Après bien des idioties, nous voilà à aborder des sujets sérieux et pour le moins complexes. Rappeler les limites de notre relation, discuter des drames constituant des freins à notre épanouissement… Rien de très joyeux pour un jour de Noël ! Et pourtant c’était nécessaire, en particulier si je tenais à sauver ce lien si particulier qui nous unissait. Alors je m’y jetais tête la première, allant même jusqu’à mentionner mon ancienne petite-amie qui s’était ôtée la vie. C’était pourtant si rare que je m’arrête là-dessus, preuve que mon interlocuteur comptait énormément pour moi s’il en avait besoin. Arriva la question du : « comment as-tu réussi à passer outre ? » pour laquelle je ne possédais pas réellement de réponse… Mes épaules s’affaissèrent tout en s’accompagnant d’un soupir, mes yeux s’abaissant un instant avant de rétablir le contact avec les siens.

- J’en ai eu marre d’attendre qu’elle revienne et de m’apitoyer sur mon sort. Oui, j’aurais peut-être pu changer les choses en disant quelque chose ou même en agissant différemment mais comment en être sûr ? C’était sa décision, argumentai-je. Aussi, je sais que c’est bateau mais je pense qu’elle aurait préféré me voir aujourd’hui que les cinq années précédentes. Je me suis tellement laissé aller. Il fallait absolument que je me remue ! Ça n’a pas été simple mais j’ai fini par accepter que, malgré sa mort, je mérite d’être heureux.

J’en étais le premier surpris mais je faisais preuve d’une sérénité étourdissante en accouchant de ces mots, moi qui peinais tant habituellement à faire preuve d’éloquence sans être transporté par l’émotion.

- Bref, j’ai appris à refaire confiance à la vie. Et tu y es pour énormément. Ainsi qu’Eliot, David, Moana et le reste de la bande. D’ailleurs, je devrais sûrement vous remercier pour ça.

Je lui adressai un sourire puis décidai qu’il était temps d’alléger l’ambiance en passant derrière les fourneaux. Rien de tel que des crêpes pour ça pas vrai ? La proposition ne déplut pas à Peter qui s’empara d’une assiette avec fermeté, déjà impatient de voir le mets y atterrir tandis qu’il passait commande. Confiture de poire forcément ! Autre chose aurait été très surprenant. Je ris, toujours autant amusé par sa quête de la vérité quant à la provenance de celle-ci. Qui l’avait faite ? Sa mère ou moi ? J’affichai une mine mystérieuse puis finis par craquer face à sa bouille suppliante irrésistible.

- Yep, c’est moi qui l’ai préparé celle-ci ! Pas celles dans les pots par contre, avouai-je en pointant le tas mis en vente posé à ma gauche. Bon appétit !

La pauvre crêpe ne fit pas long feu. À croire qu’il n’avait pas mangé depuis la semaine dernière ! Je retins toute comparaison avec son morfal de chien et choisis plutôt de faire référence à mon accoutrement célébrant les fêtes. Je n’avais rien omis si ce n’est les chaussures, entre le bonnet, le pull et, moins évident, le boxer. Ce bout de tissu s’attira instantanément l’attention du tatoueur qui s’y concentra avec curiosité. Contrairement à Oliver (et dans la plus logique des réactions), lui était bien décidé à l’admirer. Je pouffai à nouveau quand il fut question de mon soi-disant fétiche pour les sous-vêtements, ne pouvant jeter des contre-arguments costauds après celui d’Halloween.

- Et encore tu n’as pas vu celui pour Pâques ! Cloches, œufs et chocolat ! Parfait pour les gourmands ! inventai-je avant de me faire la réflexion que je dépeignais une drôle d’image. Mais ok pour le défilé privé. J’espère qu’il sera à la hauteur de tes attentes ! Dommage que tu n’en ais pas toi… L’année prochaine je t’en offre un c’est obligé. Puis ça me donnera une excuse pour… être curieux.

Je ris puis lui offris justement les cadeaux que je lui avais concocté pour cette fois : deux bonnets, un petit paquet de photographies prises deux mois auparavant puis un jouet pour le clown sur quatre pattes. Tout en préparant d’autres crêpes, je le regardai enfiler les deux vêtements l’un après l’autre sans chercher à retenir un gloussement quand je le vis avec ses deux oreilles de lutin ou de troll. Ouais, celui avec le pompon était bien plus passe-partout !

- T’es adorable avec les deux. L’avantage de celui avec les oreilles c’est que je peux souffler dessus sans que tu prennes la fuite ! À l’inverse, l’inconvénient est qu’il te rend moins séduisant… Le débat est vite-fait ouais.

Je remplis à nouveau son assiette tandis qu’il brandissant l’os destiné à son animal de compagnie. Combien de temps résisterait-il aux attaques gourmandes de ce dernier ? Lancer les paris serait risqué tant je craignais le sous-estimer. C’est qu’il était sacrément vorace pour un chien si minuscule !

- Si la fatigue l’emporte sur son appétit ! Ce qui relève du 50/50 pour lui…, répliquai-je en m’esclaffant.

Vint alors une discussion sur les cadeaux que je recevrais de la part de sa famille. À s’en fier à ses paroles, sa mère avait été généreuse avec moi mais bien moins qu’elle l’avait été pour Castiel. J’affichai alors une moue (faussement) blessée, même si j’étais bel et bien un peu attristé à l’idée d’avoir perdu de ma valeur sur le marché des prétendants pour son fils. C’était un peu vexant après toutes ses années d’échanges et de services rendus non ?

- Je blâme ses yeux bleus. Ils sont magiques. Remarque, ça fera moins de pression sur nous si elle ne veut plus nous marier ! Mais jamais bien être le chouchou !

Comme quoi, rien n’était éternel même ce que l’on pensait définitivement acquis. Impossible néanmoins de ne pas relever l’ironie ! Après tant de temps à espérer nous voir en couple, Martha Black renonçait quand nous nous étions enfin rapprochés. Je ne pus pas m’arrêter là-dessus plus longtemps puisque mon bras fut pris d’assaut par un Peter en manque de dessin. À l’aide d’un feutre noir, il y improvisa une œuvre résumant si bien ma personnalité (selon lui). Le caleçon décoré de petits cœurs m’amusa particulièrement entre deux chatouilles et le commentaire de l’artiste qui suivit me fit lever un sourcil lorsque je décrivis son expression faciale. Avait-il de la suite dans les idées ou bien étais-je victime d’une hallucination ?

- Je me trompe ou tu as déjà une idée de ce que ça pourrait être ? lui demandai-je avec un soupçon d’impatience dans le regard. J’aime énormément ton tatouage, t’es super doué et… vive les boxers ! mais… Va falloir que j’étudie la question sérieusement.

Je lui adressai un clin d’œil puis profitai de la proximité de nos bras pour serrer sa main dans la mienne un bref instant. C’était si frustrant de devoir agir en cachette comme si nous avions douze ans ! Ou bien comme des criminels ne devant pas se faire repérer sous peine d’être éliminer sans cérémonie. Pourtant, je devrais m’y faire puisqu’il n’y aurait jamais de relation assumée entre nous.

- Rien à voir d’ailleurs mais… Tu as des projets capillaires pour 2022 ? Retour à la normale, blond, bleu, rose… ?

Je l’ébouriffai puis me servis une douceur à mon tour. C’est que j’avais un petit creux moi à force d’être entouré de nourriture !

@Peter Black

Jasira ne manquait pas de confiance en elle, de quoi impressionner - voire intimider ? - n'importe quelle autre femme. Consciemment ou non, d'ailleurs ! Car je ne cernais pas assez bien mon interlocutrice pour déterminer si elle faisait exprès de créer ce ressenti ou si cela faisait tout simplement partie de sa personnalité. Par chance, rien ne me poussait à me sentir menacée, j'étais même plutôt amusée par l'assurance dont elle faisait preuve. Et tant mieux, au fond. Cela faisait plaisir de constater qu'elle appréciait le collier, l'inverse aurait été la véritable déception, bien que cette activité organisée par la ville ne m'avait pas vue réellement développer de grandes attentes. D'ailleurs, la jeune femme me rappelait que je n'avais toujours rien reçu, pour ma part. « Oh, euh, je ne crois pas avoir encore croisé mon secret santa. » Par réflexe, je jetais un coup d'oeil aux alentours, à la recherche d'une tête inconnue, songeant que s'il s'était agi de quelqu'un que je connaissais, cette personne m'aurait aussi déjà trouvée. « Peut-être qu'il a eu un empêchement de dernière minute... » Plusieurs fêtaient Noël en famille, de sorte que quelque chose avait pu surgir à la dernière minute. Si c'était bien le cas, ça ne m'empêcherait pas de rester de bonne humeur et de profiter de la réception et de mes proches, que je guettais d'un coin de l’œil pour ne pas les perdre complètement de vue. « Ou alors, peut-être qu'il, ou elle on ne sait pas, n'a pas su choisir au hasard sur la liste. » Plaisantais-je avec un air espiègle. La jeune femme n'avait pas donné l'impression d'avoir pris le plus grand plaisir qui soit à faire don d'elle-même ! Mais elle était présente, ce qui en faisait déjà une personne de paroles. « Ravie de t'avoir rencontrée, Jasira, j'imagine qu'on se croisera de nouveau dans les parages. Cette ville est si petite. Je dois aller sauver mon compagnon de ces mesdames, sinon il m'en voudra. » Le pauvre @Julian Chapman avait déjà été malmené plus tôt, je lui devais bien ça de ne pas le laisser avoir à se défendre seul plus longtemps.