chose à côté. En somme, tous les astres étaient alignés; confiante, la Toledo, d’autant plus, s’imagine que des infirmières ne courent certainement pas les rues alors se dit qu’elle avait toutes ses chances. La structure semble prometteuse qui plus est; aversion pour les vieux, mais les jeunes, ça lui parle plus. En se dirigeant vers le foyer, se remémore vaguement l’annonce, et les qualités requises. écoute : check, sait se la fermer. suivi personnalisé : , ça passe. capacités d’organisation : next, communication : sait s’exprimer.

présentable, enfile une tenue aux couleurs de la saison; des petits talons en guise d’arme blanche - ne sait on jamais (non). Bref, cute l’infirmière qui sait y faire en règle générale, plutôt douée pour baratiner - c’est souvent sur la durée, qu’on se rend compte qu’elle est une publicité mensongère. Là, elle veut bien être la parfaite petite infirmière - qui à ce stade, à quelques années au compteur. Plutôt confiante sur ses capacités; faut dire qu’elle ne s’imagine pas réellement devoir retirer une balle de la tête d’un jeune dans le cadre de cette mission, c’est clairement abordable pour la fille d’Harlem. Ravie de vous rencontrer. Qu’elle répète en hochant la tête lorsqu’elle peut mettre un nom sur son interlocutrice téléphonique : Kathleen Miller. On essayera de s’en souvenir. La brune qui hoche docilement la tête en la suivant. Le regard curieux, c’est moderne , cadre accueillant, c’est plutôt sympa comme environnement qu’elle réalise, en l’entendant décrire la situation actuelle du foyer : pas encore ouvert au public. C'est tout beau, tout neuf. qu’elle commente évidemment, d’un hochement de tête approbatif; l’intérêt principal étant la salle de pause et l’infirmerie dans laquelle elle jette un œil. Si j’ai bien compris, on ne devrait pas pratiquer d’opérations à coeur ouvert, ça devrait aller ? Le minimum syndical ce serait très bien !   Souffle-t-elle dans un petit sourire; deux trois pansements, de quoi faire des premiers secours - un kit un peu basique, peut être un peu plus poussé que celui qu’on peut trouver dans les entreprises d’une manière générale, puis probablement quelques douleurs. Peut-être des antihistaminiques et EpiPen en cas de drames allergiques.   Fancy petit bureau, elle entre alors.  Comme elle est invitée à le faire, vient directement s’asseoir après avoir retiré sa veste. J’ai cru comprendre que le poste était à promouvoir rapidement ?   Très réactive, en tous cas la Kathleen Miller. ça tombe bien, elle est disponible de suite. C'est où qu'on signe ? Avant ça, sort de son sac une attestation de travail, un poste d'infirmière dans une clinique, dans le Bronx, à New York, qu'elle lui tend, tout à fait basique  : Désolée, je viens d'emménager en ville, c'est un peu la chasse au trésor pour trouver mes affaires. Ah, on tente de masquer qu'on est complètement dépassée par l'administratif par moment; surtout sa propre paperasse.

Aucune arrière-pensée particulière en rencontrant son interlocutrice du jour, Kathleen espère surtout qu’elle sera la bonne pour pouvoir mettre fin à cette série d’entretiens : pas vraiment le temps, pas des masses de réponses non plus – si l’une des premières à être rencontrée pouvait s’avérer apte pour cet emploi, la directrice de projet en serait tout de même soulagée. Elle accueille donc miss Toledo dans un sourire sincère, se présente avec spontanéité et débute par une brève visite guidée tout en prenant le chemin de son bureau. « Les travaux s’achèvent à peine » qu’elle confirme dans un hochement de tête, plutôt douée pour le small talk sans grand intérêt : diplomatie innée de celle qui a l’habitude de se fondre dans à peu près tous les milieux. Le discours se fait néanmoins plus précis lorsque les deux femmes arrivent à l’infirmerie, et Kat apprécie que son interlocutrice prenne aussi facilement position sur la question formulée à demi-mots. « Ce serait vraiment mauvais signe qu’on doive le faire, effectivement. » Plaisanterie filée, pas tellement à la recherche d’un chirurgien pour pratiquer des opérations clandestines dans ce cadre : all good, si on peut se contenter de quelques pansements et de brochures sur la contraception.

Arrivées dans son bureau, Kat invite rapidement miss Toledo à s’installer et en fait de même. « Absolument. Nous ouvrons très prochainement et j’aimerais beaucoup avoir l’équipe au complet avant d’accueillir les jeunes. » Franche, pas tellement dans l’optique de se la jouer RH qui feint une concurrence ou un manque d’intérêt un peu bête : l’idée est réellement de pourvoir la place sans attendre. Si possible avec un profil compatible, et c’est probablement cela qui rendra le choix le plus complexe au fond. Dans un sourire, Kathleen récupère les documents qu’on lui tend et les parcourt rapidement. « Aucun problème, je sais ce que c’est. » Petit sourire par-dessus la feuille, même si en réalité la brune est particulièrement organisée et scrupuleuse sur ses affaires : probablement une habitude prise à force de voyager dans tous les coins du monde et de devoir, constamment entre deux destinations, réagir rapidement en cas de besoin. « Décidément, la moitié des habitants de Redwood semble revenir de New-York » plaisante-t-elle enfin en reposant le document sur son bureau. Est-ce vraiment étonnant ? C’est bien la plus grande ville proche, après tout. Cependant, à l’inverse de Leo, de Castiel ou d’elle-même, il semble bien à Kathleen que miss Toledo n’ait pour commencer aucune attache avec leur petit coin du Vermont. « Combien de temps est-ce que vous prévoyez de rester dans le coin ? » Est-ce que tu vas me lâcher dans deux mois ? Façon détournée de lui demander ce qui l’amène, aussi : un conjoint, une famille, de vagues connaissances… Qui sait ? « Le fait que le job soit à mi-temps est ok pour vous ? » Enfants à charge ? Seconde activité professionnel ? Investissement bénévole dans d’autres choses ? Kathleen n’est pas RH mais elle en maîtrise certainement les sous-entendus, sans envie de se montrer intrusive mais tout de même motivée par l’envie de faire le bon choix.

Hochement de tête; small talk qui a des limites - pas une pro dans le domaine du bâtiment, ce n’est pas Lucía qui allait admirer les bonnes finitions d’un projet qui visiblement s’achevait à peine. Elle suit volontier Kathleen Miller dans les couloirs, jusqu’à la fameuse infirmerie, qui a son sens ne méritait pas d’être aménagée comme un hôpital de seconde-main; ne s’imagine effectivement pas qu’elle aurait besoin d’un équipement haut de gamme, pas vraiment dans l’optique de prodiguer des soins particulièrement chirurgicaux dans cette pièce. Sourire de circonstances, plaisanteries de deux femmes qui n’ont aucun intérêt à vouloir se lancer dans des opérations clandestines et vendre des organes volés de pauvres jeunes en situation compliquées. Un peu trop dark, elles poursuivent la visite, quittant l’infirmerie pour se rendre dans le bureau de celle qui l’interviewait ce jour. La brune s’installe sur la chaise désignée, puis laisse un regard curieux autour d’elle. Ce n’est pas son exercice préféré les entretiens, a plus tendance à vouloir mettre cartes sur table et aller droit au but; la première remarque est donc relative au besoin pour ce poste et surtout à quelle date; la miss Toledo qui est clairement prête, a envie de se montrer disponible. C’est parfait, je suis disponible. Qu’elle lui indique, avant de justement lui tendre une attestation pour l’ajouter à son dossier de candidature, évoquant son déménagement pour excuser son manque de rigueur. Expliquant probablement sa situation à demi-mot : elle vient de s’installer dans le coin et a envie d’être rapidement active. La réponse de son interlocutrice est rassurante; ne semble pas lui en tenir rigueur - difficile à dire, faut dire qu’elle n’a jamais réellement eu de conflits frontaux lors d'entretiens d’embauches. Il est toujours difficile de savoir à quel point on a réussi ou on a raté le coche, à moins d’avoir une réponse en live ou dix minutes après avoir quitté les lieux.

Positive, cependant, Lucía se dit qu’elle est capable de faire bonne figure, a les compétences métiers et au pire, saura postuler ailleurs. Le milieu médical prospère toujours au fond; il y a toujours des malades ou des blessés. C’est vrai ? Je suppose que le Vermont sait attirer ceux qui cherchent un peu plus de calme. Vous venez de New York ? Qu’elle demande, plus pour faire la conversation, tandis que son interlocutrice, plus tard, rebondit en l’interrogeant sur ses projets. Je n’ai pas prévu de partir; j’ai de la famille à Burlington. En prison. C’est un détail, évidemment qu’elle ne développe pas, mais précise : C’est d’ailleurs là-bas que j’ai passé mes examens d’infirmière. Ce n’est pas la première fois que je m’installe ici, j’ai des amis dans la région, aussi. Histoire qu’elle ne pense pas qu’elle claquerait la porte du jour au lendemain, chose qu’elle serait capable de faire évidemment. Je suis partie la première fois car je savais que ce serait un bon exercice, que j’avais probablement des choses à vivre à New York professionnellement. En gros : y a plus à faire parce que c’est pas jojo la vie là-bas. Je suis ok avec le fait que ce soit un job à mi-temps, pour être honnête, je viens d’être engagée pour commencer au lycée de Redwood Hills prochainement.   Elle sourit, ajoute pour se vendre, au cas où la jeune femme en face n’était pas convaincue : J’ai un bon contact avec les jeunes, je pense que ce serait deux postes complètement cohérents, qui peuvent même se compléter d’une certaine manière.   Qu’elle argumente avec sérieux en croisant le regard de Miss Miller en se demandant si c’était un point qui lui parlerait ou non.

La disponibilité faisant clairement partie des principaux critères recherchés par Kathleen pour le poste d’infirmière à pourvoir, elle ne peut que sourire à l’affirmation assurée de son interlocutrice. Sur le papier, miss Toledo semble parfaitement correspondre aux attentes du job : plus qu’à croiser les doigts pour que cette impression se confirme lors de l’entretien qui s’ouvre. Des papiers pas très bien triés, la mention d’un déménagement récent : Kat n’en tient pas rigueur et se contente d’une remarque légère sur le fait que beaucoup des habitants de cette ville ont, à un moment ou un autre, vécu à New-York. « Non, je suis originaire d’ici mais j’ai travaillé à New-York pendant quelques années. » Un sourire, l’idée fonctionnant dans les deux sens : le Vermont est parfait pour se mettre au vert, la grande ville parfaite pour trouver un emploi. Mouvement pendulaire bien connu et qui n’a d’ailleurs rien de particulièrement surprenant, mais qui peut éventuellement inciter à très facilement bouger. Serait-ce le cas de son interlocutrice ? « D’accord, super. » Un hochement de tête convaincu et Kat note dans son carnet « dispo, fixe » à côté du nom de miss Toledo. Tu gagnes des points ma belle, ne me lâche pas maintenant.

Car il reste effectivement quelques questions à poser, mais pour le moment la directrice de projet acquiesce de manière attentive aux propos de son interlocutrice. Pas qu’elle lui ait demandé de s’expliquer, mais au fond c’est surtout l’occasion de noter qu’elle semble avoir la conversation plutôt facile : un point positif supplémentaire. « Comme beaucoup de gens » sourit Kat, pour rebondir sur ses propos précédents – l’emploi étant évidemment plus varié et disponible dans la grosse pomme. Elle en profite ensuite pour vérifier que miss Toledo a bien conscience que l’emploi proposé n’est qu’à mi-temps, et si tel est le cas, que cela lui convient. « Ah oui ? » Haussement de sourcils, un petit mais c’est parfait, ça ! intérieur. « Clairement, que vous connaissiez déjà les jeunes à partir de votre expérience au lycée est un énorme plus… Et éventuellement, vous pourriez même en orienter certains vers cette structure. Ce serait… Parfait, vraiment. » Son regard se perd un instant dans celui de la femme assise en face d’elle et Kat esquisse un large sourire, toujours aussi peu désireuse de jouer le suspense ou quoi que ce soit de ce genre. I like it, plus que quelques questions et l’entretien sera probablement terminé. « Bon, la différence majeure avec le lycée est tout de même que nous sommes une fondation privée… Appartenant au groupe DeWitt. Ça implique dans une certaine mesure d’être en accord avec les valeurs de cette entreprise. Est-ce que vous connaissez déjà ce nom ? » Peut-être qu’elle a fait des recherches, peut-être que tout le monde connaît le nom de DeWitt – qui sait. En parlant de valeurs, ce n’est cependant pas seulement l’esprit corporate de la jeune femme que Kat cherche à sonder, mais bien quelque chose de plus profond.