Dakota a pris du retard dans son horaire. Si ce n’était pas de son fils qui a renversé l’assiette de fruits qu’elle avait fraîchement préparée pour la cérémonie de recueillement, elle serait arrivée à l’heure. Bien qu’il n’y a pas vraiment d’heures d’arrivée. Elle n’avait tout simplement pas envie de se pointer au moment où le Maire fait son discours. Un arrêt rapide au supermarché, elle transpose les fruits coupés qu’elle venait d’acheter sur son assiette, question de ne pas avoir l'air cheap, et dépose ensuite Zack chez son père. Lorsqu’elle passe enfin la porte de la mairie, la salle est assez pleine, mais elle n’interrompe le discours de personne. Son assiette en main, elle balaye la salle du regard. Quelques têtes familières, elle leur adresse un sourire compatissant. Pendant ces six dernières années passées à Redwood Hiils, la Summers s’est intégrée dans la communauté au point où elle y a trouvé sa place, où elle se sent, malgré tout, chez elle. Et comme tout le monde, elle s’inquiète. En tant que mère, mais aussi en tant que voisine et tente du mieux qu’elle peut d’apporter son soutien. Son regard se pose sur Archie, vers qui elle se dirige. De sa main libre, elle lui effleure le dos pour signaler sa présence tandis qu’elle dépose son assiette de fruit avec l’autre. « Salut ! » souffle-t-elle en lui glissant un sourire, heureuse de le voir présent. « Rassure-moi, je n’ai rien raté d’important ? » Son retard n'a rien de flagrant, mais elle préfère tout de même s'en assurer. Touchée par cette histoire de disparition, elle cherche à rester informé. Elle s'attarde sur la photo du disparu et un petit pincement lui parvient au coeur. Elle n'ose même pas imaginer ce que doit vivre le maire en ce moment. Ne pas savoir ce qui en est de son fils... Gosh. Le cauchemar des parents. « Ça me fend le coeur. » Comme toutes les tragédies précédentes. « T'es venu seul ? » s'enquit-elle, balayant de nouveau la salle à la recherche du petit ami de ce dernier, sans le trouver. Par contre, elle remarque quelques boîtes de beignets du Snow Rose qui trainent sur le buffet. « Ah, je vois. Être propriétaire ne te suffit pas, tu te lances aussi dans la livraison. » dit-elle en attrapant d'un des beignets de la boîte la plus proche.

@Archibald Stanhope

Pour l’heure, au lieu de s’intéresser à l’endroit dans lequel elle se trouvait, Grace était davantage préoccupée par le buffet et par le fait que certaines personnes avaient apparemment amené plus de plats qu’elle, ce qui l’agaçait prodigieusement. Sur le plan culinaire, elle se sentait toujours en compétition. Elle sourit devant les tentatives de Jamie de la rassurer avant de s’adresser à Nathan Myers pour lui faire une remarque sur ses muffins. Elle serait bien tentée d’en goûter un, et en même temps, elle faisait attention à sa ligne, son corps n’était plus le même qu’à vingt ans, elle ne pouvait se permettre les mêmes écarts... Elle tressaillit quand Jamie évoqua les Stanhope. « Je... Les Stanhope, pourquoi je les connaîtrais ? Enfin, je sais que l’un d’eux est le propriétaire du café de la ville et je connaissais relativement bien l’un de ses frères, mais il a quitté la ville depuis » et pour elle, c’était une excellente chose, elle préférait ne pas y repenser. Il y avait tant de visages connus autour d’elle qu’elle ignorait où donner de la tête, elle ne savait plus qui aller saluer, mais elle était très heureuse d’être ainsi entourée, de voir tant de monde ! Grace était un être sociable, elle aimait bavarder, alors ici, elle se trouvait comme un poisson dans l’eau. Sauf quand son regard croisa celui de Colin. « Mince... » souffla-t-elle, ne s’attendant pas à le voir ici. Il apportait un plat, lui aussi. Son sang se glaça, son sourire se figea. Jamie avait-il vu Colin ? Elle l’observa à la dérobée et de toute évidence oui, vu la tête que son compagnon arborait. Elle ne savait pas quoi faire, aller le saluer pour faire comme si de rien n’était devant les habitats, ou bien tourner les talons et faire comme si elle ne l’avait pas vu. Ce fut Jamie qui la sauva en l’entraînant vers une silhouette féminine qu’il connaissait. Ravie de ne pas se retrouver dans une situation indélicate, Grace se montra particulièrement enjouée. « Je te suis, avec grand plaisir ! » et elle jeta un coup d’œil vers Colin avant de filer dans la direction opposée. Il voulait lui présenter quelqu’un qu’il connaissait, qu’elle-même ne semblait pas connaître. Elle tendit alors la main à la jeune femme que Jamie lui présentait et dit « Bonjour, ravie de faire votre connaissance ! Oui, je suis Grace. Vous êtes journaliste ? Vous couvrez la cérémonie aujourd’hui ? Ce doit être très excitant ! » elle désigna du menton le calepin qu’elle tenait entre ses mains, il ne devait pas être là par hasard. Grace s’était toujours méfiée des journalistes, dans son boulot, elle n’avait pas toujours des relations cordiales avec eux, mais elle savait qu’ils n’étaient pas tous les mêmes. Et puis elle remarqua que le maire s’agitait, sans doute allait-il bientôt faire un discours.      

@Jamie Whelan @Colin Parsons @Faith Buchanan   

Aussitôt intégré au petit groupe de trois, je me passais la réflexion qu'il fallait certainement que j'aie une petite tendance masochiste quelque part... Mouais. Mais pas vraiment, enfin. Je ne me laissais pas impressionner par le regard de la jeune femme, lui offrant pourtant un sourire étincelant spécial t'as un problème, ma belle ? Ce qu'il y avait de plus intéressant dans toute cette affaire, c'était que Reagan ait des amis suffisamment fidèles pour avoir envie de la défendre. Ça, je ne l'avais pas prévu. Un regard en biais sur la belle blonde et, à titre de bon joueur parce que c'était ce que j'étais toujours, j'accueillais d'un air impassible sa remarque. Okay, okay. Jillian en rajoutait aussitôt une couche, de quoi me faire constater dans quel guêpier j'avais mis les pieds. Ces filles étaient déjà insupportables individuellement (du moins, j'en faisais la présomption en ce qui concernait la colocataire), il était évident que c'était exponentiel lorsqu'elles venaient à se regrouper pour contre-attaquer. Toujours bien décidé à ne pas m'adresser directement à Reagan, à qui je devais toujours un verre et un resto, et à qui je vouais toujours une certaine rancune pour ses manigances peu fair-play d'une certaine soirée d'automne - ouais, ma rancune était aussi tenace et inévitable que la rouille sur une vieille bagnole -, je l'ignorais toujours joliment. Sans pour autant pouvoir m'empêcher de la provoquer dans l'ombre, ça avait toujours été ainsi entre nous. Pas copains, pas complices, mais c'était juste un peu trop plaisant de s'emmerder avec passion. « Elle t'a raconté comme elle est arrivée à gâcher une touche qui était déjà dans la poche ? » Ajoutais-je à l'attention de Jillian. « Je lui cède volontiers la première séance, merci pour l'offre. » Je me détournais d'elles pour toiser l'autre homme du regard et je lui tendais la main, derrière cet air faussement plein de bon sentiment, et surtout d'égards à ce qu'il y avait à l'ordre du jour en ces lieux. « David. Elles t'ont trainé ici de force ? » Aussi bien détourner l'attention... Ce qui n'était pas nécessaire bien longtemps, puisque l'allocution du maire débutait à l'instant même. Comme toujours, la moindre évocation de la Rose lunaire me rendait quelque peu mal à l'aise. Une rumeur de discussion se faisait entendre en réaction aux propos du maire et je tournais la tête vers Reagan et Jillian : « Vous en aviez quelque chose à faire, de toute façon ? » Ou, en d'autres mots : c'est pas qu'on s'emmerde ici, mais...

@Reagan Dewar @Mike Dewar @Jillian Hopkings

Perdu dans mes pensées, cette main qui m'effleurait brièvement me forçait aussitôt à me retourner. Cette ville était décidément trop petite pour pouvoir éviter ceux avec qui il était préférable de ne pas engager la discussion, surtout en ce genre d'évènement, mais... Dakota. « Hey. » Un immédiat sourire traduisait le plaisir que j'avais à retrouver une figure familière et, surtout, amicale. Raté quelque chose d'important ? Malgré moi, je prenais un peu cet air grave ; il était vrai que la situation n'avait rien de réjouissant. « Non, non, pas vraiment. Mais je viens d'arriver aussi. » Les gens présents ne semblaient pour le moment ne s'intéresser qu'à leur contribution au buffet ou à ce qu'ils pouvaient y prendre eux-mêmes, quelques autres échangeaient en petits groupes. Une certaine tension était palpable. «  Oui, je sais... » Il n'était pas nécessaire d'être originaire de cette ville et d'avoir, depuis toujours, connu les actions terribles de cette secte pour en comprendre les conséquences que cela avait sur les habitants. Dakota et moi en étions la preuve. « Non, je suis venu avec Stacy. » Lui répondais-je en désignant une jolie jeune femme blonde, un peu plus loin, occupé à échanger avec des amis à elle probablement. « Mon employée. C'était son idée, mais je ne regrette pas d'être venu finalement. » Après tout ce temps passé à conseiller à mon propre frère, Edwin, de se tenir à l'écart de tout ce qui concernait la Rose lunaire, après avoir moi-même subi les foudres de cette dernière par le biais du Snow Rose... Il me semblait souvent plus logique d'éviter de trop tourner dans son cercle, mais il était tout simplement impossible d'ignorer un drame d'une telle ampleur. Notre conversation était écourtée par le maire de la ville, qui interpellait la petite assemblée à lui prêter attention le temps. Son discours avait l'effet d'une petite bombe et absorbé par ses paroles, je murmurais : « Ils sont stratégiques. » Et intelligents, cela faisait un peu peur certes. Je tournais la tête vers ma compagne. Eux, bien sûr, la Rose. « S'il cède, il perd. S'il ne cède pas et qu'ils s'en prennent à son fils... » Nul n'osait vraiment évoquer cette possibilité, mais la Rose ne s'était pas privée de mettre ses menaces à exécution dans le passé. « ... Il perd aussi. Pas seulement comme père. Il n'aura plus aucune crédibilité. » Analyse un peu froide de la situation, mais nous ne pouvions pas tous nous mettre à nous morfondre devant une telle menace. Le plus difficile, c'était d'y être impuissant. Il ne semblait pas y avoir beaucoup d'issue favorable devant l'homme qui affichait un air faussement détaché, et derrière lequel on pouvait bien entendu percevoir tout le désarroi d'un père.

Armée de son calepin et de son stylo, Faith déambulait lentement parmi les convives. Le terme lui semblait incongru… Elle n’en trouvait pourtant pas de meilleur, tant les conversations interceptées deçà delà – dont la plupart étaient focalisées sur le buffet – semblaient en décalage avec la gravité de l’événement. « Jamie. » s’exclama-t-elle, dans un sourire sincère venu devancer la réponse à la question de l’inspecteur – ancien inspecteur, l’idée n’avait pas encore fait son chemin dans son esprit. « Jamais. » A dire vrai, elle était soulagée. Soulagée de compter un ami parmi la foule d’inconnus qui se pressait de toute part. Plus qu’un ami, un allié. Quelqu’un pour qui les événements récents avaient sans doute une consonnance particulière. « Une personne moins… impliquée aurait sans doute été plus indiquée. » souffla-t-elle à mi-voix, dans un sourire gêné, en réaction à ce compliment – en était-ce un ? – dont elle ne se jugeait pas digne. « Mais la décision ne m’appartenait pas, alors… » Elle détourna les yeux. C’est alors qu’elle remarqua la présence de la jeune femme entraperçue quelques instants plus tôt au bras de son ami. Le malaise de Jamie était aussi touchant qu’il était palpable. Elle s’empressa alors de le balayer d’un sourire tranquille. « Faith. » Et de tendre une main en direction de l’inconnue, qui ne l’était plus tant que ça. « Le plaisir est partagé. » C’était sincère, comme en attestait son regard, doux quoique troublé par la remarque de Grace – c’était son nom. « Oui, je travaille pour un quotidien à Burlington. » acquiesça-t-elle, avant de rajouter, dans une grimace : « Excitant… Je ne sais pas si c’est le mot mais… Oui. C’est un privilège. » Elle sembla hésiter. « Je crois. » Dieu merci, le maire choisit cet instant précis pour entrer en scène, lui épargnant ainsi la peine d’avoir à dissimuler son malaise. D’un geste de la main, la journaliste fit signe à son collègue de s’avancer pour prendre quelques clichés de Camden Heathcliff. L’instant d’après, elle s’emparait de son smartphone pour activer son dictaphone, ce qui lui laissa le champ libre pour prendre en notes tout ce que l’enregistrement ni sa mémoire ne sauraient retranscrire ultérieurement : une expression de visage, un tic, une hésitation… L’allocution fut bien plus brève que ce que la petite assemblée était en droit d’espérer, étant donné les circonstances. « J’imagine qu’il ne fallait pas s’attendre à autre chose qu’un discours incantatoire… » murmura Faith, presque pour elle-même, dans une moue dubitative. Du coin de l’œil, elle guettait les moindres faits et gestes du maire. Pas question que celui-ci ne s’éclipse avant qu’elle ait pu l’interviewer. « Je suppose que tu n’as pas davantage d’informations sur l’avancée de l’enquête ? » risqua-t-elle, comme elle jetait un regard par-dessus son épaule, en direction de Jamie. « Et que si tu savais quoi que ce soit, tu ne serais pas autorisé à m’en parler, de toute façon ? » Là-dessus, un sourire complice s’étira sur ses lèvres, référence à une scène qui s’était tant de fois jouée entre eux par le passé, lorsqu’elle enquêtait déjà sur la Rose sans en avoir le mandat.