Avant toi, c'était quoi, sinon un préambule ? Un long chemin de croix
Il était une fois un couple d’amoureux. Chiara et Daniele, deux jeunes étudiants rêvant de quitter l’Italie pour partir vivre aux States une fois diplômés.
Malheureusement pour eux, leurs plans si bien préparés furent quelque peu chamboulés par un imprévu qui prit la forme d’un nouveau-né : toi.
Ta mère tombas enceinte avant la fin de ses études et, un peu poussé par la religion et ses parents pour te garder, elle te mit au monde à peu près à la même période où elle passait son diplôme d’infirmière.
Avec quelques mois de retard sur leur planning initial, tes parents finirent par quitter ta Rome natale pour Boston, où ils officièrent quelques années , elle dans un hôpital de quartier et lui en tant que commercial, avant de finalement migrer pour un autre hôpital, plus proche de la nature, à quelques kilomètres de Redwood Hills, forçant ton père à passer plus de temps encore sur la route.

Avant toi, c'était quoi ? Une répétition de mots, de gestes las. Puis l'explosion
Tu étais un enfant calme et discret, plutôt contemplatif.
D’aucun dirait que tu étais un véritable fils à maman jusqu’à ton entrée au collège, mais ceux-ci n’avaient aucune idée de ce qui se cachait derrière cette maternité exacerbée que ta génitrice affichait fièrement aux yeux des badauds.

ATTENTION INCESTE:

Avant toi, c'était quoi ? Juste une scène immense, bien trop vaste pour moi
Et puis vint le jour où, au détour d’une conversation banale avec d’autres camarades de classe, tu réalisas.
Aujourd’hui encore, tu étais bien incapable d’expliquer pourquoi c’était arrivé à ce moment là précisément et pas à un autre.
D’un coup d’un seul, le rideau était tombé et tu voyais, tel un spectateur de ta propre existence, la comédie dramatique qu’était ta vie avec une telle clarté que tu sentis tes jambes flancher sous ton poids. Celui de ton corps, mais, surtout, de la réalité qui venait de te saisir à la gorge à t’en couper la respiration.
Pourquoi n’avais-tu pas compris plus tôt à quel point tout ceci était abject ? Un non-sens de l’existence.
Le déni, lorsqu’il s’en va, est parfois bien plus dévastateur que la souffrance originelle.
Alors, pour faire taire cette honte mêlée de culpabilité, tu n’avais pas réfléchis plus en avant.
Du haut de tes 12 ans tu étais rentré chez toi et, après avoir frotté ta peau jusqu’au sang dans l'espoir d'en expier tout les vices, tu t’étais laissé aller dans l’eau du bain, les poignets offerts au ciel, laissant s’échapper tes péchés par de longues entailles tel un christ des temps moderne.
Et tu te sentais bien, malgré la douleur. Tu te sentais en paix pour la première fois depuis longtemps.
Malheureusement pour toi, ton père finit par défoncer la porte de la salle de bain en remarquant que tu ne répondais pas à ses appels et, alors inconscient, tu fus transporté à l’hôpital avant qu’il ne soit trop tard.

Avant toi, c'était rien, ou si peu que ma vie commença le matin du jour où je te vis.
Aujourd’hui, tu ne parlais plus ni à ton père, ni à ta mère. Sortie de l’hôpital, tu avais fait en sorte de passer le restant de ta scolarité en internat afin de les voir le moins possible et, une fois ton bac en poche, tu avais quitté la maison sans un regard en arrière.
Tu n’en avais jamais reparlé. A personne. Et tu ne voyais sincèrement pas l'intérêt de le faire.
Sans doute que ton père n’avait jamais vraiment compris les raisons t'ayant poussées à un tel acte, ni pourquoi tu avais mis une telle distance entre toi et eux. Il avait dû penser que tu te faisais harceler à l'école, comme tant d’autres enfants dans les médias, et que tu leur en voulait de n'avoir rien fait.
Toi, tu n’avais jamais rien dit. Tu t’étais enfermé dans le mutisme. Dans ton monde à toi, avec tes nouveaux amis, tentant d’oublier cette période de ta vie.
Tu t’es créé une carapace, est rentré dans le moule. Aujourd’hui, tu estimais que ce que tu avais vécu était une épreuve comme une autre, ni pire ni meilleure.  
Le monde était une gigantesque comédie dramatique et ton histoire ne faisait pas exception à cette règle.
Alors tu jouais le rôle qu'on attendait de toi du mieux que tu le pouvais.