Après avoir lancé une fausse rumeur qui manquait de peu de faire rougir Martha, je reportai mon attention sur le blond que je n’avais jamais rencontré avant aujourd’hui. L’air de Redwood Hills faisait de moi un homme nouveau ! Où était passé le Darren désintéressé et bougon ? À croire qu’un changement de cadre détenait réellement le pouvoir de nous changer. Bref, je l’écoutai se confier sur sa profession ainsi que son orientation sexuelle. Au moins, il n’existait plus aucun doute possible sur ce dernier élément !

- Je suis arrivé trop tard pour t’entendre mais, si Peter te complimente, alors je me fie à son jugement, dis-je avec sincérité. Quant à moi j’étais curieux de participer à une Pride. Ce n’était jamais arrivé et je dois avouer que je suis agréablement surpris que cela existe même dans un coin paumé comme Redwood. Les habitants du coin n’ont rien à envier aux New-Yorkais.

En effet, que les esprits soient aussi ouverts « à la campagne » m’épatait. Où se trouvaient les vieilles mentalités dépassées de quelques décennies ? Cette commune aurait tout d’un havre de paix si celle-ci n’était pas salement polluée par la Rose Lunaire… Nous ne pûmes pas approfondir davantage car nous fûmes interrompus par Castiel qui avait apparemment tendu l’oreille en direction de ma conversation avec l’unique femme de notre groupe. Se chercher des noises était devenu une habitude et nul doute qu’il saurait me le rendre à la première occasion (la preuve étant qu’il prétendit que JE devais monter sur scène une poignée de secondes après cette pensée). Tout de même, je fus intrigué par l’existence de cette femme dont je n’avais jamais entendu parler. D’où sortait-elle ? Et aussi : quel âge avait-elle ? Je me mordis la langue pour ne pas l’interroger sur la façon dont il comptait se débarrasser de celle-ci après l’avoir épousé. Après tout, une telle investigation ne serait pas assortie à notre nouvelle résolution. Autant taire tout commentaire.

De toute manière, son mensonge suivit de l’interrogation au sujet de Wilson suffirent à me distraire. Juste retour de boomerang ! Je l’avais mérité. Les spectateurs de notre « scène » ne tarderaient sûrement pas à compter les balles réelles que nous nous échangions sans interruption. Drôle de dynamique mais pourtant si appréciable ! Je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche que tous étaient en train de s’extasier à l’annonce de ce numéro dénudé, non sans cacher leurs curiosités respectives.

- Vous êtes tous des pervers ! clamai-je avec un sourire amusé. Et oui, avec un boxer maximum.

Ok, j’entrais dans leur jeu mais je ne comptais pas rejoindre les joyeux lurons réellement. Pas que j’étais pudique ou autre mais de là à me déhancher devant des inconnus sans la moindre préparation… Peu surprenant que Castiel tienne tant à admirer la catastrophe lui qui ne pouvait s’empêcher d’insister en prétendant que ce ne serait pas pour le régal de ses yeux clairs !

- I’m Too Sexy serait trop cliché comme accompagnement musical non ?

Du grand n’importe quoi. Cependant, n’étions-nous pas là pour passer un bon moment ?

Les tentatives de Castiel pour que les autres hommes se joignent à moi furent un échec cuisant. Pourquoi était-il si décidé à admirer un tel spectacle, je ne le saurais sûrement jamais. Il n’empêche que cela attisait ma curiosité. Totalement hétérosexuel, hein ? J’en doutais sérieusement. Cependant, entre les supplications de tous et la provocation du fils Black selon qui me défiler reviendrait à de la lâcheté, je commençais à carrer ma mâchoire. Je ne m’en sortirais pas facilement ce coup-ci… Il aurait été simple de leur tourner le dos et de me noyer dans la foule mais cette histoire gagnait des airs de défis. Ainsi, ma fierté prendrait davantage un coup en leur jetant d’aller se faire foutre (surtout en présence de Forster-Miller) qu’en retirant mon haut. Ça, je l’avais fait pour un nombre incalculable de clichés depuis une vingtaine d’années. Je n’avais jamais été pudique et n’avais aucune raison de l’être puisque je ne relâchais pas mes efforts pour posséder un corps fin et musclé sans abus. Même Bailey que je venais à peine de rencontrer mourrait clairement d’envie de me faire passer à la casserole. Était-ce la chaleur qui les rendait tous tellement obsédés ? Cette famine ne me surprenait pas tant que ça venant de Peter par contre. Allez savoir pourquoi. Je finis par soupire longuement.

- Très bien. Martha, je vous fais confiance pour me récompenser avec vos mets délicieux, lui dis-je d’un air très sérieux que seul un éclat amusé dans mon regard venait contrebalancer. Profitez bien du spectacle. Surtout toi. Même pas foutu d’en faire autant.

Mon menton pointa le millionnaire qui m’avait vu de bien trop près (et bien trop de fois) récemment puis je me retirai afin de me rapprocher sur scène où je savais qu’un show improvisé se tiendrait. Une sorte de concours où un public déchaîné devrait voter pour son candidat préféré en inondant les caisses de l’association de billets verts. Oui, je m’étais un peu renseigné sur le programme avant de venir et cela m’avait sauté aux yeux. Un poil vulgaire, non ? Peu importe. Ce serait amusant. Je n’avais jamais dansé de la sorte devant une telle assemblée mais disons que je m’étais livré à des nuits assez folles à New York avant de me marier. Il ne restait plus qu’à espérer que je ne sois pas rouillé. Nul doute que Wilson me verrait de son stand de maquillage et je ne doutais pas une seconde que cela ne le laisserait pas indifférent.

J’inscrivis mon nom sur la liste des candidats étonnamment longue pour une commune comme Redwood Hills et choisis un titre au pif parmi mes lointains souvenirs. J’étais trop vieux pour ces conneries maintenant mais autant s’éclater à fond. Soulagé que beaucoup d’individus de tous les genres me précédèrent sous des hurlements d’admiration, j’en profitais pour imaginer une routine (qui reprenait des éléments de la chorégraphie originale que je regardai sur mon téléphone) et envoyai un message à Castiel pour lui exiger qu’ils se rapprochent tous le plus possible pour ne pas en manquer une miette. Puis, vint le fameux moment de m’afficher devant les yeux de tous après que j’eus été présenté au micro. J’avais réussi à emprunter une cravate à un type qui passait par-là et avais reboutonné ma chemise pour faire durer le suspense. La chanson Pony de Ginuwine fit vibrer les enceintes et c’était parti. Cette dernière était parfaite pour bouger avec sensualité, bassin inclus pour des mouvements on ne peut plus explicites. Je répondais parfois aux demandes hurlées comme des baises mains et fis languir quand il s'agit de défaire un bouton. Le second refrain s’achevait que mon boxer constituait l’unique tissu sur ma peau et le bridge fut le passage idéal pour me mêler à la foule qui se déchaîna tandis que je fonçai en direction de la petite équipe de cinq personnes qui était bel et bien présente comme promis. Là, je saisis le visage de DeWitt entre mes mains et l’embrassai à pleine bouche sans la moindre gêne. Si la température autour de nous était déjà très élevée, ce contact fit exploser le thermomètre. Je lui donnai une tape sur la joue ensuite, lui fis un clin d’œil et reparti terminer le morceau sur le podium. Il l’avait bien cherché et lui qui tenait absolument à ne pas s’afficher tout en m’envoyant dans la fosse aux lions… Loupé ! Petite pensée pour Peter tout de même dont nous venions probablement de nourrir les rêves pour le reste de l’année.

Une fois que les dernières notes se firent entendre, je m’essuyais le front tout en laissant le « présentateur » motiver l’assemblée à faire don de leur argent. Je fus ravi de m’enfuir de là, plutôt vanné par l’exercice et toute cette attention, me rafraîchissant le visage et la gorge avant de prendre la direction du stand de Martha avec ma chemise toujours à la main. Au moins, j’avais remis mon short. Je m’attendais à subir les foudres du veuf et lançai donc, par prévoyance dès qu’il entra à portée de voix :

- Avant de te plaindre, dis-toi que ta participation à fait gagner des dollars pour l’asso’.

Je me penchai afin de lui murmurer à l’oreille :

- Puis j’ai senti que tu as aimé ça. Économise tes efforts.

De mon côté, j'adorais surtout le rendre dingue. Pas que le baiser fut désagréable en soi. Dommage que ce fut avec un type pour lequel mon opinion était on ne peut plus mitigée. Au faible mot. Une tape sur l’épaule puis je reportai mon attention aux autres.

- Alors ? J’espère que vous avez vidé vos portefeuilles.