Malgré ses 38 ans au compteur, il était parfois d'une naïveté confondante. Certainement parce qu'il n'avait jamais réellement quitté la ferme, Redwood, ou immense voyage, Burlington ! Il avait été à New-York avec les  rêves d'un gamin de 20 ans plein la tête et si ça fonctionnait pour lui aux dires du label, il était lui bien plus amer. Au point de chercher, avachi sur son canapé à la façon de Pete, sur son téléphone les coordonnées d'un avocat pour rompre sans trop de dommages son contrat. C'est qu'il n'était apparemment pas un artiste complet parce qu'écrire et composer ne suffisait pas. Il fallait aussi savoir danser sur scène, et dans à peine quelques heures il lui faudrait renchainer encore et encore les mêmes pas face à un miroir qui lui renverrait sa nullité à côté de son professeur... Il ne savait pas bouger son corps. Il n'avait jamais su. Et il ne comptait plus le nombre de fois où il avait chuté juste parce qu'il s'emmêlait les pieds dans les mouvements censés être coordonnés... Lui était juste bon derrière un piano. Ou à la limite à grimper sur des choses, la descente étant toujours beaucoup plus périlleuse...

Il cherchait donc un moyen de contenter les gens du label sans passer par la case chorégraphie, tout en faisant défiler les noms des avocats essayant de trouver un nom qui ressortirait des autres -tout en espérant que ce serait signe de sa compétence !- et en évitant de penser à Castiel qui allait arriver. D'un moment à l'autre. Il aurait dû être dans un état d'excitation incroyable tout en déployant son énergie à préparer son arrivée... Il était avachi sur son canapé avec Pete qui lui servait de couverture, particulièrement lourde ! C'est qu'il repensait aussi à leur dernier échange SMS parce que sa tête savait elle enchainer les sujets sans jamais s'emmêler les pinceaux. Et il aurait été bien incapable de dire dans quel état d'esprit était Castiel suite à ces derniers mots laconiques. C'est qu'on pouvait difficilement faire plus court que sujet, verbe, complément.

En vérité, ce n'était pas le sujet de la Rose qui le tracassait déprimait, même si ça aurait dû. Mais est-ce que Castiel avait vraiment besoin d'inviter à manger un type qui lui déclamait trois malheureux vers dans l'Echo ! Lui aussi, il pouvait lui en écrire des rimes s'il en voulait, il avait passé sa vie à ça ! Et en plus, ce type avait fait ça de façon anonyme... Même pas fichu de donner son nom ! Mais quand on écrivait, on signait, c'était la moindre des choses. Ou on écrivait pas !... Il faisait pitié et il était vraiment temps qu'il arrête tout ça. Et comme un mauvais timing, ce fut à ce moment-là qu'il entendit une voiture s'arrêter devant sa porte. Il n'était pas prêt, psychologiquement parlant. Mais au moins, il n'avait pas eu besoin de faire beaucoup de ménage puisqu'il n'habitait quasiment plus ici. "Allez Pete, on se bouge... Castiel arrive." Poussant son chien, il grimaça alors qu'il se relevait et que les courbatures se faisaient à nouveau sentir. C'était décidé, il allait faire sa propre chorégraphie faite de sauts ! Après tout, un piano c'était haut et on pouvait grimper dessus. Au moins ça, c'était facile à régler.

Parce que pour le reste... Il ouvrit la porte tout en souriant à Castiel et en se traitant d'imbécile. Parce qu'il l'était ! "Bonjour Castiel, entre. Et installe-toi, tu connais la maison. Je vais nous faire du café, j'en ai bien besoin, je me fais l'effet d'un petit vieux de 80 ans..." Et il exagérait à peine ! Par contre, Pete avait soudainement retrouvé toute sa vigueur alors qu'il tournait autour des jambes de Castiel cherchant certainement ce qu'il pourrait récupérer. "Pete, ça suffit. Allez, viens là..." Mettant la cafetière en marche, il s'attela à attacher sur le harnais de Pete, un système fabriqué maison constitué d'une tige souple à laquelle était accrochée au bout une ficelle et un os qui pendait à quelques centimètres du nez du carlin. "C'est Ariel qui  m'a fabriqué ça. Le vétérinaire a dit que s'il ne faisait pas plus d'exercice, il allait mourir... Il passe sa journée à dormir, je peux pas le sortir comme je veux." De quoi donc prendre le problème à bras le corps ! En tout cas, ça fonctionnait parce que à peine le dispositif posé, Pete était déjà à vouloir attraper l'os qui se baladait sous son nez et avançait dans le vain espoir de parvenir à l'attraper. "Le problème de la chose, c'est... ça." Parce que très vite la tige tapa dans tous les meubles.