L’humeur d’Alonso s’était améliorée en rentrant chez lui, en dormant contre Jeff, en l’embrassant tendrement. Ils avaient un peu parlé de Daniel, Jeff lui avait raconté de douces anecdotes sur leur vie à deux parce qu’Alonso l’avait demandé, mais il semblait particulièrement inquiet de la réaction de son conjoint quand il en parlait. La peinture de Coco était arrivée un matin par transporteur. Ils l’avaient montée à l’étage mais il ne savait pas bien où la mettre pour le moment. Elle attendrait peut-être leur déménagement. Ils avaient aussi regardé des maisons sur internet, sans visiter pour le moment. Jeff était particulièrement attentif à lui, ce qui stressait encore plus Al qui s’inquiétait qu’il finisse par faire une dépression comme c’était arrivé après l’Espagne, du coup lui aussi était aux petits soins avec Jeff. Il lui ramenait des pâtisseries de chez Amalia, il le surprenait avec des fleurs. Tous les jours, Jeff lui laissait un petit mot avec un petit cœur dans sa sacoche, Alonso les collectionnait avec un certain plaisir et le rendait sous forme d’un petit dessin sous son oreiller. Ils n’avaient pas vraiment parlé de tout ça. Ça passait naturellement et Alonso n’avait pas envie de forcer les choses. Il aimait Jeff et Jeff l’aimait, ils ne refaisaient pas le passé. Son compagnon s’était coupé les cheveux, il était si beau. Le soir même, Alonso lui avait fait tendrement l’amour comme si cette nouvelle coupe de cheveux balayait une partie du passé.

En ce samedi après-midi, ils allaient à St Albans faire les magasins, se balader. Al avait envie de sortir un peu, de changer de Burlington qui lui rappelait trop le travail parfois. Il aimait bien St Albans et il y avait un bar gay qu’il affectionnait particulièrement et qu’il voulait montrer à Jeff. Après tout, leur vie était là, autant introduire Jeff dans ces cercles. Alonso salue Ioulia la barmaid d’une bise au-dessus du comptoir et présente Jeff comme son compagnon. Elle lui demande si c’est pour boire un verre. Ils s’installent en terrasse, Al papote des soirées ici accueillant des groupes de musique, des magiciens, des drags queens et kings, des spectacles de toute sorte. Il a l’air de bonne humeur, Jeff également. Il prend sa main alors qu’on apporte sa limonade à Alonso et son cocktail sans alcool à Jeff. Quand le sourire d’Alonso s’arrête brutalement. Un homme, la petite cinquantaine, d’apparence propre sur lui, s’approche de leur couple. Alonso ! Quel plaisir… Alonso dans un frisson retire sa main de celle de Jeff. Ne pas lui montrer ses failles. Stefan… souffle-t-il sans pouvoir dire plus. Enchanté, j'étais un bon ami d’Alonso pendant un temps… Alors comme ça vous êtes ensemble ? Le dénommé Stephan tente un sourire à Jeff, de son « bon ami » qui reste pétrifié. Al regarde l’homme, il regarde Jeff, essaie de lui faire comprendre qu’il n’a pas à répondre mais il reste muet. Il est comme bloqué. Va-t’en… finit-il par dire. Va-t’en, je t’avais dit de ne plus jamais m'adresser la parole… Enfin Alonso, ça fait quoi, quatre ans ? Il serait peut-être temps de passer à autre chose, tu ne penses pas ? Ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu. Va-t’en ! Cette fois ci, Alonso se lève et la limonade se renverse quand il bouscule la table. C’est bon, j’y vais, je voulais juste enterrer la hache de guerre… Stephan s’éloigne et Alonso le regarde s’éloigner. Stephan lui fait même un petit signe d’au revoir comme s’il ne voyait pas l’hostilité d’Alonso. Sa main se serre, il rentre ses ongles dans ses paumes jusqu’à sentir la douleur, une douleur qui le ramène à la réalité. Si Jeff a essayé de lui parler, il ne l’a pas entendu. Ses yeux tombent sur son compagnon. Pardon... Jeff. Excuse-moi. Il s'assoit, il se sent confus, idiot. Excuse-moi. répéte-t-il. Je... Il secoue la tête. Je vais me chercher un autre verre. dit-il en posant les yeux sur le verre éclaté au sol mais il n'enclanche aucun mouvement. Je suis désolé... murmure-t-il. Il semble complètement désorienté tout à coup.

Tu as fait très attention. Depuis votre retour et tu n'as pas cessé de faire attention, même quand tout s'était amélioré. C'était important pour toi. Qu'Alonso se sente bien, qu'il cesse de prendre ses médicaments contre l'angoisse si possible. Bien sûr, ça t'avait travaillé. Tu étais presque certain mais pas totalement qu'il s'agisse de ce type de prescriptions... alors tu étais allé regarder pendant qu'Alonso était en train de se laver, le second soir après être revenu de LA. Tu en avais eu la confirmation et ça avait serré ton cœur, d'être responsable de tout ça. Parc que c'était ce que tu pensais, évidemment, il n'y avait que toi pour provoquer ce genre de choses chez les autres. Ca t'avait beaucoup culpabilisé et tu n'avais rien dit, tu avais tout gardé pour toi et continué de le laisser aller mieux à son rythme. Des deux côtés, il semblait que l'un fasse attention à l'autre, chacun avec ses propres craintes. Tu avais même commencé par lui écrire des petits mots, chaque jour différent, pour qu'il les trouve. Tu espérais le voir sourire quand il les lirait, loin de toi, mais un sourire sincère, au moins. Tu rajoutais toujours un cœur, c'était le seul élément qui revenait à chaque fois. Et Alonso te répondait par un petit dessin qu'il glissait dans ta trousse de maquillage avant que tu utilises tes crèmes le soir. Ainsi, il était certain que tu les trouverais. Tu attendais ce moment maintenant, ce moment si précieux où tu allais trouver un dessin, souvent en rapport avec les mots que tu lui avais écrit le matin même. Tu espérais qu'Alonso soit aussi impatient que toi de retrouver ce petit bout de papier chaque jour. Pour le moment, vous n'en parliez pas, c'était bien plus amusant et doux de ne pas en parler.

Du jeudi, tu avais décidé de passer chez le coiffeur. Il était temps de te couper les cheveux. Tes cheveux qui poussaient te rappelaient trop combien tu avais sombré, combien tu ne t'occupais plus de toi, combien Alonso en était encore affecté. Ce serait plus simple pour les perruques de Coco, plus simple pour te coiffer. Alonso avait semblé apprécier, vous aviez fait l'amour ce soir là. Avec tant de tendresse et de je t'aime que tu avais envie de croire que le pire était passé.

Le weekend était arrivé et avec lui l'idée de sortir dans les bars. Dans un bar LGBT de Saint Alban, plus précisément. Tu gardais en tête l'idée d'acheter la cabane du Lac Champlain mais tu voulais la lui offrir. Alors il fallait que tout soit réglé, que tu puisses la décorer et la préparer pour l'occasion. Pour le moment, tu étais simplement rentré en contact avec le propriétaire par échanges de mails, il ne semblait pas très enclin à vendre. Il t'avait même proposé de te mettre en contact avec un voisin et une cabane similaire mais tu étais un fichu romantique. C'était dans cette cabane que vous aviez fait l'amour pour la première fois, parce que tu t'étais trompé en la réservant et qu'il n'y avait qu'un seul lit. Alors tu voulais celle là. Aussi parce que tu voulais montrer à Alonso que votre histoire comptait, qu'elle compterait toujours. Pour cette belle soirée, tu t'étais vêtu d'une chemise noire, un blaser gris à petits carreaux dans les tons marrons, un pantalon bordeaux sombre et une écharpe de soie rouge à motif autour du cou. Tu avais même hésité à parler celui d'une couleur similaire mais tout en cuir. Peut être que c'était trop pour une soirée douce comme vous souhaitiez passer ensemble.

Pour le moment, vous n'aviez pas reparlé de l'album. Il était bien en évidence dans la chambre que tu occupais avant de dormir avec Alonso, pour éviter que des gens de passage ne l'ouvre mais pour ne pas l'oublier. Tu avais encore certaines de tes affaires dans cette chambre alors tu y passais assez souvent.

Mais ça ne serait pas ce soir. Ce soir, tu allais profiter avec Alonso de ce bar, assis tranquillement en terrasse après qu'il ait salué la barmaid. Al commande pour toi un bloody mary aux fraises sans alcool, évidemment. La boisson est à la fois très bonne et aussi très belle. Tu le laisses te parler des soirées ici, tu viens doucement glisser que tu aimerais que le magicien d'ici soit en recherche d'une assistante. Alonso te parle des Dragqueen d'ici, celles dont il se souvient et plus particulièrement l'une d'entre elle quand quelqu'un vient vous interrompre. Tu relèves la tête vers l'homme que tu ne connais et que tu n'as jamais vu auparavant. Alonso lâche ta main, Lui semble bien le connaître mais tu as l'impression qu'il se tend. Il semble avoir votre âge, quelque chose qui s'en rapproche. Tu remarques que l'homme se présente lui même comme un ami...Au passé. Alors pourquoi venir vous voir ? En tout cas, Alonso confirme bien vite ce que tu pensais avoir compris. Cet homme n'est pas le bienvenu à votre table. Tu décroises tes jambes et te redresses sur ton dossier. Ce Stefan avait du faire beaucoup pour qu'Alonso semble si réticent à l'idée même de lui parler. Il ne connaissait pas tout de ta vie et tu ne connaissais pas tout de sa vie, c'était normal après autant de temps passé l'un de l'autre. Tu ne lui réponds pas. Tu n'es pas enchanté de voir cet homme qui semble mettre mal à l'aise celui que tu aimes.

Alonso se lève, renverse sa limonade. La scène se passe devant toi et tu n'y crois pas. Peut être que tu aurais du réagir mais tu ne le connais pas. Ton compagnon semble perturbé, il parle d'aller chercher une autre limonade -ton verre a toi était dans ta main et n'a rien subi- mais il ne bouge pas. Tu poses alors ton verre sur la table, tu tentes de voir si l'homme est toujours à portée mais il ne l'est plus. Un groupe de jeunes amis viennent de se retrouver et ils sont nombreux. C'est rien, c'est rien. Le verres reste sur le sol, brisé, il ne servira plus à rien. Tout le monde semble tellement dans son petit monde et heureux de se retrouver que personne ne semble avoir fait attention. Tu reprends sa main, cherches son regard. Tout de suite, tu penses à Flora. La manière dont il en a parlé... Ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu repasse dans ta tête. Comme si la personne ne pouvait plus rien vouloir, justement. Tu as l'air secoué... Je sais que tu me dis que ce n'est rien mais... Ce n'est pas rien n'est ce pas ? S'il revient, je lui fous mon poing dans la figure. Tu verras comme je peux être fort. Tu fronces les sourcils, tu es sérieux, tu le ferais. Qui est-il pour venir vous importuner ainsi lors de votre première soirée où tout allait mieux ? Quel rustre. Tu hésites, mais la phrase qu'il a prononcé te revient en tête. Il parlait de Flora ? Tu n'espères pas. Pas que tu ne veules pas parler d'elle, juste... Alonso était encore bien peiné de cette histoire et n'avait pas besoin qu'on le culpabilise à ce sujet.

Alonso ferme les yeux un instant. Ça le chamboule de l'avoir revu. Heureux, normal, comme si rien de tout ça ne comptait. L'histoire était longue - même si elle n'avait duré que quelques mois - et sineuse, et... il vient reprendre sa main dans la sienne, la chercher sur la table. La main de Jeff dans la sienne. Il ne pense pas à lui mentir. Il n'y arriverait pas. Il était secoué comme Jeff le disait. Non... Pas Flora. Non... Ellen n'est même pas une ex. C'était une amie, une amie pour qui j'ai eu... des sentiments, mais une amie seulement... elle n'est pas morte, enfin... Je ne sais pas. Je n'espère pas... Non... Elle est juste partie... murmure-t-il, ses yeux rougissent alors qu'ils observent la table. Non, elle était simplement vivante loin de lui. Une amitié brisée. Elle n'avait plus donné de nouvelles, tant mieux pour elle. À les haïr Stefan et lui, quelque part, penser qu'il a participé à tout ça. Elle... Il n'arrive pas à expliquer, trop dur, trop compliqué. Le verre... je reviens. Il se lève, il va commander sa limonade. Ioulia lui demande si tout va bien, il sourit et répond que ça va. Bien sûr, comme toujours quand ce genre de questions tombent. On répond que ça va.

Stephan était donc toujours dans le coin... tel un vautour et il était allé le saluer. Putain... Le monde était vraiment mal fait. Elle lui dit qu'elle s'occupera du verre qui était tombé qu'elle ne veit pas qu'il se blesse. Heureusement Stephan ne fréquentait pas ce bar. C'était un hasard, rien de plus qu'un hasard. Il revient avec son verre. Il regarde Jeff, décale sa chaise pour se mettre à côté de lui et pose sa tête contre son épaule. Contrairement à ce que Jeff avait pu faire pendant le dernier week-end, quand Alonso est triste, il ne rêve pas de ce qui aurait pu être, non. Il cherche du réconfort dans le réel dans celui qu'il aime et qu'il peut toucher, dans ce qui lui fait du bien. Je... Il ne sait pas s'il doit parler ou se taire. Je suis désolé Jeff... Je suis désolé d'être comme ça. Il vient poser un baiser dans ce cou qu'il aime tant, sentir ce parfum qui le rassure. Dans ces moments comme en Espagne, Jeff est comme un doudou, un concentré de tout ce qui va bien. Même si... Même si ce n'est pas si évident, l'essentiel en cet instant, c'est lui. Même s'il s'en voudra plus tard de ne pas lui avoir laissé la possibilité de l'aider ou non. Ellen aussi lui avait demandé de l'aide ainsi... Il sent un grand vide l'envahir.

Je n'en prends pas... Il change de sujet, il va le faire parce que tout se chevauche dans ce qu'il veut lui dire et çac'est plus important que l'histoire d'Ellen. Les médicaments que j'ai dans mon sac. Ceux que tu as vu dimanche dernier. C'est juste au cas où... Il ne voulait pas en prendre, avouer qu'il ne pouvait plus gérer avait déjà été difficile à évoquer auprès du psy. Le geste de se médicamenter était une autre étape. Il ne doute pas que ça l'aiderait mais il ne peut pas. Il est devant le vide et il recule et il avance mais ne tombe pas et c'est déjà aller bien. Comment tu vas, toi ? demande-t-il pour changer de nouveau de conversation et aussi parce qu'il trouve que c'est le bon moment quand une bombe vient d'exploser de s'enquérir de la santé mentale de son conjoint borderline qui vient de vendre la maison de l'homme qu'il a toujours aimé.

Tu es prêt à en découdre avec ce gars que tu ne connais pas. Il ne semble pas revenir mais qu'importe, tu iras le chercher s'il revient dans ton champ de vision. Tu le ferais, mais tu n'as pas beaucoup de forces alors probablement que tu ne lui ferais pas bien mal et que lui te ferait ensuite massacrer mais... Il n'avait pas à mettre Alonso dans cet état.

Pour le moment, tu te concentres sur Alonso, Alonso qui perd pied ce n'est pas habituel. Il a gardé son sang froid dans des situations tellement graves que tu te dis que cet homme a du avoir un fort impact sur un moment de sa vie. Tu penses à Flora mais il te confirme que ça ne la concerne pas. Il te parle d'une Ellen, il ne l'a jamais évoquée avant. Pas sur des photos, pas dans un souvenir. Décidément, vous en aviez des choses à apprendre l'un sur l'autre encore. Alonso ne semble plus en contact avec elle, ça expliquerait le manque d'informations. Mais tout de même, il est bien trop affecté et ce n'est pas bon pour lui, pas avec tout ce qu'il vient de vivre. Tu repenses à ses médicaments, ceux qu'il doit prendre par ta faute... Est ce qu'il va augmenter la dose à cause de ce soir ? Tu veux parler mais Alonso te fuit, comme tu aurais pu le faire. Tu pousses un long soupire, tu n'aimes pas forcer les gens, ceux que tu aimes, à parler. Mais Alonso était un mur si bien érigé que tu allais devoir le faire.

Tu regardes encore autour de vous, cet Stefan t'obsède un peu. Parce que s'il est un fauteur de trouble il est aussi une clef pour en savoir un peu plus. Sans doute qu'il ne voudrait pas te parler, mais tu aurais aimé essayé. Alonso revient, se rapproche de toi, il a besoin de ton contact alors tu le laisses venir, tu l'accueilles avec plaisir si ça peut lui faire du bien. Tu passes ton bras dans son dos et pose ta main contre sa hanche. Tu commences de lentes caresses. Stephan n'existe plus pour le moment, tu te concentres sur Alonso qui a besoin de toi. N'importe quoi. Tu vas arrêter la limonade, elle te fait dire n'importe quoi. Tu prends une voix douce, rassurante. Comme un câlin mais avec des mots. Comment peux-tu être désolé d'être Alonso, c'est mon genre de personne préférée ! Tu ris doucement, espérant le faire sourire également.

Mais ça ne s'arrange pas. Alonso te parle maintenant des médicaments. Il passe d'un sujet à un autre. Tu ne comprends pas que c'est pour te perdre, toi, tu as surtout l'impression que lui est perdu. Toi aussi tu dis des trucs insensés quand tu commences à partir en crise alors c'est ce que tu connais le mieux... Alonso n'a pas ta maladie mais peut être que ça l'affecte tant qu'il commence à délirer ? Tu te sens perdu. Pas stressé, pas angoissé, juste perdu. Alonso... On va rentrer ? Ou bien tu veux marcher un peu ? Je vois bien que tout ça te touche. Ne t'inquiète pas pour les médicaments. On en parle aussi si tu veux. Et pour te répondre, ça va. Mais je m'inquiète pour mon genre de personne préférée... Tu rebondis sur ce que tu as dit plus tôt. Ton verre n'est pas fini, il reste même une bonne partie de la boisson mais tu n'as pas envie de le finir. Toi, les ambiances bruyantes, le monde, les rires, les discussions, ça te perturbe quand tu es dans l'état d'Alonso, donc tu penses qu'il serait mieux avec un peu plus de calme. Tu continues tes caresses sur sa hanche puis tu le fais se redresser pour qu'il puisse te regarder. Je te laisse choisir, soit une promenade, soit on rentre. Mais dans les deux cas, il faudra que tu m'expliques. D'accord ? Tu gardes ce même ton doux, que tu espères rassurant, ton air l'est également. Tu repenses encore à ce Stephan, quelle mauvaise personne, à avoir mis Alonso si mal. Tu le maudis, tu aimerais être un espèce de sorcier et lui jeter un sort pour que du pipi lui sorte par les trous de son nez, tout le temps.

TW : Violences conjugales

Son genre de personne préféree hein ? Il sourit doucement. Être entouré de monde ne le dérange pas, au contraire c'est plutôt rassurant de voir que des gens rient et vont bien autour de lui. Mais Jeff a envie de partir. Il soupire. Je suis bien ici... Je termine mon verre et on y va, d'accord ? Il venait de racheter une limonade en plus. Jeff n'a pas l'air d'être étonné pour les médicaments, il doit donc bien savoir de quoi il en retourne. Il est rassurant, inquiet - Alonso le voit et aimerait faire quelque chose - mais il reste rassurant. Il se redresse sur sa chaise quittant le cou de Jeff. J'ai connu Stefan avant Ellen, je connaissait Stefan depuis... Je sais pas, quinze ans ? Je l'ai rencontré ici à St Albans, il tenait une librairie. Il a du mal à savoir comment résumer. Ellen... il a un sourire en parlant d'elle. Ellen je l'ai rencontrée à la pharmacie quand j'ai commencé à m'intaller ici. Elle achetait des médicaments pour sa mère. On s'est tout de suite bien entendus. À l'époque, j'étais fraichement divorcé, je voyais un gars qui s'appelait Theo. Il était si beau, un peu obsédé par le sport et son physique mais si tendre et gentil au début... Ça lui arrache un nouveau sourire. Il prend la main de Jeff et la porte à ses lèvres. Il le regarde et hésite.

Tu es sûr que tu veux entendre cette histoire ? C'est... Je ne sais pas. Tu vois... toi tu arrives à ne voir que le bon chez les gens, quand tu me racontes ton passé, tu ne parles pas de ces moments difficiles... Jamais. Comme si ça n'existait pas... Alors, c'est compliqué de te raconter les miens quand tu ne me livres jamais rien. Quand, je dois tout découvrir tout seul souvent au dernier moment... Oui, il le blame un peu. Jeff n'a rien demandé, mais il veut qu'il comprenne que ce qu'il peut faire pour lui... Jeff ne fait jamais l'inverse. Tu veux vraiment une explication ? Ça ne va pas être joli, tu te doutes... il le regarde. Il se demande si Jeff veut vraiment entendre tout ça. Mais Jeff a l'air de ne pas vouloir l'interrompre alors il recommence à parler.

Alors... C'est moi qui ai fait rencontrer Ellen et Stefan, forcément. il laisse une pause, quelle connerie. Elle cherchait un cadeau pour sa mère et il lui avait proposé la librairie de son ami. Il sait qu'il a dit à Jeff qu'il n'avait pas été en couple depuis son divorce. C'était vrai dans le sens où il n'avais jamais eu de relation fortes, jamais eu l'impression de construire quelque chose. Ca a duré six mois avant que ça ne dérape. On sortait tous les quatre, elle et Stef, Theo et moi. Je voyais que parfois, elle était fatiguée, je voyais que parfois elle avait l'air d'avoir pleuré. Je l'ai vue seule quelques fois, on s'envoyait des messages. J'ai... développé des sentiments pour elle. C'est vrai. J'ai commencé à m'inquiéter pour elle. Une fois... J'ai dit à Stefan que je la trouvais un peu éteinte. Il a rit en disant que c'est parce qu'ils étaient tellement amoureux qu'ils n'en dormaient pas la nuit. En aparté, elle m'a demandé de ne plus jamais parler d'elle à son homme et de me meler de ce qui me regardait, que j'étais un ami rien de plus. Il a un léger rictus. Stefan avait dû se sentir en danger pour dire ça. C'était ce qu'il pensait à l'époque. On sortait parfois tous les quatre, parfois je ne voyais que Stef - parce que ça avait toujours été mon ami -, mais je ne la voyais plus seule, elle devenait de plus en plus fuyante... Theo a commencé a devenu suspicieux, il m'a fait des scènes, pleurait beaucoup, disait que je ne l'aimais pas autant qu'il m'aimait, ce qui était vrai... mais ça me faisait souffrir également. Un jour, il m'a claqué en me disant qu'il savait ce que je le trompais. Que Stefan lui avait dit que je lui avais fait des avances, qu'il m'avais vu traîner avec d'autres mecs. Je me suis défendu, mais ça a été pire, j'ai fini par le quitter... Puis... je suis allé chez elle, chez eux, je voulais m'expliquer avec Stefan... c'est là que j'ai entendu les coups, les cris, les insultes. Il ne développe pas, il caresse doucement la main de Jeff.

Je suis intervenu, bien sûr. Tu me connais. Il sourit à Jeff, dépose un baiser sur sa joue. La scène se rejoue devant ses yeux, il a commencé à boire sa limonade. Mais elle l'a protégé, lui... même au sol, elle continait à le protéger lui. Bien sûr, à quoi je m'attendais... Il baisse les yeux. Il connait bien le mécanisme que Russell a pu mettre en place sur Jeff. Il l'a vu... Il le craint. Cette emprise des gens violent, des relations toxiques. Il fait tourner son fond de limonade dans son verre. Elle n'a plus voulu me voir après ça et quand j'ai insisté, elle m'a dit que si je continuais, elle porterait plainte contre moi pour agression... que c'était facile, elle était couverte de bleus... que Stefan la soutenait, que Theo la soutenait aussi. Apparemment, elle s'était rapproché de lui. Elle m'a dit qu'elle savait que j'avais été violent avec lui aussi... Le regard qu'elle m'a lancé, que je pouvais bien lui parler, que j'étais comme les autres, que si j'avais quitté Theo c'était juste pour l'avoir elle, qu'elle avait bien vu comment je la regardais, que je la dégoutais... je te passe les détails... j'ai battu en retraite, forcément.

Il soupire, termine son verre. L'histoire n'était pas finie, il y avait eu d'autres évènements après ça et Ellen avait fini par disparaître dans la nature. Mais ça donnait un bon aperçu de la situation... De pourquoi cet ami n'était plus un ami, de pourquoi il ne voulait pas qu'il approche non plus de son compagnon. Alonso fait un léger sourire à Jeff. On y va ? Marcher je veux dire. Il aurait aimé lui raconter une belle histoire, il aurait aimé avoir une histoire comme celle de Daniel dans sa besace mais il n'en avait pas. Enfin... il avait eu de belles années avec Sonia, il avait eu le souvenir de Flora... mais il avait tout le reste qui le rendait suspicieux, inquiet dans ses relations aux autres. Ils circulent dans la ville, évite de passer dans la rue où pourrait se trouver Stefan. Il reste silencieux, ne sachant pas quoi ajouter.

Alonso préfère rester encore un peu. Tu as du mal à comprendre parce que toi, tu aurais préféré le calme. Les rires des uns, les exclamations des autres, la musique... Tout t'aurait perturbé pour raconter quelque chose de difficile. Enfin, tu étais celui à l'écoute ce soir alors tu allais faire comme lui préférait. D'accord. Tu réponds sans hésiter. Si c'était ainsi qu'Alonso se sentait plus à l'aise pour te parler, vous feriez comme ça.

Ton compagnon se place pour mieux discuter, tu te remets contre le dossier et tu croises tes jambes à nouveau. Alonso est bien plus méthodique, il te dresse un plan de la situation pour que tu t'y retrouves. Tu notes mentalement que Stefan et Ellen étaient donc ensembles et que lui était avec un Theo, un beau et gentil Theo. Alonso fait une pause, prend ta main pour y déposer un baiser. Tu vois dans son regard qu'il n'ose peut être pas alors tu lui souris, tu veux lui faire comprendre que tu es là, même avec le monde et la bonne humeur ambiante, tu es là et tu n'es là que pour lui. Tu perds rapidement ton sourire. Tu es sûr de vouloir écouter cette histoire, même si elle n'est pas simple mais... Alonso y place un reproche pour toi avant de la commencer. Tu comprends bien ce qu'il sous entend, que ce n'est pas juste, pas égalitaire si lui doit se confier sur ces choses là alors que tu ne le fais pas, que tu présentes toujours tes ex comme des être merveilleux jusqu'à...Qu'il découvre des choses plus sombres. C'est vrai qu'il doit les découvrir alors que tu devrais lui en parler. C'est vrai que tu t'enfermes souvent dans un passé édulcoré parce que c'est ainsi que tu as toujours fait, toujours survécu aussi. Tu te tournes rarement vers le présent, encore moins vers le futur. Tu commences à le faire avec Alonso... Mais les vieilles habitudes sont tenaces. Tu hoches la tête. Oui tu veux une explication. Tu te sens blessé par son reproche mais pas blessé parce que tu le trouves injuste. Au contraire, tu es blessé parce qu'Alonso a raison, que tu entends sa demande derrière ses paroles et que tu t'en veux d'être comme tu es.

Alonso reprend, tu mets de côté sa remarque. Tu dois être pleinement concentré sur ce qu'il va te raconter. Il résumé brièvement la situation entre Stephan et Ellen, tu avais bien saisi. L'histoire s'écrit à travers les mots prononcés de ton compagnon, ton air change, devient de plus en plus désabusé et peiné à mesure où il te la raconte. Une bien triste histoire, un schéma que tu ne connais que trop bien. Alonso a pris ta main, tu serres la sienne de temps en temps pour lui montrer ton soutien. Ton cœur est lourd. Lourd pour Alonso, lourd pour Ellen aussi.

Tu souris en retour de son sourire, de son baiser sur ta joue. Tu hoches la tête, juste un peu. Bien sûr qu'il est intervenu. C'était une des forces d'Alonso que tu admirais. Tu aimerais l'avoir mais ce n'était pas le cas. Par contre, tu n'as plus aucune empathie pour Theo. Comment est ce qu'il a pu mentir comme ça ? Faire croire à Ellen qu'il subissait la même chose qu'elle ? C'était une accusation très grave et bien souvent, ces accusations qui n'étaient que du vent faisait beaucoup de mal à ceux qui étaient concernés en plus d'en faire aux autres victimes, qu'on avait du mal à croire. Tu fronces les sourcils, tu détestes cet homme. On y va. Tu réponds quand il te le demande. Tu es toujours en colère à l'intérieur mais tu ne le montres pas. Tu viens prendre Alonso par la taille, tu le fais se serrer contre toi quand vous marchez. Tu attends de t'éloigner un peu du bar. Tu es tellement en colère. Je vais commencer par l'évidence. Ce n'est pas de ta faute, tu le sais ? C'était compliqué. Parfois, quand toutes les personnes concernées se liguées contre celle qui n'était pas responsable, cette personne pouvait penser l'être, un contre tous, c'était toujours très difficile à gérer émotionnellement. Je suis désolé pour ton amie. Pour Ellen. J'espère qu'il n'a pas dit qu'elle allait bien juste pour te mettre le doute. Alonso... Tu t'arrêtes, vous êtes à un endroit un peu plus calme, il y a un parc un peu plus loin, ça serait sans doute une bonne idée de s'y rendre. Si ça te travaille trop, on tentera de retrouver Ellen, d'accord ? Parce qu'il t'a mis le doute je me trompe ? Tu sais, ces gens là, passent à autre chose et n'en ont plus rien à faire. Il n'y a que des gens comme toi ou moi pour continuer d'y penser. Les agresseurs... Les agresseurs comme Stephan oublient, parce que ça ne compte pas. Mais te voir aurait pu raviver son envie de replonger dans cette histoire, je sais que ce que je dis n'est pas rassurant mais je l'ai vu plusieurs fois, ce comportement, on me l'a aussi expliqué plusieurs fois en thérapie. Les gens mal attentionnés, qui se plaisent dans l'idée de détruire des vies... Ces gens là. Tu prends une grande inspiration, tu sens la colère grimper en toi, tu es rarement en colère alors tu reconnais ce sentiment quand il grandit dans tes veines. Il ne te fera pas de mal, d'accord ? Il ne m'atteindra pas non plus. Je suis désolé mon Alonso, mon tendre. Tellement désolé pour ce que tu as vécu... Tu viens le prendre contre toi, tu as besoin de le sentir contre toi à cet instant et tu penses qu'il en a aussi besoin.

Ils marchent, Jeff vient le prendre par la taille et Alonso lui sourit tendrement. C’était une histoire qui n’avait jamais fait de sens dans son esprit. Il l’avait vécu, il l’avait complètement vécu avec toutes les émotions, mais quand elle s’était terminée, il s’était senti vide, vraiment vide. C’était quelque chose qu’il gardait en lui, son ami de long terme s’était révélé être un monstre, l’homme qui était son petit-ami s’est retourné contre lui et la femme pour qui il avait développé des sentiments l’avait mis dans le même sac que les autres. Comme si… Il était responsable de tout ça. C’est lui qui avait réuni ces trois personnes entre elles. Qui avait réuni cette alchimie et créé le désastre. Jeff lui dit que ce n’est pas de sa faute comme s’il lisait dans ses pensées. Je sais… Je ne suis pas responsable, pas vraiment… Jeff l’arrête. Retrouver Ellen ? Non… Non, il ne fallait pas, il ne voulait pas. Il écoute Jeff et ce dernier finit par le prendre dans ses bras. C’est curieux, ce n’est pourtant pas lui qui a été victime. Il a tellement intériorisé toute cette histoire. Il n'arrive pas à la ressentir. Il a fait en sorte de mettre ça de côté et de continuer à avancer. Il ne la retrouvera pas… souffle-t-il Et je ne le laisserais pas t’approcher, jamais…. Al ferme les yeux et le serre un peu plus fort. Son Jeff. Il n’en pouvait plus de savoir que des gens comme Russell ou comme Stefan s’en sortaient systématiquement, que c’était aux victimes de fuir parce qu’elles étaient trop terrifiées pour porter plainte. Ils marchent tranquillement jusqu’au parc.

Je n’ai pas vraiment fini cette histoire. Il s’assoit sur un banc et entrelace ses doigts dans la main de Jeff. Il s’est passé deux mois pendant lesquels je n’ai eu aucune nouvelle, ni d’Ellen, ni de Stefan, encore moins de Theo… Je voulais plus en entendre parler, j’avais le cœur brisé d’avoir perdu en quelques semaines deux amis et mon petit-ami. Mais, elle est revenue vers moi un jour à la pharmacie, elle tremblait comme une feuille et a demandé une pilule abortive… Je lui ai donné. Bien sûr, ce n’était pas à lui de décider pour elle. Elle m’a demandé si on pouvait se voir après mon service. Elle avait l’air d’avoir maigri, elle était pâle et en hypervigilance. On s’est vu régulièrement après ça. Elle me parlait de ce qui se passait chez elle… Enfin, elle arrivait à poser les mots. Un jour, je lui ai proposé de l’aider à partir. La première fois, elle n’est pas venue, la seconde fois non plus. Elle s’est excusée et a dit qu’elle l’aimait encore, qu’il ne lui voulait pas vraiment du mal qu’il avait simplement peur de la perdre. Un soir, elle est venue chez moi. Sonner à ma porte et elle m’a dit qu’elle voulait partir maintenant. On a pris la voiture et on a roulé pendant des heures. Je l’ai laissée à un bus à Buffalo. Elle a passé la frontière canadienne et je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Je n’en ai jamais parlé à personne avant aujourd’hui. Il se dit qu’il peut faire confiance à Jeff, qu’il n’irait jamais trahir Ellen auprès de Stefan. Il repense à cette escapade improvisée. Bien sûr, tu imagines bien que Stefan s’en est pris à moi… J’ai fini par faire intervenir la police un soir où il est venu chez moi. Je ne l’avais jamais revu avant aujourd’hui. Alonso reste pensif. Voilà, tu sais tout ou presque. Il regarde le ciel. Pourtant, il en avait repassé des soirées ici et Stefan n'était jamais réapparu. Il s'est dit qu’il était parti, puis apparemment non… Ou peut-être était-il revenu. Il ne voulait pas vraiment le savoir.

Alonso se veut rassurant. Tu restes aux aguets, tu sais qu'il va minimiser les actes des autres et se sentir responsable. Vous avancez tranquillement, l'air se rafraichit mais il fait bon encore. Pour continuer de discuter, vous vous mettez sur un banc, vos doigts entrelacés les uns avec ceux des autres. Tu amène sa main à ta bouche pour y déposer un baiser. C'est bien plus calme ici, peut être qu'Alonso aurait pu te parler avec le bruit mais tu n'aurais pas pu être aussi attentif qu'ici. Tu n'arrivais pas à faire abstraction des bruits autour de toi. Alonso te raconte la suite de l'histoire, tu montres que tu es bien présent tout le long, que tu ne fais que l'écouter et que tu notes mentalement chaque nouvelle information. Cette histoire avant tant duré. Pauvre Ellen. C'était bien entendu la plus à plaindre dans l'histoire, elle qui avait tant subi...Elle qui avait trouvé le courage de fuir. Tu espères qu'elle va bien, elle méritait d'être heureuse. Peut être qu'elle avait eu raison, de quitter le pays, de tout recommencer, d'être trop loin pour se laisser tenter à nouveau par ses démons. Des démons sous la forme d'un homme, peut être deux, quand tu écoutes bien l'histoire.

Tu reconnais le procédé. Tu ne le connais que trop bien. Ton cœur se serre. Quand on est dans ce genre de relation, quand on en sort et qu'on se rend compte de l'emprise que l'autre ou les autres, pouvaient exercer était si vicieuse et grande, on se dit que ça ne peut pas arriver aux autres, c'était tellement évident, quand tu t'en rendais compte que tu t'en voulais d'avoir tout de même plongé là dedans. Et pourtant, d'autres vivaient cet enfer d'emprise comme tu l'avais vécu et malheureusement, tu étais bien placé pour savoir qu'on n'en sortait jamais vraiment, on apprenait à vivre en tentant de reconnaitre les signes, en s'entourant de bonnes personnes. Mais le mal guettait toujours, le mal qui se représentait en ces personnes. Parce que pour eux, trouver quelqu'un comme Ellen ou toi était comme trouver une parle dans un coquillage. C'était quelque chose de rare et précieux. Dans tout ce qui pouvait y avoir de pervers.

Tu fermes les yeux quand lui les lève au ciel. Tu les rouvres et viens doucement caresser sa barbe. Tu aimerais qu'il ne se sente pas responsable. Alors à la fin... Elle semblait avoir compris que tu ne lui voulais pas de mal ? C'était au moins ça, pour elle, Alonso n'était plus un ennemi. Peut être qu'elle le voyait comme un ami, un ami lointain qui était parvenu à l'aider sans poser de questions, pour une fois, en respectant son besoin d'être oubliée. Mais c'était Alonso qui en payait le prix, puisque lui n'avait aucune nouvelle de son ancienne amie. Tu n'as pas voulu en savoir plus à cause de ce connard ? C'est ça ? Ils étaient capable de tout, ces démons. De cambrioler une maison qui pouvait contenir des informations, de s'inviter en profiter de la faiblesse de leur victime et de montrer qu'ils avaient toujours les pleins pouvoir... Des démons comme Stephan ou comme Russell, qu'on enfermait pas, ou peu parce qu'ils savaient avec qui ils pouvaient jouer ou non. Tu ne veux pas que je m'en mêle, c'est ça ? Alonso. J'ai besoin de savoir parce que je sens que cette histoire te touche encore et si tu ne me dis pas que je dois rester en dehors de tout ça, je vais avoir envie de le faire. En pensant bien faire, en lui cachant des choses avec cette mauvaise habitude que tu as et qui est si compliquée à faire partir.

Je ne sais pas, si elle m'a pardonné. Je ne sais pas si elle me faisait vraiment confiance. Je crois que j'étais simplement la personne la moins pire qu'elle avait. Sans doute que Stef croyait que jamais elle ne me referait confiance... Les moments où elle parlait, je ne disais rien, et d'ailleurs j'aurais sans doute dû aller voir la police plutôt que de rester silencieux... Elle était partie, sans jamais oser le toucher, même lui dire au revoir, comme si elle le craignait encore. Non, il n'était pas sûr qu'elle sache. Mais peut-être s'est-elle dit que seul un monstre pouvait en battre un autre. Elle était si différente, à la fois si forte et pourtant totalement sous cette emprise.

Al secoue la tête. Moins j'en sais, mieux c'est pour elle, mieux c'est pour tout le monde... répond-t-il. Il sent que Jeff est en colère, lui garde ses distances mais Jeff bouillonne, sans doute que cette histoire est un écho à la sienne. Il comprend, aller contre Russell était compliqué mais Stefan, ce n'était pas son combat, il était moins touché. Les mots de Jeff durcissent son visage. Non Jeff, je ne veux pas que tu t'en mêles, je ne veux pas que tu cherches Ellen, je ne veux pas que tu t'approches de Stef. Ça te plairait d'être retrouvé par des amis de Russell toi ? C'est de la vie d'une personne dont on parle. Pas d'un jeu de piste. Je n'ai pas cherché à savoir où elle allait, je n'ai pas cherché son numéro,  je n'ai pas cherché à savoir si elle avait avorté comme Stef lui avait imposé. Je ne veux pas savoir Jeff. Parce que ce savoir la mettrait en danger. Je préfère qu'elle me croit dangereux et qu'elle se cache. A quoi ça l'avancerait de savoir que je l'ai aimée, que si elle n'avait pas croisé la route de Stefan j'aurais pu prendre soin d'elle ? A rien Jeff, à rien. Je resterais un monstre pour elle et tant pis pour moi... Il sent l'émotion le gagner, il se tait.

Il reprend plus doucement. Je t'en supplie Jeff, si j'avais voulu faire quelque chose, je l'aurais fait. Je t'ai toi, je t'aime, tu es plus important que tout ça et ça me suffit. Il a pris son autre main. Les yeux d'Alonso brillent de peur et de tristesse. Jeff, je t'ai fait confiance en te racontant ça, je t'en supplie ne me fait pas regretter. Pas... ça en plus. Pas un regret supplémentaire. Je n'ouvre pas ton album photo, je ne fouille pas dans ta vie, je ne te force jamais à me parler alors que je sais que tu me caches tellement de choses. Tellement de choses qui sans doute me feraient du mal et j'ai envie de savoir, si tu savais comme j'ai envie de savoir parfois. Mais je me contiens, pour ne pas te blesser, alors, s'il te plait respecte mon choix. Il caresse sa barbe, il ne dit pas ça pour le blesser, il lui dit pour qu'il intègre, que l'histoire d'Ellen ne devait pas être touchée. Il en connaissait les secrets maintenant et il en partageait la responsabilité.

Alonso semble s'énerver. Non, il s'énerve totalement et compare même cette situation à la tienne. Tu pensais pouvoir l'aider, juste pouvoir l'aider mais tu as mal fait. Tu as mal pensé. Tu te sens coupable, tout de suite, bien évidemment, parce que tu avais toujours ce rapport avec Alonso... de penser que tu ne pouvais pas le décevoir, pas le mettre en colère. Il t'avait parlé de relation égalitaire mais tu n'y croyais que pour lui faire plaisir, en réalité, tu pensais que ça n'existait jamais et que tu devais te soumettre à ce qu'il te disait. Tu avais toujours fonctionné ainsi et c'était ainsi que l'on t'aimait. Ses mots n'étaient pas suffisant. On ne changeait pas un fonctionnement par des mots bien placés, même si tu voulais y croire, ton passé était toujours là à te hanter et il le ferait encore pendant longtemps. Ce qui te blesse le plus, c'est qu'Alonso ne t'en sente pas capable, qu'il pense que tu veux juste t'amuser sans connaitre les conséquences. Bien sûr que tu aurais fait attention. Mais Alonso doit te voir comme quelqu'un d'irresponsable. Je voulais t'aider... Tu lâches sans vraiment le dire, tu le souffles même. Mais tu es un être irresponsable et on ne confie rien d'important à des gens comme toi.

Alonso se radoucit, t'explique avec un peu plus de douceur. Tu le sais qu'il t'aime, tu le sais, mais tu te sens blessé qu'il ne t'aime pas comme on aime quelqu'un que l'on croit son égal. On peut l'ouvrir l'album... On devait le faire mais on a juste oublié... Tu es de mauvaise foi, tu l'as disposé quelque part où vous ne passiez plus, pour être certain de savoir où il était mais ne pas devoir y penser. Tu y as un peu songé, aux photos dedans. Tu sais qu'elles ne vont pas lui plaire. Je sais que je me comporte mal mais j'ai tellement, tellement peur que tu me demandes de partir si tu te rends compte que je t'ai caché des choses, comme tu dis. Le problème c'est que forcément, tu ne sais pas tout de ma vie sans toi pendant toutes ces années alors il y a des choses que tu vas penser que je t'ai caché alors que... Je n'en parle juste pas... Mais on peut regarder cet album... J'ai juste peur qu'il nous fasse du mal et... J'ai toujours peur Alonso. Il pouvait le prendre comme un manque de confiance, cette peur que tu avais et qui te faisait mal agir. Enfin. Tu ferais comme il aurait envie. Tu lâches ses mains. Cette semaine n'avait été qu'en s'améliorant et puis il y avait ce soir, ce soir qui gâchait tout.