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@Hailee Burrows

Il était reparti avec Hailee, O’, bras dessus bras dessous sans la moindre gêne. Au nez et à la barbe de Sarah peut-être, il n’avait pas fait attention, simplement pris le risque sans se poser de question après être descendu de scène et que B' ait retrouvé ses amis. C’est ma sœur. Les deux sourcils en l’air. Le réflexe était enfantin, de ça aussi il s’en moquait. Combien de fois il l’avait dit, ou peut-être même pas dit, la phrase se lisant dans ses yeux, tout gamin et puis adolescent. C’est ma sœur. L’ordre implicite. Pas touche. Puis alors qu'ils rentraient ensemble, quittant le festival, la caméra d’Hailee pleine de nouveaux souvenirs. Son amitié avec Sarah, il ne s’en inquiétait pas trop, le blond, ne s’en offusquait pas. Il la trouvait juste un peu louche. Bizarre. Josephine et lui s’accordaient là-dessus. L'intérêt que son ex-femme portait à sa soeur était plus grand maintenant qu'ils étaient divorcés qu’il ne l’avait été durant leur mariage. En fait, Owen s’inquiétait davantage pour lui-même. Il l’avait mise en garde, Sarah, au cas où elle lui ferait du mal. Un de ces maux dont elle avait le secret, ceux qu’elle ne faisait "pas exprès" de causer. Avec Lui non plus elle ne faisait jamais exprès. Avec B' non plus. Un peu amer tout de même, le blond. À mettre sur le compte du cynisme. Restait qu’il l’avait mise en garde et il en restait là. Job done. Hailee n’était pas une enfant. Hailee n’était pas dupe, contrairement à ce que les gens croyaient. Ceux qui s’arrêtaient aux apparences. O' ne l’avait jamais cru.
Il pensait beaucoup ces derniers temps, à ce que tout ça impliquait pour Hailee et pour Birdie, la présence de Sarah, son "amitié" avec son ex-femme. Il pensait beaucoup à ce qu’il avait fait. Il avait tout le temps de cogiter, O’, avant qu’il ne soit temps de partir en tournée avec elle. Et ce temps arrivait à grands pas. Le temps filait vite. Pour la première fois depuis qu’il avait accepté, il doutait, le discours décousu et les excuses que lui avaient tenus Sarah lors des répétitions tournaient en boucle dans sa tête. Ce qu’elle avait échappé sur son couple ne lui avait pas échappé, à lui. Il ne pouvait s’en défaire, faire autrement qu’avoir envie de l’aider et paradoxalement il ne faisait rien du tout. Et il y avait eu Marty, quelque part dans tout ça, dans ce laps de temps flou. Une rencontre. Un imprévu. Devait-il en parler à Hailee ? Parler de Marty c’était parler d’Arthur, or aujourd’hui il n’en avait pas l’envie. Son souvenir avait été joyeux, doux, toute la journée à ce festival partagé avec sa fille. C’était bien comme ça.
Owen se rendit compte qu'ils marchaient depuis un moment en arrivant dans leur rue. Là, il réalisa qu’il n’avait pas prononcé un mot du trajet. Lui qui voulait tant un moment avec sa petite soeur, qui l’avait voulu un peu rien que pour lui. Le constat pas moins affligeant, niais même : aucun besoin de parler. L’avoir à ses côtés lui suffisait, sa présence rassurante. Il s’apprêtait à s’en amuser quand il réalisa qu’elle non plus ne disait rien. Mais ce n’était pas son silence habituel, religieux, il aurait pu le dire. Ils approchaient de la maison et la logique voulait qu’elle s’enthousiasme pour quelque chose. Ce qu’il voulait manger, si Josephine se joindrait à eux, de pouvoir visionner leur prestation sur la télé, n’importe quoi. Owen étudia son visage, la trouva ailleurs, marchant presque au hasard perdue dans ses pensées. Ça, c’était son truc d’habitude, quand les répliques ne fusaient pas avec Josephine, Hailee en arbitre. Il essaya de la laisser le temps qu’il leur restait pour atteindre la porte, à ses divagations, à son jardin secret, forcé de constater que ce n’était pas son truc. Il s’arrêta au milieu du trottoir. « Ok balance. » Le grand frère prêt à tirer les vers du nez de la petite. « Toute la rue peut t’entendre penser. » Il apportait quelques précisions quant au pourquoi il montrait une telle urgence, se doutant qu’elle ne comprendrait pas tout de suite où il voulait en venir. Déterminé à connaitre le fond de ses pensées, il haussa un sourcil : Qu’est-ce qui ne va pas ?

lyrics: Bill Withers, Lean on me.

lean on me
OWEN ⅋ HAILEE

I tried to scream, but my head was underwater […]


Elle ne se rappelle même plus à quel moment ils ont décidé de quitter North Park, Hailee. Les yeux rivés vers le sol, elle a sans doute l’air d’un automate à côté de son frère. Ce serait mentir de dire qu’elle n’a pas apprécié l’après midi car elle en a profité quand même. Elle s’est d’autant plus rendue compte d’à quel point la famille est un point d’ancrage dans le présent. Sa bouée de sauvetage dans cet océan de confusion. Malgré tout, elle n’a pu empêcher les images de la scène du bureau d’Edith d’apparaître devant ses yeux. A tout moment. Même à travers la caméra, lorsque Birdie chantait avec Owen. Cette journée aurait dû être un joli souvenir et au lieu de ça, il avait été spolié par… Elle-même.
C’est ça qui la tue, depuis tout ce temps. Elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même et sa curiosité maladive. Elle n’a pas pesé le pour et le contre suffisamment assez fort, et elle n’a pensé qu’à elle-même. Égoïste. En mal d’aventures ? Est ce que ça valait le coup de ruiner sa réputation et causer du tort à sa famille ?
Un automate aux yeux tristes, dont le visage d’ordinaire si peu expressif paraissait creusé, soucieux, sur lequel on peut maintenant voir des cernes violacées sous les yeux. Fatiguée de porter ce secret, Hailee. Rongée par la culpabilité d’avoir cédé à ses pulsions mais aussi de ne jamais en avoir parlé à celui qui pourtant aurait pu l’aider à traverser tout cela plus sereinement. Lequel se tenait juste à côté d’elle. C’est vrai que ces derniers temps, elle a tout fait pour ne pas évoquer le sujet de la boutique d’antiquité, ni avec lui, ni avec Josephine. Elle a passé beaucoup de temps à la Paroisse ou dans son coin lecture, fomentant son plan d’attaque, ou plutôt, son plan de repli, sachant pertinemment qu’aucune fin heureuse n’était possible concernant son boulot d’employée de boutique. Le fait est qu’elle est incapable de lui cacher des choses, fait qu’elle considère comme un mensonge par omission. Et mentir à son propre frère, après tout ce qu’ils ont vécu ensemble au cours de leur vie, ça lui semble impardonnable.
Elle sent une boule se former dans sa gorge et ses sourcils se froncer par réflexe. Ses pas miment machinalement ceux d’Owen, et sa tête continue de pencher vers le sol. Elle aimerait s’y plonger, dans le sol. Elle voudrait presque disparaître pour ne pas affronter la réalité de ce qui est en train de se passer, les changements à venir, les secrets à révéler, assumer.
Elle est soudain stoppée, forcée à relever la tête. Elle aurait voulu qu’on lui signale dans l’oreillette attention, c’est bientôt à toi d’entrer en scène et au moins, elle aurait pu essayer d’essuyer un peu ses yeux humides. Peut-être qu’elle aurait pu contrôler un peu mieux le son de sa voix pour qu’elle paraisse moins tremblante, plus assurée. Mais il n’y a jamais de petite voix. En revanche, il y a toujours ce grand frère à qui on ne peut cacher grand-chose trop longtemps. Tant mieux…
« Je dois te dire quelque chose. » Elle emboîte le pas immédiatement après cette phrase mystérieuse, remise en route rapide en quête du havre de paix que pourrait leur offrir la maison. Pas le choix. Hors de question de parler de tout ça dans la rue au grand jour. Silencieusement, rapidement, les deux Burrows arrivent dans leur antre. Et là, c’est presque qu’elle s’écroule, Hailee. « J’ai perdu mon travail, Owen. » Elle pose la caméra sur la table du salon et s’assoit péniblement sur le canapé, le visage caché par ses deux mains puis y murmure : « J’ai fait quelque chose de très grave. »
C’est comme si elle avait retenu sa respiration jusqu’à cet instant T. Tout se relâche, y compris ses glandes lacrymales. Elle n’ose révéler son visage à Owen. C’est sensée être elle la tête froide de la famille, elle qui prend soin des autres, surtout pas celle qui les met en danger. « J’ai vraiment fait une bêtise. J’ai vraiment merdé. » Elle en perd même son vocabulaire… On peut l’entendre étouffer quelques sanglots, et elle fait peine à voir, sûrement, toute recourbée sur le canapé.

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@Hailee Burrows

C’était sa soeur. Et ça n'allait pas. La phrase de Sarah lui revint en tête. Celle qui lui avait fait grincer les dents. Y’a un truc qui tracasse ta soeur. Il savait, oui. C’était sa soeur. Il savait quand quelque chose n’allait pas. Il savait ses silences, ceux différents des autres. Il la savait par coeur. Comme Hailee le savait par coeur. Hailee qui ne disait rien. Cette dépression, cette anxiété qu’ils ne nommaient pas. Elle savait pourtant. O’ n’avait pas envie qu’elle la voit et elle l’aimait assez pour faire semblant, semblant d’être aveugle, l’aimait et lui faisait confiance aveuglément. Hailee qui les faisait passer très souvent en premier, Birdie et lui. Trop peut-être, une habitude pour Owen de toujours s’appuyer sur sa petite soeur, celle qui possédait le plus grand coeur, la plus grande sagesse. Elle était sa bouée, son étendard, son seul repère depuis qu’Arthur n’était plus là. Oui, il savait, Owen, à ce moment-là il comprenait qu’Hailee voyait tout, toujours, même quand elle ne disait rien. Tout comme il voyait, à présent, que ça n'allait pas. Ça crevait tellement les yeux qu’il n’osait plus la regarder. L’impression qu’elle était portée disparue de son propre corps, qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Cette ombre, il se demandait si elle le suivrait, si elle rentrerait à la maison, si elle s’arrêterait même devant s’il ne marchait pas avec elle. Déjà trop loin où elle n’était pas, Hailee, partout mais pas ici. L’impression qu'un grand froid flottait à ses côtés, un grand froid en elle et ça le terrifiait, O’. Sarah avait tort, ce n’était pas quelque chose qui la tracassait, c’était plus, c’était pire, peut-être pire que tout. Pire que d’aller mal lui-même. Il savait et à la fois il ne savait rien, O’, car il ne devinait pas pourquoi. Qu’est-ce qui ne va pas, comme un poison s’insinuant dans son esprit tout le trajet retour, un parasite qui prit racine dans son cerveau, en investit tous les recoins. Plus rien n’avait d’importance, ni Sarah ni lui-même. C’était autre chose, c’était ailleurs et eux, ils étaient déjà presque devant la porte quand Owen ne put plus se taire. Quand il ne put plus ignorer, incapable de faire ce qu’elle faisait si souvent pour lui : la laisser. La laisser aller mal. Et en même temps, il reproduisait ce qu’elle faisait de mieux : être là pour elle, simplement là, toujours. Il le serait jusqu’à la fin.

Je dois te dire quelque chose. Oui, il lui semblait bien. Il l’avait demandé, oui. Et sur ces mots elle partait. Juste comme ça. Owen, à la traine derrière elle, se demandait : était-ce si terrible que ça ? Il n’osait pas faire de bruit en entrant après elle, ne déposa même pas la veste de son costume. Ses yeux se focalisèrent sur la caméra qu’elle posa, une mélancolie dans le regard qu’il ne mesurait pas. Ses mots lui parvinrent avec quelques secondes de retard. Le temps devint lui-aussi difficile à mesurer. Que… Quoi ? L’interrogation ne sortit pas. Et O’ ne bougeait pas, planté dans l’entrée. Le temps accéléra, soudainement, vite, très vite, après s’être arrêté de tourner à ses quelques mots. La silhouette de la brune se retrouvait téléportée sur le canapé. Et lui bougea enfin pour la rejoindre. Il se trouvait gauche, lourd, inadapté à la délicatesse de la situation, la fragilité des mains d’Hailee qui recouvraient son visage. Elle disait avoir fait quelque chose de grave. « Toi ? » Ses premiers mots, s’agenouillant à sa hauteur alors qu’il écartait prudemment ses mains pour qu’elle voit son sourire et ses yeux tendres. Ils auraient pu être amusés, dans d’autres circonstances. Comment était-ce possible ? Hailee ne ferait pas de mal à une mouche. Mais elle insistait. Elle avait fait une bêtise. Merdé, au point de dire "merdé". Il y aurait eu de quoi rire, verser cinquante cents dans un bocal à jurons qu'ils n'avaient pas. Owen restait stoïque. Ça lui parut plus fou encore. Hailee. Faire une bêtise. Il secoua la tête, déjà prêt à en vouloir à l’univers tout entier, à crier à l’injustice, déjà révolté dans les tripes, le blond. Mais il se contint, pour Hailee. « Raconte-moi. Qu’est-ce qui s’est passé ? » L’espoir au fond de lui que ce ne soit pas si grave. Son travail, c’était toute sa vie, à Hailee. Une décennie qu’elle occupait son poste, plus peut-être, Owen ne comptait même plus. Parfois, il avait l’impression qu’elle avait toujours été là, dans cette boutique d’antiquités, que leur existence étaient l’une et l'autre indissociables. Il restait agenouillé là, se voulant rassurant. « Mm ? » Pour l’encourager à relever la tête. Regarde-moi, ça va aller.

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OWEN ⅋ HAILEE

I tried to scream, but my head was underwater […]

Et si elle décidait de ne plus relever la tête et rester à tout jamais recroquevillée dans la pénombre de ses deux mains ? Sur le moment, ça paraissait être une bonne idée. Peut-être pas bonne, mais au moins rassurante. Allait cependant arriver l’instant où elle devrait relever la tête et gérer d’une part l’aspect physique : c’était possible qu’elle finisse par se noyer dans ses larmes qui s’accumulaient dans ses paumes resserrées comme une petite pataugeoire salée ; et d’autre part le fait qu’elle n’était pas seule dans le salon. Et qu’elle avait lâché la bombe. Assumer, là était tout l’enjeu. Assumer la honte d’avoir failli cette famille si chère à ses yeux, assumer d’avoir céder à, assumer d’avoir même réfléchi à un nouvel horizon. Sans en parler à qui que ce soit. Sans consulter personne. Dans son coin. Égoïste. En fait il y avait bien une petite voix, et elle n’avait absolument rien de doux et encourageant comme celle d’Owen ; lesquelles, sans le savoir menaient une bataille féroce l’une contre l’autre dans le cerveau d’Hailee. Mais la détractrice ne pouvait rien contre son grand frère et la tendresse qui transparaissait sur son visage qu’elle voyait enfin, après qu’il se soit doucement frayé un chemin qui libérait sa vue. Alors, pour la première fois depuis très, très longtemps, elle se sentit de retour à la maison-maison. Vingt ans plus tôt. Ils avaient déjà vécu ce moment, pour des broutilles n’ayant pas grand-chose à voir avec la situation. Rentrés dix minutes trop tard des courses, repassage pas satisfaisant, mauvaise humeur du paternel (c’était suffisant pour se faire passer un savon) et les deux Burrows se retrouvaient dans cette exacte posture. Hailee désemparée, touchée jusque dans ses entrailles par le ressentiment du pasteur et Owen la rassurant, détaché de la situation et des émotions négatives qui pourraient l’accompagner. Avec le temps et les évènements passés, leur rapport avait fini par s’inverser. Elle considérait qu’elle n’avait pas vécu le quart des choses que son frère avait subies alors elle était devenue ce roc, ce référent familial fort qui gère. Avec cette nouvelle place, elle s’était comme enfin trouvée. Voilà une identité qui donnait un sens à son existence, qui la rendait fière et qui était utile dans ce monde si cruel et injuste.
A cet instant T, elle abandonnait son rôle et se réfugiait dans cette identité révolue. La petite sœur, grondée, cherchant du réconfort chez son grand frère, seul personne à même de la rassurer et lui redonner un semblant de force. Elle inspira profondément en acquiesçant, oui, elle allait lui raconter. Enfin. « Edith garde des documents secrets sur la Rose Lunaire. » souffla t-elle. Un reste de sanglot subsistait dans sa voix, rendant son ton presque enfantin. Mais le sujet n’avait rien de léger, aucun rapport avec de la vaisselle mal faite. La Rose Lunaire était un sujet sérieux, sujet qu’elle n’avait jamais pris à la légère et Owen le savait. La suite pouvait sans doute facilement se deviner… Elle lui expliqua le fameux jour où elle était tombée sur le classeur malencontreusement resté sur le bureau d’Edith. Classeur qu’elle avait ouvert, duquel elle avait pris un document. « Un document vraiment intéressant, sans doute qu’il changerait la donne s’il tombait entre les mains d’une personne influente... » commenta t-elle les yeux dans le vague, se perdant dans ses propres pensées. « Je l’ai volé. » Elle baissa la tête, perdue entre la honte et une sorte d’excitation mal venue, qu’elle tentait tant bien que mal de dissimuler.  « Et Edith le sait, maintenant. » Et l’excitation était belle et bien retombée. Le souvenir de leur échange, le malaise ressenti dans le bureau et l’incertitude de la suite des évènements venaient ternir le joli tableau des aventures d’Hailee.

Restait le fait qu’elle cachait une partie de ses récentes péripéties à son cher frère, ne sachant comment l’amener dans la discussion. Elle avait volé le document et l’avait donné à son propriétaire légitime : Peter Black. Concerné directement par le contenu de l’objet, elle n’avait pas hésité une seule seconde. La voilà maintenant mêlée à quelque chose qui la dépasse un peu, sans qu’elle ne se l’avoue. Allait-elle vraiment enquêter cet évènement sous la forme d’une thèse à l’université ? « Edith m’est tombée dessus ce matin. Prise la main dans le sac... » La phrase voulait tout dire, et le sang qui affluait à ses joues la trahissait. Car c’est une chose de voler une fois. Elle venait d’admettre à son frère qu’elle était sur le point de recommencer ce matin même.

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@Hailee Burrows

Comment t’as trouvé ? Les paroles de Josephine. Les dernières après avoir quitté la scène, avant de quitter la fête. Peut-être qu’Hailee y était encore, que le temps s’était dissocié et qu’Owen l’avait laissée là-bas, heureuse et insouciante. Sans faire exprès. Comme quand ils étaient mômes et qu’elle peinait parfois à le suivre. Peut-être qu’il existait un univers parallèle, une temporalité dans laquelle ses yeux brillaient encore, plein d’étoiles pour sa nièce. Une réalité dans laquelle elle ne se morfondait pas sur le canapé, dans laquelle il n’avait pas à la voir prostrée et minuscule devant sa silhouette gigantesque et fixe. Elle aurait pu s’y fondre, dans ce canapé, s’y fondre et disparaitre. Elle aurait essayé, O' le voyait. Lui aussi avait essayé. Et ses mains sur son visage qui cachaient la honte, il essayait de les faire tomber, doucement la ramener à elle, à lui, à cette réalité-là, cruelle mais vraie. Celle où ils faisaient face ensemble. Il essayait de la maintenir d’un geste de la main insignifiant, pour qu’elle ose le regarder et garder ses mains dans les siennes, protectrices. Je suis là. Il lui disait sans mot. Fut une époque où ça suffisait. Et maintenant ? Il ne savait que faire. Ils n’étaient plus des enfants, leur père n’avait pu la punir et O’ ne pouvait prendre le blâme à sa place. Si ? Hailee avait merdé, comme une grande. Owen n’en revenait pas qu’une telle chose puisse être possible. La configuration était inédite, ou alors le dernier écart d’Hailee remontait si loin qu’il ne s’en souvenait pas. Mais il était là, Owen et il en était heureux. Hailee ne serait jamais seule.

Elle inspira profondément, ses propres poumons se gonflèrent, recevant son air, comme pour l’accompagner, la guider dans une respiration qu’il ne maitrisait pas. Il se trouvait une utilité. Posté devant elle, le regard dans le sien prêt à se brûler les rétines en lisant à quel point elle allait mal. La rose lunaire. Il oublia Edith une seconde. « Quels documents ? » Sorti sans réfléchir. Il n’avait jamais été particulièrement curieux du sujet contrairement à l’historienne, mais il était piqué. Il l’était parce qu’il en savait trop. Hailee en avait trop dit. Je l’ai volé. Une fraction de secondes suffit pour que leur petit monde bascule. Hailee avait fauté. Ainsi, Hailee avait perdu son équilibre. Une fraction de secondes pour qu’Owen se retrouve plus démuni encore. Si Hailee tombait, il tombait aussi. Il ne souriait plus. Ça avait été plus fort que lui quand elle avait qualifié le document à l’origine de son désarrois de vraiment intéressant. Bien sûr elle l’avait trouvé intéressant. Bien sûr il devait l’être. Comment ne pas sourire ? Et Edith le savait. Edith. Encore Edith. Et Hailee l'avait volée. Owen fut presque tenté d'un bien joué. Mais Hailee se trouvait trop mal. Surtout, Hailee n’était pas une voleuse. « Tu connais des mains influentes ? » Auxquelles les remettre, peut-être ? Parce que pourquoi, pourquoi le voler ? Ce n’était sûrement pas pour le lire. La pauvre, il n’y comprenait pas grand chose. Il essayait de lier les événements les uns aux autres, comprendre ce qui s’était passé dans la tête de sa cadette. Il le demandait d’une voix calme qui nécessitait un effort surhumain, un self-control qui lui manquait. Rien contre elle, non, jamais, mais contre celle qu’il surnommait le dragon. L’envie, depuis la première fois qu’elle prononça son nom, de lui dire au diable. Qu’ils l’emmerdaient. Qu'Hailee n’avait pas besoin d’elle. Hailee n’avait besoin de personne. Elle pouvait tout entreprendre, tout accomplir. Oui, si quelqu’un pouvait tout réussir c’était elle. L’aîné croyait en elle plus qu’en n’importe qui. Plus qu’il ne croyait en lui. Mais il savait combien la brune aimait son travail et que, parfois -souvent, il valait mieux qu’il se taise. Qu’il se morde.

Il enserra un peu plus ses mains dans les siennes en sentant son malaise. Le noeud dans son estomac ricochait dans le fond de ses tripes. À sa dernière phrase, il lui fallut quelques secondes pour percuter. Quelques secondes d’un silence lourd où il dut avoir l’air un peu con. La pauvre, ouais. Ce matin. Elle avait donc recommencé. Sur son visage, l’esquisse du diable, un sourire malvenu et discret, déjà enthousiaste. Ma soeur, ma petite soeur la rebelle. La voleuse. Non, vraiment, il n’en croyait pas ses yeux. « Ma sœur, voleuse récidiviste ? » Pas sûr que cela l’amuse. Pas sûr que cela suffise à dédramatiser. Pas sûr du tout. Mais puisqu’il était lancé… « Edith on l’emmerde. » Puis merde. « Qu’est-ce qu’elle trafique, elle, avec tous ces documents ? Elle les a trouvés par terre peut-être ? » Il devenait amer, moqueur même. De son avis, l’antiquaire avait davantage de quoi se mettre dans la merde que l'historienne, si ça venait à se savoir. Mais il savait aussi qu’Hailee ne dirait rien et quelque part ça le révoltait, qu’elle paye. Injuste, c'était injuste. « Je sais que t'es pas une voleuse, Hailee. » Cette voix. Cette voix du plus grand qui ne la croit pas. Qui, dans sa chambre sans qu’il n’ait eu le droit d’y entrer, à douze ou treize ans, voulait qu’elle s’enlève de la tête ce que le révérend avait bien pu y fourrer. Tu me la feras pas, à moi. Je marche pas. « Qu’est-ce que tu cherchais à faire ? » Allez, à moi tu peux le dire. J’dirai rien, promis. Il la regardait de ses grands yeux plein d’entrain. Elle avait forcément une grande cause à défendre, Hailee, pour en arriver là. À voler. Le terme était si grave, de sa bouche. Une cause noble, quelque chose de plus grand qu’elle. Oui, elle avait forcément fait quelque chose de bien. Et si ce n’était pas le cas, s’il devait tomber sur le cul là devant le canapé du salon et bien il tomberait. Ça ne changerait rien, il ne l’en aimerait pas moins, la soutiendrait quand même. Sauf qu'il ne pouvait pas se tromper. Il ne pouvait pas. Allez, dis-moi que j’ai raison.

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OWEN ⅋ HAILEE

I tried to scream, but my head was underwater […]

Toute petite Hailee, du haut de ses 32 ans. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas pleuré ainsi. C’était même quelque chose de rare chez la jeune femme. Elle ne pleurait pas.
Elle n’était jamais trop en colère. Elle ne causait jamais de tord, toujours dans la demi-mesure, le juste milieu. Elle avait pour habitude de ne plutôt pas s’exprimer du tout. Pour quoi faire ? Qui ça intéresserait ? Les gens parlaient toujours trop, la plupart du temps sans savoir, et ça finissait toujours de façon dramatique. Avec cet état d’esprit, Hailee paraissait souvent détachée, discrète, presque inapprochable. Et elle l’était. Jusqu’à ce que quelque chose ne touche ce je-ne-sais-quoi en elle, cette même chose qui s’était activée lors de son premier jour d’école publique ou encore lorsqu’elle avait enfin trouvé son sujet de thèse à la fac. Ce quelque chose relevant presque d’un organe à part entière qu’elle sentait pulser au cœur de sa cage thoracique mais qui n’était pas son myocarde. Si elle connaissait des mains influentes ? « Je… Non. » Elle parut confuse, interdite. Il y avait deux loups en elle : le premier, assoiffé d’étendre son terrain de connaissances à propos de la Rose Lunaire, et le deuxième, terrifié des conséquences que cela pourrait avoir sur sa vie personnelle. La question d’Owen vint aggraver ce sentiment. Une voleuse… Ces mots dans sa bouche sonnaient presque comme une blague venant atténuer la gravité de ses actes. Ou peut-être ne la croyait-il pas ? Comment pourrait-il ? Même Edith avait sembler tomber des nues cet après midi, en apprenant la douloureuse trahison.

Elle regardait à présent ses mains tiédies au contact de celles de son frère, reniflant doucement. Il essayait de dédramatiser, et elle savait qu’au fond, il aurait toujours ses arrières. Peut importe la gravité de ses actes, d’ailleurs, et elle en était sûre parce qu’elle aurait elle même toujours ses arrières no matter what. Peut importe à quel point il repousserait les limites de la morale et de l’acceptable, c’était sans condition. Elle releva la tête en l’entendant pester contre Edith. Pas étonnant, lui qui ne portait pas la patronne de sa sœur dans son cœur. Son entrain et sa solidarité spontanée lui serra la poitrine, une nouvelle fois. Il était de son côté, malgré la situation. Malgré sa faute. Ses bras vinrent en réaction entourer son grand frère, et elle soupira près de sa nuque, tête contre la sienne. Il était toujours là. Pas qu’elle en aurait douté, mais sait-on jamais… Mon frère, mon grand frère toujours là pour moi. « Techniquement, ces documents ne lui appartenaient pas. » répondit-elle contre lui, venant valider son affirmation. Sa voix était de nouveau plus assurée. C’était la pure vérité, si l’on se référait à une morale supérieure à la propriété privée. Oui, Edith détenait ces documents, mais celui-ci en particulier ne la concernait pas. C’était l’histoire de Peter Black. Selon cette donnée, il était même légitime qu’elle le prenne pour lui donner. C’était d’ailleurs ce qui l’avait confortée dans l’idée de voler le document, en partie. L’historienne libéra son frère de son étreinte pour lui faire face, décidée à révéler tous les éléments de l’histoire. « Je comptais remettre le document où je l’avais trouvé, au début... » commença t-elle les yeux vagues, tentant de se remémorer la chronologie. « Tu sais, je suis allée à l’inauguration du cinéma en ville plus tôt dans l’année et, fruit du hasard, j’ai rencontré un homme. Il se trouve que… C’est l’homme dont parle le document en question. » Fruit du hasard, en effet. A l’époque, elle en serait presque redevenue croyante tant la coïncidence était spectaculaire. « Quand j’ai compris ça, je... » Elle posa sa main sur son avant bras avant de planter son regard - d’une intensité rare - dans le sien. « Je ne pouvais pas le rendre à Edith. » Elle était là, la morale légendaire d’Hailee. Elle pouvait paraître si détachée, si dépourvue d’émotion en apparence, mais ça n’était de toute évidence qu’un leurre. « On s’est revus, avec Peter, et je lui ai donné ce qui, pour moi, lui revenait. C’est l’histoire de sa famille et ça ne regarde qu’eux et eux seuls... » Elle en oublia presque de respirer, tant le sujet lui tenait à coeur.

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@Hailee Burrows

Grand, si grand Owen, il se sentait toujours un peu démesuré, trop maladroit pour l’étreindre peut-être. Elle paraissait si petite Hailee, si fragile recroquevillée entre ses mains sur ce canapé. Les mots qui s’échappaient d’entre ses lèvres auraient pu venir de quelqu’un d’autre. Une inconnue, une voleuse. Ça le brisait de la voir pleurer, comme quand ils étaient petits. La si douce Hailee, si forte aussi. Le ciment qui maintenait cette famille. Le comité restreint du clan Burrows, échappé des carcans religieux, vivait là en autarcie. Si Hailee avait sa routine, elle était celle du blond, la constance dans sa vie. Aujourd’hui tout s’écroulait. Aujourd’hui O' craignait qu'elle s'effondre. Il enserrait ses mains fébriles, encourageait le moindre mot à sortir de sa bouche. Pour lui. Pour qu’il comprenne. Parce que c’était important pour elle. Parce qu'il était important, il était son grand frère ; rôle dans lequel il n’excellait pas toujours, parfois absent, parfois égoïste, mais Hailee l’avait toujours admiré et aimé, même dans ses pires moments. Elle avait toujours été là et elle le serait toujours, il le savait, en avait abusé quelques fois. Dans le silence comme dans les mots qu’elle ne déversait jamais, elle était là. Les mots, ils étaient rarement nécessaires. Souvent, ils se parlaient en regards. De faux jumeaux nés avec cinq ans d’écart. De faux jumeaux nés de pères différents. Le fardeau d’Owen.
La voir dans un tel désarrois lui rappelait les heures sombres de leur enfance, quand être ensemble ne suffisait plus, que les sermons et l’éducation stricte ne s’évitaient pas. Quand la défiance et la dérision du grand frère ne suffisaient pas non plus et que les mots sévères du pasteur entachaient la plus pieuse des petites âmes : Hailee. Owen passait derrière, des heures durant, planqués dans l’obscurité de sa chambre, bravant l'interdit, à la réconforter, lui dire que ce n'était pas vrai tout ça, tout ce que leur père pouvait dire. Le grand frère n'avait pas tellement changé. T’es pas une voleuse Hailee. Il y croyait dur comme fer ; comment ?! Ça l’aurait presque fait rire dans un autre contexte, sans l'eau débordant de ses yeux clairs. Et même, même si elle pouvait, voler et pire encore, même s’il se trompait, ça ne changeait rien. Ce ne serait même pas grave, il fallait juste qu’elle le croit.

Il en perdait sa politesse, O'. Hailee, il la défendrait contre le monde entier. Ses bras réceptionnèrent les siens immédiatement, le réflexe naturel de la retenir avant la chute. C’était ce qu’elle faisait de lui, son point de chute, quand ses sanglots moururent dans sa nuque. Il la serra fort, sa tête amorçant un léger balancier, le nez écrasé contre ses cheveux. Il la berçait comme il berçait Birdie autrefois, dans l’angoisse de certaines nuits où Arthur lui manquait, où un chagrin volait les doux rêves. Et il prononçait cette même phrase : « Ça va aller, je te le jure. » tout en mesurant l’ampleur des réponses qu’elle lui donnait avec un train de retard. C'était une erreur de jurer. Si tout irait bien, il ne pouvait le savoir, surtout, il était trop cynique pour faire ce genre de promesse. Pourtant déterminé à ce qu’elle en croit chaque mot, O’. Si ça devait aller pour quelqu’un sur cette terre, c’était Hailee. « Alors c’est elle la voleuse ! » Ça le ravit, plus fort que lui. Il accusait sans équivoque ni état d’âme, en éprouva même une certaine fierté. Parce qu’il avait vu juste, le dragon avait bien plus le profil de la vilaine. Pas sûr que ce fut pour admirer son sourire de Nelson -ah ah ! qu’H se redressa, mais il la regarda attentivement faire, prêt à la rattraper encore au moindre vertige, au moindre sanglot. Il croisa les jambes face à elle ; assis en tailleur sur le tapis il écoutait attentivement la suite de l’histoire. Au début… Un sourire, encore, maigre, encore, innocent, toujours. Ma petite sœur n’a pas été sage.
Elle expliqua avoir rencontré un homme, une nouvelle qui, sortie de son contexte, aurait été la chose la plus folle entendue jusqu'ici. Sa main vint se planter sur son avant-bras en même temps que ses yeux dans les siens, lui coupant toute envie de plaisanter à ce sujet. Owen ne l’avait jamais vue aussi sérieuse, aussi investie que le nez dans ses bouquins peut-être. C’était autre chose… Il fronça les sourcils. Elle ne pouvait pas. « Non. » Tellement évidement qu’il fallait qu’il confirme. Il comprenait maintenant. À qui les avait-elle rendus alors ? Le nom ne lui dit rien, mais il pouvait souffler. C’était bien elle, Hailee, sa soeur Hailee qu’il avait sous les yeux. Elle était la même, elle dans tout ce qui la caractérisait de mieux. « T’aurais pas pu continuer de travailler comme si de rien n'était. » Pas une question. Il terminait ses phrases, matérialisait une pensée qui lui parut évidente à ce stade du récit. Hailee n’était pas une hypocrite, pas non plus le genre à tourner le dos aux autres, à la justice. « T'as été très courageuse. » Elle avait risqué sa place, un pan de sa vie pour un inconnu. Pour ce qui lui semblait juste. Impossible d'exprimer la fierté qu’elle lui inspirait. « Tu comptes le revoir ? » Encore resté en suspens. Ce… Peter ? Une nouvelle fois, dans un contexte différent, il l’aurait taquinée, sa question aurait été plus ambiguë, lourde de sous-entendus sans doute. Pas cette fois. Ça l’inquiétait plus qu’autre chose, si ce type était digne de sa confiance, de son sacrifice et s’il ne risquait pas de lui en demander plus.
Et maintenant ? Qu’allait-elle faire ? Il restait suspendu à ses lèvres, Owen ; ne sachant trop comment le lui demander. Il avait rabattu ses longues jambes contre son buste. « Est-ce qu'on passe les prochaines heures à fomenter un plan de vengeance ? » À la Owen, donc. La suggestion plus que sérieuse et ce qu’il entendait par vengeance tout à fait relatif. Est-ce que son petit business secret était si juteux que ça, à Edith ? « Je suis sûr qu'elle s'en sortira pas sans toi de toute façon. » Amer, le blond. Bien sûr, pour lui c'était Hailee qui aurait dû se retrouver à la tête de la boutique d'antiquités. Peu de chances que la vengeance fasse partie des plans de sa sœur, quand même, il fallait qu'il tente le coup.

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OWEN ⅋ HAILEE

I tried to scream, but my head was underwater […]


Edith n’avait donné absolument aucune explication au fait qu’elle possédait tant de documents à propos de la Rose Lunaire. Elle était restée égale à elle même : froide et distante, un poil menaçante. Menaçante, ça avait été la petite nouveauté par rapport à d’habitude. Si Hailee n’avait pas toujours été à l’aise avec sa patronne, elle n’avait encore jamais eu peur d’elle. C’était aussi ça, en plus de cette pression qui retombait. Hailee avait eu peur, comme une enfant qu’on prend en train de tricher à un devoir sur table… Ou pire, à un partiel. Puissance 1000. L’étreinte de son grand frère annula tout presque instantanément, alliage parfait de fermeté et douceur, sorte de camisole de force contre l’anxiété. Ça va aller, je te le jure. De ça, elle n’en était pas très sûre. Mais elle pouvait être certaine que si les choses venaient à se gâter, elle ne serait pas seule. Elle renforça son étreinte une dernière fois avant de se reculer pour mieux faire face à son frère, pour bien qu’il comprenne les enjeux de ses actions passées et surtout, qu’il ait toutes les informations. Alors elle lâcha le morceau. La rencontre avec Peter, le fait qu’elle lui ait donné le papier…
Owen était sérieux, restait sérieux, et ça rajoutait à l’atmosphère une dimension austère. Si elle n’avait pas été aussi chamboulée, elle se serait attendue à une remarque sur sa rencontre fortuite au cinéma avec Peter ; c’était ça aussi, d’avoir un grand frère. Et pas n’importe lequel en plus. C’était le jeu, d’avoir une vie si chaste dans l’économie des appli de rencontre et un frère particulièrement taquin qui n’en loupe jamais une pour railler sa petite sœur sur le sujet. En toute subtilité bien sûr. Mais c’est ce pourquoi elle l’aimait autant, et qu’elle se sentait autant en confiance avec lui. Il savait la lire, mieux que quiconque. Il y avait un temps pour tout, et à cet instant, Hailee avait besoin d’une oreille attentive. Et chaque jour de sa vie elle remerciait le ciel de l’avoir lui, si attentif et à l’écoute. Aujourd’hui plus que jamais. Elle hochait la tête à ses réponses, remerciant silencieusement ses commentaires allant dans son sens, qui lui donnaient à la fois confiance et courage. Car courageuse, elle ne savait pas trop si elle l’avait vraiment été. Tout était allé tellement vite, pas vraiment eu le temps de réfléchir.

Les yeux baissés, elle fronça légèrement les sourcils. La question d’Owen restait en suspend. « Je crois que nous sommes liés maintenant, d’une certaine manière. » Allait-elle tout avouer ? Tout ? Des bribes de souvenirs de conversation revenaient dans sa tête, à la rivière avec Peter, leur projet de poursuivre les recherches sur la secte, son lien avec sa famille à lui… « Je réfléchis à reprendre un travail de recherche. » Elle restait évasive, laissant de côté les vraies raisons de cet intérêt soudain pour le monde qu’elle avait quitté quelques années auparavant, à savoir, enquêter sur la secte du coin. Après tout, rien ne servait d’inquiéter alors que rien n’était encore fait. « De toute façon, Edith n’acceptera jamais que je revienne. » Un mince sourire prit forme sur ses lèvres à la suggestion d’Owen. « Je te trouve dur avec Edith, elle n’est pas si… pire que ça. » Anticipant la réaction probablement outrée de son frère, elle poursuivit : « On avait quand même réussi à construire quelque chose. » et elle avait tout fichu en l’air. C’était bien pour cela que sa découverte était aussi douce-amer. Edith était un personnage plutôt terrifiant, impressionnant même, mais Hailee avait fini par s’en accommoder. Prendre confiance.
Elle posa sa tête sur l’épaule de son frère, désormais assise à ses côtés par terre contre la table basse. Un long soupire s’échappa d’entre ses lèvres. Ses sanglots avaient cessé. Sa respiration était redevenue plus régulière. « Je suis désolée de t’avoir caché tout ça. Je crois que ça m’a dépassée. » La lumière se tamisait dans la maison, à l’approche du crépuscule, baignant la pièce à vivre d’une atmosphère propice à la confession. « Tu me fais confiance ? A propos de tout ça, je veux dire... » Allons, Hailee. Un peu de courage. « Je ne ferais jamais rien qui puisse vous mettre en danger toi et Josephine… Mais admettons que j’ai l’opportunité de poursuivre des recherches sur la Rose Lunaire, tu en dirais quoi ? » La brune triturait ses doigts dans tous les sens, sale manie qu’elle avait entretenue depuis l’enfance. La réponse d’Owen serait décisive pour elle et la suite de ses péripéties. Parce que son avis comptait plus que tout, et c’était d’ailleurs le seul qui comptait vraiment en réalité.  

{ If there is a load you have to bear that you can't carry
I'm right up the road, I'll share your load if you just call me }
@Hailee Burrows

Hailee avait ses secrets, sa part d’ombres. C'était inévitable. Étrange pourtant de se retrouver face à cette évidence. Recroquevillée sur elle-même, elle paraissait si petite. Derrière son mètre quatre-vingt-dix, il se sentait diminué sous le poids de ses confidences, devant les larmes sur ses joues rouges enfantines. Il ne se souvenait pas la dernière fois qu’il l’avait vue pleurer. Pour une fois il restait silencieux, sage. L'évocation de ce Peter ne provoqua aucune remarque déplacée. Là où d’autres verraient un manque de prudence, il voyait du courage ; parce qu’Hailee ne pouvait pas être imprudente. Surtout, Hailee était juste. Qu’allait-elle faire maintenant ? La question trahissait la peur qui dormait en lui. Elle ne dormait jamais longtemps ; pas bon, O' pour garder les émotions. Il le faisait pourtant, les laissait le grignoter, lui qui prétendait tout dire, se priver de rien. Il y avait des choses qui ne trouvaient aucun mot, rien qui n’aurait su apaiser l’âme ; des questions auxquelles il n’existait pas de réponse, que des doutes éternels. C’était là son plus grand paradoxe. Il ne voulait pas déstabiliser Hailee davantage, qu’être le frère fier et fort qu’elle méritait. Sûr. Seulement il avait peur pour elle. Il avait eu peur pour elle une grande partie de sa vie, il avait aussi eu peur pour lui. L’idée qu’elle soit liée à un parfait inconnu rencontré par hasard dans un cinéma ne lui plaisait pas tellement. « Par le secret. » Pensé à voix haute. Quoi d'autre ? Au-delà de ça, O' ne connaissait pas de poids plus grand que la solitude du secret. C’était cette idée qu’il laissait échapper. Pas bon. Il sourit quand elle fit part de sa décision, elle voulait reprendre un travail de recherches, des études peut-être. Il n’avait rien vu venir le blond, de ses rencontres, de ses risques, de ses découvertes. Rien. L’impression pourtant qu’il n’aurait pu en être autrement. Évidemment qu’elle voulait faire des recherches, c’était tellement elle. Il acquiesça un sourire convenu aux lèvres, comme si elle venait de partager une vieille anecdote, un souvenir familier perdu dans les tréfonds de sa mémoire qui lui revenait de façon limpide.

Entendre parler d’Edith, encore, le faisait tiquer. Ça ne loupait jamais. La faute au piédestal sur lequel il plaçait sa sœur, depuis qu’elle travaillait dans cette boutique, depuis toujours. Sa faute en somme et il était prêt à l’assumer, à contester. T’es sérieuse ? Yeux grand ouverts. Hailee lisait l’avertissement dans le bleu de ses iris, aucun doute. Bouche grande ouverte, elle aussi, aucun son n'en sortit. On avait quand même réussi à construire quelque chose. Toute révolte le quitta, sa déception lui brisait le cœur. « Tu voudrais revenir ? » Le rebelle connaissait déjà la réponse. Il évitait de la prendre pour une masochiste, sachant à quel point son travail comptait pour elle. Il voulait juste être sûr, non, il voulait qu’elle soit sûre. « L’ambiance risque d’être difficile à supporter. » Ouais, c’était le moins qu’on puisse dire et il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Le petit surnom qu’il donnait à Edith n’aurait jamais été autant approprié, sa soeur faisant profile bas, le dragon de glace épiant ses faits et gestes de sa pupille noire perçante. Et le silence, lourd, partout, tout le temps, en attendant le nouveau client providentiel. Le tableau lui glaçait le sang. « Et t’es pas prête de remettre la main sur quelque chose. » Son sourire à lui seul une mutinerie alors qu’il se pencha un peu plus vers elle, jouant de l’épaule pour titiller la sienne. Une partie de lui la soupçonnait de vouloir jouer les agents doubles. N'y pense même pas. Mais encore une fois, Hailee avait pensé à tout. La tête sur son épaule, il laissa son menton reposer au sommet de son crâne, le balancier quasi imperceptible sur sa chevelure. Non, non. Ne t’excuse pas. « Porte pas ça toute seule, ok ? » Ne t’isole pas, ne te fais pas bouffer, et surtout n'aie pas peur. Il voulait qu’elle n’ait plus jamais peur sans savoir comment procéder. Il ne réalisait pas l’ambiguïté de ses mots. Elle pouvait se confier à lui, viens me trouver, voilà ce qu’il voulait lui dire, mais elle pouvait courir retrouver Peter ; elle pouvait porter ce poids avec lui. Ça ne lui traversa pas l’esprit, sans doute parce que sa question était bête. S'il lui faisait confiance ? Il avait bien plus de raisons de s’en offusquer que pour Edith. « I trust you with my life. » You idiot. Il l’a lui avait confiée, sa vie, littéralement, en installant sa fille sous sa tutelle. C’était vers elle qu’il courrait au moindre danger, vers elle qu’il revenait à chaque épreuve. Son visage s’enfonçait de plus en plus dans ses mèches. Je sais, je sais. Owen savait tout ça, il n’en avait jamais douté. « Que ça me surprend pas tellement ? » Il redressa la tête rapidement, s’écartant pour qu’elle le voit, l’air qu’il arborait, celui de prendre la chose à la légère et pourtant si sûr de lui. Non, O' avait compris depuis cette histoire de documents volés, cachés, whatever où tout ça aller mener. Il posa une main sur l’entremêlement de ses doigts. Un geste qu’il connaissait bien quand ses propres mains tremblaient. Pour l’apaiser. Sur elle il n’était pas nécessairement vain. L’image de leur mère lui tapant sur les doigts s’imposa à lui avec aversion, aussi bref et vif qu’un flash. Il serra sa main avec douceur. « Je te dirais de faire bien attention à toi. » Grotesque, inutile. Il arqua un sourcil, la fixant un instant. Hum ? « Et de me tenir au courant si on doit plier bagage en pleine nuit pour fuir à l'autre bout du pays. » Son visage portait les stigmates de rires qui ne s’étaient pas fait entendre. Les mettre en danger, foutaise tout ça. Personne ne pouvait le prévoir, et il y aurait forcément un risque. Il y avait toujours un risque. Lui avait fait l’armée, avait risqué sa vie tous les jours pendant des années. Il aurait pu ne jamais revenir. Jamais il ne s'était excusé, lui avait demandé sa bénédiction : jamais il ne lui avait  dit : Je ne ferai rien qui puisse vous mettre en danger toi et Birdie. Je ne ferai jamais rien qui puisse vous laisser seules. Il en prenait conscience maintenant, mais avait toujours su Hailee meilleure que lui.
Quelques minutes de silence, moins, plus. Il était agréable, l’atmosphère apaisante après les confidences. Il resta dans la même position, en chien de faïence à s’assurer qu’elle allait mieux, que sa respiration était stable et ses idées claires, que les larmes avait séché depuis longtemps. Quand il se redressa doucement, il prit une grande inspiration puis lâcha tout d'un coup. « Je vais m’en griller un, tu m’accompagnes ? » Un joint, oui. Sa grande décision à lui. Ça lui arrivait de temps en temps, il ne s’en cachait pas, pour l’aider à traverser les nuits les plus sombres, les plus vides, où il était son pire ennemi. Jamais aussi frontalement et jamais avec sa petite sœur, mais pourquoi pas après tout. Il fallait bien se remettre de ces émotions. Il n'y avait que lui pour ne pas trouver la proposition si dingue. « J'suis sûr que j’arriverai à te faire dire plein de vilaines choses sur Edith… » Si elle fumait. Il ne pouvait trouver pire argument et il s'en amusait. « ...ou plein de belles choses sur ce Peter. » Here it is. L'esprit lui revenait, il respirait, riait ; il n'avait plus peur, donnant tout pour que ce soit communicatif.  

Spoiler:

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OWEN ⅋ HAILEE

I tried to scream, but my head was underwater […]


Revenir. Ça lui paraissait tellement irréel qu’elle n’ait plus à revenir à la boutique. Que c’était fini. Vraiment fini. Le ton catégorique d’Edith ne permettait définitivement pas d’en douter. Hailee releva la tête vers son frère, l’air dépitée. Vaincue. « Je suis peut-être masochiste mais tu sais bien. Je… » Elle marqua une pause, cherchant ses mots. « On n’efface pas sept années de relation aussi facilement. » Ça n’était pas sorti de la façon dont elle aurait voulu, la formulation se rapprochant franchement trop de la notion de couple en pleine séparation. Pourtant, la rupture de ce duo qu’Edith et Hailee formaient ensemble à la boutique depuis tant d’années lui faisait presque le même effet ; du moins, de ce qu’elle imaginait de cette expérience puisqu’elle n’en n’avait jamais vécue une. Mais oui, l’ambiance risquait d’être morbide si jamais la brune était sauvée de justesse. Elle imaginait trop bien Edith lui faire payer toute sa vie cette errance. Errance qui n’en était pas vraiment une, mais qu’elle s’imaginait utiliser comme alibi afin de retrouver sa place à la boutique d’antiquités. Edith la croirait-elle ? Hailee, si frêle, si gentille, si serviable. Aurait-elle sciemment comploté contre sa patronne ? Pas sûre que cette dernière, paranoïaque comme elle était, lui laisse le bénéfice du doute. Impossible, même. Si elle revenait, plus rien ne serait comme avant et elle pouvait être certaine qu’Edith lui mettrait la misère. Le pire, c’est que l’ancienne employée était sans doute prête à accueillir tous ces mauvais traitements… Sept ans. C’était presque devenue son identité à part entière, la boutique. Son rythme, son hygiène de vie, son autonomie. Sa liberté. Non, on n’efface pas sept ans comme cela. Ses pensées amères n’empêchèrent pas ses lèvres de s’étirer en un petit sourire en coin à la remarque d’O’. Il avait raison, non seulement elle n’était pas prête de retoucher à quoique ce soit d’intéressant pour ses recherches mais en plus elle pouvait être sûre qu’elle aurait Edith sur les talons chaque minute, chaque seconde de son service. De toute façon, c’était fichu. Mort.

Elle y tenait, aux excuses. Par principe. Parce qu’elle n’avait pas seulement pris un risque sans consulter sa famille, non, ça allait bien au-delà de cet aspect. C’était qu’elle n’avait jamais rien caché à Owen. Pas lui. Son grand frère. Pas après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble. Elle vint se nicher un peu plus près de lui, si c’était possible, touchée par ses mots.
I trust you with my life.
Il y avait quelque chose d’inexplicable dans ce lien qui les unissait depuis toujours. Et ça étonnait un peu les gens, des frères et sœurs habitant toujours ensemble, la trentaine bien entamée. Well, elle n’aurait pas su vivre autrement, aussi sereinement que lorsqu’elle le savait sous le même toit qu’elle. Aurait presque pensé renoncer aisément à toute individualité, même, aussi bizarre que cela puisse paraître. Pourtant, cette individualité avait jailli, bien enfouie sous le vernis de la honte d’avoir fauté. Quelque part, elle avait aussi voulu vivre ce début d’aventure seule. Parce qu’elle savait à quel point l’avis de son frère comptait et pouvait naturellement lui faire emprunter des chemins différents. D’ailleurs, tout ce raisonnement s’avérait plutôt stupide, étant donné le soutien sans faille dont il faisait preuve depuis tout à l’heure. C’était même possible qu’il l’aurait aidée, s’il avait été mis dans la combine. C’était comme ça, chez les deux Burrows. Trois, même, à coup sûr, vu comme Birdie pouvait jouer les têtes brûlées parfois. « C’est promis. » fit-elle en éclatant d’un rire franc, alors que la réponse d’Owen venait valider toute sa réflexion. Owen is all in. C’était tout ce qui lui fallait. « Je pense qu’on aura pas besoin d’en arriver là. » Elle le fixait à son tour, l’air plus assuré qu’au début de cette conversation.
Elle souriait désormais, les vestiges de sa tristesse séchés au coin des yeux, ces derniers un peu rougis. Elle continuait de le regarder, oscillant entre air sérieux et rire étouffé, en proie au soulagement que cette histoire soit définitivement sortie du placard. Plus que tout son regard voulait lui dire à quel point elle l’aimait, lui et la vie qu’ils menaient depuis qu’il était revenu, lui, leur vie et leur petite famille. Aucun projet n’était à la hauteur de ce dernier, c’était clair pour elle. « Okay. » répondit-elle d’une façon beaucoup trop conciliante alors qu’elle avait très bien compris ce qu’il allait se griller. Elle savait, Hailee, et elle reconnaissait l’odeur et les petits yeux de son grand frère lorsqu’il revenait de certaines de ses balades nocturnes. En se levant, elle ajouta tout de même : « Je sais pas ce que tu entends par t’accompagner mais je veux bien aller avec toi dehors. » Sage, Hailee, malgré toutes ses frasques de ces dernières semaines. Debout, elle le suivait du regard s’affairer et reprendre du poil de la bête. « Owen ! » Pour Edith mais aussi pour Peter. « C’est plus fort que toi hein, je suis surprise que tu aies su attendre aussi longtemps ! » Elle faisait mine d’être réellement outrée, la petite sœur, mais ça lui réchauffait le cœur. Le retour à la normale.

Elle alla ouvrir la porte vitrée qui menait sur le balcon, invitant Owen à plutôt choisir cet endroit plutôt que leur pallier. « Comme ça tu sauras que c’est okay de faire ton affaire ici plutôt qu’à des kilomètres de la maison, au beau milieu de la nuit. » Retour à la normale, oui. Hailee qui s’inquiète des habitudes de l’animal nocturne qu’est son frère, quoi de plus normal. Elle s’assied sur l’une des chaises, l’observant ce qui était pour elle ‘faire son affaire’. L’air frais lui fit ramener le plaid qu’elle avait pris du canapé un peu plus sur ses épaules. L’odeur chatouillait ses narines. Elle ne savait pas très bien si c’était la soirée propice aux confessions ou le choc de la journée entière qui l’amena à poser cette question : « Je peux essayer ? » Son bras était déjà élancé vers l’objet de convoitise. « A 32 ans, il fallait bien que ça m’arrive un jour. » 2023. Une année qui resterait dans les mémoires. Pas sûre d’elle, elle porta la cigarette améliorée à ses lèvres et inspira une longue bouffée… pour finalement s’étouffer deux secondes plus tard. « Mon dieu, c’est normal que je ressente déjà ma tête qui tourne ? » parvint-elle à dire la gorge bizarrement serrée. C’était pourtant le cas, peut-être qu’elle avait inhalé trop d’un coup. Sans doute que son corps si chaste n’était pas prêt à se voir altéré de la sorte après 32 années d’ascétisme à toute épreuve. Elle sentait ses yeux s’alourdir et tout son corps s’affaler petit à petit, gagné par cette même douce lourdeur. Penchée vers son frère, les lèvres étirées « Tu sais, Peter était là cet après midi. » entendre : à la Pride de Redwood Hills. « Il a les cheveux roses. » Oh, Hailee. Vestige d’une éducation un peu trop étroite d’esprit, sans doute. Soudain, elle réalisa et plaqua ses mains contre sa bouche dans une lenteur pas possible. « Pardon ! Je.. Oh mais... » elle grimaça puis soupira bruyamment, excédée d'elle même. Owen n’avait pas les cheveux roses. Arthur non plus. Elle fit mine de fermer sa bouche à clef avant de jeter la dite clef imaginaire par dessus le balcon.
What a night.