Gabriela n’est pas revenue au cimetière depuis un certain temps, pourtant ses pas l’y entrainent comme si elle était chez elle. Elle traverse les allées sans hésitation, la dégaine droite et fière, son regard fermement accroché à la silhouette qui se faufile entre les tombes. On ne l’a pas remarqué, probablement parce qu’on a l’habitude d’y voir quelques promeneurs et autres visiteurs venus déranger les morts. On s’y mélange aux fantômes, on y erre avec eux. Gabriela, elle, n’est pas venue pour se recueillir mais pour retrouver son copain d’aventure – au singulier, car depuis leur dernière escapade, il n’y a en a pas eu d’autres. Elle n’a pas cherché à le contacter, lui non plus, chacun sans doute pris dans leurs propres vies mouvementées. Gabriela, elle y a quand même parfois repensé, à ces bruits qu’ils n’étaient pas parvenus à reconnaitre, et à ces mouvements surnaturels qu’elle ne sait toujours pas expliquer. Ca lui avait fait froid dans le dos, plus qu’elle ne l’aurait voulu, à tel point qu’elle en avait fait quelques cauchemars.
Aujourd’hui, elle va mieux. La curiosité a remplacé la peur. Elle a repris ses recherches, discrètement, dans son coin. Elle sort, et parfois elle écoute les autres, et elle note ce qui lui semble être des pistes étranges, des indices qui la guideraient vers la vérité. Dernièrement, avec cette histoire de corbeau, Gabriela s’est activée à y réfléchir, et c’est en se souvenant de l’article consacré à Danny qu’elle a réalisé que des retrouvailles s’imposaient entre eux. Danny, l’homme mystérieux dans le cimetière du coin, qui lui avait paru étrange et un peu familier. Elle avait aimé leur aventure, mais elle avait aussi senti qu’il cachait beaucoup de choses. Elle a hésité à l’appeler pour lui proposer une bière, mais puisqu’elle n’était pas certaine qu’il accepte, elle a décidé de ramener le pack de bières à lui.
Quelques mètres les séparent quand Gabriela l’interpelle, alors qu’il lui tourne toujours le dos : « Salut Danny ! » Il se retourne et elle lève fièrement le pack, comme une récompense à sa dure journée de boulot – ou de glande. « J’espère que j’te dérange pas, t’es busy ? Ca fait longtemps, j’voulais te féliciter pour l’article avec des bières. » Elle ne veut pas déballer tout son plan trop vite, car elle ne sait pas trop comment est-ce que ce sera reçu de sa part. C’est un peu risqué parce qu’elle n’a rien annoncé, n’a pas prévenu de sa visite alors elle comprendra s’il la jette comme une malpropre, mais elle se dit aussi qu’ils s’étaient plutôt bien amusés la dernière fois, alors y’a pas de raison pour qu’il soit réfractaire à une petite conversation. Rien de sérieux, juste une petite bière et du soleil sur ses joues. « J’espère que c’est pas trop irrespectueux de boire des bières dans un cimetière, » lance-t-elle, en réalisant que c’est peut-être pas le bon endroit pour faire ça. C’est pas comme s’ils allaient faire une grosse fête et tout casser, mais quand même, la madre en serait toute offusquée.

@Danny Oakes

Danny a l’air content de la revoir, et Gabriela en est d’autant plus ravie qu’elle avait apprécié les quelques moments partagés à ses côtés. Bon, la frayeur est toujours rangée dans un coin de sa tête, et elle y pense un peu parfois, mais avec le temps, c’était quand même drôle et elle ne regrette pas de l’avoir vécu avec lui. Elle ne l’aurait pas fait avec quelqu’un d’autre. Danny avait ce côté mystérieux, à la fois inquiétant par moment mais aussi rassurant. Il avait été l’acolyte parfait, et aujourd’hui, elle sait qu’il peut lui être utile – tout en étant quelqu’un de suffisamment agréable pour apprécier sa compagnie. « Je suis sur le coup. » Qu’elle lance dans une moue malicieuse. Elle n’a pas fait d’autres expéditions, même si elle aimerait bien, mais elle a parfois du mal à recueillir de bonnes informations qui l’emmèneraient dans la bonne direction. Tout est tellement documenté - parfois trop, avec des histoires contradictoires, des témoignages qui n’ont aucun sens, des gens disparus – tout en restant très vague quand on essaie d’entrer dans les détails. Néanmoins, Gabriela n’a pas envie d’abandonner. « T’as eu des nouvelles du fantôme ? » Relance-t-elle, en faisant référence à leur départ un peu précipité après les quelques éléments étranges qui s’étaient manifestés autour d’eux. Chez elle, tout est calme, mais qui sait, peut-être que Danny a des choses qu’il pourrait lui partager.

Il faut un petit temps pour Danny pour se souvenir de l’article, comme si c’était plutôt quelque chose d’insignifiant pour lui, comme si son interview consacré n’était qu’un bout de papier de plus parmi les autres trucs cools qu’il a fait dans sa vie, et ça fait sourire Gabriela. Elle, elle aurait été folle, elle en aurait beaucoup parlé, et sa mère – qui aurait été mise au courant également – en aurait fait des caisses, à tel point que y’aurait pas eu moyen pour elle d’oublier ce détail. Elle comprend néanmoins que c’est pas forcément l’objectif d’une vie pour tout le monde. Danny a l’air plutôt discret comme garçon. « T’étais élégant sur la photo. Je te savais pas aussi à l’aise devant une caméra, » commence-t-elle, répondant à sa demande sur ce qu’elle avait pu apprendre sur lui. C’est un des trucs qu’elle avait remarqué en ouvrant la page. Gabriela esquisse un sourire amusé. « Mais oui, j’ai appris quelques trucs. Ca m’a donné envie d’apprendre à te connaitre encore plus. C’était voulu ? » Et c’est vrai, elle est sincère. Ca a ouvert quelques portes dans sa tête, et ça a titillé sa curiosité parfois mal placée. Elle se demande si c’était volontaire de sa part, d’attiser ça – chez les gens en général, et pas forcément elle précisément - ou s’il l’avait fait sans s’en rendre vraiment compte.

Danny la guide jusqu’à un endroit un peu plus isolé et tranquille, où un banc attend sagement leur arrivée. Elle s’installe à ses côtés, sa bière à la main, et elle réalise que ce n’est pas si désagréable de passer un peu de temps dans ce coin. L’ambiance est presque féérique, magique, et le calme du cimetière, elle est au moins certaine qu’on ne viendra pas les embêter. « Qu’est ce qu’ils pourraient dire, ces gens ? » Qu’elle demande, sans savoir s’il faisait référence à un groupe d’individus en particulier. « On t’a déjà fait des réflexions sur ce que tu pouvais dégager ? » Oh, elle a des tas de questions qui fourmillent dans sa tête mais elle ne veut pas tout balancer. Et avec une curiosité et sincérité réelle, Gabriela a envie de partager ce rare instant d’apaisement pour gratter la surface du mystérieux homme aux mille secrets qui lui fait face.

@Danny Oakes

Gabriela suit le regard de son ami vers l’emplacement indiqué, et ça la fait sourire d’imaginer la scène d’un Danny en train de siroter son thé, à espionner des fantômes en pleine discussion. On pourrait penser que ça a un côté un peu glauque, mais l’image lui est étonnement très apaisante, et plutôt agréable pour un après-midi au milieu d’un cimetière. Elle n’est néanmoins pas venue pour discuter de leurs escapades et autres esprits frappeurs, mais plutôt de l’interview qui a fait germer chez elle quelques interrogations. Elle ne le savait pas aussi bavard, et encore moins face à des journalistes, et ça l’a donc un peu étonné de le voir dans le journal. Elle pensait qu’il était un peu plus méfiant envers les autres – c’est la première impression qu’il lui a donnée quand ils se sont rencontrés au beau milieu de la nuit (mais les circonstances n’étaient peut-être pas en leur faveur). « Pourquoi est-ce que t’as eu envie de faire ça maintenant ? Y’a un truc qui a changé ? » Qu’elle demande, surtout parce que ça fait des années qu’il bosse ici. Pourquoi cette idée de montrer soudainement aux autres qu’il est comme eux ? C’est intrigant, ça l’est encore plus depuis les derniers évènements qui ont secoué les environs. Est-ce qu’il ne chercherait pas à cacher quelque chose, derrière ses sourires et ses faux semblants ? On pourrait le soupçonner, lui, l’homme étrange du cimetière ; on ne le ferait peut-être plus depuis cette interview ?

Danny lui demande si elle a déjà eu l’occasion d’être interviewée, et elle hoche de la tête. Ce n’était pas un aussi grand article, pas aussi détaillé non plus, mais elle avait pu répondre à quelques questions, qu’on avait résumé en quelques paragraphes. Pas de quoi fouetter un chat, mais Gaby était fière de ce petit bout de parcours. C’était toujours un peu gratifiant, de se savoir reconnu par les médias. « Quand j’ai joué dans une petite série, on nous a interviewé pour en faire la promotion. C’était pas grand-chose, et j’ai pas eu ma grosse tête en pleine page, mais j’avais bien aimé l’exercice. Ca fait un peu peur, de parler de soi. » Pour certains, c’est même terrifiant. Heureusement, quand c’est arrivé, elle était accompagnée, et ça l’avait aidé à se détendre. « Tu penses que tu le referais, si on t’en proposait d’autres ? » Gabriela se dit qu’il y a probablement plein de choses à découvrir chez un homme comme lui, alors ça ne la choquerait pas qu’on lui propose d’en dire plus, et de raconter des histoires. Elle est certaine qu’il regorge d’anecdotes. C’est peut-être pour ça que les gens ont tant de choses à dire sur lui. « Je sais pas trop. Je crois que si je nous voyais, je me dirais peut-être qu’ils se recueillent à leur manière. Tu sais, le genre de rendez-vous tous les ans autour d’une bière, à se raconter les histoires qu’on aurait partagé avec notre pote décédé. » Gabriela est curieuse, mais elle n’est pas le genre à créer elle-même les rumeurs. Oh, elle se pose des questions, mais elle a du mal à imaginer le mal dans les agissements des autres. Qu’est-ce qu’on pourrait vraiment se dire sur eux ? « Et toi, tu te dirais quoi ? » Peut-être que ça lui permettrait d’y voir plus clair.

Sa dernière question a l’air plus sensible. Elle a l’impression qu’il réfléchit un peu à quoi lui répondre, et elle se demande si c’est parce que y’a vraiment des trucs graves et réels qui circulent sur lui. Elle a bien entendu quelques trucs sur lui, mais comme elle entend chez les autres aussi. Danny, il n’a pas l’air d’essayer d’y faire grand-chose alors forcément, ça n’aide pas à effacer les traces. « Je sais pas si c’est grave, mais ça peut parfois le devenir, » répond-t-elle en haussant des épaules. Elle espère quand même que ça n’en arrive pas là. « Pourquoi est-ce qu’on dit toutes ces choses sur toi ? » Elle a presque oublié sa bière, ses yeux sont rivés sur Danny. Elle ne cherche pas forcément à lui soutirer des informations – en supposant qu’il y en ait réellement - elle veut surtout connaitre son avis et savoir ce qui fait qu’on aime tant parler sur lui.

@Danny Oakes

Gabriela acquiesce aux réponses de Danny. Elle ne veut pas paraitre trop curieuse, mais elle l’est quand même, et elle a l’impression que ça n’a pas l’air de trop déranger son partenaire de crime alors elle se permet de creuser la question. Oh, il n’est pas bien bavard, il répond mais toujours de manière très réservée, et elle ne sait pas si c’est parce qu’il est timide et qu’il n’a rien d’autre à répondre, ou s’il est volontairement vague pour ne pas en dire trop. Gaby, ça lui va, pour l’instant, parce qu’elle ne veut pas trop insister, il risquerait de tout envoyer balader et de s’enfermer dans son mutisme. « Tu ressens le besoin de sortir de ta zone de confort ? A ton grand âge ? » Qu’elle lance sur le ton de la plaisanterie. Il n’est pas si vieux, elle dirait qu’il est en pleine trentaine, bien entamée (peut-être plus, elle ne saurait donner un âge exact), mais c’est déjà bien suffisant pour certains pour décider de ne plus faire d’effort de tout. Sortir de sa zone de confort pour quelqu’un d’aussi invisible que Danny, ça peut être particulièrement violent quand on n’y est pas préparé. Elle salue néanmoins l’initiative, parce que ce n’est pas un exercice facile. Peut-être qu’il a finalement réalisé qu’il avait envie de s’ouvrir au monde, et peut-être que c’est sa manière à lui de tendre la main aux gens, pour qu’on vienne ensuite la prendre.  
Quand Danny lui pose des questions sur son envie de devenir actrice, elle hausse des épaules. Ah, la question qu’on lui pose constamment. Bien sûr que si. Elle aurait voulu faire partie des étoiles, elle aurait voulu jouer dans des grands films d’auteur, des films d’action, des films d’amour. Elle aurait voulu apprendre à monter à cheval, découvrir un nouveau métier, une nouvelle discipline, une nouvelle langue pour jouer de nouveaux rôles. Elle aurait voulu partir à l’aventure, elle aurait voulu tellement plus, Gaby. A la place, la voilà coincée dans cette petite vie tranquille – pas ennuyeuse, mais un peu trop calme parfois. Mais y’a toujours pire ailleurs. « C’est pas vraiment moi qui décide de m’embaucher malheureusement, » sinon, elle ne serait plus là depuis longtemps. « Mais c’est plutôt cool, oui. Notre petite escapade nocturne m’aurait permis de préparer un rôle dans un bon film d’horreur. Dommage, j’aurais jamais l’occasion d’en parler dans une interview, » ajoute-t-elle en riant.
Elle hausse de nouveau les épaules quand il demande ce qu’il pourrait raconter d’autres. « Je sais pas trop. N’importe quoi, tant que ça raconte quelque chose de toi. Tes amours, tes amitiés, ta vie d’avant… ? T’en as eu une ? » De vie d’avant ? Avant tout ça, avant cette petite routine au cimetière, et ces chemins tout autour des morts, avant que tout commence, avant toutes ces rumeurs, avant tout.
L’image que Danny dessine fait lever un sourcil à Gaby. En effet, ils n’ont pas la même version d’un apéro au milieu d’un cimetière et comme lui, elle préfère la sienne. Heureusement, y’a pas suffisamment de monde pour qu’on vienne les embêter, ou qu’on commence à vraiment les remarquer. Y’aura toujours des petits vieux pour râler, mais les deux amis sont relativement calmes pour qu’on les prenne vraiment au sérieux.    
A sa dernière question, Gaby écoute religieusement son partenaire. Peut-être qu’elle aurait pas dû la poser, celle-là, mais elle l’a fait sans arrière-pensée, sans aucun a priori. « Je voulais avoir ta version d’abord, » parce que c’est le premier concerné, parce que les histoires sont parfois tellement déformées qu’on ne comprend pas toujours d’où vient tous ces chuchotements. « C’est peut-être ta coupe de cheveux qui fait ça, » qu’elle lance, en tentant de détendre l’atmosphère. « Si tu la changes, peut-être que les histoires changeront aussi. Tu passerais d’un ex-taulard à un ancien conseiller bancaire de New York mais j’suis pas sûre que ce soit plus excitant. » Moins effrayant, mais boring af. « Tu crois que certains de ces gens font partie de ceux qui ont balancé des infos au corbeau ? T’en as entendu parler ? » Et sans transition, on rentre dans le vif du sujet.

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@Danny Oakes