Petite Katey se tient toute droite, pourtant elle n’a jamais l’air aussi jeune que dans ces situations. Ouvrière consciencieuse, elle s’applique à extraire toutes ses pensées de sa poitrine et à leur donner forme, les exprimer avec des formulations justes. Quelle confession bizarre et impromptue, dans le débarras de la paroisse, en marge du temps du groupe de parole, avec pour officiant… Oscar. Alors qu’elle sait très bien que ce dernier ne perd jamais une occasion de tout tourner en dérision tandis qu’elle-même cherche très souvent ses mots, elle n’arrive pas à résister à cette force, ce réflexe, qui la pousse à creuser, fouiller, et tout lui déballer… Voilà, elle ne ment pas, elle essaie d’adoucir, de prendre en considération leurs deux points de vue si divergents, et elle va jusqu’à lui présenter des excuses, au cas où ses propos auraient pu le blesser. Oscar ne ressemble pas tellement à une personne froissée, il est en train de commenter ses ajustements de pantalon. Elle lâche sans avoir réfléchi : « Il te va bien. » Oscar se fiche probablement de savoir si le vêtement met en valeur sa silhouette, mais Katey a dit cela pour contrebalancer le doute émis, il n’est peut-être pas taillé pour toi mais il te va très bien ? Et bien qu’elle ne comprenne pas bien pourquoi, elle se sent sur-le-champ gênée pour ce qu’elle vient de dire. Conscience subtile des profondeurs, des allusions possibles. Elle le crie presque, elle a cette impression que les participants dans la salle pensent des choses… mais en voilà encore dont elle ne peut deviner la teneur. Ça la stresse, quelque part. Elle est tellement reconnaissante à Oscar quand il lui propose de tout leur expliquer qu’elle pourrait se jeter à son cou – la voilà qui avance de plusieurs mètres dans sa direction d’ailleurs. « Oh oui, oui, ce serait bien » s’exclame-t-elle. Elle avait oublié qu’il faut souvent payer pour qu’un marché soit honoré, et leurs pas les ramènent vers cette fenêtre… Petite Katey, lèvres tremblantes, entend son cœur lui battre dans les oreilles et s’imagine que c’est parce qu’il a peur de la hauteur. Et sa bouche s’ouvre encore sans qu’elle l’air projeté : « Mais… c’est pratique, les portes… » Ce très maigre argument ne fera pas changer d’avis Oscar, lui qui semble près à tout jurer pour peu qu’elle se décide à remonter là-haut. « Ce n’est pas… très approprié » lui confirme-t-elle quand il évoque l’enfer, d’une voix absente ; trop d’idées tournent dans son esprit, elle n’arrive pas à faire le tri. Toutes les raisons de faire ou ne pas faire ce qu’il lui demande lui semblent valables, jusqu’à ce qu’un aveu franchisse maladroitement la barrière de ses dents. Petite Katey est bien embarrassée dans ces situations. La vérité ne ressemble plus à l’idéal auquel il faut se conformer quel qu’en soit le prix, il serait tellement plus confortable de rebrousser chemin… mais, cela reste l’idéal selon lequel elle désire vivre. Et elle se persuade que son malaise est la juste punition de ses erreurs, elle avale sa salive et elle s’efforce de répondre à Oscar. « De… de que, euh… que, que tu m’aimes bien ? » Est-elle sauvée ou condamnée par Joseph qui pénètre à ce moment précis dans la petite pièce ? Le cœur de Katey fond en voyant ce visage familier. Elle est émue, émue qu’il soit venu s’enquérir d’elle, émue quand elle se dit que toutes ces personnes bienveillantes attendaient après elle pour débuter la réunion, et qu’elle, elle se comporte si mal. Si mal… « Je suis désolée Joseph. Je, je ne me sens pas très bien, mais vous, vous pouvez commencer ? » Elle n’ose plus le regarder dans les yeux. Il lui répond que ce n’est pas un problème, elle peut rentrer chez elle si c’est mieux, qu’elle n’hésite pas à lui demander si elle a besoin qu’il l’accompagne, et elle le remercie d’une voix très basse et très honteuse en fixant le plancher. La porte est repoussée, elle demeure entrouverte. Katey garde le silence quelques secondes de plus avant de s’adresser à Oscar. « Je, je ne mérite pas leur confiance je crois. J’ai fait n’importe quoi. » Elle qui était si sûre d’elle à leur arrivée se repasse mentalement le fil des derniers évènements : une accumulation d’erreurs de sa part. Et pourtant… il y a quelques instants où elle s’est sentie bien, qu’elle n’arrive pas à vraiment regretter.