En vrai, ça ne doit pas être si terrible. Sur la route pour se rendre chez sa sœur, Billie passe mentalement en revue les raisons pour lesquelles Sam pourrait lui en vouloir, ce qui expliquerait l’attitude plus que distante de ces dernières semaines – ces derniers mois ? Difficile à dire pour l’aînée qui n’a jamais été très proche de sa famille, ne s’aperçoit qu’avec un retard énorme du wagon raté, quitte à ce qu’il s’agisse de l’ensemble du train à ce stade. Bah ! C’est rien. La discussion au sujet du cadeau de fête des mères est loin, très loin, tellement loin que déjà oubliée en réalité. A côté de la plaque, la grande sœur qui sent bien que quelque chose cloche mais serait incapable dire quoi, vu que tout cloche toujours plus ou moins dans ses échanges avec Samantha. Des élans de rancœur, aussi, ont très probablement ralenti le processus de prise de conscience : miss parfaite a mal pris tel ou tel truc, elle s’en remettra. Fine, mais que se passera-t-il le jour où elle ne s’en remettra pas, ne fera pas mine de passer à autre chose, n’arrondira pas les angles et laissera Billie seule avec ses rancœurs incompréhensibles ? Well,idk.

Et c’est bizarre, parce que tout en sentant que quelque chose a définitivement changé, rien ne semble avoir changé pour autant : Sam continue de passer voir Shéra, continue d’accepter de la garder pour dépanner sa sœur, continue de la récupérer à la sortie de l’école lorsque Billie est bloquée sur un chantier… Attendez. Ouais, en fait Sam continue d’avoir une relation avec Shéra, juste pas avec Billie. Lorsqu’elle s’en était rendue compte, un peu par hasard finalement, la blonde n’avait pas pu se retenir de froncer vivement les sourcils, comme vexée par l’évidence et son caractère plus que compréhensible. Jamais été proches, mais rarement été aussi éloignées, un truc pas chouette dans l’air qui pousse Billie à se garer devant chez sa sœur un jour où elle est sûre qu’elle sera chez elle. Elle n’a pas prévenu de sa visite -trop peur que Sam lui serve une disquette- et n’a pas non plus emmené Shéra avec elle : face à face même pas désiré au fond mais il faudra reconnaître que quelque chose la gêne dans l’idée que ce soit Sam qui fasse la gueule, parfaite Sam qui soit fâchée – de quoi au juste ? « Hey ! » La voix se veut joviale lorsque la porte de sa maison s’ouvre enfin sur sa sœur, pourtant tout sonne faux dans cette salutation détendue. Pas l’habitude de tant de décontraction, surtout pas l’habitude de débarquer sans prévenir. Billie le sait, le sent, fait mine de ne pas s’en émouvoir en affichant un large sourire : « dispo pour une séance shopping ? C’est bientôt ton anniv, j’me suis dit que ce serait sympa de faire un tour de repérage ensemble ? » Probable qu’entre sœurs normales, cette proposition puisse effectivement sembler sympa. Entre Billie et Samantha, en revanche, elle a absolument tout de très bizarre.

 Vie tranquille, des hauts, des bas, des doutes. Habituelle à elle même finalement, tous ses proches semblent être au courant de ses envies, sauf sa famille. A force d’attendre le bon moment, il n’est jamais vraiment arrivé, celui de confier son mal être, cette incapacité de donner la vie - la raison d’un divorce qu’elle digère enfin. C’était au cours d’une conversation hasardeuse, la réalisation qu’elle était enfin over it, une blague sortie de nulle part. Si on arrive à en rire, c’est que finalement, ça va, right ? Le temps qu’il faut, chacun dans son processus. Peut-être plus sensible que les autres, allez savoir. Elle y avait cru, à cette promesse d’éternité, la romantique. Conflit interne, jamais vraiment confié, surtout pas à sa mère; ne trouverait absolument pas une oreille attentive, plus dans le désespoir de la voir cocher des cases de vie, plutôt que de la savoir heureuse. Constat triste, mais accepté par la blonde qui continue d’en discuter une fois par mois auprès d’une professionnelle. Sa mère n’est évidemment pas la seule qu’elle mentionne lors de ses séances; pendant un temps, il y a eu Billie. La soeur qui ne l’aime pas, ou du moins qui lui fait se sentir comme pas suffisante, pas assez bien. La pédopsychiatre qui avait été à deux doigts de le lui verbaliser, un jour de mai, s’était finalement ravisée, dernière tentative d’arrondir les angles, de peur d’être confrontée à un coin de meuble douloureux; d’être confortée dans ce sens, finalement.

Par instinct de préservation, avait décidé d’arrêter d’essayer, avait réalisé que ça lui faisait plus mal qu’autre chose d’espérer une relation, une vraie, sans tensions avec sa soeur. Distance, pas si naturelle de base. Impossible de couper tout contact évidemment, n’a pas envie que Shéra devienne une victime de leur mésentente. Ce serait injuste, qui plus est, c’est sa nièce et la question ne se pose pas de savoir si elle voulait ou non une place dans la vie de la petite, qui grandissait si vite; pas envie de manquer des moments précieux. Toujours là, sans l’être finalement. Ne cherche jamais à s’attarder, ni à vraiment pousser l’échange avec Billie lorsqu’elles se croisent. Aucune remarque enfantine, aucune tension, rien.  Pas certaine que Billie ait réellement remarqué - pas qu’elle ait agi pour la faire réagir, au fond, juste fatiguée d’être déçue et d’attendre ce qui n’arrivera jamais. La résultante est de toute manière la même : indifférente, son aînée. Mine de rien, d’avoir laisser tomber le rôle du tampon, lui faisait aussi du bien. Les fêtes arrivaient à grands pas, mais Samantha s’était résolue : elle ne ferait pas le lien cette année. Pas de discussions sur les cadeaux, pas d’idées glissées, à aucune des parties concernées; pas de groupchat pour s’organiser. Reste encore à savoir si elle avait vraiment le cœur de célébrer son anniversaire, peut-être qu’une sortie au restaurant fera l’affaire.

Chez elle, une histoire d’amour entre les mains, la niaise qui profite de son salon, chat posé sur les genoux. Vibe cosy d’une journée d’automne. Saison préférée de la blonde qui, malheureusement handicapée par la présence de son chat, renonce à l’idée de se faire un thé. On ne peut plus bouger, c’est finito. Pourtant, elle est forcée de mettre un terme à ce moment cosy, quelques minutes plus tard quand elle entend la sonnette de sa porte. Sam se lève, puis ouvre, sans attendre, dévoilant alors une Billie à la voix joviale. Baisse les yeux : pas de Shéra dans les parages; pas de dropage de nièce surprise. Hey, souffle-t-elle poliment, sans vraiment savoir ce qu’elle faisait là, toute souriante. Elle veut faire du shopping. Mention bonus pour son anniversaire, pas oublié. Masque pas sa surprise. Hm. Grosse différence, avec la Sam qui n’oserait jamais dire non, et qui avec n’importe qui, n’en aurait d’ailleurs jamais l’envie de refuser : elle adore faire les boutiques. Mais là, c’est sa sœur et ne comprend pas pourquoi elle a envie de passer du temps en solo avec elle. Triste. ça te prend comme ça ? C’est un peu surprenant. Haussement de sourcils. adossée contre sa porte d’entrée.   T’as pas une amie avec qui y aller ? Je suis sûre que tu passeras un meilleur moment. Et puis elle aussi, surtout : pas envie de passer l’après-midi à se prendre la tête avec elle et se sentir nulle.

Nan, j’ai pas emmené Shéra. Billie remarque le regard de sa sœur qui cherche, ne trouve pas, remonte à elle avec une certaine forme de surprise. Pas qu’elle puisse réellement le lui reprocher : elle aussi serait surprise à sa place, ce n’est pas comme si elles avaient l’habitude de se fréquenter pour le simple plaisir. Justement, c’est bien ce qui titille l’ainée débarquée comme une fleur chez sa sœur avec l’idée d’une séance de shopping improvisée, supposant le prétexte de l’anniversaire facile pour justifier son impulsion étrange. Au fond, elle s’attend un peu à ce que Samantha roll with it comme elle l’a toujours fait, prenne son sac et l’accompagne sans poser beaucoup plus de questions ; Après tout pourquoi refuserait-elle ? Sa réponse n’est donc clairement pas celle attendue, et bien que dans l’optique de ne pas créer de remous, elle blesse immanquablement Billie qui fronce les sourcils.

« Pourquoi, surprenant ? » Comme si tu ne le savais pas. Un peu de mauvaise foi chez celle qui regarde sa sœur s’adosser à la porte de sa maison, de toute évidence assez peu motivée à sortir. Okay, super cool. Drôle de panneau « stop » que l’aînée se prend dans le nez, la confirmation que ce truc bizarre qu’elle sentait n’est pas simplement imaginé mais bien réel. Et donc, pourquoi elle ferait la gueule, miss parfaite ? Au tour de Billie de croiser les bras sur sa poitrine, l’air jovial de moins en moins présent sur ses traits. « A quoi ça servirait que j’aille faire du repérage pour ton anniversaire avec quelqu’un d’autre ? » Excuse logique, même si au fond elle a de nouveau très bien compris où Sam veut en venir : c’est juste que ça la saoule qu’elle ait raison, tout comme ça la saoule de supposer qu’elle puisse lui en vouloir pour on ne sait quelle raison obscure. D’habitude, leurs petits accrochages merdiques finissent toujours par se tasser tous seuls. « Allez prends ton sac et viens, tu faisais quoi de mieux de toute façon ? » Nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, et Billie n’a définitivement pas envie de voir.

 Surprise, évidemment en ouvrant la porte, pas dans l'attente d'une visite, et encore moins celle de sa sœur. Les imprévus, ça arrive évidemment, et ne peut donc s'empêcher de regarder autour, ou surtout plus bas. Pas de Shéra. Encore plus perplexe quant à la raison pour laquelle la blonde venait de sonner chez elle à l'improviste. Pourquoi faire, si ce n'est pas pour lui demander un service ? Toujours heureuse de passer du temps avec sa nièce; pas envie qu'elle devienne un dommage collatéral. Relation compliquée avec son ainée, qui l'est finalement un peu moins quand on arrête d'espérer. Séance improvisée de shopping qui lui est proposée – activité qui plait à la pédopsychiatre, mais qui n'est pas franchement emballée à l'idée de passer quelques heures avec sa sœur. Ne cache pas son étonnement, celle qui aurait clairement pris sur elle d'habitude pour ne pas froisser ou faire de vagues. Elle se serait dit que ce serait l'occasion de passer un moment de qualité avec son ainée. Celle qui fêtera bientôt ses 38 ans, verbalise sa surprise ce qui semble contrarier sa sœur; qui l'interroge en retour. Haussement de sourcils. Really ? Come on, on peut aussi arrêter de faire semblant. Hm.   Petit soupir, ne dit rien de plus, pas vraiment envie de se prendre la tête avec sa sœur devant le porte d'entrée pour autant. S'adosse d'ailleurs à celle-ci sans vraiment bouger.

Au contraire, elle vient finalement lui suggérer d'aller faire les boutiques avec quelqu'un d'autre. Histoire de passer un meilleur moment, voit déjà la scène. Des conversations d'usage, probablement autour de Shéra; puis éventuellement entre deux rayons, une pique sur un choix de pull. Pas sans être fautive non plus; une mésentente, ça se fait à deux, et longtemps Sam s'est comportée comme une petite peste – ou une petite conne, sans pouvoir vraiment mettre le doigt sur la raison. Ce n'est pourtant pas dans sa nature d'être cassante. Dynamique qui la rend lasse, et qu'elle aurait aimé voir évoluer dans un sens plus positif. La blonde en face qui n'a pas saisi le mémo ou relevé les efforts qui allaient dans ce sens. A quoi ça servirait que j'aille faire du repérage pour ton anniversaire avec quelqu'un d'autre ? Eh, ouais c'est fair, mais en même temps, pourquoi faire ??? Entrouvre la bouche, la referme, puis se rouvre. La lèvre inférieure qu'on mord, le regard qui souffle clairement un : pourquoi tu fais comme si tu ne comprenais pas ?

Et puis, sans doute sans s'attendre à ce qu'elle proteste davantage, lui dit de prendre son sac et de venir. Question qui fait à nouveau froncer les sourcils de sa sœur. Aimerait lui balancer une réplique sèche du type : à ce stade, je préfère regarder un mur que de passer du temps avec toi, au final, c'est un peu la même chose. Mais...J'ai… j'ai pas envie, non. D'habitude, lui aurait d'ailleurs raconté qu'elle avait plein de choses à faire, notamment faire la petite mamie sur son canapé, mais on s'abstiendra de lui tendre le bâton pour qu'elle se fiche d'elle, c'est vrai qu'à côté de son programme, un tour en ville était probablement plus sympa de base. C'est quoi ton problème ? Bon, là c'est clairement toi qui en a un, mais vas y ma belle, fais une projection, c'est gratuit.  T'as jamais envie qu'on passe du temps ensemble, et là tu débarques comme une fleur et je dois être à ta dispo ?   Ajoute rapidement dans la foulée, en croisant ses bras autour de sa poitrine : Et puis quoi ? Si c'est pour critiquer tout ce que je vais vouloir acheter, à quoi bon ?   Hausse les épaules, merci pour la proposition mais je suis pas dans le mood.

Pourquoi tu fais comme si tu ne comprenais pas ? Excellente question à laquelle Billie ne pourrait que très péniblement formuler une réponse, faute d’être capable de se l’avouer à elle-même : elle n’a pas envie de comprendre. Celle qui a toujours souffert de ses relations avec sa sœur devra bien reconnaître qu’au fond, dans les moments vraiment importants, elle a toujours été là. Qu’elle ait tenté de l’être également dans les autres – ceux qui n’intéressent pas beaucoup Billie – lui paraît un peu obscur, flou artistique jeté sur une histoire familiale qu’elle n’a pas tellement envie de creuser au fond. Ils ne s’entendent pas, c’est simple de vivre avec ce constat une fois qu’on l’a posé ; Encore plus simple lorsque dans les faits, elle sait que Samantha sera toujours dans les parages. Mais pas ces derniers temps, ou du moins pas comme d’habitude. Relation strictement centrée autour de Shéra, Billie pourrait ne pas s’en plaindre et pourtant cette constatation la vexe un peu, quand même, au fond.

« What ? » Deux blondes qui se fixent sourcils froncés, dialogue qui a toujours été compliqué mais jamais à ce point. Peut-être parce que Sam faisait l’effort d’huiler tous les mécanismes rouillés ? Toujours pas vraiment dans l’optique d’une démarche réflexive, l’ainée qui sent son cœur s’accélérer sous l’effet d’une tension qui monte inexorablement sur le perron de cette jolie maison. Elle est venue en paix, pourtant ? Comment ça, ça ne suffit pas ? L’habitude de composer autour de leurs disputes ponctuelles, le désir sans doute aussi de montrer qu’elle avait malgré tout reçu le message – sans pour autant vouloir crever l’abcès. Est-ce qu’on ne pourrait pas faire comme si de rien n’était ? Visiblement pas, et le mouvement de recul de Billie montre bien qu’elle n’est absolument pas habituée à ce traitement de la part de sa sœur si gentille, si parfaite, si polie, si lisse, si, si, si. « Mais c’est toi qui as un problème, là ? J’viens te proposer un truc sympa et tu m’envoies complètement chier ! » Yes, maybe c’est mérité.

Il n’empêche que l’aînée est un peu soufflée par la réaction atypique de sa sœur qui poursuit en une série de questions qui ne participe qu’à accélérer encore le rythme cardiaque. Les bras qui se décroisent, s’ouvrent en un très évident « sérieusement ??? » un poil outré. « J’ai jamais dit que tu devais être à ma dispo mais concrètement : t’étais occupée ? » Il est vrai que Billie n’a pas grande idée de ce que sa sœur peut faire, lorsqu’elle n’est pas au boulot. S’occuper de son chat ? Arroser son basilic ? Who knows ? Il aurait certes suffi de lui envoyer un texto au préalable pour être sûre de ne pas la déranger, mais au fond sans doute que l’ainée sentait qu’un prétexte quelconque aurait été trouvé pour décliner. « Oui bah c’est bon, allez, j’dirais rien sur tes goûts de pulls si c’est que ça. » Billie qui grimace, secoue la tête, soupire. Elle n’avait pas envie de se disputer, pour une fois. Peut-être parce qu’elle sent que cette dispute-là n’est pas tout à fait comme les autres. « Sérieux, Sam. J’ai pas envie de me prendre la tête avec toi, j’sais pas ce que c’est ta phase en ce moment mais… Au pire si t’as un truc à me dire, dis-le clairement ? » Et on passe à autre chose, complète-t-elle intérieurement avec une certaine forme d’espoir ; Celui qu’on puisse, justement, continuer à passer à autre chose sans devoir jamais aller au fond des raisons qui les poussent à se bouffer le nez.

  J’ai pas envie, non. Une phrase anodine, qui est pourtant étonnante, sortie de la bouche de Sam, celle qui dit toujours oui à tout, même quand ça l’embête, parce qu’elle veut toujours faire plaisir - sauf que le problème, c’est que dans le cas qui les occupent : ça ne marche pas. Même quand elle pense que ça aidera, ça ne le fait pas, et elle finit toujours par agacer sa soeur d’une manière ou d’une autre. Le résultat est qu’aucune partie n’est contente, et elles s’épuisent pour pas grand chose. Sam qui en était arrivée à la triste conclusion qu’elle ne savait tout simplement plus quoi faire, et que rien n’était assez de son côté pour se faire apprécier de son aînée. Lassée du rejet qui est douloureux pour celle qui aspire à une famille unie; des envies simples, mais qui en pratique, ne l'étaient pas. Elle sait que cette dynamique qu’elles ont, depuis… toujours, n’est pas que de leur fait, mais également liée à leurs parents. Il y aurait pas mal de choses à dire sur le sujet, et pourtant ce n’est pas une conversation qu’elles ont déjà eues. Trop occupée à se bouffer la gorge pour ça; des petits accrochages, des étincelles rapidement éteintes pour mieux se rallumer ensuite, à force de faire comme si rien. Sauf que ce rien, à ce jour, lui semble bien gros. Je suis désolée si ça te semble brutal. Hausse les épaules; pas envie de prétendre que tout allait bien quand cela faisait des mois qu’elles ne partagent plus rien. Ce n’était déjà pas vraiment le cas avant, mais là, c’est le néant.

Je suis sûre que tu m’aurais aussi envoyée bouler, si ça avait été moi qui serait venue toquer à ta porte, de toute façon. Encore plus violemment sans doute, qu’elle s’imagine. C’est bien pour cette raison qu’elle ne le faisait pas de base. Même quand elle s’était retrouvée coincée dehors, avait préféré essayé d’entrer par effraction chez elle, puis appeler un serrurier plutôt que demander à sa sœur de l’aide; en lui donnant le double des clés de leurs parents absents, qui possédaient le double de chez elle. A ce stade, plus vraiment certaine qu’elle serait là pour elle, et si c’était le cas, pas sûre que l’aide serait apportée sans lui prendre la tête à ce sujet. Calme la blonde, signe d’un long questionnement quant à sa relation avec sa soeur, qui ne semblait pas avoir fait la même chose de son côté. Pas étonnant, au fond. Petit rire sans joie, quand elle lui assure ne rien dire sur ses goûts en matière de pulls. Ne dit à nouveau rien, ce n’est, au fond du fond, pas vraiment une histoire de pulls le problème. J’ai pas envie de me prendre la tête avec toi non plus. Qu’elle souffle calmement, bien qu’ayant relevé sa phase en ce moment, signe qu’elle avait finalement relevé une différence, right ? Pourtant, j’ai pas l’impression que c’est une conversation que t’as vraiment envie d’avoir. Hausse les épaules, peut l’entendre, tout comme le fait qu’elle n’a pas envie de se forcer. J’ai plus envie de faire semblant, j’ai essayé de te le dire en mai… Alors, ouais, si tu veux qu’on en parle, on peut s'asseoir et le faire, je suis ouverte à la discussion. Lui désigne l’intérieur de chez elle en guise d’invitation. Pas vraiment prévue, peut être qu’un verre de vin aiderait, tho. Dans le cas contraire, well, toujours pas dans le mood pour faire du shopping avec sa soeur.

« Euh… Ouais. » Pas sûre de savoir que dire de mieux : bien sûr que la réaction de Sam est brutale, Billie l’encaisse d’ailleurs avoir énormément de difficultés. Pas habituée à ce que la cadette soit celle qui tourne le dos, au contraire : dans leur dynamique fuckée, c’est Billie qui tient ce rôle d’ordinaire. Il faut admettre que c’est le plus facile, d’ailleurs ; Laisser un message en vu, refuser une invitation, repousser le moment d’en lancer une – pratique, indolore, en particulier lorsqu’on s’attend à ce que la partie adverse continue à faire semblant de ne presque pas s’en offusquer. « Pas forcément, non, pas si j’avais rien de spécial à faire à ce moment-là. » Quelle mauvaise foi. Billie proteste mais au fond, sa sœur a raison : très peu de chances pour qu’elle accepte de sauter dans des fringues propres et aller faire du shopping si Sam frappait à sa porte sans prévenir – trop de spontanéité pour le duo complètement rouillé, sans parler du fait que les projections quant à l’ambiance n’auraient clairement pas donné envie. Toujours une bonne excuse : sorry j’ai du boulot, sorry j’ai Shéra, sorry j’ai piscine, sorry j’ai cours de flûte, sorry je dois épiler mon plaid – bref, la seule différence c’est que Sam ne dit ni sorry ni ne donne une excuse bidon, cette fois.

Un soupir chez l’ainée qui est bien obligée d’admettre que quelque chose est cassé dans cette relation ; L’a toujours été probablement, à la seule différence que sa sœur ne s’efforce désormais plus de rafistoler les morceaux comme elle le peut. A-t-elle pour autant envie d’en parler ? Allez, si personne n’a envie de se prendre la tête, pourquoi est-ce qu’on est encore là à blablater sur ton perron ? Samantha a raison : Billie n’a aucune envie d’en discuter, même si elle propose vaguement l’inverse. On arrache le pansement, on passe à autre chose ; Elle pourrait se satisfaire de l’idée si elle pensait sincèrement que cette fois encore, on passerait vraiment à autre chose. L’impression qu’il faut désormais aller plus en profondeur, remuer plus loin, prendre plus de temps : bref, sortir de cette routine superficielle de l’outrage et du pardon accordé par oubli. « Sérieux, c’est pour cette histoire de cadeau de fête des mères ? » Le souvenir assez vague de leur dispute – une parmi d’autres au fond. Billie soupire, lève les yeux au ciel. Tellement, tellement pas envie de cette conversation. « Okay, t’sais quoi… » On arrache le pansement, on passe à autre chose ; Plus qu’à espérer que ce soit possible. « Fine. Parlons-en. » Elle lève les deux mains en l’air tout en entrant chez sa sœur, difficile de savoir s’il s’agit d’une façon de marquer son irritation latente ou son envie lâche de faire la paix avant même d’avoir ouvert les hostilités.

Un soupir, un regard blasé autour d’elle : connaît bien sûr les lieux pour y déposer assez souvent sa fille mais se rend tout à coup compte qu’elle n’a probablement jamais pris le temps de retirer son manteau, poser son sac à main, s’asseoir pour discuter. « Je trouve dingue que tu sois encore bloquée sur cette histoire six mois après, c’est pas comme si c’était si deep que ça non plus, franchement. » Hm, vraiment ? « En plus on a fait exactement comme t’as voulu, je vois vraiment pas ce que j’aurais pu faire de mieux que te donner raison, comme d’hab. » Ah, vraiment alors. Il paraît que l’attaque est une défense, reste à déterminer si elle protège vraiment de quoi que ce soit.

 Ne trouve rien à répondre non plus; navrée de la forme, pas vraiment du fond. Certaine, et c’est d’ailleurs ce qu’elle lui indique par la suite, que si c’était elle qui s’était pointée à l’improviste, Billie l’aurait certainement envoyée bouler. Elle n’a jamais vraiment eu envie de passer du temps avec sa sœur, pourquoi ça changerait aujourd’hui ? Des mois qu’elles ne partagent absolument rien. Il y a bien sûr eu des moments; des conversations moins désagréables, des conseils échangés - des petits moments auxquels on s’accroche - ou du moins Samantha en se disant qu’elles ne se détestent pas complètement. Dans cette sorte de zone grise neutre, elle y trouve un certain réconfort, plus vraiment peinée par cette relation qui ne ressemble pas à un lien fraternel qu’elle a pu observer dans d’autres familles plus chanceuses. La mauvaise foi de sa soeur lui arrache un sourire crispé. Si tu le dis. Ne cherche même pas à lui laisser entendre qu’elle pouvait croire en ce qu’elle disait; en pleine crise de révolte la blonde qui n’a finalement plus envie de laisser les choses lui passer dessus et se plier en quatre. Trop courbaturée à ce stade pour être dans l’effort ni dans le paraître.

Calme toujours, quand elle mentionne ses doutes sur le fait qu’elle ait réellement envie de parler. Sam n’a pas envie de se prendre la tête, une discussion pourtant serait la bienvenue. Certaines qu’elles ont l’une comme l’autre bien des choses à se dire sans qu’il faille exploser pour le faire. L’idée ne lui semble pas mauvaise, mais encore une fois faut-il qu’elles soient toutes les deux d’accord; et comme souvent : elles ne sont pas sur la même fréquence. Sam lui rappelle leur dernier accrochage; il remonte à de nombreux mois maintenant, et si à présent avait oublié le motif de la dispute, ou plutôt des mini étincelles qui avaient jailli dans la cuisine, se souvient du contenu peu agréable qui l’avait faite se sentir inadéquate. Des reproches qu’elle avait ruminé un bon moment. Observe la réaction de sa sœur qui s’agace, en soupirant et en levant les yeux au ciel. La juge sans doute silencieusement, en attendant une réponse concrète quant à la suite du programme : on rentre et on discute ou on s’arrête là, à ce stade. Son aînée choisit la première option. Ouais ‘fin, c’était pendant la discussion. Elle sait, right ? Pas vraiment le cadeau, le problème. La conversation qui n’a pas commencé et l’impression d’être la plus grosse conne capricieuse de l’univers qui boude pour rien. Un soupir tandis qu’elle referme alors sa porte d’entrée. N’avait pas spécialement préparé ce moment, autant dire que sous ses airs posés, un petit coeur anxieux - de se le faire briser - ne manque pas à l’appel.

Haussement de sourcils. C’est pas comme si c’était si deep que ça non plus. Personnellement je trouve ça dingue de t’entendre invalider mes ressentis, mais okay, ça me conforte dans mon idée. A son tour de lever les mains en l’air.   J’sais pas si tu fais exprès, ou si tu penses vraiment que je bloque à cause d’un stupide cadeau, si c’est le cas t’es complètement à côté du sujet. Qu’elle tient à rectifier de suite en secouant la tête, les sourcils froncés. Ah oui, s’asseoir. Lui fait signe de le faire autour de sa table à manger, malgré le début de conversation qui commençait particulièrement mal. Brace yourself. Je t’avais dit que j’en avais marre que tu me fasses me sentir comme si c’était jamais assez bien ce que je fais. On n'arrive même pas à avoir une discussion sans s’envoyer chier.  Et parce qu’elle a conscience qu’elle n’a elle-même pas toujours fait tout juste, et qu’elle a contribué à cette dynamique chaotique ajoute : Je sais pas s’il y a eu un truc en particulier que je t’ai dit, ou si c’est une accumulation, mais quand je te vois lever les yeux au ciel et soupirer dès que j’ouvre la bouche, je peux que me dire que tu m'aimes vraiment pas. Tu t’en caches pas alors pourquoi continuer à prétendre que tout va bien et que c’est normal ?   Pas agréable à dire, probablement pas agréable à entendre non plus.