s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

« Désolée Câlin, je ne peux pas t’emmener ce soir. » Le joli chat noir s’entortillait frénétiquement autour des jambes de la rousse, c’en était même à la limite du harcèlement. C’est qu’elle s’agitait un peu partout, et ça devait sans doute stresser son petit félin n’ayant pas l’habitude de la voir si énergique. Elle était un peu nerveuse, Sophia. Toujours lorsqu’il s’agissait de retrouver Robin, même si leur relation n’avait fait que s’améliorer depuis qu’elle était revenue à Redwood Hills. De toute évidence, elles avaient mis les rancunes du passé de côté pour se focaliser sur le présent, bien plus apaisées. Toutefois, Sophia savait que les non-dits ne restaient jamais enfouis trop longtemps. Elles n’avaient jamais parlé de ce qui les avaient fait prendre des chemins différents. Jamais n’avait été abordé la querelle finale, celle qui, après un entassement de petits conflits non-résolus avait fait débordé le vase. Les portes avaient claqué et les deux ne s’étaient plus jamais adressées la parole directement depuis. Il avait fallu cette rencontre fortuite dans leur lieu fétiche de l’époque, fortuite mais bienheureuse, pour les rabibocher quelque peu. L’eau avait coulé sous les ponts, et il semblait que l’affection qu’elles avaient l’une pour l’autre n’avait jamais totalement péri malgré la rupture amicale. Sophia avait pensé à elle, souvent. C’était Robin, malgré tout. Elles étaient deux personnes différentes maintenant, avaient mûri, et ne s’accrochaient plus avec autant de force à leurs principes… Du moins, c’était le cas de Sophia. Elle n’était pas sûre d’assumer cet adoucissement de sa personnalité, mais force était de constater qu’il avait eu lieu. So be it.
Elle caressa la tête de son petit compagnon poilu, l’air soucieuse. Sophia était résolument athée, mais restait cette fascination pour Halloween et le paranormal qui ne disparaissait pas avec l’âge. Laisser Câlin tout seul la nuit où la frontière entre le monde des morts et celui des vivants était des plus fines ? Elle allait devoir s’y résoudre. Robin lui avait envoyé un message pour lui proposer de venir pour cette soirée si emblématique de leur amitié. Jolie attention. En effet, elles avaient l’habitude plus jeune de se retrouver ce soir là pour regarder des films d’horreur, manger, boire, festoyer à deux et faire quelques bêtises dans la ville, parfois. Elle n’était pas sûre que la soirée soit aussi chaotique qu’elles furent à l’époque maintenant que Robin était maman, mais ça lui allait très bien aussi. Ça lui faisait plaisir, à Sophia, que Robin ait pensé à elle pour ce soir. Et elle se surprenait à apprécier passer du temps avec elle et son enfant. C’était différent, c’était plus sage.
L’avocate avait donc préparé une de ses pâtisseries légendaires, un des gâteaux qu’elle apportait souvent quand elle allait chez Robin (chez ses parents, à l’époque) : un tiramisu. Elle espérait qu’elles fassent comme à l’époque, c’est à dire le manger à la petite cuillère sans prendre la peine de s’en distribuer des parts. Peut-être qu’elles pourraient faire goûter bébé Léo, pour qu’il découvre le plaisir gustatif du mascarpone. Ou peut-être était-il encore trop jeune ?
Arrivée sur la pan de la porte, Sophia inspira longuement, partagée entre la nervosité persistante et l’excitation de la soirée en perspective. Toc toc toc. La porte s’ouvrit peu de temps après. « Salut. » fit-elle sobrement, avec tout de même une petite lueur d’excitation dans les yeux. « J’ai apporté un tiramisu. » La rouquina entra dans la demeure de la cavalière, non sans observer autour d’elle. C’était la première fois qu’elle venait ici. « Elijah  n’est pas là ? » Elle avait presque oublié ce détail en imaginant la soirée qu’elle allait passer avec Robin.

@Robin Myers

s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

Sophia s’était souvent demandée dans quel genre d’endroit Robin finirait par s’épanouir. Plus jeunes, elles s’étaient racontées à bien des occasions comment elles aménageraient leur dream house. La rouquine était donc sérieusement curieuse de voir si au moins l’une d’entre elles avait réalisé ses rêves. « Bien sûr que je me suis rappelée. » assura t-elle à Robin avant d’avancer un pas timide dans la maison. Déjà, c’est une maison, se dit-elle en passant le cadran de la porte. Sophia ne pouvait s’empêcher en voyant les avancées de Robin dans la vie d’adulte de faire son propre bilan. Elle vivait toujours dans un petit appartement du centre ville, plein de charme certes mais très petit, un de ceux qu’elle avait eu en entrant à l’université. Il fallait dire qu’elle s’était toujours mieux senti dans des endroits étroits. Ça l’empêchait d’entasser un milliard de choses chez elle. Ça forçait le tri, aussi. Deux gardes-fou dont elle avait cruellement besoin. Donc non, elle n’avait pas de grande maison à son âge. Elle n’avait pas d’enfant non plus, pas même dans ses projets, et d’aussi loin qu’elle se souvenait, ça n’avait jamais été un goal pour Robin non plus. De ce que la rouquine avait compris, ça leur était tombé dessus un peu du jour au lendemain avec Elijah. Big step, Robin avait décidé de le garder. Là encore, ça avait ravivé le côté égocentrique de Sophia et toutes ses vieilles insécurités liée au futur. A son futur. Où en était-elle, elle ? Elle balaya ses pensées intrusives et ses angoisses existentielles, décidée à profiter de son amie et de cette belle soirée en perspective. « Top ! » répondit-elle en découvrant qu’elles seraient entre filles toute la nuit puisqu’ Elijah était en vadrouille. Entre filles, certes, sans oublier Léo. La rousse acquiesça à cette précision avant d’avancer davantage dans la maison. Elle prit au mot la recommandation de Robin et ouvrit le frigo pour y déposer le tiramisu. « Je pense que d’ici une heure il sera prêt à être anéanti. » fit-elle en prononçant le dernier mot de façon théâtrale, avant de sourire en coin.

Sophia se tourna vers la grande pièce à vivre, continuant la visite. Elle appréciait toujours autant le sens du style de Robin. Rustique et moderne à la fois, charismatique et cocooning. La lumière tamisée rendait l’atmosphère chaleureuse, et l’avocate n’eut aucun mal à se sentir bien rapidement. Malgré le fait qu’elles n’aient pas fait ça depuis si longtemps. « Oh oui… Tu te rappelles quand on a fini au poste à cause de la maison de Mme Hawkins ? » Elle faisait référence à ce Halloween de leur dix-septième année, où elles avaient décidé de visiter la maison abandonnée à la frontière de la ville. Si de toute évidence personne ne vivait dedans (Mme Hawkins étant morte depuis 1989 paix à son âme) et que l’édifice n’était pas entretenu depuis des décennies, menaçant même de s’effondrer au premier étage, elles s’étaient quand même faites arrêtées par la police pour effraction. Les charges contre elles avaient rapidement été abandonnées, thank god. Si elles avaient eu peur à l’époque de sortir avec un casier, elles en rigolaient aujourd’hui. C’était devenu une chouette histoire à raconter. « C’est fou qu’elle soit toujours à l’abandon encore aujourd’hui ! Tu sais si elle est à vendre ou s’ils prévoient quelque chose pour ses ruines ? » Depuis son retour elle était passée plusieurs fois devant en voiture, histoire de raviver le souvenir de cette exploration à la fin désastreuse. Désormais assise sur le canapé, et l’histoire en tête, elle apprécie d’autant plus l’ambiance mystérieuse due aux lampes. C’était pile à ce moment que l’ampoule d’une des lampes près d’une fenêtre choisit de vaciller. « Ouuhhhh ! Et ta maison alors ? Il s’est déjà passé des choses inexplicables ? » Sophia gloussait, se renfonçant dans le fond du canapé et plissant des yeux, l’air intrigué et une lueur de mystère dans le regard.

Spoiler:

s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

Junk food salée et sucrée, histoires (presque) au coin du feu, une vieille amie… Tout était plus sage que lorsqu’elles étaient plus jeunes certes, mais surtout, elle sentait qu’elles avaient toutes deux gagné en maturité. Maintenant, hors de question de terminer au poste pour l’avocate et la responsable d’écurie. Le souvenir de cette nuit suffisait à les faire rire. « Meilleur rituel ! J’avoue que j’y ai le droit de temps en temps au repas de famille, quand c’est l’heure des remontrances. » La liste était longue, et ça n’était pas la seule fois où la cadette Rose avait eu des ennuis avec la police. Elle avait été arrêtée à une autre occasion, cette fois majeure et avec trois autres camarades, à la suite du blocage d’un abattoir près de St Albans. C’était son frère qui l’avait sortie de là le plus discrètement possible, ayant gracieusement payé sa caution. Mais, renommée du patronyme oblige, l’histoire avait fait son chemin dans la petite ville de Redwood Hills, entachant au passage la belle réputation des Rose. No regrets, tho.
Sophia sourit en coin à la question de Robin. « Je crois que ça me coûterait beaucoup trop cher, vu tout ce qu’il y a à refaire. » La rouquine n’était pas bricoleuse pour deux sous et pas proche de devenir propriétaire non plus, visiblement. « Mais j’aime bien cet endroit de la ville. » Farming area. Il fallait dire qu’elle commençait à bien le connaître. Citadine dans l’âme, elle s’était découverte une appétence pour l’odeur du foin et les longues marches sur le sol humide à l’orée des champs… Ou était-ce juste le charme des habitants du quartier ? L’un d’eux en particulier fit apparition dans sa tête en même temps qu’un fin sourire étirait ses lèvres. L’anecdote des gamins friands d’expédition nocturnes comme elles l’étaient à l’époque la tira de cette pensée furtive. « Ça doit vraiment être dangereux maintenant, déjà que le sol de l’étage manquait de s’effondrer à notre époque ! » Elle pouffait de s’entendre, Sophia. Elle savait bien que la notion de danger leur était inconnue à cet âge, comme elle l’avait été pour les ados qu’elles étaient à l’époque.

Déjà, plus jeune, Sophia aimait se faire peur. S’introduire dans une maison abandonnée, mal entretenue, et toute la symbolique de défier les autorités qui ‘veillait’ sur ces ruines lui procurait de belles sensations fortes. Ajouté à cela, tout l’imaginaire de l’occulte la fascinait malgré elle. Les âmes perdues entre le monde des vivants et celui des morts, les histoires de possessions, les créatures de l’ombre, elle les cherchait dans les films, dans les livres, dans des vidéos amateures sur youtube. Ça lui occupait l’esprit, elle qui se trouvait souvent en proie à l’angoisse de sa propre existence ; sorte de transfert, matérialisation de cette anxiété dont elle peinait à identifier les raisons, les racines. Son corps en alerte, elle jeta immédiatement un regard étonné à Robin pour voir si elle aussi avait vu la lumière vaciller. La cavalière restait fidèle à elle même, terre à terre, cartésienne. « C’était bizarre quand même, cette histoire d’armoire qui tombe toute seule… Non ? » L’avocate sortit son téléphone de sa poche pour le poser sur la table avant de croquer dans une mini-carotte l’air espiègle, se remémorant l’après midi où l’armoire normande massive du bureau de son père s’était retrouvée face contre terre, sans que personne n’ait pu expliquer ce phénomène. Le son sourd et retentissant avait rameuté les deux jeunes filles de treize ans au fond de la vieille demeure et donné lieu à de nombreuses théories sorties de leur imagination débordante. « Peut-être qu’elle veut vraiment que j’achète la maison, qui sait. Enfin ce qu’il en reste. » Sophia retrouvait son air pensif. « Mais je pense que c’est un peu trop tôt pour investir dans Redwood Hills. Mais qui sait… » Elle marqua une pause, entendant la maison accompagner son ton mystérieux d’un craquellement sinistre. « Qui sait ce qui pourrait me faire rester cette fois-ci ! » Plein de choses mais surtout des gens, en réalité. Son frère, son oncle, son nouveau travail qu’elle adore, d’autres personnes présentes dans sa vie, anciennes ou nouvelles.
L’écran de son téléphone s’alluma pour signifier une notification : deux messages, un ancien de Victor qu’elle n’avait pas encore ouvert puis un nouveau de Reid Dewar qu’on reconnaissait bien à sa photo de contact. Elle y jeta un rapide coup d'oeil avant de plonger sa main dans le paquet de chips et reporter toute son attention vers Robin.

Spoiler:

s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

La rousse souriait en écoutant sa vieille amie argumenter en faveur de la ville. Finalement, elle pensait à peu près la même chose, et c’était pour cela qu’elle avait cherché des logements dans le quartier de Midtown plutôt qu’ailleurs. Il y avait quelque chose de rassurant dans le vrombissement régulier du centre-ville qui faisait qu’on ne se sentait jamais seule, même dans les plus grands moments de solitude. Elle en avait passé – et elle continuait – des soirées en solitaire avec Câlin, à écouter les bruits des voitures qui klaxonnaient impatiemment aux carrefours, les déambulations des gens dans les rues voisines. Loin de cette douce effervescence, il était possible que ça finisse par lui manquer.
L’avocate souffle du nez en se penchant en arrière, amusée par la remarque de Robin. « Des survivantes... » répéta t-elle, son rire se transformant en sourire à cette appellation. En effet, elles étaient toutes les deux des survivantes de bien des manières. D’instinct, elle aurait voulu poser une main rassurante, empathique sur le bras de la brune. Je sais. Pour le mettre au courant que, malgré le froid glacial qui s’était immiscé entre elle, elle avait toujours soigneusement pris des nouvelles par d’autres intermédiaires. Elle avait donc su pour sa blessure en mission, puis plus tard, la fusillade. Elle espérait que Robin interprète tout cela dans le regard entendu qu’elle lui lançait, mais comment aurait-elle pu faire le rapprochement ? Elle lui dirait, un jour. Elle s’excuserait aussi, d’avoir été trop orgueilleuse pour venir la voir et lui apporter son soutien. Malgré tout, oui, l’affection qu’elle lui portait n’avait jamais bougé. C’était Robin. Malheureusement, le sale caractère de Sophia surpassait tout.

« C’est vrai. » Redwood Hills était probablement au dessus de la moyenne en matière de bizarreries et étrangetés qui pouvaient secouer une bourgade. « Je pense qu’être partie cinq ans ne m’a pas particulièrement aidée, c’est surtout avec Vic que ça coince…  » Ça l’avait même complètement desservie, il fallait le dire. Victor ne lui parlait presque plus, Ryan était sur le point de partir vivre ailleurs… Heureusement, Amber restait fidèle au poste, impossible d’entacher ce lien si particulier qu’elle avait avec sa cousine. « C’est vrai, nous c’est plutôt l’inverse : la pause de vingt ans a été plutôt bénéfique. » Sophia sourit en coin, guettant la réaction de Robin quant à cette tentative d’humour à propos de cette longue période glaciaire entre elles deux. Elle aurait voulu rajouter quelque chose par rapport à ça, dans un registre plus sérieux, plus solennel. Lui dire que oui, elle était heureuse qu’elle fasse à nouveau partie de sa vie. Qu’elle comptait parmi ces attaches, même après tout ce qu’elles avaient traversé. Qu’elle voulait rattraper le temps perdu, aussi. Mais un bruit sourd vint fermer sa bouche de laquelle allait sortir ces déclarations. Robin, elle aussi, semblait avoir été stoppée dans un élan. De nouveau, l’avocate gloussa. « C’est sûrement Léo qui va aux toilettes. » Le téléphone de la rouquine s’alluma de nouveau, attirant son attention. « Excuse moi, je réponds juste à ça et je vais le mettre dans mon sac. » Elle écrivit très rapidement une réponse à son interlocuteur, à savoir qu’elle n’était pas disponible ce soir, avant de se lever pour ranger l’appareil. « Je ne peux plus attendre, je sors le tiramisu. » déclara t-elle en s’avançant vers le frigo. « Le tiroir des couverts ? » demanda t-elle pour en sortir deux petites cuillères. De retour près de Robin, elle posa le plat sur la petite table basse et tendit la cuillère à son amie. « A toi l’honneur. » qu’elle fit en lui laissant la place d’effectuer la première entaille dans le dessert.

s p o o k y  t r a d i t i o n
ROBIN ⅋ SOPHIA

Sophia se rappelait sans mal des relations plutôt conflictuelles que Robin entretenait avec ses frères lorsqu’elle était plus jeune. Ne pas pouvoir se supporter dans l’enfance, au cours de l’adolescence c’était plutôt monnaie courante dans les fratries. En général ça s’améliorait à l’âge adulte, quand le cortex frontal est enfin fini d’être développé. Pour Sophia et Victor ça avait été l’inverse. Complices depuis toujours, voire très (trop?) fusionnels, la relation s’était délitée quand elle avait décidé de partir de chez eux, à Chicago. Là où elle avait vu une opportunité de connaître autre chose que le Vermont, Victor avait vécu ça comme la pire des trahisons qu’aurait pu lui faire sa sœur. C’était une chose d’être partie, il avait fallu en plus de ça qu’elle lui cache la vérité sur ce qui s’était passé avec son ex. Pire, elle avait eu la maladresse d'en avoir parlé à Amber et Ryan mais pas à lui. « La liste des remontrances est longue... » fait-elle en ricanant. « La distance a eu raison de nous ! » ajoute t-elle avec un ton qui se voulait ironique mais dans lequel on pouvait tout de même sentir l’amertume. Distance physique et émotionnelle, les deux étaient allées de paire et elle en était si triste. Elle assumait ses torts, bien sûr, mais comme on dit : it takes two to tango. Et Sophia n’aurait pu penser à un pire dénouement que celui auquel elle avait assisté lors des révélations et elle allait ramer un bon bout de temps avant de regagner la confiance de son frère, il lui avait bien fait comprendre par ses silences et remarques acerbes lorsqu’ils avaient la rare chance de se voir.

La rouquine hausse les sourcils en écrivant le texto en question, alors que Robin lui fait remarquer qu’elle est plutôt populaire ce soir. « Tu crois pas si bien dire » fait-elle ironiquement, ne se doutant pas que la brune lui demanderait plus amples détails. Prise de court par sa question, ayant soigneusement bien évité d’y réfléchir elle même, elle bug un instant. Reid, son mec. Histoire de se donner un peu de marge de réflexion, Sophia décide d’aller chercher le tiramisu. Du sucre, par pitié ! L’entrepreneur et l’avocate se voyaient à nouveau depuis quelques mois et apprenaient à mieux se connaître, s’apprivoiser. Songeuse, presque distraite par ses propres pensées, elle tend grossièrement le dessert à son amie pour lui laisser l’honneur. Robin plante sa cuillère dans le tiramisu en portant une sorte de toast rempli d’espoir. En espérant qu’il soit le début d’une nouvelle longue série. Sophia penche la tête sur le côté, sourire attendri aux lèvres. Tel un petit animal sauvage, elle avait soigneusement pris son temps pour évaluer où cette amitié retrouvée allait l’amener et surtout, si elle pouvait compter dessus. Marre d’être déçue et surtout traumatisée d’avoir été malmenée sentimentalement (euphémisme), elle avait du entamer un énorme travail de reprise de confiance en l’humanité. Là, près de Robin et la légèreté de ce moment, elle le sent enfin. Elle peut y aller, se laisser aller à la confession, à la vulnérabilité propre à l’ouverture de soi. Après une bouchée solennelle suivie d’un hmmmm pas très subtil, elle s’adosse plus profondément contre le canapé, assise en tailleur. « J’ai rencontré un mec en rentrant de Chicago. » commence t-elle en regardant sa cuillère redevenue immaculée. « Ça s’est passé super rapidement après que je sois rentrée, je pense que j’étais pas forcément prête après… » elle marque une pause pour se donner du courage, plongeant à nouveau la cuillère dans le dessert avant de la reporter à ses lèvres « J’étais avec quelqu’un de vraiment mauvais à Chicago et j’ai du partir assez vite, d’où mon retour assez soudain ici à Redwood. » Elle n’avait plus vraiment envie de s’étaler sur le sujet, et elle était sûre que Robin voyait où elle voulait en venir. Les femmes se savaient, entre elles. « Bref j’étais assez perdue en rentrant, surtout que ça se passait mal avec mon frère. Reid – c’est son prénom – m’a un peu sortie la tête de sous l’eau. Au début ça me changeait juste les idées, parce qu’il est assez peu conventionnel ... » elle sourit en coin en baissant la tête, repensant à la piscine de l’hôtel. « J’imagine que c’est inévitable qu’on s’attache avec le temps et la régularité, j’avoue que je sais pas trop où ça nous mène. » Ça… Plein de paramètres s’étaient de plus rajoutés dans sa vie, à savoir son nouveau travail et ses nouvelles responsabilités au sein du cabinet de la ville, entre autres.