Il est rare que tout soit si simple. Peter est un homme adorable. C'est la pensée qui te vient, là maintenant. Oh tu ne sais pas grand chose de sa vie, presque rien même, mais il n'a pas jugé une seule fois ta demandé, pas été trop curieux à propos de celle-ci et prend le temps de tout t'expliquer, de te rassurer aussi. Ça te met en confiance. Tu n'as pas honte de qui tu es, de ce que tu fais dans la vie. Mais cette vie t'a aussi appris à te méfier. Tu as décidé il y a longtemps de ne jamais avoir honte mais ne mettre dans la confidence que ceux qui le méritent, ou semblent le mériter. Je suis Drag Queen. Enfin, pour le moment je fais une pause, Redwood n'est pas l'endroit idéal pour ça. Mais je me produisais sur scène, parfois à des évènements privés. Alors le maquillage est important pour moi parce que sans lui, je resterai Jeffrey. Et Jeffrey ne fait rêver personne. Tu finis en pensée.

Tu es installé, tu n'as pas peur. Tu sais comment ça va se passer, tu sais que ça ne sera pas insurmontable, sans doute douloureux mais pas infernal. En plus, Peter devrait avoir beaucoup plus de douceur que ta première fois, où le tatoueur voulait en finir le plus rapidement possible. Il avait suivi les règles d'hygiène mais ne t'avait rien expliqué, par exemple. Le calque est posé, tu regardes donc. Tout semble parfait. Le dessin te plait. Tu as hâte de le retrouver sur ta peau. Tu aurais du te lancer là dedans Alonso. Pas le tatouage forcément, mais dans quelque chose d'artistique. Tu es si doué. Bien sûr, tu ne sais pas que c'est déjà un peu le cas, alors tu en parles avec innocence.

Il est temps de commencer, tu tends ta main pour qu'Alonso vienne la prendre. Tu ne veux pas être seul pour cette fois-ci. Tu as envie qu'elle soit totalement différente, bien plus douce, sans rires, sans insultes et sans quelqu'un qui te quitte ensuite. La symbolique est importante pour toi, tu en as besoin aujourd'hui pour réellement tourner la page de cette histoire, de ton histoire. Tu te doutes que Peter va être concentré maintenant et qu'il ne pourra plus trop parler. Peut être qu'il peut faire les deux, tu ne sais pas. Tiens il y a quelque chose que je me demandais, c'est quoi la demande la plus farfelue que tu aies eu ? Quelque chose qui t'a marqué et que tu ne comprends toujours pas aujourd’hui. Parce qu'on ne peut pas forcément comprendre les motivations des gens et même sans juger, on peut parfois s'étonner de leurs choix.

Peter a l’air d’avoir pris une grande décision grâce à Jeff, c’est drôle comme parfois les rencontres peuvent créer des petits déclics. Il ne sait pas de quoi il parle, quand il parle des étoiles, Alonso visualise difficilement. Mais il est drôle de voir comme les gens se dévalorisent vite… Il vaut mieux parfois garder les deux pieds au sol. Pourtant Alonso se doute qu’avec la musique, Peter va aussi décoller, peut-être même au niveau des étoiles qui sait ? Peut-être même qu’il en rencontrera une autre d’étoile. C’est peut-être pas la bonne étoile tout simplement… Je suis sûr que tu trouveras une étoile qui te correspond, mais ça ne sera peut-être pas celle-là... répond Alonso. Lui, il avait trouvé la sienne, il pose ses yeux sur Jeff. Ce dernier parle de son métier de drag-queen. Peter répond à propos de son expérimentation des cheveux roses. Cet échange est léger. Alonso ne l’interrompt pas. Il n’a rien à raconter, juste à écouter. Il s’est rapproché. Son partenaire lui fait une remarque sur le dessin. Je sais… répond-t-il doucement à Jeff. Ça m’aurait bien plu aussi… Il ne mentait pas, il ne s’était jamais lancé pour de vrai. Il avait juste eu un coup de chance, qu’il n’avait même pas osé assumer jusqu’au bout. Un jour, il lui parlerait du livre, un jour. Peut-être du Instagram d’abord… Mais sur le Instagram il y avait des publications sur le livre, c’était le serpent qui se mordait la queue.

Alonso rapproche le tabouret de Jeff pour lui prendre la main. Il se demande si Spencer l’a fait à l’époque. Non, sans doute pas non… Peter revient après s’être absenté un instant. Jeff l'interroge sur les demandes les plus bizarres qu'il ait eu et il est servi d’anecdotes de Peter. Alonso rit légèrement à la première anecdote de cette situation assez incongrue en effet. Qui exactement se fait tatouer une fleur autour de l’anus ? Ca ne lui était jamais venu à l’idée. Ça devait-être un moment particulier en effet, tu as réussi à aller au bout du tatouage ? demande-t-il curieux de la fin de cette histoire. La seconde anecdote avec le perroquet, l’aiguille commence à toucher la peau de Jeff et Alonso serre un peu plus sa main dans la sienne, sa seconde main venant prendre la première, ce n'est pas tant pour la douleur que pour le symbole, lui montrer qu'il était là. La dernière histoire est particulièrement belle. C’est tellement adorable de la part de ce père de faire ça pour son fils. Le cœur de papa d’Alonso en est tout retourné. Il n’y aurait jamais pensé à faire ça mais c’était une merveilleuse idée. Ses pensées s’envolent un peu vers ses enfants. Il espère qu’ils vont bien, pour de vrai, car les voir en visio et par message ne remplaçait pas le câlin en bonne et due forme de leur père quand il les verrait. Ça avait beau être des garçons adolescents, il ne les voyait pas assez souvent pour se priver d’une étreinte quand il les rencontrait. Tu as encore beaucoup le temps de continuer le tatouage en ce moment avec ta musique ? demande-t-il à Peter. Peter vient de signer un contrat avec un Label à New-York explique-t-il pour le contexte à Jeff.

Cette séance ne ressemble en rien à la précédente, que tu avais très mal vécu. Dans celle-ci, tu discutes simplement avec le tatoueur, et il y a quelqu'un pour te soutenir et te prendre la main. L'idée vient de toi, avec l'aide de celui qui te tient la main, et c'est un projet qui te tient à cœur. Peut être que la seule chose qui ressemble à l'autre fois, c'est la douleur sur ta peau qui te fait tressauter et bouger parfois. Tu tentes au mieux pour ne pas le gêner, mais il doit avoir l'habitude.

Il te raconte des anecdotes, celle de l'anus te fait grimacer. Tu n'aurais jamais pu, et puis, quel intérêt ? Personne ne pourrait le voir à part ceux qui viendraient... Tu préfères ne pas y songer pour ne surtout pas avoir l'image en tête et détester les marguerites à jamais. La seconde histoire est juste bizarre, mais pourquoi pas, si le gars en était conscient et la dernière est adorable. Tu as eu peur au début que le père demande à faire tatouer son petit parce que ça doit exister, mais il n'en est rien. Oh mon Dieu mon pauvre. L'histoire de la marguerite va me hanter. Tu as même l'impression d'avoir légèrement la nausée, puisque tu viens d'en parler à voix haute. Pete passe sur une zone plus sensible alors tu fermes les yeux d'un coup. Tu prends une grande inspiration et tu cherches le regard d'Alonso pour qu'il te rassure. C'est incroyable ça ! J'espère que tu iras jusqu'au bout, le showbiz à New York... C'est compliqué, dans ma branche, en plus de ça, pas mal de filles font des coup bas. Quelques souvenirs te viennent à l'esprit, des trucs nulles en plus, la plupart du temps. Tu as le morceau ici ? On pourrait écouter ce que tu fais si ça te va. Tu n'es pas expert en musique, tu n'en écoutes même pas pour le plaisir. Quand tu te concentres dessus, c'est surtout pour choisir un morceau qui ira avec une prestation, souvent, c'est même Coco qui s'y colle parce qu'elle aime bien plus ça.

Al ne rajoute rien sur cette fameuse étoile inaccessible. Il n'avait d'ailleurs rien à dire de plus. L'amour était un sujet inépuisable d'incohérences et de souffrances. Et même s'il n'avait jamais vécu d'amour impossible, il avait vu suffisamment de comédies romantiques pour savoir qu'il était difficile de raisonner un cœur amoureux. Lui, avait le sien et avait sa main dans la sienne alors comment pouvait-il se permettre de juger les émotions d'un autre ? Peter leur raconte alors quelques anecdotes à la demande de Jeff. L'histoire de la marguerite les fait réagir. Le tatoueur mentionne son patron apparemment homophobe et désagréable, l'un allait souvent avec l'autre mais pas toujours.

Dans sa vie avec Sonia, il avait souvent vu des gens d'apparence très sympathiques tenant des propos odieux sur l'homosexualité. Il avait même entendu deux amis éméchés se disputer sur ce qui les degoûtait le plus dans le fait d'imaginer deux hommes ensemble. L'un prônait que le pire était l'acte sexuel - oh non jamais personne ne rentrerait quoique se soit dans son anus -, l'autre se disait dégoûté par le sentiment amoureux et de tendresse qui pouvait se tenir deux hommes. Alonso était gentillement intervenu en disant qu'avec son ex ce qui le dégoutait le plus c'était les personnes qui se permettait d'avoir un avis sur leur façon de vivre leur relation. Sonia lui avait fait les gros yeux et il ne les avait plus jamais revus dans leur cercle d'amis.

Alonso s'étonne du lien que fait Peter entre la fleur et son patron. Mais il imagine qu'il doit y en avoir un dans l'esprit du tatoueur. Tu avais un patron homophobe ? Le cerveau d'Al est cartésien, il n'est pas toujours dans l'émotion alors il s'interroge sur ce qui a bien pu se passer entre Peter et cet homme plutôt que sur le principe de l'hétéronormalité qui pousse l'homme hétéro cisgenre à être machiste, misogyne et méprisant envers tout ce qui ne lui ressemble pas. C'était ici à Burlington ? Non pas que la ville était particulièrement progressiste, c'était juste pour s'informer, comprendre les faits au lieu de juger.

La conversation s'étend vers la musique et le label de Peter. Tu as formé une nouvelle tatoueuse ? Félicitations, ta première apprentie donc ? Merci en tout cas de t'être rendu disponible pour Jeff et moi. Si Peter ne tatouait plus que les VIP, il se sentait particulièrement privilégié d'en être. Peter s'étend sur le label de musique. Finalement, Alonso n'aurait peut-être pas dû le mentionner, en effet, cela semble être source de tension. Alonso compatit silencieusement cette logique de réseaux sociaux était en effet un frein à l'expression et il était finalement heureux de n'avoir jamais officiellement fait la promotion de quoique ce soit.

Une pause s'impose, Peter lance le CD puis les abandonne un peu. C'est vrai que ça commence à prendre forme mon Jeff, ça sera très joli. confirme-t-il à sa moitié. Tu as bien choisi. Il le regarde avant de murmurer : je crois que j'ai touché une corde sensible avec le Label. Peter revient avec tasse, gateaux, café, ce n'est plus un café, c'est un encas. Alonso sourit sur la musique, il a toujours été impressionné par le talent de son ami, comme par celui de Jeff d'ailleurs. Il y avait ces gens qui savaient ce qu'ils voulaient et qui vivaient leur rêve ou au moins tentait de le faire par tous les moyens... et il y avait lui, bloqué dans une réalité parallèle. Cela lui convient, Alonso est persuadé de ne pas être fait pour la lumière. La chanson est vraiment très agréable, le talent de l'artiste est perceptible. Peter ne demande pas ce qu'ils en pensent et Alonso laisse la possibilité à Jeff de donner son avis en premier. Après tout c'est lui qui découvre la voix du jeune homme pour la première fois.

C'est plus difficile que dans tes souvenirs. Peut être parce qu'on ne se souvient jamais exactement d'une douleur comme elle était et c'est sans doute mieux ainsi.

Peter semble être quelqu'un de passionné. Dans son métier et sa musique. Tu ne peux que le comprendre. La courses aux abonnés, aux vues et tout ce qu'on demande de faire maintenant aux artistes. Tu as choisi d'y aller à ton rythme. Tu es connu dans ton milieu, à une certaine échelle en tout cas, mais pas en dehors de celui-ci. Ça te permet encore de faire comme bon te semble, surtout de ne pas te forcer à vendre quoi que ce soit pour des sponsors. Tu t'es promis de ne jamais le faire. Heureusement, tu commences à vieillir et peut être que tu n'auras plus la force d'exercer pendant des années encore. Tu as raison de vouloir rester toi même. On m'a proposé Drag race une année mais je me sentais pas de le faire. Je suis bien trop sage pour tout cette mascarade. Et tu respectais tes consœurs qui choisissaient d'y participer. Mais ce n'était pas pour toi. Peut être que tu aurais gagné en visibilité et ensuite en contrats de représentations, mais tu préfères la vie que tu mènes.

Ton regard dérive vers Alonso, tu n'es plus certain de lui avoir déjà parlé de ça. Tu ne connais pas sa position sur tout cela. Tu sais qu'il respectera toujours tes choix mais peut être que certains pourraient poser problème quant à son image ici, à Redwood. Mais ce n'est pas le moment pour ça. La musique passe. On sent bien le talent de Peter. Ca doit lui faire bizarre d'écouter sa propre musique ? Et quand il revient, il apporte un encas digne de rois. Tu ne peux pas trop bouger mais tu demandes à Alonso de te passer quelque chose. Merci ! J'espère que c'est juste pour nous et pas pour tout le monde, sinon tu vas te ruiner ! Ou alors il tient à un excellent service clientèle. Tu espères un peu que ce traitement de faveur est du à son amitié avec Alonso. Tu penses ensuite à quelque chose, le temps de ta pause. Ça me fait penser, si tu aimes te produire, ta musique irait parfaitement avec quelques amis que je connais, qui font des spectacles de drag sur San Francisco. Ils sont toujours à la recherche de bonne musique à passer lors de leur show. C'est rémunéré, évidemment mais Peter doit bien savoir comment tout ça fonctionne.

Ils discutent de tout et de rien, Jeff mentionne la dragrace où il ne se sent pas d'aller, Coco l'avait déjà mentionnée, ça fait sourire Alonso. Il comprend ce qu'il veut dire, Coco est pudique, magistrale mais intouchable ce qui n'est pas vraiment le cas des participantes habituelles de ce genre de concours qui aiment dévoiler tous leurs atouts. Ils échangent sur l'ancien chef de Peter qui avait l'air d'être une ordure comme il y en avait malheureusement trop dans le monde. De ceux qui pensent mieux savoir que les autres. Ils enchaînent la discussion sur la nouvelle apprentie de Peter. Il a l'air enchanté. Van, tu dis ? Je suis content que tu aies trouvé une apprentie qui ait pu te toucher à ce point, je sais que tu ne confierais pas ton salon à n'importe qui. Jeff n'apprécie pas de se faire tatouer, Al le voit et le sent dans leurs mains enlacées, il faut dire que sa peau est si fine et son corps est si mince, il imagine que c'est plus douloureux pour lui que pour d'autres, mais n'en sait rien, il n'est jamais passé sous cette aiguille. Sans parler que chacun avait sa propre perception de la douleur.

La pause est la bienvenue. Peter ramène un petit festin et met sa musique. Il propose de changer le disque. Tu rigoles ? Non, c'est très bien. J'aime beaucoup ce que tu fais, tu le sais. Ca doit être dur de laisser ses amis écouter sa musique. Al n'avait pas ce problème avec ses dessins, il ne les montrait qu'à des inconnus. Peut-être un jour à Jeff même si cette pensée lui retournait le cœur à l'avance. Jeff d'ailleurs a toujours des bonnes idées et fait une belle propostion à son ami. La proposition séduit immédiatement Peter qui a l'air ravi. Alonso les laisse échanger. Ce milieu festif et joyeux lui conviendrait bien en effet. La remarque de Peter sur le fait qu'il a trouvé la perle rare le fait sourire jusqu'aux oreilles, il rit. Il l'a même retrouvée une seconde fois cette perle rare. Oui je sais, je ne le laisserai pas partir comme ça... Il croise le regard de Jeff et lui adresse un grand sourire amoureux.

Merci ! répond-t-il au toast de Peter et lève aussi sa tasse. A ton succès Peter, où qu'il soit ! Il boit un peu de café, il a remarqué qu'il y est de plus en plus sensible, peut-être qu'il devrait faire comme Jeff et passer au thé, mais la pensée s'échappe aussitôt. Cela fait un moment qu'il y pense et n'en fait rien, ce n'est pas important, moins important que l'instant, moins important que Jeff qui s'échappe des griffes de Spencer ou que Peter qui s'élève vers sa passion. Il se lève pour aller prendre un biscuit autant par politesse que par gourmandise et en propose aussi à Jeff. C'est excellent merci. Tu remercieras ta mère de ma part. Il se repose sur la chaise à côté de Jeff. Ca va ? Tu vas être prêt à y retourner ? demande-t-il doucement à son bien aimé.