La rentrée approche à grands pas. Josephine est allé il y a quelques jours faire un tour sur le campus de l’université de Burlington, histoire de s’imprégner de l’ambiance du lieu. Elle a aussi pu tester la route comme ça. C’est pas si loin de Redwood Hills, elle va rester chez Hailee encore un peu. Elle a déjà testé avoir son propre appartement à New-York. Ça lui a plu, mais pour l’instant, elle va garder sa chambre chez sa tante. Parce que, si elle a apprécié la liberté d’avoir son chez-soi, elle aime plus encore son quotidien avec sa tante, et avec Owen, même si celui-ci ne sera pas beaucoup à la maison dans les prochains mois. Elle a toujours le nez dans les bouquins, B’, mais un peu moins les derniers jours. Elle veut profiter des derniers jours de liberté qui lui reste. Faire certaines choses tant qu’elle a le temps, parce qu’avec les cours, les révisions et son travail, elle aura un emploi du temps bien chargé. Son travail au cinéma n’était qu’une façon de s’occuper en attendant de retourner à la fac, mais Josephine s’y plait bien. Elle apprécie son patron, ses collègues et c’est plutôt intéressant en fin de compte comme boulot. Sa culture cinématographique s’enrichit de plus en plus !

Pour s’occuper aujourd’hui, la brune a surtout flâner en ville. Elle a marché sans réelle destination, se laissant emporter au gré de ce qui se présentait à elle. Des personnes, des bruits, des images. Elle s’est arrêtée boire un café au Snow Rose, elle était allée jusqu’aux abords de la ville, là où la nature règne. A un certain moment, elle s’était rendue compte que ses pas semblaient suivre ceux d’une autre jeune femme. Une blonde, la vingtaine. Parfois, Josephine la suivait, de loin, espérant ne pas se faire remarquer. Sans se parler, sans s’approcher, les deux femmes ont passé une bonne partie de la journée ensemble. Mais à un moment, Birdie l’avait laissée, attendue autre part. Elle a un horaire à respecter. La fermeture du cimetière. Il fallait qu’elle y soit avant que le gardien ne cadenasse le portail. Elle fait ça de temps en temps, Josephine. Aller au cimetière au crépuscule, quand il n’y a plus personne dans les allées. Quand la lumière tombe, mais qu’il ne fait pas encore nuit. Le moment où les esprits s’éveillent. Elle se glisse dans l’enceinte du cimetière quelques minutes avant la fermeture. Elle se cache dans un coin et attend. Elle attend que le gardien fasse teinter le loquet de la serrure et qu’il reparte vers chez lui. Une fois que la voie est libre, Josephine a toute liberté pour déambuler dans les allées calmes. Cette activité peut paraître bizarre, carrément tordue, mais la brune trouve qu’il n’y a pas endroit et moment plus apaisant que celui-là.

Seulement, ce soir, son moment de calme est perturbé par des bruits. Des bruits métalliques. La grille. Elle marche entre les tombes, essayant de ne pas se faire voir, pour remonter vers l’entrée du cimetière. Elle s’accroupit à côté d’une stèle quand elle la voit. Elle reconnait la blonde qu’elle a vu toute la journée. Décidément. Elle l’observe faire le même chemin quelques minutes plus tôt. Elle la suit. Plus ou moins discrètement. Elle essaie de faire attention, B’, mais c’est pas une pro de la filature ! Pourtant, la blonde ne tourne pas la tête. Elle se fait peut-être des idées quand elle se dit qu’elle fait trop de bruit… La fille n’a aucune idée qu’elle n’est pas seule au cimetière, alors elle ne prête peut-être pas attention aux bruits que Josephine fait. Ça doit être ça. Sauf qu’à un moment, la fille accélère et disparaît ! Merde. Tant pis pour la discrétion, Josephine se relève de toute sa hauteur pour essayer de voir où est passée la blonde. Mais elle ne voit personne. La nuit tombe petit à petit alors ça n’aide pas. Elle continue d’avancer quand même. Elle n’a pas pu aller bien loin. Elle n’a pas pu disparaitre. Sans qu’elle ne comprenne ce qui se passe, Josephine se retrouve au sol, plaqué par quelqu’un. Elle laisse échapper un cri de surprise, mais aussi de peur. Elle se débat mais s’immobilise bien vite quand elle comprend que c’est la blonde qui l’a faite tomber et qu’elle est désormais accroupie au-dessus d’elle. Mais surtout elle s’immobilise quand elle sent l’objet froid contre sa peau, contre son cou. Elle ne l’a pas vu mais elle imagine très bien ce que c’est. La lame d’un couteau. Elle est comme pétrifiée, le coeur qui bat à cent à l’heure. Par instinct, un de ses bras s’est positionné sous celui dont la main tient le couteau. C’est comme si son corps avait activé un mode de survie qu’elle ne connaissait pas. Son esprit, lui, s’attache au regard fou de la blonde. Elle semble comme possédée ! « Josephine. J’suis… Josephine. » Elle arrive à lui répondre, même si la peur l’étreint. Elle sait qu’elle est toute seule dans le cimetière. Il n’y a qu’elle et cette folle furieuse qui pourrait l’égorger tranquillement sans que personne ne vienne à son secours. Et si elle criait ? Le gardien l’entendrait peut-être ? Mais il serait certainement trop tard quand il arriverait. Elle ne sait pas trop quoi lui répondre B’. Elle ne lui veut rien. Elle tente alors de la repousser. « Lâche-moi ! J’voulais pas te faire peur ! »

Son cœur bat à cent à l’heure. L’impression que son cerveau réfléchit à toute allure, mais qu’elle ne parvient pas à savoir quoi faire. Elle ne s’est jamais fait attaquer, Josephine. Elle ne s’est jamais battue. C’est la première fois que quelqu’un lui saute dessus comme ça. Et avec un couteau. Elle se met à penser que sa dernière heure est arrivée. C’est quand même un peu ironique, mourir dans un cimetière. Bizarre comme pensée, à ce moment-là… Elle devrait plutôt penser à sa famille. Son père, sa tante. Le vide qu’elle laissera dans leur vie. Ils se tiendront devant sa tombe, en pleurs, dans ce cimetière, là où elle s’est fait trucider par cette folle furieuse. Elle est sortie de ses pensées par la blonde, et sa question… stupide. Bizarre. Pourquoi elle s’appelle Josephine. Comme si elle savait. Parce que ses parents avaient choisi ce prénom, voilà tout. Elle essaye de se reculer, quand la jeune femme approche son visage du sien, mais c’est compliqué quand on est plaqué au sol. La douleur semble avoir trouvé le chemin jusqu’à ses neurones. Tout son corps se rappelle à elle. Elle essaye de se dégager, faiblement, mais rien n’y fait. La blonde est toujours à califourchon sur elle. Seulement, le ton qu’elle emploie n’est plus du tout menaçant. Elle baisse même son couteau. Elle retrouve un peu sa respiration, Josephine. Et quand elle voit qu’elle range son arme, la brune se relève légèrement. « Je te suivais pas. Et puis toi, qu’est-ce que tu fais là ? » D’un seul coup, la menace semble avoir disparu, mais elle se méfie tout de même encore un peu. Elle est un peu déstabilisée par le comportement de la blonde, encore plus quand elle se lève subitement, s’excusant et lui demandant d’attendre. Elle reste sur le cul, Josephine, la regardant s’éloigner. Son esprit se ravive tout à coup. C’est le moment de déguerpir. Mais elle ne bouge pas. Elle est intriguée, B’. Enfin, elle a quand même un couteau dans sa poche, la blonde. Elle se lève, le corps toujours douloureux. Son cœur bat toujours à cent à l’heure. Tire-toi, Josephine. Mais si elle voulait lui faire du mal, elle lui en aurait fait, non ? « Putain… » qu’elle grommelle, suivant la jeune femme.

La blonde vient voir quelqu’un. En même temps, c’est ce qu’on fait quand on vient dans un cimetière, non ? Donc ouais, elle se sent un peu con, Josephine, avec sa question. En même temps, elle, elle ne venait voir personne. Il n’y avait pas de tombe ici sur laquelle elle aurait pu se recueillir. Arthur n’est pas là. La jeune femme se relève et Joey se sent déjà nettement mieux. Elle n’est pas encore tout à fait sereine, mais au moins, elle n’est plus menacée par une folle et son couteau. La folle qui s’en allait désormais, s’enfonçant un peu plus dans les allées du cimetière. Elle lui avait demandé de l’attendre, mais Josephine n’allait certainement pas obéir. Son instinct lui dictait de se tirer vite fait d’ici, et c’est ce qu’une personne sensée aurait fait, mais la curiosité est plus forte et Joey se met à marcher dans les pas de la blonde, jusqu’à la percuter. « Eh ! Fais gaffe ! » qu’elle lui lance tandis que Van se retourne vers elle. Elle la fixe sans un mot, mais si elle croit faire peur à Josephine, elle se trompe. Jo’ est une pro du regard qui tue, mais là, elle fronce plutôt les sourcils. « Je te suis, mais pas encore. » Et les deux femmes se remirent en marche. Bizarre cette fille… En plus, elle l’accuse de la mettre en retard ! « J’t’ai pas demandé de me sauter dessus… » qu’elle grommelle. Josephine observe la blonde, malgré la pénombre. La blonde qui salue les tombes qu’elles croisent, ou plutôt les esprits des tombes qu’elles croisent. Connaît-elle ces gens ? Josephine en doute. Elle est quand même carrément cinglée cette meuf. Et puis, elles s’arrêtent devant la tombe d’un dénommé Axel Scars. La brune lit les inscriptions sur la pierre tombale et pose un regard interloqué sur Van, surtout quand elle commence à discuter avec… bah avec personne en fait ! En tout cas, elle ne s’adresse pas à Josephine. Elle parle d’elle comme si elle n’est pas là, la traitant même de cinglée ! Elle hausse les sourcils quand Van se tourne vers elle pour lui parler. Cette fois, c’est sûr, elle s’adresse bien à elle. « C’est qui Axel ? A qui tu parles ? Et puis j’suis pas cinglée d’abord. » Elle lui aurait bien dit que c’est elle la cinglée, mais elle a couteau dans sa poche, alors Josephine ne va pas jouer avec le feu. « Tu m’as pas dit comment tu t’appelles... »

Putain mais qu’est-ce qu’elle fait là, Josephine ? À traîner dans le cimetière, la nuit, fallait pas s’étonner de croiser des gens bizarres. Apparemment, la blonde la prenait aussi pour une cinglée. Elles sont deux, comme ça… Parce que la blonde, là, elle est bien perchée, se dit Josephine. Elle parle à Axel - bien sûr ! Son regard se pose sur la pierre tombale, comme si tout à coup, elle allait le voir, le prénommé Axel. Mais elle ne voit toujours rien. Cinglée… Elle reporte son attention sur la fille quand elle lui dit son prénom. Van. Elle a presque envie de lui demander pourquoi elle s’appelle comme ça, comme elle lui a demandé plus tôt. Mais elle se retient. Son envie de quitter l’endroit est toujours présente, même si elle est de plus en plus intriguée par la blonde. Elle lui semble de moins en moins menaçante, mais elle reste sur ses gardes. Elle ne dit rien. Elle reste silencieuse par crainte d’interrompre la conversation entre Van et Axel. Ouais, c’est bizarre, mais Josephine est plutôt ouverte d’esprit. Ne vient-elle pas là pour pressentir quelque chose ? L’idée qu’un autre monde existe lui a souvent frôlé l’esprit. Fol espoir de peut-être revoir un jour Arthur. Elle se sent stupide, Josie, quand elle pense ça. Elle n’est plus une gamine. Elle doit se montrer réaliste, avoir les pieds sur terre. Ce soir, au cimetière, Josephine se laisse emporter, petit à petit, dans cette hypothèse. Un petit rire narquois sort de sa bouche. « Je sors qu’avec les gars que je peux voir ! » Et encore… Apparemment, Van est de son côté, sur ce coup-là. Mais son attitude change du tout au tout, en quelques secondes. Elle baisse les yeux, devient penaude. Elle fronce les sourcils, Jo, quand la blonde lui dit que son frère n’est pas gentil. Déjà, elle apprend donc qu’Axel est le grand frère de la blonde. Elle en déduit son nom entier. Van Scars. Et puis, elle se demande bien ce qu’il peut dire, le fantôme. Ou en tout cas, ce que Van peut entendre. Et puis, la jeune fille lui indique qu’il est parti. Vexé. « Invisible et susceptible… » qu’elle souffle. Elle secoue la tête, quand Van lui demande si elle a déjà vu un fantôme. « Je crois pas être déjà allé au purgatoire, et je suis pas morte. Ceci explique cela. Et toi ? » Le fait que Van parle aussi normalement de tout ça, encourage Josephine à faire de même. Elle regarde autour d’elle. Elle ne voit que des pierres tombales, dans les premières heures de la nuit. Elle se demande alors s’il y en a d’autres. Des fantômes. Elle regarde de nouveau Van. « T’en vois d’autres ? »

La scène est surréaliste. Josephine avec une inconnue, au cimetière, et la blonde qui parle au fantôme de son frère. A un mort, donc. Certainement que quand la brune sera de retour chez elle, dans sa chambre, elle se demandera ce qui lui a pris de suivre Van. Mais pour l’instant, Josie se détend et fait la conversation. C’est complètement fou, aussi cinglé que la blonde. Et pourtant, ça a quelque chose d’intéressant. La mort, les fantômes, le surnaturel… des sujets un peu tabous et sensibles. Un instant, elle s’est demandé si la jeune femme ne se foutait pas de sa gueule, mais elle n’en a pas l’air. Elle est curieuse de savoir ce que Van pourrait lui révéler d’autres. Enfin, pour l’instant, elle lui demande si elle sort avec des gars. Elle fronce les sourcils, Josephine. « Ça m’arrive. Parfois. Pourquoi ? » A son tour de se montrer un peu susceptible. Elle sait, B’, qu’elle est pas un canon de beauté, et que les gars ont plutôt tendance à se méfier d’elle. Mais quand même… « Tu sors pas avec des gars ? » La question lui vient comme ça, même si le frère de Van est là, apparemment. Elle en oublie sa présence, Josephine ! Difficile de dire si elle y croit vraiment. Une partie d’elle, oui. « Quelle genre de blagues il fait ? Ils ont un humour douteux, les garçons… » Au lycée, bien souvent, c’est d’elle et de ses potes qu’ils se moquaient alors forcément… elle ne partage pas leur blagues débiles.

Van lui explique ensuite que pour voir les fantômes, il fallait être mort ou être allé au purgatoire. Josephine n’avait fait ni l’un ni l’autre. Elle avait déjà bien vu un mort… mais ça s’arrêtait là. Parfois, elle avait eu envie de mourir, mais ça ne compte pas. Van, en revanche… « Qu’est ce qui s’est passé ? » Josephine ne voulait pas se montrer trop curieuse, et elle comprendrait si la blonde ne souhaitait pas lui répondre. Mais, il fallait qu’elle demande. La brune suivit le regard de Van, même si elle ne voyait toujours pas le fantôme en question. Germaine Moores. « Il se passe beaucoup de choses dans un cimetière ? » qu’elle demande, un peu rhétoriquement. « Et ils sont qu’au cimetière, les fantômes, ou y’en a ailleurs ? » Elle avait vu quelques films et séries sur le sujet, tout de même. Elle plonge son regard dans celui de Van quand elle lui demande ce qu’elle fait ici, si elle vient voir quelqu’un. Une seconde, elle reste silencieuse. « Non, j’ai personne à voir ici. » qu’elle souffle. « Enfin, je reviendrais peut-être voir ton frère… » Van comprendrait-elle le sous-entendu ? « J’aime bien venir ici. C’est calme. » Son regard se porte sur le cimetière, silencieux. Pas âme qui vive. « Tu viens souvent voir ton frère ? Tu viens voir d’autres personnes toi ? »