Ce n'est pas la première fois que Mattie participe au Festival du Sirop d'Erable de Redwood Hills. Devant tout le monde, elle clame haut et fort que cet événement est un peu ringard et ne mérite pas d'exister encore, mais en vérité, elle s'y rend toujours avec une certaine émotion. Durant son enfance, et plus précisément les vacances passées chez nonna ici, elle a accompagné sa grand-mère et a souvent participé aux différentes activités proposées tout au long de la journée. Chez les Teobaldo et les Calderini (la famille de nonna), le Festival du Sirop d'Erable est une tradition, donc. Et depuis quelques années, elle prend même un véritable plaisir à prendre part au match de football organisé à chaque fois. C'est pourquoi elle se dirige vers le tableau des équipes, pour constater avec plaisir que Debbie fait partie de son équipe. Mattie tique en lisant le nom d'Opale McCulun parmi les Sharks, et celui d'Ezio dans l'équipe des Wild Cats. Intéressant. Rien ne lui ferait plus plaisir que de battre Ezio sur son terrain de prédilection : le sport.
La discussion à côté d'elle de deux jeunes gens attira son attention. Une rousse en robe et un brun souriant, visiblement dans deux équipes opposées. Mattie se souvint rapidement du prénom de la jeune femme et se rappelle qu'elle est serveuse dans un café qu'elle fréquentait souvent, le Snow Rose Café. Elle vérifie et trouve le nom d'Indiana dans la liste des Sharks. Elle se tourne vers les deux jeunes gens et leur sourit.
- Tu veux bien laisser ma co-équipière tranquille, s'il te plaît ?
Mattie attrape les épaules d'Indiana dans un geste familier, en espérant que ça ne gênera pas la jeune femme.
- T'as peur de te laisser distraire, c'est ça ?
A vrai dire, Indiana peut garder sa robe si ça l'amuse, elle risque effectivement de distraite les membres masculins de l'équipe adverse, et surtout Ezio. Et ça, ça arrange bien Mattie.
- Au fait, je suis Mattie, enchantée.

Je regardais les gens passer, des têtes qui m'étaient connues, certaines personnes un peu plus âgées que je connaissais depuis mon enfance et que je saluais avec un sourire lorsqu'ils passaient à côté de moi. Je me sentais un peu cruche à rester là sans bouger, mais en même temps je ne savais pas comment m'y prendre pour aller accoster quelqu'un que je ne connaissais pas, même si je connaissais la plupart des gens de vue. Je vis une fille faire tomber du sirop d'érable sur un jeune homme. Aïe, pas de chance, c'était pas ce qu'il y avait de plus simple à nettoyer. D'ailleurs, cela me fit penser que j'étais au festival du sirop d'érable et que je n'en avais pas encore manger, je décidais d'aller me chercher un pancake, ce qui me permettrait également de me sentir un peu moins seule au monde quand un jeune homme s'avança vers moi. Je savais qui il était, il avait seulement 3 ans de plus que moi et je le voyais quand j'étais à l'école, il faisait partie de la famille Desmarins, je ne lui avais jamais parlé, j'étais pas assez populaire à l'école pour me créer des amitiés avec mes aînés. Il me demanda si je m'appelais Indiana, ce qui m'étonna pas mal, je ne savais pas qu'il connaissait mon prénom et cela me flattait un peu. Oh bien sûr, tout le monde se connait ici, je savais moi aussi qu'il s'appelait Arthur, mais la différence d'âge fait que généralement on connait les plus vieux que nous mais pas les plus jeunes.

« Oui c'est ça. Ah ? Je crois que je ne connais personne dans mon équipe, j'ai pas encore regardé vraiment la liste... Je sais juste que je suis avec les Sharks et que je suis remplaçante... »

Dis-je en lui rendant son sourire. J'étais contente que quelqu'un vienne me parler, j'essayais de laisser ma timidité de côté pour me comporter comme une fille sûre d'elle, mais c'était assez compliqué. Il me fit ensuite une remarque sur ma robe, en disant que je pensais que ça allait les déconcentrer. Je lâchais un petit rire dans un souffle, et haussais les épaules.

« Bonne idée ! Je suis pas sûre que ça marche mais sait-on jamais si ça peut nous rapporter des points !  »

Je promenais mon regard pour repérer où je pouvais acheter des pancakes.

« On est là pour le sirop d'érable... Alors on fait le plein avant le match ?  »

Dis-je alors qu'une fille me prit par les épaules en disant à Arthur de me laisser tranquille. J'observais la fille, il me semblait l'avoir déjà vu au café mais je ne connaissais pas son prénom pour le coup... Son geste m'avait un peu étonné étant donné que je ne la connaissais pas, mais cela ne me dérangeait pas plus que ça, j'étais pas très tactile à la base, mais si je voulais faire de nouvelles connaissances il fallait que je fasse abstraction de ce genre de choses. Elle taquina le jeune homme en lui demandant si il avait peur de se laisser distraire puis elle se présenta. Je lui adressais un sourire.

« Indiana, enchantée aussi. Tu es donc dans mon équipe. Tu tiens quel poste ?  »

Le maire observait le festival d’un air réjoui, heureux qu’il rassemble tant de monde. S’il ne s’était pas inscrit au match de football pour se mêler à la foule déjà compacte, il avait bien l’intention de participer et de discuter avec les habitants de la ville, pour se montrer ouvert et bienveillant. Ce qu’il espérait être. Il goûta aux pancakes recouverts de sirop d’érable et observa les gens discuter, se héler, rire allègrement et son cœur se gonfla d’affection envers Redwood Hills. Près du buffet, il aperçut deux jeunes hommes et une femme discuter des fameux – et délicieux ! – pancakes et leur sourit gentiment avant de continuer sa route à travers tout le festival, à la recherche d’une personne solitaire avec qui discuter. On lui lançait des regards en biais, on le saluait joyeusement ou même, on le félicitait pour la réussite du festival et Camden répondait par des sourires chaleureux, fier de son œuvre (même s’il devait beaucoup à Brooklyn Fillmore). Il finit d’ailleurs par l’apercevoir et se dirigea vers elle, à la fin de son petit discours. « Bonjour, Brooklyn. Comment allez-vous ? » Il était content de la voir, même s’il le montrait peu – pas en public, s’il vous plaît – et lui reconnaissait toujours une ressemblance frappante avec sa femme disparue. Décidément, il n’arrivait pas à se chasser ni sa femme ni Brooklyn de la tête. Il se demandait si Brooklyn souhaitait discuter avec lui ou bien vaquer à ses occupations mais, de toute façon, ni l’un ni l’autre n’auraient beaucoup de temps à s’accorder, chacun étant pris par les activités du festival. « Tout marche comme vous voulez, aujourd’hui ? » demanda-t-il en saisissant une nouvelle assiette de pancakes, affamé. « C’est vous qui les avez fait ? » Il désigna les pancakes du menton tout en mâchant consciencieusement, se demandant si Brooklyn était derrière cette perfection ou pas.

Je n’étais pas resté seul bien longtemps de toute façon. Judson, un autre guitariste de notre chère petite ville m’avait rejoint. Apparemment, il n’avait pas que la musique que nous avions en commun, mais à voir ses yeux briller devant les pancakes, je compris de suite son amour pour ces petites crêpes épaisses. Je lui fis un sourire à sa première approche, sans ouvrir la bouche, encore pleine de sirop. Mais je pu lui répondre plus facilement par la suite. « Oui c’est bien ça ! Et toi, c’est Judson, non ? » J’étais presque sûr de pas me tromper, il était déjà venu jouer au Garden. J’allais passer le début de la fête en bonne compagnie, enfin c’est ce que je croyais jusqu’à ce qu’il évoque le Lunaire Rose, enfin la secte, quoi. J’y croyais toujours pas, et je ne voulais pas en entendre parler. Heureusement, il bifurqua sur un autre sujet, à nouveau les pancakes. Et ma réponse fut évidente. C’était une trop belle occasion pour moi. « Ah merci, c’est cool que tu les aimes, en sachant que j’y ai passé la matinée avec les bénévoles à les faire. » Premier mensonge, ça fait du bien.

Et on se fit vite rejoindre par une jeune fille que je ne connaissais pas, mais je voyais de vue à peu près qui c’était. Ah, être barman à Redwood… En plus, je crois avoir vu sa photo dans l’équipe des Wild. Donc je ne trompais pas, on risquait de jouer ensemble tout à l’heure, donc c’était pas mal de faire connaissance maintenant, voir de partager. « Ouais, c’est ça… La gourmandise surtout, mais je préfère dire que je prends des forces pour le match. Tu veux une assiette ? » lui dis-je en lui tendant quatre pancakes empilés les uns sur les autres, recouverts, bien évidemment de sirop.

La remarque taquine d'Arthur eut au moins le mérite de la faire rire. Il l'avait prononcée pour plaisanter, détendre l'atmosphère parce qu'il trouvait qu'Indiana semblait légèrement sur la réserve. Il n'était pas très familier avec la timidité et cet événement était plutôt de ceux qui permettaient une ambiance divertissante et sans prise de tête. Alors qu'elle lui répondait, estimant qu'elle n'était pas certaine que le fait de jouer en robe lui donnerait un avantage significatif, Arthur croisa le regard d'Harper qui lançait un soleil ensoleillé auquel il répondit sans se forcer le moins du monde, alors qu'elle rejoignait d'autres personnes que lui. De toute façon, il aurait tout le loisir de pouvoir lui parler lorsqu'ils joueraient ensemble au match de football, et sans que cela ne paraisse suspect aux yeux de tous. Surtout qu'Arthur se demandait subitement si il aurait la chance (ou la poisse) de croiser les frères Anderson au festival. Depuis que Salvador était rentré, il ne l'avait pas parlé une seule fois, et cela, en-soi, pouvait paraître douteux, étant donné qu'ils avaient été amis il n'y avait pas si longtemps que cela.

Indiana mit un terme à ses pensées alors qu'elle évoquait l'idée d'aller se ravitailler en sirop d'érable avant que le match ne commence. Ce n'était pas une mauvaise idée comptait-il lui répondre, mais il n'en eut pas le temps, car une tornade brune (Mattie) déboula dans son champ de vision en attrapant les épaules d'Indiana, lui signifiant de laisser sa co-équipière tranquille. Certains Sharks semblaient être de vrais requins. Elle ne s'arrêta pas là, lui adressant une remarque qu'il avait lui même formuler en plaisantant avec Indiana. Elle n'était pas loin de la vérité. C'était toujours agréable de voir de jolies filles en robes estivales. Après, de là à ce qu'il se laisse distraire, il n'en était pas certain car Arthur prenait ce match très au sérieux. D'autant qu'il détestait perdre. « C'est possible. », répondit-il à la dénommée Mattie, en faisant mine de réfléchir un instant, avant de lui adresser un sourire hilare et de se présenter à son tour. « Mais ce n'est pas pour autant que je vous laisserai gagner. Vous savez jouer au foot, au moins ?! » demanda Arthur, mi sérieux, mi moqueur, à ses deux adversaires féminines, sans toutefois douter d'un possible talent venant de l'une d'entre elles ou même des deux. Il pouvait toujours être surpris et verrait sans doute cela au cours du match.

Ça faisait très longtemps que je n'étais pas sortie. En fait, depuis mon retour de Paris, je me concentrais principalement sur mon travail. Je devais réussir et prouver à mon paternel que je pouvais m'en sortir seul. Et puis, il y avait Annora aussi. Depuis quelques jours déjà, la jeune femme vivait chez moi. Bon, j'avais été obligé de le dire à Harper et Salvador pour ne pas qu'ils se posent trop de questions à son sujet. Ils avaient été un peu perplexe sur le fait que je sois en couple mais bon. Encore plus sur le fait qu'elle est l'âge de notre sœur. Mais bon qu'importe. Nous nous aimions avec Annora et donc voilà, je me moquais bien de ce que les autres pourraient penser de nous. Mon frère et ma sœur le savaient mais ne l'avaient encore pas vus donc bon. Nous verrons pour cette étape plus tard.

Pour le moment, je terminais de me préparer. Un petit coup de peigne et hop ! J'étais prêt. Annora n'était pas avec moi ce soir. Elle voyait une de ses amis aussi. Ce n'était pas parce qu'elle sortait avec un mec plus vieux – enfin avec moi quoi ! - que j'allais l'empêcher de voir ses amis. Au contraire même. Je la trouvais assez épanouie depuis que nous étions ensemble de manière officielle. Ce soir, j'avais fait dans la simplicité pour ma tenue. Un jean, une chemise blanche et une paire de basket achetée récemment. C'était assez rare que je sorte le soir. En général, un bon dvd ou un bon bouquin et au lit. Contrairement à mon frère ou ma sœur, j' étais assez casanier comme garçon. Mais ce soir, j'avais envie de sortir, de voir du monde. Il y avait la fête du sirop d'érable en ville, ça me faisait une bonne excuse pour sortir. J'en avais assez de passer pour le mec sans vie, sans amis. Ça allait changer ce soir.

Arrivé au lieu de la soirée, je jetais un rapide coup d'oeil aux alentours. Je ne vis pas grand monde que je connaissais déjà. Un peu plus loin, je repérrais le buffet. Parfait, je ne vais pas mourir de faim au moins. Bref. J'entendais un type parler d'Olivia. Ma meilleure amie ? Perplexe, je jetais un coup d'oeil rapide sur le jeune homme en question. « C'est toi Judson ? Je suis Jay, le meilleur ami d'Olivia. » Disais-je avant de mettre un petit four dans ma bouche.

Judson parlait joyeusement avec Arion, de la musique, des pancakes, quand son interlocuteur expliqua qu’il avait passé la matinée à faire les pancakes, il était donc content qu’ils soient délicieux. Judd arqua un sourcil, il n’aurait jamais imaginé que le gars puisse être derrière ces pancakes divins mais soit, pourquoi pas. Après tout, on ne pouvait pas juger à la gueule du mec. « Wow, t’as fait du bon boulot alors, félicitations ». Alors qu’ils étaient rejoints par une jeune femme brune, Judson entrait en grande conversation à propos d’Olivia, qui aurait adoré être présente ce jour-là mais elle avait eu un empêchement, au plus grand regret de Judson – pour cette raison, il était venu seul mais ne pouvait s’empêcher de parler d’elle. Quelques secondes plus tard, un grand type l’abordait en expliquant être le meilleur ami d’Olivia. Judson fronça les sourcils, il avait déjà entendu parler de lui, il avait même fait une sérieuse crise de jalousie à ce propos et s’exclama « Sérieusement, c’est toi Jay Anderson ? »  Il le dévisagea de haut en bas, comme pour jauger le personnage.

Même si Redwood Hills était une petite ville, Judson n’avait jamais eu le loisir de croiser Jay et maintenant qu’il l’avait en face de lui, il ne savait comment réagir ; mais ce même profond sentiment de jalousie subsistait, car il était, comme il l’avait dit lui-même, le meilleur ami d’Olivia. Ce que Judd méprisait profondément (même s’il ne le reconnaîtrait jamais devant elle). « C’est toi qui t’es barré trois mois sans prévenir personne ? Elle m’a parlé de ça, ouais »  dit-il sur un ton glacial. Il n’avait pas envie de bousiller cette journée, mais il devait bien faire comprendre à Jay qu’on n’empiétait pas sur ses plates-bandes comme ça. Il le dévisagea avec attention puis, toujours sur le ton froid qui le caractérisait, il tendit la main en soufflant « Ravi de faire ta connaissance » alors qu’il n’en pensait pas un mot.