Y a des petits fours. Ils volent, ils s’écrasent par terre, se ratatinent et son regard qui se rive sur le sol. C’est à peine si elle entend les coups de feu, que les cris, intenses et douloureux, couvrent, les épaules qui se bousculent et les pieds qui se piétinent. Ils commémorent de manière bien étrange, parce qu’Ingrid a encore un peu de mal à comprendre qu’il n’y a aucun artifice, qu’il ne s’agit pas d’une reconstitution, mais que la tournure des événements prend une dimension incontrôlable, tragique et que les plaies qu’on est venu panser, ici, sont rouvertes de manière bien brutale. Puis ces petits fours qui dégringolent, comme une pluie salée, c’est joli et un peu triste. « Tout ce gâchis, quand même.. » Ça lui glisse des lèvres comme ça, à moitié scellées dans une moue pensive alors qu’une épaule cogne la sienne et lui fait perdre le peu de canapés qu’elle a pu sauver d’une chute vertigineuse. Ulysse, qu’il crie. Et le type n’a aucunement l’allure d’une Pénélope, mais elle sourit un peu avant de poser une main sur les épaules des deux bouclés, occupés à s’enlacer, pour les obliger à se baisser, à presque s’allonger par terre, avec elle, parce qu’elle a entendu le cliquetis caractéristique ; celui d’un barillet malade, qui s’apprête à dégueuler encore un peu de feu, à trouer plus de chair. « Une fusillade.. C’était clairement pas dans l’Odyssée ça.. » Elle sourit à celui qui s’appelle Ulysse et regarde sa main, celle refermée sur l’encolure du haut de l’autre (Nathan), une sensation moite sur sa paume; elle a réduit en bouillie les deux petits fours sauvés. Et elle est calme, à l’extérieur, mais sous sa peau blême et lisse, y a un ouragan et son coeur qui bat la chamade dans sa poitrine. Y a la panique qui s’enracine, mais elle sait pas quoi en faire, alors elle regarde les deux garçons, des frères peut être, en attendant qu’ils trouvent la réponse.

J'aurais dû y être, mon boulot aurait dû m'y obliger mais sincèrement cette enquête sur cette minable secte me saoulait de plus en plus maintenant. Alors au lieu de ça je me suis balade dans le camping. C'est paisible ce camping, je n'ai pas besoin d'y réfléchir, je n'ai plus a être ce flic lorsque j'y suis. Je m'éloigne un peu, comme si la culpabilité de ne pas me plonger dans le travail me poussait a me rapprocher de ce lieu que je trouve macabre. Je fais quelques pas me rapprochant de cette grange, tendant l'oreille si par miracle il commençait a y avoir quelque chose qui vaille le coup. Mais ce n'est pas un miracle qui arrive. Non, ce que j'entends résonner a mes oreilles je le connais par coeur. J'aurais aimé ne pas l'entendre parce que cela signifiait que mon enquête devait se prolonger, que j'avais fait erreur en doutant de la véracité et du bien fonde de ma mission. Il n'est pas trop tard, je peux toujours y aller mais ça n'enlevera rien au fait que si je m'étais plongé dans mon enquête directement peut être que je n'aurais pas eu a entendre ces coups de feu.
En arrivant a la grange, beaucoup de personnes sont en train de sortir, d'autres semblent toujours cloitrées a l'intérieur de la bâtisse. Je ne veux pas réellement me faire remarquer mais je ne peux pas non plus tout regarder de loin. Il y a un jeune homme a l'extérieur (Anthony) qui passe un coup de fil. J'arrive vers lui légèrement essoufflé "Eh, qu'est ce qui s'est passé ici?" c'est difficile de parler avec des personnes sous le choc mais il le faut bien si je veux apprendre des choses sur la secte.

Maïa ne voulait pas y aller. Elle trouvait tout cela réellement glauque. Elle ne comprenait pas que l’on puisse commémorer une chose pareille. C’était un peu genre, super, des gens se sont buttés, faisons la fête maintenant. Elle ne voulait pas faire partie de tout cela, elle était bien mieux chez elle-même si c’était pour s’abrutir devant la télé. Elle avait fait beaucoup d’efforts ces derniers temps pour soutenir les autres mais là, même pour des personnes proches comme Ulysse qui se sentait obligé d’être présent de par son passé, elle ne pouvait pas le faire. En fait, elle n’aurait jamais quitté sa maison si son patron ne l’avait pas appelé pour la prévenir de la fusillade dans la grange. Les secours devaient surement arriver mais les premiers secours ne pouvaient pas faire de mal dans le fond. Elle passa d’abord au cabinet médical pour récupérer de quoi faire des bandages, des pansements et désinfecter les plaies. C’était plus logique que d’arriver les mains dans les poches et de tenter de faire des bandages avec des morceaux de vêtements sales.

Lorsqu’elle arriva à la grange, elle comprit pourquoi elle n’avait pas voulu venir. Elle détestait ce lieu, mais elle ne pouvait pas rester à l’extérieur si elle voulait aider. Alors que la foule sortait en courant de l’enceinte, elle rentra à l’intérieur, prenant garde qu’il n’y ait plus de danger imminent. Elle chercha Ulysse du regard pour s’assurer qu’il n’avait rien mais ce n’est pas ce Myers qu’il vit en premier. Elle s’approcha alors de Robin pour s’assurer que tout aller bien. Elle n’était pas seule, c’était déjà ça au moins cela la tiendrait consciente le temps qu’on la prenne en charge. Elle s’approcha d’eux, observant le pansement fait pour qu’elle ne perde pas son sang. « Salut, j’vais regarder ça rapidement Robin. » ce n’était pas toujours à la fête entre elles mais elle tenait à ce qu’elle soit bien. Elle observa le pansement. « C’est pas mal fait, c’est un de vous qui a fait ça ? Faudrait le désinfecter si vous pouvez le faire. » dit-elle en sortant un produit à cet effet et le tendant au jeune homme (Allen) à côté de Robin. « Vous avez vu s’il y a beaucoup d’autres blessés ? » Elle ne pouvait pas rester uniquement avec Robin même si elle voulait s’assurer qu’elle aille bien et dans le fond, elle voulait toujours retrouver Ulysse parmi les personnes qui restaient encore dans la grange.

Au fond, Harper ne savait pas bien la raison de sa présence ici, peut-être pour faire bonne figure, parce que son frère y été, le révérend Anderson son oncle, aussi. Pourtant toute cette histoire de secte, de Rose Lunaire, de commémoration n'était pas sa priorité loin de là. Jon avait décidé de lui tenir compagnie et elle était ravie de sa présence. Les discussions cessaient peu à peu pour faire place au discours du maire.

Perplexe, Harper ne saisit pas l'intention de son oncle. Lorsqu'elle croit comprendre, son visage laisse apparaître une expression horrifiée. Trop tard. Un revolver menaçait désormais l'assemblée avant que les coups retentissent. Tout allait bien trop vite. La peur régnait dans les yeux de chaque habitant de la ville. L'incompréhension, la stupéfaction aussi. Harper était aussi impuissante, aussi paniqués qu'eux devant le spectacle qui s'offrait sous ses yeux. C'était un acte tellement inattendu en ce jour du trentième anniversaire.

Tout le monde s’affolait, courant de part et d'autres à la recherche d'une issue, d'un miracle pour échapper aux tirs impitoyables. Des enfants étaient même mêlés à ce carnage, c'était honteux. Harper avait aperçu Lilas en début de cérémonie et espérait de tout cœur qu'Arthur veillait sur elle du mieux qu'il pouvait. Son frère y était aussi, naturellement son regard se perdait dans la foule à la recherche de visages familiers pour s'assurer qu'ils étaient sains et saufs. Malheureusement elle ne distinguait plus grand chose tant les mouvement de chacun s'enchaînaient pour fuir cette violence.

Jon s'emparait brusquement de son bras, entraînant Harper dans sa fuite, la sortant ainsi de cette sorte de paralysie. Même si elle avait eu envie d'hurler pour extériorisait toute cette agitation en elle, aucun son ne parvenait à franchir ses lèvres. Son corps obéissait alors qu'elle ne se pensait plus en capacité de réagir. Son cœur battait trop vite comme si lui aussi cherchait à fuir pour se mettre à l'abris. Harper réalise à peine la tournure que prennent les événements qu'une douleur vive, à son épaule droite, lui arrache un cri. Son amie ne semblait pas l'avoir entendue et continuait sa fuite effréné. Alors elle la suivait, fuyant avec que son état n'empire, serrant les dents comme pour masquer la douleur. Jon ne semblait heureusement pas avoir été touché. Cette dernière l'entraîne d'ailleurs au sol avant qu'elles se rapprochent l'une de l'autre comme pour se protéger mutuellement. La jeune brune vient toucher son visage, espérant qu'elle n'ai rien. Elle aurait aimé lui répondre que oui mais elle resta silencieuse.

Harper n'avait rien dit et regardait la blessure pour la première fois, sa main faisant pression pour limiter la perte de sang. Elle aurait aimé se réveiller pour constater avec soulagement qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar des plus terrifiants, mais la douleur elle, semblait bien réelle, lui arrachant toute once d'espoir. « C'est... C'est rien », s'efforça-t-elle de dire comme pour tenter de la rassurer en croisant son regard affolé.

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