Lorsqu'il avait vu les annonces pour le speed-dating, Nathan avait d'abord été surpris, notamment parce que c'était Mrs Cavendish qui organisait la chose. Puis, il s'était dit que ça pourrait être amusant, d'autant plus que ça n'engageait à rien - clairement, il ne venait pas là pour trouver l'amour, il avait eu sa dose pour un certain nombre d'années. Peut-être même qu'il repartirait pour une nuit avec sa conquête, qui sait ?
Comme il entrait dans le bâtiment, il vit toutes les tables disposées, majoritairement cachées par des paravents. On le conduisit à l'une d'elles et, avant de partir, la personne qui l'accompagnait lui glissa : « Au fait, votre rendez-vous s'appelle Reagan. » Aussitôt, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il fronça les sourcils et voulut interroger la jeune femme mais, déjà, elle s'était éclipsée. « C'est une blague ? » murmura-t-il pour lui-même. Reagan. Il était certain qu'il n'y en avait qu'une seule à Redwood Hills - et d'un côté, heureusement. Comme par hasard, elle participait aussi au speed-dating ? Désormais, il pouvait librement se convaincre que le monde s'acharnait contre lui. Il faillit faire demi-tour, mais finalement, il poussa un long soupir, puis tira la chaise et se laissa tomber dessus, résigné. Allez, ça ne durerait pas longtemps, c'était un speed-dating, après tout. Il l'avait déjà revue quelques fois, et personne n'était mort. Enfin presque. Il croisa les bras sur la table et regarda autour de lui. Elle ne devrait plus tarder.
Moins d'une minute plus tard, elle apparut dans son champ de vision. Il se demandait si elle avait autant envie de s'enfuir que lui, mais plus ou moins vaillamment, elle s'approcha. « J'vais finir par croire que tu m'poursuis... » Il lui adressa un bref sourire. « Au moins, pas besoin de s'présenter, hein. » Il voulait combler un potentiel silence, même s'ils auraient tout aussi bien pu se regarder dans le blanc des yeux pendant tout le temps qu'ils auraient à se supporter. Il jeta un coup d'œil au biscuit chinois qui patientait, posé sur la table. S'ils étaient venus, c'était pour jouer le jeu, indépendamment de la personne sur laquelle ils tombaient, non ? Il tendit la main pour attraper la confiserie et la brisa pour en sortir le message qui s'y cachait.

Le membre 'Nathan Myers' a effectué l'action suivante : SPEED DATING.

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'BISCUIT CHINOIS' :

Quand elle a appris qu’un speed-dating était organisé, Reagan a sauté sur l’occasion. C’est pas vraiment son genre, le concept même du rendez-vous lui est totalement inconnu mais c’est l’occasion de se remettre en selle. Bien sûr, elle n’attend rien de cette soirée - hors de question pour elle de retomber amoureuse et de foirer à nouveau sa vie – et probablement qu’elle en repartira seule mais elle est quasi certaine de s’y amuser.
Pour cette soirée, Reagan met sa plus belle robe. Elle retrouve ses habitudes d’antan – elle avait presque oublié comme c’était exaltant de se sentir si bien dans sa peau - maquille ses yeux avec soin, se plait à s’observer dans le miroir pendant de longues minutes avant de décider qu’il est temps de rejoindre le malheureux qui tombera sur elle.
Quand on lui annonce que son rencard s’appelle Nathan, Reagan a un mouvement de recul. Nathan… comme celui qu’elle croise à chaque coin de rue depuis qu’ils ne sont plus ensemble ? C’est forcément lui, y’en n’avait pas quinze mille dans les rues de Redwood Hills à partager ce prénom. Son enthousiasme retombe et la soudaine envie de repartir traverse son esprit. Elle hésite, se demande si c’était vraiment une bonne idée de venir jusqu’ici pour repartir aussitôt… et puis décide que s’il y a bien quelqu’un qui doit s’en aller, c’est bien lui, pas elle. Peu importe ce qui se passera, elle, elle a prévu de passer une bonne soirée, et ce n’est certainement pas lui qui lui gâchera ce plaisir. D’une démarche nonchalante, Reagan s’avance alors jusqu’à sa table, face à Nathan, déjà présent. Malaise. Elle s’installe face à lui, lève un sourcil perplexe quand elle aperçoit un sourire sur ses lèvres, puis croise les bras. « J’y suis pour rien, » rétorque-t-elle, sur la défensive. C'est stupide de balancer un truc pareil, mais elle n'a pas pu s'empêcher. Elle avait besoin de se dédouaner de ce qui pouvait ressembler à une énième manigance de sa part. Distraitement, elle attrape l'un des biscuits posés sur la table pour l'ouvrir.

Le membre 'Reagan Dewar' a effectué l'action suivante : SPEED DATING.

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'BISCUIT CHINOIS' :

Quand même, il fallait le reconnaître, elle était belle. Elle n'avait l'air ni commode ni ravie, mais même en tirant la tronche, elle arrivait à être belle. Une pensée fugace le traversa, comme une désagréable réminiscence du passé (parce que c'était du passé et ça le resterait) : et si ça avait commencé ce jour-là, comme ça ? Il aurait probablement su faire preuve de son humour douteux pour la dérider et... bref, ça n'arriverait pas, et finalement, tant mieux - parce que ça se serait mal fini quand même, il en était persuadé. Reagan avait un problème avec le bonheur, ou au moins la joie, la stabilité peut-être, et dès que l'un pointait le bout de son nez, elle faisait tout imploser. C'était comme ça, et tant pis, il était bien décidé à ne pas s'éterniser là-dessus.
Elle s'assit et lui répondit d'un ton sec. Il la regarda, mais ne dit rien : pas la peine d'envenimer la situation - de toute façon, c'était Reagan, que pouvait-elle bien répondre d'autre ? - ou de la rendre plus gênante - mais pouvait-elle seulement être plus gênante ? En découvrant le mot que contenait le biscuit, il en eut la confirmation. Je ne fume pas, je ne bois pas, et ma seule drogue, c'est toi. Il pinça les lèvres, assez embarrassé, avant de passer une main sur le bas de son visage. Lorsqu'il la retira, un sourire s'était invité. Clairement, ce n'était pas Mrs Cavendish qui avait écrit ça. Et si ça l'était... elle était encore pire que tout ce qu'il avait pu imaginer. Mais il était bon public, Nathan, alors il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir envie de se marrer ; d'autant plus que, pour quiconque le connaissait un minimum, la phrase était un joli ramassis de mensonges. Il froissa le petit papier dans son poing et releva la tête vers Reagan. Il avait envie de rigoler, mais c'était plus nerveux qu'autre chose. Quelques mois auparavant, et dans une très mauvaise comédie romantique, il aurait pu lui dire un truc du genre, pour déconner - parce qu'elle savait très bien qu'il fumait et buvait, et que ça ne lui posait pas vraiment de problème de l'avouer. Trop curieux et taquin pour résister, il lança, en battant des cils : « Alors, un truc à m'dire ? » Ils ne pouvaient pas vraiment jouer le jeu, mais mieux valait rire de la coïncidence que d'en rager. Il n'était pas prêt à pardonner quoi que ce fût à Reagan, mais il pouvait faire des efforts, parce que son entêtement avait des limites, et parce que ce soir, se prendre la tête n'était pas à son programme - et, dans le fond, il avait toujours adoré l'embêter. Elle partait bien trop vite pour qu'on n'y prît pas de plaisir.

Les sourcils froncés, Reagan lit le petit mot qu’on lui a laissé avec une certaine contrariété. Excuse-moi, je suis perdue, tu peux m’indiquer le chemin de ton cœur ? Elle en a lu des conneries mais ça, c’est bien une première. Qui est ce qui a écrit ces conneries ? En tout cas, après cette soirée, il risque de ne plus bosser nulle part. Et elle est censée balancer ça à Nathan ? Y’a quelques mois, elle l’aurait fait avec plaisir. Elle serait entrée dans son jeu, elle aurait battu des cils, lancé un sourire niais en exagérant chacun de ses traits. Elle l’aurait prononcé d’une voix toute mielleuse en faisant mine de jouer alors même qu’elle y aurait cru. Elle aurait caché sa sincérité derrière ses frivolités, et ça serait passé. Ni vu, ni connu. Mais les choses ont changé. Aujourd’hui, Reagan a l’impression que quoiqu’elle fasse, ça passera pas. Pas cette fois.
Elle froisse rageusement le papier, l’écrase entre ses doigts et l’abandonne sur la table. Elle jette des regards autour d’elle en espérant secrètement que le temps passe vite. Qu’ils passent à autre chose, qu’on lui propose un autre partenaire, n’importe qui, tant qu’on l’éloigne de Nathan. Quand son regard revient sur son camarade, il se moque d’elle. Les bras toujours croisés, elle l’observe, sans broncher, sans aucune expression sur le visage. Elle sait qu’il cherche à l’énerver, parce que c’est son truc, c’est sa passion de la faire rager à chaque instant de sa vie. Et ça marche. Ca l’exaspère de voir comme ça semble si facile pour lui de papillonner autour d’elle comme s’il ne s’était rien passé, comme s’ils étaient devenus de supers potes du jour au lendemain. Pendant un instant, elle hésite à le planter là, comme ça, au milieu des gens, sans lâcher un seul nouveau mot. Elle pourrait, elle l’a déjà fait des millions de fois, et c’est lui qui se ridiculisera, pas elle. Le problème, c’est qu’elle a trop de fierté pour le laisser filer.
Le silence est retombé, elle n’a toujours rien dit. « Non, mais toi, t’as l’air d’avoir un truc à me dire. Vas-y, » finit-elle par lui lancer. Elle le défie avec son sourire narquois, cherche à retourner la situation à son avantage. S’il pense qu’elle fera le premier pas, il se met le doigt dans l’œil. Elle s’est assez ridiculisée avec lui pour le restant de sa vie.

Elle avait l'air d'avoir quelque chose de tout aussi sympathique, si l'on se fiait à la manière qu'elle avait eue de froisser le papier et de le plaquer rageusement sur la table. Suite à sa question, elle laissa le silence s'installer, sans même sourciller. Il la regarda du coin de l'œil en retenant un soupir. Ils devaient avoir l'air cons.
Ça faisait plus de huit mois. Nathan avait décidé de passer à autre chose - ou au moins d'essayer. Sa première vraie rupture lui avait assez pourri la vie, et celle avec Reagan aussi. Après s'être morfondu pendant un moment, il avait décidé que c'était assez. Et il avait repris le cours de sa vie ; d'un coup, brutalement, il s'y était replongé, aussi un peu pour oublier. Bien sûr, recroiser Reagan, ça l'avait saoulé, et perturbé. Mais, il s'était raisonné : il continuerait à la croiser. Redwood Hills, c'était tout petit. Alors, il avait réuni la maturité dont il pouvait faire preuve, et il avait décidé d'agir comme si tout était fini. Il ne pouvait ni oublier ni pardonner, mais il pouvait passer à autre chose, de cela il était certain. Et tout ça induisait, aux yeux du Myers, qu'il se comportât ainsi, comme il avait l'habitude de le faire : détaché et moqueur. Du moins, autant qu'il le pouvait. De toute manière, l'effort serait de courte durée.
Enfin. Il se redressa un peu lorsqu'elle lui renvoya la balle, armée d'un sourire sournois, puis arqua les sourcils. A vrai dire, il avait deviné qu'elle réagirait ainsi, parce que lui aussi l'aurait fait, comme toute personne un peu sensée - on essaie toujours d'éviter les situations gênantes. Mais comme ils avaient mis les deux pieds dedans, Nathan ne voyait aucun problème à s'y enfoncer un peu plus. Il préférait ça que de longues minutes à se regarder en chien de faïence. Il haussa les épaules. « Bon, comme j'suis plus mature que toi, j'vais pas t'forcer à répondre en premier en disant qu'j'ai d'mandé d'abord, mais sache que l'intention y est. » Il se recula dans sa chaise et, les épaules bien calées contre celle-ci, il repensa à ce qui était écrit sur le petit morceau de papier. Il n'avait aucune envie de lui dire ça. Il sentait déjà le malaise monter d'un cran, parce qu'il supposait qu'elle n'allait pas rire du tout. Il pinça les lèvres et regarda autour de lui, avant de lâcher : « Bon, OK. » Un petit sourire crispa sa bouche, puis il se mordit un peu les joues, eut envie de passer sa main sur son front mais se retint. Il regarda Reagan à la dérobée, clairement pas très à l'aise, puis parvint à fixer à peu près son regard et fit, d'un ton presque solennel : « Je ne fume pas, je ne bois pas, et ma seule drogue, c'est toi. » Aussitôt, il fronça les sourcils et grimaça. « Ça sonne encore plus débile que c'que j'pensais. En tout cas c'pas Cavendish qu'a écrit ces trucs. »

Reagan roule des yeux à la manière d’une actrice de série b, si exagérée que c’en est agaçant. Il l’emmerde profondément, et il le fait exprès. Il le fait forcément exprès. Nathan lui lance, l’air de rien, une petite pique sortie de nulle part, gratuitement. Prends ça dans la gueule, c’est cadeau. Pas très étonnant de la part du jeune homme, certes, mais pour une fois qu’elle n’avait rien dit, rien fait, il aurait pu lui laisser un peu de répit avant de s’attaquer à elle. Mature, tu parles. Elle le connait assez bien pour savoir qu’il pouvait parfois se montrer très enfantin – preuve en est, sa remarque subtile, digne d’un ado de quinze ans. C’est pas elle qui a lancé les hostilités, c’est lui. Toute la salle en est témoin. Elle a presque envie de se lever pour l’accuser de tous ses maux, lui foutre la honte face à l’assemblée, et partir telle une victime. Mais puisqu’elle compte bien lui prouver qu’elle est ‘mature’, elle n’en fait rien. Elle ne répond rien, lui laisse volontairement l’impression de parler dans le vide dans le simple but de le déstabiliser. D’accord, elle a bien entendu son reproche mais elle ne répliquera pas. Qui est ce qui est le plus mature des deux, hein ? On se le demande.
Nathan n’a pas l’air très enthousiaste à l’idée de partager son petit mot, elle perçoit son malaise et ça la fait sourire de plus belles. Le ton solennel qu’il prend donne une autre dimension à sa phrase. Reagan détourne le regard, subitement mal à l’aise. C’est ridicule, en effet, mais c’est plutôt drôle. Ils ont l’air tellement cons, tous les deux. Y’a pas plus gênant que cette conversation. Elle a l’impression de voir ses parents en plein dîner. Putain, si on lui avait dit qu’elle vivrait la même chose que ses deux vieux… gros malaise. Quel calvaire. « Peu importe qui l'a écrit, c’est digne de ta personne, » constate-t-elle simplement, en attrapant son bout de papier. Puisqu’il a joué le jeu, elle veut bien suivre le mouvement. Elle le défroisse, le relit pour se le remettre en tête, puis le repose silencieusement. Elle relève les yeux vers lui. « Excuse-moi, je suis perdue, tu peux m’indiquer le chemin qui mène à ton cœur ? » Qu’elle demande d’une voix innocente, qui ne ressemble en rien à la personnalité de la demoiselle. Cliché à souhait. On se croirait dans une mauvaise comédie romantique. En s’entendant, Reagan se met à rire de son côté, nerveusement, tout doucement. C’est tellement gênant qu’elle ne parvient pas à le retenir. Elle n’a aucune idée de la manière dont il la perçoit à cet instant – probablement qu’il la prend pour une folle ou qu’il s’imagine sans mal qu’elle se fout de lui – mais tant pis, elle n’est plus à ça près.

Il prit un air surpris. Digne de sa personne ? Ça voulait dire quoi, ça ? Il n'était pas du genre à débiter des conneries pareilles, en tout cas pas avec sérieux. Les petits mots d'amour enrubannés de niaiserie, vraiment, il n'avait jamais versé là-dedans - ou bien il ne s'en rappelait pas, ce qui signifiait sûrement que s'il l'avait fait, il était dans un état second - et il espérait ne jamais s'y mettre. Il croisa les bras et toisa Reagan. Vraiment, elle aurait pu trouver mieux à répondre. Elle avait de la répartie : elle aurait pu faire un petit effort. Bref, il était un peu vexé par sa remarque. Cependant, il se tut, et l'observa relire le bout de papier. Elle prononça les mots avec tant d'innocence qu'il eut l'impression furtive que quelqu'un avait parlé à sa place. Un rire roula dans la gorge de la jeune femme, trop nerveux pour qu'elle pût le retenir. Malaise. Il fronça les sourcils et regarda ailleurs, sans trop savoir s'il devait lui sauter dessus parce qu'elle se foutait de sa gueule - et histoire de se défouler un bon coup, de dire ce qui n'avait pas forcément été dit - ou si la situation était tellement gênante qu'elle ne pouvait s'empêcher de rire. Ou les deux. C'était gênant, parce que c'était un peu vrai, qu'elle avait failli le trouver, ce fameux chemin vers son cœur, mais elle s'était perdue en cours de route. Pire, elle s'était littéralement jetée dans le fossé. Et ce soir, il avait fait des efforts, et il avait essayé, et il avait presque réussi, mais c'était peut-être la phrase de trop, le rire de trop, celui qui attrape les nerfs, les triture et les retourne ; et c'est là qu'ils lâchent, à ce point précis, et que les mots sortent, peut-être plus hargneux que prévus, mais pas moins durs. « Ça t'fait rire ? » Il la fusilla du regard. « Sérieusement t'as qu'ça à foutre ? »

Mouahaha: