D'humeur taquine, Arthur n'avait pas pu s'empêcher d'adresser une question faussement sérieuse à l'adresse d'Indiana et de Mattie, à savoir si elles savaient elles-mêmes jouer au football, se moquant à peine de leur possible don. Il savait très bien qu'il pouvait paraître un peu prétentieux en disant cela, et il ne cherchait pas démontrer le contraire, son côté gamin surplombant tous les autres traits de sa personnalité. Et ce côté là ressortait encore davantage lorsqu'une jeune femme attira son attention. Il avait déjà remarqué son prénom sur la liste des Sharks et avait hâte de la croiser, surtout face à face en plein match de football. Mais à la voir, là, déambuler en solitaire au festival, Arthur ressentit le besoin d'aller la voir. C'était plus fort que lui, il fallait qu'il aille l'emmerder, elle, Cléo, qu'il considérait comme une emmerdeuse de première. « Bon, mes chères adversaires, je vous laisse. », dit-il à Indiana et Mattie, tout en faisant une pirouette gracieuse, riant par la même occasion. « On se revoit tout à l'heure, quand vous allez manger l'herbe... », rajouta-t-il, hilare, tout en filant vite, pour éviter une possible contre-attaque, surtout de la brune qui semblait avoir un sacré caractère.

En gardant un œil sur Cléo, il sortit son portable de sa poche pour lui envoyer un message, tout en s'avançant vers elle. Alors, on a pas sorti Jenkins aujourd'hui ? T'avais peur de le perdre au festival ?!, tapa-t-il sur l'écran de son Iphone, en sachant pertinemment d'avance quelle réaction elle aurait quand elle lirait ce message. Il en riait d'avance et ne pouvait pas s'empêcher de ressentir même une certaine fierté. Anticipant le fait qu'elle le prendrait sans doute mal, il prit deux assiettes de pancakes au sirop d'érable qui étaient proposées en libre service aux habitants sur l'une des tables. Il adressa un sourire à Harper, tout en saluant les autres personnes présentes, avant de se diriger vers celle qui venait tout juste de lire le sms qu'il venait de lui envoyer. « Fais pas cette tête. C'était juste pour voir si le toutou allait rappliquer. Ça va, je plaisante. », fit-il en voyant le visage de Cléo se renfrogner alors même qu'elle semblait irritée par sa présence, ou peut-être seulement par ses propos. Il y avait de quoi en même temps. « Tiens, je t'ai ramené un pancake. Sirop d'érable à l'honneur ! ». Il lui tendit une des assiettes en souriant, sincèrement ravi de la voir, avant de rajouter à la fois sérieux et blagueur : « Enfin si t'en veux pas, ça me gêne aucunement de manger les deux. Je t'aurais bien donné une pomme pour ta ligne, mais il y en avait pas... ».

Esquivant de justesse deux gamins qui se courraient l'un derrière l'autre, Cléo esquissa un sourire amusé, avant de sentir son téléphone vibrer dans la poche arrière de son short. Ah, ses parents s'étaient enfin décidés à venir, eux qui disaient depuis la veille qu'ils la tiendrait au courant pour cette journée si spéciale à venir. Et pourtant, un simple coup d’œil à l'écran de son téléphone indiqua à la brunette qu'il ne s'agissait pas de ses parents, mais plutôt de ce gamin d'Arthur, qui donnait subitement de ses nouvelles. Intriguée, elle ne pouvait le nier, Cléo déverrouilla son téléphone, et lut en quelques secondes le message, tandis qu'un air blasé se peignait instantanément sur ses traits. Ce qu'il pouvait l'agacer. Et pourtant, une autre pensée germa aussi vite dans son esprit, celle de la présence d'Arthur, sans doute pas très loin, qui devait constater de ses propres yeux que la jeune Ashford se trouvait bien seule. Cléo releva donc subitement la tête pour regarder autour d'elle, au moment même où le jeune homme apparaissait dans son champ de vision, deux assiettes en main. Elle ne put s'empêcher de serrer la mâchoire en entendant Arthur appeler Aaron de toutou, et sa maigre explication annonçant qu'il plaisantait ne dérida pas vraiment la jeune femme. Elle ignorait toujours tout de ce qui opposait les deux jeunes hommes, n'ayant pas prit la peine d'interroger Aaron à ce sujet, se disant que ce dernier lui en parlerait de lui-même s'il en avait envie, mais une chose était certaine, la demoiselle ne voulait pas se retrouver au beau milieu, à entendre son meilleur ami se plaindre d'Arthur, et inversement. Si bien que, diplomate, elle choisit de ne pas relever la remarque du gamin, portant son regard sur l'assiette qu'il désignait, et qu'il semblait avoir prit à son attention. Lentement, Cléo remonta son regard azur vers celui d'Arthur, alors que pour la deuxième fois depuis qu'ils se connaissaient, il faisait allusion à sa ligne. Pourtant, visiblement de meilleure humeur que lors de leur première rencontre, la faute à ce festival à n'en pas douter, Cléo esquissa un petit sourire amusé, avant de se pencher, comme si elle regardait son propre corps, ses jambes découvertes par ce short qui lui semblait adéquat à une partie de foot, sa taille, ses bras, puis elle fit un tour sur elle-même, se tortillant en essayant de voir derrière elle, en en faisant juste ce qu'il fallait pour mettre à mal la remarque d'Arthur.

« -Bah quoi ? Je crois que ma ligne va plutôt bien, non ? »

Demanda-t-elle, avant de hausser légèrement les sourcils, les yeux rieurs. Même si elle savait que c'était sans doute l'un de ces traumatismes qui ne la quitterait sans doute jamais réellement, Cléo avait conscience d'avoir changé, de n'être plus cette adolescente mal dans sa peau qu'elle avait trop longtemps été, mais ce n'était pas pour autant qu'elle jouait de ce physique difficilement acquis. Seulement là, la perche tendue par Arthur avait été impossible à louper, et la jeune femme n'avait pas voulu passer à côté. Elle accepta donc l'assiette tendue par le jeune homme, et le remercia en souriant, avant d'entamer avec appétit ce pancake, tout simplement délicieux. Il ne lui fallut pas longtemps pour qu'il disparaisse entièrement, avant que la jeune femme ne nettoie du bout de l'index une longue ligne de sirop immaculée qui restait encore sur l'assiette, et qu'elle porte son doigt à ses lèvres. Puis voyant qu'Arthur n'avait toujours pas touché à la sienne, sans qu'elle ne comprenne d'ailleurs pourquoi, Cléo ne tarda pas à lui prendre ladite assiette des mains, lui remettant la sienne désormais vide. Sans gêne, elle avala un morceau, avant de regarder d'un air amusé le gamin, dont elle ne parvenait pas à déchiffrer l'expression. Peut-être de l'agacement, peut-être se demandait-il déjà ce qui lui avait prit de venir la voir, peut-être même qu'elle aurait bientôt droit à ce surnom si particulier qu'il lui réservait toujours.

« -Je prends des forces pour te ridiculiser sur le terrain de foot. »

Expliqua-t-elle, très sérieuse en prenant une nouvelle bouchée, avant de lui adresser un sourire. Elle avait bien remarqué qu'il s'était inscrit au match, et qu'il était d'ailleurs dans l'équipe adverse, et même si elle n'était pas la footballeuse de l'année, Cléo était bien décidée à ne pas faciliter la tâche au gamin de service.

Mais quel petit con ce Judson franchement. Je ne sais vraiment pas ce qu'Olivia pouvait bien lui trouver à ce mec mais pour moi, il n'était pas un mec bien. Ce n'était pas un mec pour elle. Jamais elle n'obtiendrait ma bénédiction de ma part. J'avais l'impression qu'il me préparait un sale coup avec son pote dont je ne connaissais pas le nom. Soupirant, je préférais ne pas répondre à leur attaque. Ils voulaient jouer ? Et bien soit, nous allions jouer. N'oublier que j'ai un frère et une sœur et que jouer aux cons, je connais. Harper et Salvador avaient vraiment un sale caractère et je savais leur tenir tête. « C'est vrai ce mensonge ? File moi ça que je goutte !! » J'attrapais un pancake et mordait dedans à pleine dent. « C'pas mauvais ce truc Faudrait que tu me donnes la recette mec ! » Disais-je à l'intention du pote de Judson. Puis, je prenais congé d'eux. Il était hors de question que je perde ma soirée avec eux.

Un peu plus loin, il y avait ma sœur qui discutait avec des gens. Je crois qu'il était temps que je sorte un peu de ma tanière et que je vois du monde. J'en ai ras le bol d'être le dernier au courant de tout dans cette ville. Enfin, ça avait du bon parfois. Au moins, on te foutait la paix. Je m'approchais donc de ma sœur et lui déposait un bisou sur sa joue. « attention à ton petit bidon petite gourmande ! » Je pris la main de son amie et déposais un baiser dessus. « Enchanté, je suis Jay. Le frère numéro un d'Harper ! » En temps normal, jamais je n'aurais fait ça mais il était temps que je me botte le cul et que je devienne sociable. Durant quasiment toute mon enfance, j'avais vécu dans l'ombre de ma sœur et de mon frère. J'avais été le frère de Salva et d'Harper, c'est tout. Aujourd'hui, je devenais Jay Anderson. Un mec qui sortait avec une étudiante et qui n'en avait pas honte. Et qu'importe ce qu'en penserait les gens. Salvador n'était pas là ? C'est bizarre. Lui qui adorait les pancakes en plus.

Rapidement, on se fit rejoindre par plusieurs personnes. Un jeune homme avec son gosse, puis une autre femme… Eux deux semblaient plutôt bien connaître Harper. Comme quoi, il y a des gens plus populaires que d’autres. Des fois, j’avais l’impression qu’en étant barman, c’était mon cas, mais au final, je me posais des questions. Depuis tout à l’heure, tout ce qui rejoignait notre groupe me laissait le plus de côté. J’avais bien essayé de me faire remarquer, mais ma blague sur les vers de farine n’avait que réussi à dégouter ou faire rire certains sans que j’attire leur sympathie.

Bon, c’est vrai, au début, je faisais ça que pour embêter Jay et soutenir mon collègue guitariste qui était un des rares à bien me parler aujourd’hui. Finalement, j’avais compris que Jay était un provocateur quand il mordit dans son pancake, me demandant, au passage la recette. En gros, il se moquait de moi et n’en avait pas plus à faire de moi qu’au début, quand il s’était interposé pour chercher des noises à Judson. Au final, toujours le même, m’avait accaparé Harper, seule qui me parlait depuis que Judson était occupé. Un vrai petit con, comme on en fait plus.

La situation m’échappait totalement, et ça m’agaçait réellement. Il y a trop de monde autour de moi, les conversations étaient plan-plan, avec tout le monde se présentant et se demandait si ça allait. Et surtout, mes mensonges n’avaient pas eu assez d’impact. Fallait que je me venge de l’autre gars et qu’on me regarde. Et pour ça, il n’y avait pas énormément de solutions qui me sont venus à l’esprit.

Je pris une assiette de pancake pleine, et la bouteille de sirop d’érable qui était à côté. Puis je commençais à étaler le nectar, jusqu’à ce qu’il y en ai encore plus que les pancakes eux-mêmes. « On va voir pourquoi c’est le festival du sirop d’érable. » Puis je me tournais vers Jud et lui fis un sourire qui était empli d’exuses pour ce qui aller se passer, mais on savoir comment je m’appelle. « Hé, Jay. Regarde un peu de plus près, tu vas pouvoir décortiquer morceau par morceau pour y trouver chaque ingrédient et avoir la recette. » Et sans réfléchir plus longtemps, je lui avais envoyé l’assiette en plein dans la figure.

festival du sirop d'erable.

Si tu peux demeurer toujours dans le présent, alors tu seras un homme heureux. La vie alors sera une fête, un grand festival, parce qu'elle est toujours le moment que nous sommes en train de vivre, et cela seulement.

Qu'est-ce qu'il avait l'air con dans ce t-shirt. Il ne lui manquait plus que la casquette du même genre et il avait la panoplie complète du touriste abruti qui s'est paumé dans le Festival. Oh après tout, rien à battre. Ce n'est pas comme s'il avait une réputation magnifique à tenir et que ce pauvre t-shirt venait un peu ternir ce sublime éclat. C'était en fait l'exact opposé le concernant. Bof, peu importe. « C'est cool de ta part » fit il en affichant un air faussement soulagé « Si tu veux je te désigne quelques cibles, histoire de te diversifier un peu... » Avec le monde qui s'afférait autour d'eux, trouver une victime innocente pour les futurs maladresses de...Comment elle s'appelait déjà ? Un prénom super long...Commençant par un M nan ? Max ..Maximiliane ! Décidément, il n'avait jamais été super doué pour retenir les prénoms. Aucun problème pour retenir un visage, une voix, une partition de musique ou une recette mais alors un prénom ... Il collerait des post it sur les fronts de bon nombre de gens pour se souvenir de leur prénom.

Dans la foule, certaines personnes commençaient à se diriger vers le lieu où se déroulerait bientôt le match de foot. Il n'allait pas tarder à commencer et il était sacrement curieux de voir de qui les équipes allaient être composées. Si cela avait été du Football bien de chez eux, il se serait inscrit sans la moindre hésitation, mais là, avec la version disons française du jeu, cela ne l'avait absolument pas attiré du tout. D'ailleurs, il ne comprenait pas l'intérêt qu'ont certaines personnes pour cette version...Elle manquait beaucoup trop d'action et de contact à son coup. Son attention fut reprise par Max -dont le ton quelque peu ironique dévoilant que secrètement, elle ne voulait pas éclipser les autres cheerleaders par son talent. Ray ne retint qu'au dernier moment un rire étouffer en se retournant vers elle. Serait-ce un sous-entendu dans sa question que Ray venait de percevoir ? Pourquoi lui demander de se justifier alors que c'était elle-même qui s'était proposée à rendre n'importe quel service ? « Pourquoi je ..Pourquoi j'te propose de venir au match ? Parce que le Soccer c'est tellement barbant qu'avec de la compagnie ca passe mieux ? » Il hésita quelque secondes avant d'ajouter « Et vu le talent certain que tu dois avoir niveau maladresse ca pourrait vraiment être marrant... »

Réellement il ne savait pas du tout pourquoi il lui avait proposé le match de foot. Il avait procédé par élimination : les pancake, il ne pouvait plus se les voir en peinture ; lui offrir un nouveau verre de sirop était une mauvaise idée ; les différents attractions de la Foire étaient prises d'assaut ... Le choix était limité. « En plus tu viens d'avouer que tu as un super talant comme cheerleader...Étant ancien Quaterback faut que je vérifie ça ! Donc le match de foot s'est parfait ! » conclu-t'il avec un sourire ravi et amusé. Il ne voulait la forcer ni a assister au match ni à trainer avec lui - chose qu'il comprendrait sans mal d'ailleurs. « Apres je t'oblige à rien hein.» fit il en haussant les épaules. Au point où en était la journée , entre le boulot chargé et le coup du sirop , se faire planter par une inconnu irait dans la continuité des événements... Le Festival du Sirop d'Erable c'est un peu comme à Vegas : Les des sont jetés , rien ne va plus !

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Spoiler:

En faisant mention de la pomme, Arthur se remémorait leur rencontre des mois plus tôt. C'était fou de constater qu'ils se connaissaient depuis maintenant six mois, la moitié d'une année. Ils s'étaient recroisés à de nombreuses reprises, le plus souvent indépendamment de leur volonté, mais n'avaient jamais vraiment sympathisé. Peut-être parce que leur caractère respectif n'était pas compatible, peut-être parce qu'ils ne s'en étaient jamais donné les moyens non plus. Ils étaient peut-être voués à rester des inconnus toute leur vie durant. C'était un vrai mystère. Pourtant, Arthur appréciait l'emmerdeuse, sinon cela ne lui serait jamais venu à l'esprit de venir lui tenir compagnie à ce festival. Il avait beau l'appeler l'emmerdeuse, c'était sans doute lui le plus emmerdeur des deux et il en était bien conscient. La réaction de Cléo n'était pas de celle dont il s'était attendu. La première fois qu'il avait fait référence à sa ligne, elle l'avait particulièrement mal pris. Aujourd'hui, elle détaillait du regard son propre corps, son regard allant de ses jambes fines jusqu'à ses bras alors qu'elle faisait un tour sur elle-même gracieusement afin de lui montrer qu'elle n'avait aucun souci de poids. Elle devait certainement avoir ses règles la première fois qu'il l'avait rencontré, ce n'était pas possible qu'une même personne puisse réagir aussi différemment face à une même réflexion. C'était la seule explication plausible.

Ou alors, c'était parce qu'elle ne les avait pas, qu'elle était en retard dans son cycle, qu'elle avait réagi ainsi la première fois. Parce qu'en la voyant avaler le premier pancake comme une morfale, lécher carrément les restes de sirop d'érable de son assiette comme si elle n'avait pas mangé depuis une semaine, puis prendre l'autre assiette des mains d'Arthur. Il était sur le cul, non seulement parce qu'elle osait prendre son assiette, mais surtout parce qu'il comprenait désormais pourquoi elle agissait ainsi. Elle était enceinte. Voilà, le mystère était résolu. Elle n'avait pas apprécié sa remarque la dernière fois parce qu'elle venait d'apprendre sa grossesse et refusait de grossir justement. Et maintenant, elle assumait pleinement sa maternité. Sauf qu'il y avait un problème dans son raisonnement. La première fois qu'il l'avait croisé, c'était il y a six mois. Et elle n'avait pas grossi d'un gramme. Il fronça les sourcils, un peu perdu dans son raisonnement alors que Cléo s'exprimait de nouveau. Ah oui, le match de foot. « Ça, c'est ce que tu crois. Et ce pancake est à moi. », dit-il brusquement en reprenant l'assiette de ses mains, avalant la dernière de bouchée qu'il restait, puis de redonner l'assiette vide à l'emmerdeuse en lui souriant. Il s'était trompé, elle n'était pas enceinte, seulement bipolaire. « Ça te dit d'aller s'entraîner avant que le match ne commence. Que je vois un peu comment tu te débrouilles. ». Elle semblait tellement sûre d'elle qu'il avait envie de voir ça, Cléo en train de jouer au football. C'était comme si la revanche de la partie de bière-pong allait se jouer sur ce match.

Camden était heureux de voir Brooklyn, heureux de savoir qu’elle allait bien – et personne, absolument personne ne savait pour sa visite dans la cabane dans les bois, c’était un secret jalousement gardé – et ils échangèrent des banalités d’usage, Camden lui demandant comment elle allait même s’il savait, depuis leur premier échange que, dans le fond, Brooklyn n’allait pas très bien. Elle souriait et ce sourire le fit fondre, un sourire qui sonnait faux, mais un sourire tout de même. « Tant mieux, alors. Je vais bien, oui… » répondit-il d’un ton distrait. Camden allait toujours bien, c’était un fait. Toujours la mine impassible, pas vraiment joyeux mais pas triste non plus, le maire ne devait rien laisser paraître – si ce n’est d’être agréable aux yeux de tous. « Ce serait dommage, en effet » Il jeta un coup d’œil en direction des vieilles dames qui maugréaient dans leur dos et sourit devant la remarque de la jeune femme. « Elles doivent avoir beaucoup de choses à dire, il y a toujours un nombre incalculable de rumeurs qui traînent à Redwood Hills » Et lui, en sa qualité de maire, n’était pas épargné par les rumeurs. Au moins, il y en avait une qui ne circulait pas, son passage à la cabane et ses discussions avec Brooklyn Fillmore.

« Ce n’est pas prévu au programme, aujourd’hui, je me mêle à la foule » répondit-il en riant. Il dévisagea un temps Brooklyn et balaya ensuite les alentours du regard. Il sentait les regards en coin des habitants les plus proches et songea que, si on le voyait trop longtemps avec Brooklyn, ça allait forcément jaser. « Je l’espère aussi. Je vais vous laisser, j’ai encore beaucoup de gens à voir. Je vous souhaite une excellente journée, j’espère vous revoir » J’espère vous revoir ! Il n’avait pu s’empêcher de dire ça, ça avait été plus fort que lui. Avec son assiette de pancakes, il s’éloigna, après lui avoir souri, pour aller voir d’autres personnes.

Judson s’attendait à beaucoup de choses, mais pas à ça. Il n’était pas ravi de croiser Jay, tant ce sentiment de jalousie qui étreignait son cœur demeurait présent mais, s’il voulait le provoquer, il n’aurait jamais dépassé le cap de la provocation verbale. En tout cas, pas ici, devant témoins. Pourtant, ce fut Arion qui bouleversa l’ordre des choses en préparant d’abord une assiette de pancakes et Judd fronça les sourcils en le voyant les garnir de sirop d’érable. Etrange. Quelque chose lui disait que les choses allaient finir par mal tourner. Soudain, sans prévenir, Arion jeta l’assiette à la figure de Jay et Judson poussa une exclamation étouffée « Arion ! » mais trop tard, c’était fait. Judson n’aurait jamais pu penser un instant que son pote musicien s’emballerait ainsi et il restait debout, perplexe – l’air indécis. Il s’interposa avant que les choses ne dégénèrent et continua « C’est bon, on se calme » Lui, Judson, celui qui était de toutes les bagarres, s’était semble-t-il assagi. Etait-ce l’influence d’Olivia sur lui ? Ou alors, peut-être qu’il se faisait vieux, il avait trente-et-un maintenant, il n’avait plus vraiment l’âge de se comporter comme un adolescent.

Il se tourna ensuite vers Arion pour lui lancer un regard interrogateur. « Qu’est-ce qui t’as pris ? » demanda-t-il, suspicieux. Judson se le demandait mais dans le fond, peut-être que la raison n’était pas importante, Arion avait fait ce que Judd n’aurait jamais osé (mais rêvait de faire ?) et Judson le félicitait intérieurement. Il tendit des serviettes à Jay pour se montrer serviable – comme si Judson Howell pouvait être serviable – et se rembrunit en songeant à l’amitié qui liait Olivia à Jay, une amitié tellement forte, indestructible certainement.