Foire de Saint Albans.
Assise sur sa chaise, Lucía brasse les cartes, s’occupe en entamant une partie de solitaire. Habituée des ambiances de ce type, la brune est drivée par une envie de renflouer les caisses. Des âmes égarées, il y en aura toujours, ou tout simplement curieuses par des techniques ésotériques. Des sceptiques aussi, qui veulent vivre l’expérience sans vraiment y croire. Il y en a pour tous les goûts, et la brune est certaine qu’elle y trouvera son compte en cette belle journée. Il n’y a pas vraiment une mise en scène mystique sur son mini stand, aurait pu opter pour une boule de cristal - après tout il y en a à bon prix dans des magasins de décoration, ou encore une tente qui donnerait une vibe mystérieuse à cet échange. D’habitude, elle aurait plus tendance à faire ça chez elle, par téléphone ou en se déplaçant, mais c’est aussi l’occasion d’enchaîner plusieurs clients à la suite et payer cette facture d’électricité pendante, à la fin de la journée; on ne l’a jamais vraiment connue résistante au froid. Ressortie gagnante de cette partie où il n’y avait pas réellement de risques de défaite, Lucía s’éloigne de son stand un instant, le temps d’aller chercher un thé pour se réchauffer. C’est le Vermont, rien ne s’y passe réellement, pas grand risque d’inquiétude de ce côté là.

Quand elle revient à son stand, armée d’un thé, remarque des jeunes qui s’approchent, regard curieux vers le panneau sur lequel est inscrit : divination, tarot, prédictions. 20 dollars. Curieux ? L’un d’eux lâche un : Mouais c’est des conneries ce genre de trucs, vous savez lire dans les tasses de thé aussi genre ? Il rit fort. Lucía se pince la lèvre. Sí, sí. Regard mystérieux, tasse qu’elle apporte d’ailleurs à ses lèvres. Ah ouais ? Alors c’est quoi mon futur, madame Irma ? Alors… Lui fait signe de s’asseoir mais le reste du groupe peste : Non mais viens on s’en fout.  Petit sourire de Lucía qui lâche un : Attention à la cheville droite. Hein ? Le jeune qui se lève, et trébuche sur son pied gauche. Ah bah non ! Lucía hausse les épaules, regarde le groupe s’éloigner. Plus tard, on apprendra que le jeune s’était éclaté la cheville droite dans les auto-tamponneuses. See. Pas phasée par le moment, apporte à nouveau sa tasse à les lèvres.  S'avance finalement une âme qui vient s'asseoir en face de la brune, sourire qui lui est adressé.

Octobre 2015 – Cela fait maintenant 8 mois que le médecin de famille a débarqué dans ce coin du Vermont. Il commence à s’y faire, à cette ambiance, à la mentalité, et à son nouveau rôle au sein de cette ville, Redwood Hills. Le Kentucky lui manque tout de même un peu, bien que ça soit surtout la présence de sa sœur jumelle qui l’impacte le plus. Harper a décidé de vivre à New York et lui, ici. Quelle idée. Pourquoi ne pourrait-il pas la rejoindre ? Non, mauvaise idée, ce n’est pas vraiment le moment de fuir dans une autre ville. Saint Albans, il ne connait pas, c’est l’occasion d’y mettre les pieds plutôt que de rester cloîtré dans son cabinet. Damian flâne à la foire, cigarette entre les lèvres. Il sait qu’il est dans une foire mais il est toujours en recherche de nouvelles plantes, nouveaux thés, tisanes, pour soigner ses patients. Il ne trouvera rien ici et puis, il commence à avoir sérieusement faim. Il s’arrête à un stand de nourriture et attend tranquillement son tour.

Dans l’attente, il entend des jeunes s’adresser à une jeune femme à un stand. Curieux, il lit les inscriptions : divination, tarot, prédictions. 20 dollars. L’homme de science doute franchement de ce genre de chose mais reste tout de même attentif à la scène. Elle évoque une cheville, la droite. Dommage, il trébuche sur son pied gauche. Damian suit la scène avec un sourire amusé sur ses lèvres. Ces jeunes sont cons et elle, eh bien, théoriquement, dans l’ancien temps, elle aurait été considérée comme une sorcière. Mais le scientifique s’interroge plutôt sur la première réflexion du jeune concernant le thé. Peut-elle vraiment lire dans les tasses grâce à du thé ? Passion thé enclenchée ! Damian tire doucement sur sa cigarette, rejette la fumée et finit par abandonner la file d’attente pour s’approcher du stand. Il s’installe en face d’elle et regarde la tasse : « Vous utilisez n’importes quelles feuilles de thé pour lire dans les tasses ? » L’approche, Damian, l’approche. A revoir.

Le groupe de troll, Lucía s’en moque en réalité, n’a pas grand chose à prouver, n’a pas nécessairement le besoin de le faire, alors quand l’un d’eux l’interpelle pour savoir si elle savait lire dans les feuilles de thé, la brune répond positivement. Pas vraiment son support de prédilection, d’autant plus que le thé qui se trouvait devant elle, n’était qu’un vulgaire sachet saveur menthe, rien de plus industriel. Pour autant, on peut relever des cartes sur cette table; outils qui lui parlent bien plus. Cependant, n’aura heureusement pas l’occasion de soutirer 20 dollars à ce type, qui succombe à la pression sociale de ses amis peu intéressés par le sujet. Un haussement de sourcil, pas vraiment atteinte par le moment, plutôt généreuse, quand elle le conseille de faire attention à sa cheville droite. Une intuition, plus qu’autre chose. L’air neutre, quand il tente de lui prouver que sa prédiction est fausse. On est pas dans l’instantané, babe. On retiendra de le préciser, pas aussi performante qu’un Iphone 6, la pseudo voyante du jour s’admet faussement vaincue en haussant les épaules. Ah zut alors.

Cet échange aura eu le mérite d’attirer les regards, notamment celui d’un grand blond qu’elle remarque, clope à la main. Pas dérangé de l’enfumer, il s’installe en face d’elle.  Un sourire, qui se change en léger rire en entendant sa question. Ay, gringo, no. Le regard qui dérive sur sa tasse de thé, soulève le sachet qui était en train d’infuser. Je vais pas aller loin avec un sachet Lipton. Si cute, pas très observateur. On retiendra simplement qu’il est cute; pas besoin qu’il ait un bachelor en médecine. Tout à fait son genre, du coup. Dans le café, dans les feuilles de thé, dans le vin, ça se fait. Petit clin d'oeil, une autre gorgée de thé. Quelques secondes qui passent, pas vraiment gênée, Lulu, ajoute éventuellement : Mais qui sait, je peux percer le sachet, et voir ce qu’il se passe ?   On est ouvert aux possibilités, si ça pouvait lui faire plaisir, au garçon. Pas sûr que ce qu’elle dirait serait vraiment accurate, mais pour 20 dollars, elle peut bien faire semblant de savoir de quoi elle parlait. Main qui s’engouffre dans la poche de sa veste pour en sortir un paquet de cigarettes, en sort une, qu’elle tapote sur la table. Vous avez du feu ? Attention au briquet.

Damian est bien trop curieux pour ne pas s’approcher de ce stand. Enfin, sa curiosité a surtout été titillée parce qu’un groupe de jeunes ne semblaient pas vraiment croire les inscriptions affichées devant le stand. La cheville a failli y passer. Pendant un instant, il se demande si ce n’est pas à cause de ce genre de personne que son métier marche aussi bien. Va-t-elle prédire un autre mal ? L’homme de science n’y croit pas une seule seconde mais il a envie de voir ce qu’elle vaut avec sa voyance. Elle utilise son thé pour prédire ? Il n’en faut pas plus pour l’homme passionné des plantes pour s’y intéresser. Raté, un simple sachet Lipton. Damian fit une légère grimace, il n’aime pas les sachets Lipton. « Il est bon au moins ? » Pourquoi ce genre de question ? Aucune idée, ça lui vient tout seul. Passer pour un idiot lui va très bien, une autre vie, moins de pression, moins de réflexion, moins de tête qui chauffe un peu trop. « Hum non. Ne gâchez pas votre thé pour moi. » Pas sûr de la consistance de ce sachet industriel. Quoi qu’il en soit, il apprend qu’elle peut bien lire au fond d’une tasse grâce au café, aux feuilles de thé, ou bien même avec du vin. Intéressant. « Dans le vin aussi ? Mais vous regardez quoi au juste ? »

Ses yeux se posent un instant sur les cartes sur la table avant de les relever à sa question. Il acquiesce et sort de sa poche un briquet. Il tire une nouvelle fois sur sa cigarette, s’écartant légèrement pour ne pas envahir le stand avec sa fumée. Il cherche dans sa veste son portefeuille et sort 20 dollars qu’il pose sur la table. « Je suis curieux et j’adore particulièrement le tarot. » Annonce t-il avec un sourire amusé. Il n’y croit pas du tout, il fanfaronne là, prêt à lui sortir sa science face à sa magie de comptoir. Aller pour 20 dollars, il veut bien se montrer curieux.

Lucía repose son attention sur le nouvel arrivant, le regard qui déraille ce visage semi-caché par une barbe blonde. Hot, l'homme qui ne lui dit absolument rien, mais qui s'intéresse aux méthodes divinatoires, principalement celle qui consiste à lire l'avenir dans des feuilles de thé. Dommage, mister oreilles bioniques, Lucía ne maîtrise pas vraiment le sujet, pas vraiment quelque chose avec lequel elle avait évolué; mais principalement parce qu'il pense que son propre thé était son support de travail, Lucía vient casser le délire en affichant son sachet Lipton menthe tout à fait commercial, qui n'avait probablement pas la même saveur qu'un bon thé en vrac – on fait avec ce qu'on peut dans cette foire. L'homme grimace. Ah, pas content. Lucía se pince la lèvre inférieure quand il semble ne pas vouloir perdre la face. Il est bon au moins ? Drôle de question, pas certaine que la réponse ne l'intéresse réellement. Autant se complaire dans le silence quelques secondes, avant de proposer une alternative : tenter l'expérience avec son sachet de thé. Elle peut être flexible, la brune si ça pouvait faire plaisir à ce potentiel client. Très sérieux, soit dit en passant qui lui répond par la négative. Comme vous voudrez. Dit-elle en ajoutant par la même occasion qu'il est possible de lire l'avenir dans du thé, du café ou même du vin; clin d'œil qui donne sans doute un double-sens à sa phrase, tentative de flirt qui retombe en même temps que son sachet dans la tasse. Le vin, c'était évidemment pour le surplus, mais l'éventualité qu'il lui en offre un lui semble bien faible. Elle sourit, la baratineuse, qui répond sans se démonter : Dans le dépôt du vin. Duh. Peut-être que ce n'est pas sa boisson de prédilection ? Au fond, elle l'imagine bien avec un verre de whisky à la main.

Bon, visiblement toujours intéressé par… quelque chose, puisqu'il ne s'est pas relevé, Lulu en profite pour fouiller dans sa veste pour en ressortir une cigarette. N'hésite pas à lui demander du feu pour la bonne forme. La main qui se tend pour attraper le précieux objet. Aurait pu lui proposer de l'allumer, - chose probablement plus safe quand on a une vraie clepto en face. La brune qui s'allume sa cigarette en gardant le briquet dans ses mains. L'inconnu qui vient poser 20 dollars sur la table. ça fait un peu pute, mais c'est pas si pire. Qu'elle songe un instant en croisant son regard. Curieux, qu'il dit être, avant de confier adorer particulièrement le tarot. L'homme semble être amusé, Lucía affiche un léger sourire, le temps de songer, la fumée qui s'échappe de sa bouche. Ah oui, c'est quoi la carte qui vous inspire le plus ? Qu'elle demande avec un intérêt surfait. Pour 20 dollars, elle veut bien se faire troller, à défaut d'autre chose. Lui tend un jeu de carte basique, s'il est observateur, probablement qu'il réalisera que ce n'est pas un jeu de tarot. Envie de contrarier aujourd'hui. Mélangez un moment, puis coupez avec votre main gauche.