Adam réprime l’envie brûlante de lui répondre. Il serre les dents, se concentre sur le carton qu’un lointain archiviste a un jour entreposé entre ces murs. Année 1995. Lors, il n’était pas même de l’ordre de l’hypothèse. Il ouvre une nouvelle boîte. S’en dégage un parfum de vieux papiers, porteur de décennies négligées. La lueur mourante du plafonnier balbutie sur ses épaules. Sous ses doigts glissent d’antiques rapports du conseil municipal. Rien de pertinent, en soi. Il voudrait scinder son esprit, compartimenter sa pensée, éluder le cuisant malaise qui s’y est installé. L’accusation est infondée, sinon diffamatoire. Blessante, à cet égard, car Dahlia semble bien y croire. N’a-t-il pas, en de multiples occasions, témoigné d’un sentiment d’inquiétude face à ses inconséquences ? Elle qui se plaît à disparaître, sans crier gare. Lui qui chasse ses pas, éternellement voué à protéger ses arrières. Il ne croit pas justifier pareille insinuation. Le dialogue semble stérile. Dahlia décline avec promptitude l’invitation formulée. Je n’ai rien à te dire. Adam lève les yeux au ciel, face au caractère puéril de cette réponse. L’irritation enfle un peu plus. Par chance, point de caméra pour immortaliser la scène. Quel spectacle auraient-ils donné ? Le vingtenaire écoute le silence qui précède sa descente aux enfers. L’entracte, en vérité, est de courte durée. Dahlia souffle sur les braises et attise son agacement. Adam fait volteface. Ici s’entame son procès. Ce n’était finalement pas une perche tendue, plutôt un bâton pour se faire battre. Dahlia en a lourd sur le cœur, et frappe par vagues successives. Il reste droit sur ses jambes, encaisse en silence. Ce n’est pas une claque verbale qui va irriguer des larmes vers ses yeux. Chaque mot lui arrache pourtant un peu de contenance. Il respire par saccades. Le monologue se poursuit. L’échalas se détourne sans demander son reste. Il convoque tout son corps pour déplacer cette armoire. Elle ne bouge pas d’un poil, lourde de cartons, d’une mémoire collective empoussiérée. Les mots de Dahlia l’éloignent des miettes de ce passé. Il a les tripes à vif, et s’accroche à cette réalité matérielle pour ne pas s’enliser dans ses pensées enragées. Pitié pour les forêts ! Qu’ils cessent donc d’accumuler de pleines caisses de papier imprimé, que personne ne vient consulter. Son poing se serre sur le métal bosselé de l’armoire. Il lui faut puiser au plus profond de lui-même pour ne pas répliquer. Son regard la foudroie, ce même regard qu’elle affirme pouvoir lire. Cette pensée qu’elle prétend déchiffrer… Qui peut donc vraiment être taxé d’orgueil ? Noyé dans ce flot ininterrompu, il doit se donner une utilité, aussi infime soit-elle. Vertige sur ses jambes, Adam ne sait plus où donner de la tête. La tempête oratoire fait bientôt place au silence suspensif. Plane un non-dit, comme souvent avec Dahlia. Il la regarde sur son piédestal, fait de bric et de broc. Elle profère une invite soudaine à ne pas insister... Laisse tomber. Avec un curieux sens de l’à-propos, si ce n’est un timing hors du commun, Dahlia s’étale avec maestria, atterrissant sur une vieille pile de cartons. Un nuage de poussière vient s’abattre sur elle. Inquiétude muette qui le frappe, avant de la voir gesticuler. En d’autres circonstances, Adam aurait probablement cédé un rire taquin. Ses lèvres demeurent scellées, visage grave. De son long discours, il a retenu l’essentiel, reformulé non sans une généreuse couche de sarcasme. Il est à ses yeux un arrogant monsieur-je-sais-tout, excessivement distant, retranché dans un silence coupable, doté d’une audition honteusement déficiente. Pour finir, il refuse de reconnaître l’amitié qu’elle lui porte et creuse sciemment un fossé entre eux. Son examen lui paraît partiellement inexact en ce qu’il contient quelques approximations. Arrogant, Adam l’est sans aucun doute. Il ne niera pas s’être ulcéré de simples critiques. Distant et secret, l'incriminé ne peut le lui enlever. Quant au reste, McAllister trouverait beaucoup à redire. Dahlia songe pourtant avoir clôturé un sujet, qui lui semble – au contraire – d’une actualité flambante. La jeune femme boitille sur quelques mètres, pour rejoindre l’armoire. Sa chute n’a pas été sans incidence. « C’est trop facile. » qu’il lance à son encontre. « Tu balances toutes tes récriminations, et on passe à autre chose ? » Le ton est étrangement calme, compte tenu de son agacement. Adam la dévisage avec insistance, sourcils froncés. « Qu’on se le dise... Quand quelqu’un me tape sur le système, je le fais savoir. » Démenti de cette assertion qui voudrait qu’elle l’agace, lorsqu’elle lui parle d’elle. « Autrement dit, si tu étais concernée. Tu le saurais de longue date. » Ses traits se froissent comme du papier de soie. « Si ça t’amuse de croire que je me fiche éperdument de ce qui peut t’arriver, grand bien te fasse. Mais je ne crois pas avoir mérité semblable sous-entendu. » Il a plus que largement démontré le contraire. « Et si tu crois que tu n’es qu’un vulgaire pot de fleurs qui porte le micro, alors oui, tu es stupide. Tu m’accuses de nier ton amitié, mais tu fais exactement la même chose. Tu remets ma sincérité en question. » Adam s’écarte pour de bon, rompant le contact visuel. Elle compte pour lui, d'une manière qu'il n'est pas prêt à reconnaître. « N’essaie pas de m’aider, j’ai bien vu ta cheville. » Jetant un dernier regard sur le monstre d'acier, il vient plaquer ses mains contre le métal froid et pousser de toutes ses forces. Son visage vire au rouge écarlate, mais le meuble cède enfin du terrain, reculant de quelques centimètres. C’est assez pour qu’il puisse récupérer le dossier coincé contre le mur. Une pochette souple glisse sous ses doigts. Il resserre sa prise, puis se redresse d’un bon. Ses iris passent de la mystérieuse chemise cartonnée, au visage de Dahlia. « Peut-être que tu m’en demandes trop. » Les fêlures sont d’hier. Susceptible de resurgir au petit malheur la chance, cet héritage sera toujours là pour lester ses épaules et fausser son regard. Il ouvre la couverture du dossier, survole son contenu. Une fois de plus, trop de poussière… Il tourne les pages à la hâte, jusqu’à ce que… Un instant de saisissement... « Une note du corbeau. » Sitôt, Adam lui tend le dossier. Les instructions leur indiquent le numéro d'un ordinateur à dénicher. « Il faut le trouver ! » dit-il, catégorique. Leur quête revient soudain au premier plan. Il se sent déjà prêt à quitter la salle de stockage, sans se soucier du désordre qu’ils y ont laissé.

La voix d'Adam, douce mélodie à ses tympans, vient répondre à ses propres sentiments. Dahlia qui n'entend que rarement le ton froid et peut être, à cet instant, légèrement agacé d'Adam envers sa personne, se montrerait surprise si son agacement à elle n'était pas aussi présent. Elle l'entend. Mais vient à se demander si Adam ne dit pas cela juste pour la contredire. Adam est différent. Si Dahlia a les sourcils froncés, semblable à Adam, son myocarde se réchauffe. Probablement plus lorsqu'elle entend que l'inquiétude d'Adam est présente lorsque leurs aventures viennent à prendre place. Lire entre les lignes est constant pour Dahlia. A appris à comprendre, à déchiffrer. Avec Adam, elle choisit de rencontrer son regard. De lire ses iris ou ses mots qui semblent si simples et qui sont pourtant compliqués. Le fixe alors, les sourcils froncés car elle est tout aussi agacée. Mais la tendresse est présente. "Peut être que c'est toi qui m'en demandes trop." souffle t-elle d'une voix plus posée. Peut être qu'Adam suppose qu'elle peut se satisfaire de quelques regards, de quelques sourires. Son palpitant n'est pas ravi. Dahlia est passionnée, aventurière. Probablement pour cela que leur art est en symbiose. Peut être voit elle en Adam quelque chose qu'elle n'a jamais pu trouver. "Et ce n'est pas ta sincérité que je remets en question." non, sait bien qu'Adam est sincère avec elle. Que lorsqu'il est agacé, qu'il n'apprécie pas quelque chose, elle peut bien le remarquer. Ce qu'elle remet en question est probablement cette ambiguïté qu'ils remarquent sans la mettre en avant. L'observe un instant, lorsqu'il ne la regarde plus. Ombre d'un sourire sur son visage. Complexité dans cette symbiose qu'ils partagent lors de leur art. Adam est si doué. Pourquoi ne peut il lire dans le creux de ses iris? "Adam. Pourquoi tu restes avec moi? Tu es doué, tu pourrais trouver d'autres choses intéressantes." Dahlia ne sait pas pourquoi Adam, qui est si incroyable dans le domaine de son art, reste avec elle. N'est pas assez arrogante pour penser qu'Adam reste tout simplement parce qu'il l'apprécie. Mais le myocarde lui souffle et la princesse peut entendre ces murmures. Resterais tu pour moi? Continue alors à l'observer puis lorsqu'il vient lui montrer le dossier, Dahlia fronce les sourcils et commence à lire certaines pages. "D'accord." qu'elle répond simplement tout en sortant de la pièce. Ironique de penser que cette aventure est la leur alors qu'Adam fait tout le travail. Peut être n'est elle que douée pour parler, lire ses simples notes. Dahlia ne montre que rarement sa frustration ou ses doutes mais ils sont présents. Et peut être qu'Adam serait encore plus incroyable s'il continuait cette aventure sans elle. La princesse retourne alors dans la pièce où se trouvent les ordinateurs. "Si le corbeau veut que nous trouvions un numéro d'ordinateur alors.. Réfléchissons. Nous perdrons du temps à voir tous les ordinateurs." mais si Dahlia n'est pas douée pour les énigmes, elle est plus douée pour comprendre les personnes.

"Soyons logiques." souffle t-elle en regardant autour d'elle. Elle réfléchit, les sourcils qui se froncent. Quelques minutes passent avant qu'elle ne vienne voir un ordinateur un peu plus loin, près de la fenêtre. Regarde les éléments de l'ordinateur en face d'elle puis essaye de trouver les chiffres. "Je pense que c'est celui là." dit elle simplement alors qu'elle pose le dossier sur le bureau. Vient désormais chercher dans celui ci en ouvrant les tiroirs. Sa cheville est douloureuse alors qu'elle se penche pour soulever quelques documents et dossiers. Ne savent même pas ce qu'ils cherchent et Dahlia pense à l'énigme du corbeau. C'est agaçant car Dahlia ne comprend pas pourquoi Adam souhaite l'avoir à ses côtés pour cette énigme. Peut être la fatigue, peut être la frustration. Peut être le myocarde qui en demande trop, lui aussi. Dahlia secoue la tête tout en restant silencieuse. Elle qui partage avec Adam lors de leurs aventures, n'en trouve désormais pas l'utilité. "Tu pourrais résoudre cette énigme tout seul, Adam. Je ne te suis d'aucune utilité alors je ne vois pas en quoi je pourrais t'aider." sa voix est agacée mais une autre émotion s'y trouve. Quelque chose de plus complexe. "C'est toi qui trouves toujours tout quand on cherche quelque chose. Tout ce que je fais, c'est prendre des notes ou lire une carte. Et je ne dis pas que c'est une mauvais chose parce que ce que tu fais est incroyable, je dis simplement que.." Je pourrais en faire plus, mais là encore, c'est inutile. Dahlia souhaiterait être plus utile que cela. Ses iris observant la note du corbeau, Dahlia fronce légèrement les sourcils. "Si c'est le numéro de l'ordinateur que le corbeau souhaitait qu'on trouve, est ce que nous devrions chercher dans les documents de l'ordinateur?" demande t-elle ensuite en recommençant à chercher. "Ou bien un dossier qui a le même numéro?" ajoute Dahlia en penchant la tête, fixant les dossiers autour d'eux. Puis, elle fixe l'écran et vient l'allumer. "Bon." dit elle alors qu'elle commence à fouiller dans l'ordinateur, puis après quelques secondes, Dahlia cligne des yeux. Le numéro du fichier est le mêle que celui de l'ordinateur. "Je pense que c'est ce dossier." les bruits de la souris se font entendre tandis que Dahlia essaye d'obtenir le code. "Je devrais réussir." souffle t-elle. Depuis le début de leurs aventures, il avait fallu se perfectionner dans de nombreux domaines afin d'obtenir des informations intéressantes sur la Rose et si Dahlia n'était pas douée pour les énigmes, elle l'était un peu plus pour obtenir des informations. Continuant à cliquer, Dahlia réussit presque à ouvrir le dossier mais un autre programme vient compliquer celui ci. Dahlia soupire d'agacement alors que les bruits du clavier se font plus rapides et qu'elle fixe l'écran tout en faisant apparaitre d'autres pages et d'autres données. "Le programme va détruire les données si on ne trouve pas un moyen de le contrer." dit elle, sa voix presque silencieuse. "Je ne sais pas si je vais réussir."