Bloquée dans son fauteuil, Grace continuait de fixer l’écran d’un œil abasourdi, comme si elle s’attendait qu’à tout moment, il s’illumine encore ou qu’un individu masqué en sorte pour faire pire qu’un simple discours un peu vide. Une attaque contre la mairie et donc, contre elle. Grace le savait pertinemment. Elle aurait tant aimé hurler que c’était faux, qu’elle n’avait aucun lien avec la précédente équipe municipale et que les erreurs, magouilles et errances de son prédécesseur n’étaient pas les siennes. Mais qui pour l’entendre ? Dans la salle, passée la surprise, c’était le branle-bas de combat. Finalement, après une éternité, elle releva les yeux, observa les spectateurs, vérifia les issues de secours. Personne ne débarquait en trombe pour les menacer ou pire encore, les choses semblaient s’en arrêter là. Elle aurait dû en être soulagée, Grace, parce qu’elle avait connu de terribles tragédies, elle avait été présente dans les plus terribles moments. Spontanément, elle jeta un coup d’œil vers Marlon qu’elle aurait aimé étreindre pour le rassurer, dans un geste profondément maternel. Pour le protéger, peut-être aussi. Elle n’oubliait pas qu’un jour, Elijah avait été victime de la barbarie humaine et elle refusait que le fils de Jamie soit le suivant. Jamie avait déjà attrapé le bras du garçonnet et de l’autre, chercha la main de Grace qui finit par la saisir. Ensemble contre le reste du monde. Unis, quand celui-ci s’écroulait tout autour d’eux.

« Oui, oui… » approuva-t-elle en réponse à la question. Partir, retrouver la chaleur de leur foyer, pouvoir enfin souffler. C’était ce qu’elle souhaitait par-dessus tout. Pourtant, elle se redressa et reprit « Mais je ne peux pas… je dois d’abord gérer ça. Alerter quelqu’un, m’inquiéter de ce qui s’est passé, poser des questions… faire quelque chose » même si elle ne savait pas exactement quoi. Elle devait prendre contact avec ses collègues, avec les forces de l’ordre, qu’importe. Enfin, elle commençait à atterrir, à recouvrer ses esprits. Elle se sentait un peu plus confiante en voyant que d’autres n’avaient pas attendu pour prendre les choses en main. De son côté, Jamie s’activait, rassemblait ses affaires, prêt à bouger, à fuir cette atmosphère si oppressante. Elle se retourna vers lui et plongea son regard dans le sien, avant de désigner Marlon « Tu peux le ramener à la maison, il y sera plus en sécurité qu’ici » elle n’avait aucune envie que Jamie l’abandonne, bien sûr, elle aurait préféré qu’ils affrontent ensemble la tempête, mais elle ne pouvait être aussi égoïste. Elle devait penser à Marlon d’abord, puis à sa fonction et, enfin, à elle. Avait-elle d’autres choix que de faire face en restant digne, tout en maîtrisant au mieux ses émotions ? C’était son devoir, elle ne pouvait s’échapper alors qu’on avait besoin d’elle.

@Jamie Whelan  

Katey tapote nerveusement le bras de son siège du bout des doigts et elle se mord la lèvre, le regard fixé bien devant elle, sur l’écran redevenu blanc, comme si un troisième film allait être diffusé. Elle martèle les secondes, c’est sa manière d’évacuer toute la nervosité accumulée en seulement quelques minutes. Et puis, elle aurait du mal à tenir une conversation, il faut l’avouer, car elle n’a absolument aucune clef de compréhension en main pour appréhender ce qu’il vient de se passer. Les questions tournent en boucle dans sa tête. Dans des circonstances ordinaires, les poser l’aiderait peut-être à y voir plus clair, seulement elle a conscience qu’elles ne sont pas seules dans la salle, et il y a tellement de bruit autour d’elles ! Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes que quelque chose la pousse à répéter : « Je… » Je ne comprends toujours pas, voulait-elle dire, mais Aspen a parlé la première, et leurs deux voix se sont entremêlées. Katey écoute son amie plutôt que de poursuivre mais elle a du mal à comprendre de quoi elle parle. Enfin, elle mentionne Jamie et Grace donc elle évoque forcément leur échange un peu plus tôt… mais pourquoi s’excuse-t-elle ? « Mais tu n’as pas à t’excuser, comment ça… pourquoi… embarrassant ? » Tous ceux qui la connaissent ont fini par comprendre que Katey n’est pas la plus à même de saisir les sous-entendus et autres situations implicites. C’est en toute candeur qu’elle demande à Aspen d’éclairer sa lanterne, en même temps qu’elle recherche dans sa mémoire des souvenirs du moment écoulé. Elle n’en a pas beaucoup, tout semble avoir été remplacé par ceux de la projection. Certes, elle a remarqué qu’ils n’ont pas beaucoup discuté, mais donc… qu’est-ce qu’elle n’a pas saisi ? Qu’est-ce qu’il s’est réellement passé ?

@Aspen Vaughn

L’angoisse est à son comble. C’est bien de Peter dont il s’agit dans ce petit bout de papier qu’elle a trouvé chez sa patronne à la boutique d’antiquités. Personne ne le verbalise clairement mais l’éléphant dans la pièce prend toute la place. Hailee reste stoïque du mieux qu’elle le peut mais elle sent qu’elle commence à céder à une petite panique. Elle inspire longuement pour dénouer sa gorge et décontracter tous ses muscles. Peter n’a pas l’air menaçant, au contraire. Même si elle a envie de le croire quand il lui affirme qu’elle ne risque rien avec lui et sa famille, elle reste trop méfiante. Fidèle à elle même : aucune foi en l’humanité. Elle veut en revanche bien croire que sa famille a peur de la Rose. Dans le fond, tout le monde même ses membres en ont peur, selon elle.

Elle se tourne vers le cinéma qui se vide peu à peu. Presque tout le monde est parti en trombe. Il ne doit rester que les gens importants et concernés de près par les agissements de la secte. Personnels du cinéma, de la mairie, de la police… Hailee ressent tout à coup l’urgence de partir d’ici. Et la question de Peter la prend de court. « Je ne l’ai évidemment pas sur moi. » déclare t-elle en grimaçant. Est-ce une bonne idée que ce document circule comme cela ? Elle a besoin de réfléchir. Après tout, il concerne directement les Black donc il semble normal que ça leur revienne… « Je vais te donner mon numéro. » Elle prend un petit carnet dans son sac dans lequel elle arrache un morceau d’une feuille. Elle y griffonne une série de chiffres et le tend à Peter. « Tu te doutes que je n’ai pas eu ce document de manière réglementaire… S’il te plaît n’en parle à personne. Je pourrais perdre mon travail. » Elle ne s’épanche pas sur les détails des conditions de sa trouvaille, chose qu’elle pourrait décrire à Peter à l’occasion d’un rendez-vous plus sécurisant pour eux deux. « Je vais rentrer, tu m’excuseras… Je n’ai pas envie de rester plus longtemps ici. » Cash. Ça n’est pas la présence de Peter qui l’importune, bien que leur discussion soit plutôt lourde à partager. C’est que tout commence à s’agiter et s’emmêler dans son cerveau, entre les soucis qu’elle encoure avec Edith Hardings, le danger que représente ses recherches pour sa famille… pour elle. L’historienne adresse un dernier sourire à Peter avant de tourner les talons, déterminée à rentrer se ressourcer dans son antre, loin du chaos de cette soirée.

@Peter Black  

Spoiler:

L’incompréhension de Katey face à ses excuses force Aspen à lui expliquer ce qu’il s’est réellement passé, dans les détails. La blonde en demeure coite. Comment peut-elle être aussi aveugle ? Elle était vraiment très loin de se douter que… Jamie, le compagnon de Grace enfin ! Et Aspen ! Enfin, il ne s’est rien passé lui précise cette dernière, à part un gros coup de cœur de son côté et beaucoup de souffrance. Katey vient chercher la main de la jeune femme et la serre entre la sienne avec quelques pressions. « Je suis désolée pour toi. » Elle n’a pas répondu à sa question, mais il se trouve que oui, elle pense que le coup de foudre existe et qu’il arrive aussi qu’il soit malheureux, comme dans la situation présente. Comme c’est triste… Elle plaint de tout son cœur Aspen, qui semble sincèrement désolée de nourrir ces sentiments-là. À sa demande, elle cherche à se rappeler de l’attitude de Grace. Maintenant qu’elle sait, voit-elle les choses différemment ? Mais elle doit avouer qu’elle est un peu embarrassée pour répondre. « Oui… oui, peut-être… je ne me souviens pas bien, pour tout te dire. » Katey est secouée d’un frisson brutalement. La main d’Aspen toujours dans la sienne, elle ajoute : « Si on y allait ? On peut aller boire un chocolat chaud, ou faire ce que tu veux ! » Elle est là pour lui changer les idées si elle en a besoin. Et puis, elle-même n’est pas contre l’idée de s’éloigner un peu du lieu de la projection pour l’heure. Mais au moment où elle se lève et fait quelques pas, elle ressent l’élancement dans sa cheville encore plus violemment que tout à l’heure. C’est là qu’elle reconnaît ce qu’elle refusait de s’avouer : elle est peut-être plus sérieusement blessée qu’elle ne le croyait. « Ou peut-être que je devrais aller voir un médecin… » Ça l’embête beaucoup, comme le révèle la petite moue qu’elle esquisse.

@Aspen Vaughn