Bon, ok, Joel n'avait accepté ce poste de chaperon à la soirée d'Halloween du lycée que dans le but de garder un oeil sur sa fille.  Il la trouvait un peu plus secrète, dernièrement, et il se demandait s'il n'y avait pas un garçon derrière tout ça.  Elle avait même été vaguement agréable récemment, preuve qu'il devait clairement y avoir anguille sous roche.  Bien qu'elle lui ait fait promettre qu'elle aurait son mot à dire sur sa tenue, Joel  n'avait pas résisté au déguisement de Frankenstein.  Il avait bombé ses  cheveux en noir, puis les avait fait tenir avec du gel, avant de demander à Raelynn de le maquiller dans des tons verts et noirs.  On reconnaissait encore très clairement ses traits au dessous, mais c'était plus agréable que de porter un masque qui lui donnerait chaud toute la soirée.  Deux espèces d'écrous sortaient de son cou.  Sur un T-shirt et un jeans noir, une vieille veste rapiécée – merci maman ! - venait terminer le look.  Et hop, un déguisement d'Halloween parfaitement réussi avec presque uniquement de la récup, si c'est pas beau ça!  Vani semblait moyennement convaincue.  Elle aurait préféré, elle, qu'il porte un masque, mais bon elle devait bien se faire à l'idée que son père viendrait à cette soirée.  Heureusement, il n'était pas le seul à chaperonner, non, il y a le père de Miguel qui lui est 'super cool' selon sa fille.  Il ne peut pas vraiment lui donner tort, même s'il ne le connait pas plus que ça.  Depuis l'arrivée de la famille ils se sont croisés à plusieurs reprises, mais là où Joel et Nora auraient apporté un panier de bienvenue à leurs nouveaux voisins en temps normal, au moment de l'installation des Alvarez, Joel était en plein deuil et n'avait pas perpétué la tradition.  Ils auraient peut-être enfin l'occasion de discuter un peu plus ce soir, qui sait ?

« Tu me laisses avec mes amis, tu fais semblant qu'on ne se connait pas et si tu veux me parler, tu passes par mon téléphone portable d'accord ? »  Les consignes de Vanina étaient on ne peut plus claires, restait à savoir si Joel les respecterait, parce que déjà il apprécie moyennement qu'elle lui donne des ordres, petit un et qu'il avait tendance à ne l'écouter que d'une oreille quand elle lui parlait sur ce ton, petit deux.  Jo n'en était pas à sa première soirée en tant que parent d'élève responsable du bon déroulement des événements, mais c'était la première fois qu'il y participait sans son épouse.  Avant, cette pensée lui aurait gentiment broyé le coeur, ce soir, ça ne lui donnait qu'une sensation acide dans l'estomac.  Il alla se servir un verre de punch pour tenter de faire passer la sensation, tout en regardant autour de lui, les jeunes déguisés plus joliment les uns que les autres.  Sa fille avait décidé de se déguiser en Audrey Hepburn.  Il n'avait rien dit parce qu'il était surpris qu'une fille de son âge sache qui c'était et il avait bien fait car la plupart des filles dans la pièce portaient bien trop peu de tissu pour leur âge.  Pour le coup, Jo était ravi et ne manquerait pas de la féliciter de son choix de costume.  Une dizaine de minutes plus tard, il se resservit un verre de punch dans lequel flottaient des 'yeux' puis repéra enfin une personne de plus de vingt ans!  « Hey salut, Joel Anderson. »  Au cas où on ne l'aurait pas reconnu tellement il est bien déguisé, puis bon, il fait relativement sombre.  « J'en suis à mon deuxième verre de punch.  A notre époque, y avait toujours bien quelqu'un qui l'alcoolisait en douce. »  Il sourit.  « J's'rais pas contre trouver un partenaire avec qui se relayer, parce que sinon je me réveillerai avec une crise de foie du tonnerre demain, tellement c'est sucré ! »  Plaisante-t-il, avant d'ajouter.  « Sympa le costume! »  

Halloween. Fête américaine par excellence. Les Álvarez ne fêtaient pas Halloween. Pas quand ils vivaient au Sud du continent. El día de los Muertos. Ils fêtaient les morts, leur laissant des offrandes sur des autels, partageant un repas sur leur tombe. La fête était différente. Ils continuent de perpétuer la tradition, installant un autel pour le père d’Alejandro, ainsi que pour Isabella, sa sœur. Et les enfants ont vite pris le pli de se déguiser pour aller quémander des bonbons. Ils s’imprègnent de la tradition locale, excuse pour aller faire la fête, notamment pour les aînés. C’est ainsi qu’Alejandro se retrouve à chercher un déguisement pour chaperonner la fête d’Halloween de l’école. Pour avoir un œil sur ses deux plus jeunes fils, Miguel et Emilio. Heureusement, il peut compter sur l’aide de sa mère. Malgré Alzheimer, elle a de la suite dans les idées. Elle lui a dégoté une vieille salopette, ainsi qu’un polo rouge et une casquette pour parfaire le déguisement. Il se trouve plutot convaincant en Mario, même s’il est loin de faire peur. Miguel a, quant à lui, enfiler un costard - pour une fois - et s’est peinturluré la figure pour ressembler au Joker. Emilio a préféré enfiler une blouse de savant fou. C’est ainsi habillés qu’ils descendent de la voiture. Si Miguel se précipite dans la salle, sans un mot pour son père, Alejandro peut compter sur le plus jeune pour lui faire un signe de la main avec un rapide « A plus tard ! » Les gosses, j’vous jure… Pas grave, il trouvera bien un moyen de les emmerder un peu au cours de la soirée.

Il entre dans la salle, inspecte l’endroit. Bordel, y’avait des gosses partout ! Au moins, ça rit, ça danse (un peu) et ça s’amuse. Mais il allait pas rester planté dans un coin en attendant que ça se passe. Il avait pas été fait mention d’un buffet dans la réunion de préparation ? Deux minutes plus tard, le voilà aux côtés de Frankenstein. Joel en fait. « Salut ! Alejandro Álvarez. » Son accent prend toujours le dessus quand il se présente. Il fronce les sourcils. « On n’est pas censés faire en sorte que ça n’arrive pas, justement ? » qu’il demande, amusé. Parce qu’en vrai, ça serait peut-être pas plus mal que le punch soit un peu alcoolisé pour supporter la soirée. D’ailleurs, tandis que Joel lui explique que la boisson est bien sucrée, Al’ s’en sert un verre et en boit une gorgée. « La vache, ouais ! Deuxième verre, t’as dit ? Vas-y doucement Frankie quand même, parce qu’avant la crise de foie, tu vas nous faire une crise d’hyperglycémie. Y’aura assez à gérer des gosses dopés au sucre. J’aurais besoin de ton aide, alors vas-y molo ! » Il plaisante, bien sûr, Al’. Quoique… « Merci ! Sympa le tien aussi ! » Un instant, il regarde les jeunes autour d’eux, espérant voir l’un de ses gosses. « Où est ta fille ? » qu’il lui demande, curieux de savoir en quoi la gamine s’est déguisée.

S'inquiéter pour sa fille a toujours occupé une bonne partie du temps de Joel, mais depuis le décès de sa tendre épouse, c'était devenu un job à temps plein !  D'autant que la jeune femme était entrée dans la phase critique de l'adolescence...  Sa petite fille si charmante s'était transformée en une espèce de petite terreur et, malheureusement, elle ne sortait pas uniquement le soir d'Halloween!  Vanina avait commencé à lui parler d'une manière qui lui déplaisait assez, employant des tons qu'il n'aurait pas imaginé l'entendre utiliser avec lui.  Ce n'était pas facile de mener le combat intérieur de savoir quand aller au conflit pour la faire cesser et quand il valait mieux fermer les yeux parce qu'au final, c'était moins pire que de se disputer avec elle...  Joel et son frère n'avaient pas réellement fait de crise d'adolescence, ils n'avaient pas été des enfants difficiles tout simplement parce qu'ils étaient élevés par leur mère qui avait déjà dû vivre trop de souffrances.  Ils ne s'étaient pas permis de jouer aux insolents.  Les seules ennuis que Joel s'attirait, c'était des bagarres avec d'autres garçons.   Lorsqu'il avait rencontré Nora, il s'était pourtant calmé.  Pour elle.  Leur amour né à l'adolescence s'était conclu par un mariage au début de l'âge adulte et, s'ils avaient tous deux souhaité une grande famille, leur rêve avait été brisé par la découverte de la maladie de Nora.  A l'heure actuelle, Joel se dit amèrement que c'était sans doute mieux comme ça.  

Rencontrant un visage qu'il croise de temps en temps, Jo se présente, même si c'est sans doute inutile, mais Alejandro et lui n'ayant jamais été officiellement présentés l'un à l'autre et n'ayant jamais eu de réelle conversation, il trouvait que c'était ce qui se faisait.  Il annonce ensuite qu'il est à son deuxième verre de punch.  Jo hoche la tête, même si lui aussi pense en son fort intérieur que ça ne serait peut-être pas plus mal si la boisson était un rien corsée, mais juste pour eux, évidemment.  La soirée risquait de leur sembler bien longue.  Amusé, Joel observe son acolyte se verser un verre, attendant sa réaction, ce qui ne manqua pas, évidemment !  Jo se mit à rire, avant de hocher la tête.  « Il faut ce qu'il faut pour protéger nos petits monstres des plaisantins. »  Même lui qui était accro au sucre devait reconnaitre qu'il vivait dangereusement en goûtant un peu trop régulièrement le punch.  « Je vais ralentir la cadence. »  Promit-il, posant son verre et félicitant son voisin pour son déguisement.  Simple, mais efficace.  Combien d'heures n'avait-il pas passé à jouer à Mario Kart ?  Et ne parlons pas de SuperMario sur sa Game Boy, si on remonte encore un peu dans le temps.  « Merci. »  Jo balaya la salle du regard, espérant retrouver la choucroute sur la tête de Vanina assez aisément. « Là bas, Audrey Hepburn.  Il hésita un instant, avant de demander : tu connais ? »  Parce qu'à l'accent chantant de son interlocuteur, il ne devait pas venir du coin et il n'avait aucune idée d'à quel point l'actrice britannique était connue dans le monde. « C'est Miguel avec elle, non ? »  Demanda-t-il, tournant la tête vers Alejandro.  « Vous êtes venus à deux?  Il y a plusieurs enfants dans votre famille, non ? »  Il en ignorait clairement le nombre, mais avait déjà croisé plusieurs petits Alvarez.  Tous des garçons, au moins ceux qu'il avait rencontré, mais peut-être allait-il être détrompé.  « Vous vous plaisez ici ? »  Demanda-t-il avec sérieux, mais tout de même un sourire.  « A l'époque où nous nous sommes installés nous avons été plutôt bien accueillis, ça a facilité l'acclimatation. »  Reconnut-il.   Et puis, il y avait la famille de Nora qui était du coin.  Ils n'étaient pas seuls.  Peut-être était-ce aussi le cas de Miguel et sa famille ?  

Que ce soit ici ou quand ils vivaient en Amérique du Sud, Halloween, ou plutôt El día de los Muertes, est une occasion pour les Álvarez de se retrouver, de passer du temps ensemble. Quand Alejandro travaillait beaucoup, il mettait un point d’honneur à être à la maison pour cette période. Il pouvait compter sur le doigt d’une main les fois où il avait manqué l’événement. Principalement parce qu’il était à l’étranger. Désormais, la fête latine se mélange à la fête américaine. Alejandro permet aux enfants de se déguiser, de faire du porte-à-porte pour réclamer des bonbons, mais en parallèle, ils perpétuent aussi les traditions de la famille du père d’Alejandro. Ce soir, il accompagne deux de ses fils à la fête du lycée. C’est pas vraiment son truc, à Álvarez. Trop de mômes. Mais bon, il se force pour faire plaisir à ses deux garçons. Et puis, il trouve un autre père pour passer le temps. Joel, alias Frankie. « J’aurais dû me déguiser en pirate… La fiole fait partie du déguisement… » Il aurait pu y planquer un peu d’alcool. Dommage, il y pensera pour l’année prochaine ! Goûter le punch permet de vérifier que le saladier ne contient pas d’alcool. Seulement trop de sucre. Il plaisante quand il demande à Joel de lever le pied sur la boisson, mais celui-ci pose son verre puis lui montre sa fille dans la foule. Al’ fronce légèrement les sourcils quand Joel lui demande s’il connaît Audrey Hepburn, mais il ne le prend pas mal. Il comprend que c’est à cause de son accent chantant qu’il ne dissimule pas quand il dit son nom. Parfois, un mot en espagnol sort de sa bouche sans qu’il ne s’en rende compte. La plupart du temps, son accent est gommé, Al’ étant né et ayant grandi aux Etats-Unis. « Oh oui, je connais. Diamants sur canapé, tout ça. Original ce choix de déguisement ! » Alejandro tourne de nouveau la tête vers la jeune fille pour constater, en effet, la présence du Joker à ses côtés, alias Miguel. « Si tu vois un savant fou, c’est sûrement un des miens. Emilio. C’est mes deux derniers. J’ai aussi un garçon et une fille plus âgés. Et Diego, mon neveu que j’ai recueilli. » Une grande famille qui rend la maison des Álvarez très animée. « Tu n’as qu’une seule fille ? » A sa connaissance, c’est le cas, mais Al’ préfère demander confirmation. L’homme s’intéresse à son voisinage, il essaie de s’intégrer, d’intégrer sa famille dans la vie de la ville. « Le changement n’a pas été simple au début, mais on est plutôt bien ici ! » Ils étaient arrivés à Redwood Hills par la volonté de la mère d’Alejandro. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle avait souhaité revenir dans la ville où elle avait grandi. Redwood Hills avait toujours été un peu son refuge, comme quand Al’ était plus jeune, qu’ils vivaient à Los Angeles et que Margaret avait besoin de fuir l’agitation de la ville. Son fils n’avait pas pu lui refuser de revenir vivre ici, et d’autres événements avaient amenés les Álvarez à s’y installer, tous ensemble. « Les gens sont plutôt accueillants. Ça aide. » Latinos, ils avaient tout de même attiré quelques regards de travers, mais Alejandro n’y avait pas fait attention. « Ça fait longtemps que vous êtes installés ici ? » Alejandro est bien content d’avoir trouvé Joel pour discuter, mais il garde tout de même un œil sur les mômes autour d’eux. Il ne faudrait pas qu’il y ait un drame. Not on their watch.

Le rire franc de Joel arrive immédiatement en réponse à la plaisanterie.  C'est vrai que tactiquement parlant, le costume aurait pu être mieux choisi ou du moins réfléchi en fonction des accessoires.  Loin de lui l'idée d'être vexant, mais Joel connait trop peu l'étendue de la réputation d'Audrey Hepburn à travers le monde, tout comme il ignore énormément de choses de la vie des Alvarez.  S'ils étaient arrivés à Redwood Hills à un autre moment, les choses auraient été différentes.  Joel serait certainement allé se présenter et les inviter à dîner un soir, pour qu'ils se sentent les bienvenus dans le quartier.  Seulement, le journaliste vivait à ce moment là un drame dont il peinait à se remettre.  « Oui, je t'avoue que quand elle m'en a parlé, ça m'a surpris, mais plutôt très positivement.  A croire que j'ai élevé une intello. »  Dit-il en riant.  Ou juste une fille qui aime les cinéma d'auteur bien qu'elle l'ait fait aller voir Barbie cet été, c'est un autre style.  Joel demande confirmation sur l'identité du Joker.  « Oh quelle belle fratrie, famille même avec le cousin, il doit y avoir une sacré ambiance à la maison ! »  Il ne se fait pas trop de souci pour la seule présence féminine au milieu de tous ces hommes car si l'ainée des Alvarez est comme sa fille, elle se fera sa place et se fera respecter.  « Oui, une seule terreur adolescente.  Faut que tu me donnes tes trucs de survie si t'en as déjà trois qui sont passés par là ! »  Annonce-t-il dans un grand sourire.  Il aime sa fille à l'infini, ferait tout pour elle, mais très honnêtement, depuis quelques années, elle lui mène la vie dure et il ne sera pas mécontent quand elle arrêtera d'être en rébellion contre tout, tout le monde et peut-être lui en particulier.

Joel interroge ensuite son voisin sur comment il se sent dans le coin et il hoche la tête, comprenant ce qu'il voulait dire, étant lui-même passé par là.  « C'est clair que quand on arrive, tout le monde nous voit, nous regarde, nous observe, mais c'est plutôt bienveillant et pour nous intégrer à la communauté. »  En tout cas, c'est de cette manière qu'il avait ressenti les choses.  Contrairement à une grande ville, on ne peut pas passer inaperçu lorsqu'on s'installe à RH, mais cela avait également de nombreux avantages.  Joel calcula rapidement dans sa tête.  « 8 ans, la vache, j'ai l'impression que c'était y a bien moins longtemps que ça.  On s'est installés en 2015.  Mon épouse avait une maladie du coeur et souhaitait passer sa fin de vie à l'endroit où elle avait grandi. »  S'il aurait pu être pudique, Joel ne se faisait pas d'illusions.  Tout le monde connaissait l'histoire des Anderson.  Ca, ça fait partie des points négatifs d'habiter dans un endroit si petit.  « Les parents de Nora vivent toujours ici, donc j'avoue qu'on s'est installés en connaissant déjà quelques personnes.  Cela a sans doute dû aider. »  Reconnait-il, son regard balayant la salle remplie de petits monstres et autres déguisements.  « Et toi, tu connaissais un peu les lieux avant de t'installer ici ou tu es parti à l'aventure ? »  Son sourire s'élargit à cette idée.  Ouvrir un atlas, fermer les yeux et pointer son doigt quelque part sur la page.  S'y rendre et refaire sa vie.  C'est un concept qui peut paraître amusant, mais qu'il a tout de même du mal à imaginer avec une grande famille.  Mais pourquoi pas, certaines personnes sont plus aventurières que lui ! « En tout cas, Vanina apprécie vraiment beaucoup Miguel, j'ai l'impression qu'ils forment un bon duo et qu'ils sont là l'un pour l'autre, c'est important à leur âge. »  Surtout quand on connait le nombre de jeunes qui se font harceler.  Jo est bien content que sa fille soit bien entourée !

Alejandro trouve surprenant le choix de déguisement de la fille de Joel, adolescente de seize ans. Mais le déguisement est plutôt rassurant, pour un père. Audrey Hepburn était une femme chic et sophistiquée. Une référence encore aujourd’hui semble-t-il. « Amatrice de grands classiques du cinéma ? » Peut-être que le choix de la jeune fille révèle son goût pour les grands classiques du cinéma. Ou peut-être a-t-elle simplement été attirée par l’image de cette actrice iconique. En tout cas, le costume lui va bien ! Miguel est lui aussi resté dans le classique avec un déguisement de Joker. Pour autant, Alejandro avait balayé la salle du regard, en entrant, et il ne croit pas en avoir vu un autre. A évoquer cette famille qu’est la sienne, il ne peut s’empêcher de chercher la tignasse hirsute et grise d’Emilio. Il rit, Al’. « Tu n’imagines même pas ! » De l’ambiance ? La maison des Álvarez n’en manque pas ! Avec quatre enfants, un neveu, une grand-mère, et un meilleur ami, il y a toujours quelque chose qui se passe. Bien souvent, c’est assez fatiguant, tout de même, mais Alejandro n’imagine plus sa vie de famille sans tout ça, sans cette ambiance chaleureuse qui règne au 182 Farming Area. Joel, de son côté, n’a qu’une seule fille. Mais ça peut suffire pour mettre de l’ambiance dans une maison ! « Pas sûr que Miguel en soit complètement sorti… Et quant à mes aînés… Et bien, je ne suis pas au bout de mes peines, même s’ils ont plus de vingt ans ! » Un rire franchit ses lèvres. Gustavo se traîne à la maison, sans savoir quoi faire de sa vie, semble-t-il, et son père ne sait pas quoi faire pour motiver son fils. « Si ça peut te rassurer, ma fille est celle qui s’en sort le mieux ! » Elle trace sa route et semble plutôt bien mener sa barque. « Elle est si terrible que ça, Audrey Hepburn ? » demande-t-il, curieux.

Il hoche la tête, Al’, aux mots de Joel. Donc, ce n’était pas juste parce qu’ils avaient le teint un peu hâlé et un nom un peu chantant que les Álvarez avaient été observés sous toutes les coutures. Il avait semblé à Alejandro avoir ressenti un peu de méfiance à l’égard de sa famille, mais il pouvait le comprendre. La peur de l’inconnu était là. Avec le temps, ils avaient tout de même réussi à s’intégrer. Enfin, il en a l’impression, même si ça ne fait pas si longtemps qu’ils sont dans le coin. Moins longtemps que Joël et sa fille. Il tourne la tête vers Frankenstein quand il parle de son épouse. « Ouais, le temps passe vite ! » Il boit une gorgée de punch, grimaçant encore une fois au sucre qui imprègne ses papilles. Il écoute Joël lui parler de son arrivée à Redwood Hills. Une raison qui fait écho à sa propre histoire. Il tourne le regard vers son acolyte de ce soir, un petit sourire aux lèvres. « Pas d’aventure pour nous. Ma mère est originaire d’ici. Elle a rencontré mon père à Redwood Hills avant qu’ils partent pour Los Angeles. Ma mère a toujours aimé revenir ici, retrouver le calme de la campagne. J’y ai passé pas mal de vacances d’été quand j’étais jeune. Et puis, ma famille est partie en Amérique du Sud. » Il marque une pause, une seconde. Il est bien sérieux, tout à coup, lui qui est plutôt du genre à déconner. « On a découvert que ma mère a Alzheimer et elle a voulu revenir ici. Pour vivre ses derniers instants. » Comme l’épouse de Joël. Drôle de coïncidence. Ses lèvres s’étirent de nouveau quand Joël évoque l’amitié de Miguel et Vanina. « Oui, ils ont l’air de vraiment bien s’entendre ! » Et ça fait plaisir à Alejandro, de constater que son fils s’intègre bien ici. Parce qu’il ne peut pas nier avoir eu des inquiétudes en faisant déménager toute sa famille, les faire traverser tout un continent et leur demander de recommencer leur vie ici. Alors, ouais, ça le rassure, Al’. « Mig’ est du genre plutôt sociable, donc ça ne m’étonne pas tant que ça… Ça me rassure quand même, parce que je peux pas dire que je sache grand-chose de ce qui se passe au lycée… » Il lance un regard entendu à Joël. Les ados sont plutôt secrets et les Álvarez ne dérogent pas à la règle, même s’ils peuvent se montrer bruyants…

« Il faut croire. »  Annonce-t-il, lui même ayant été bien surpris.  « Nous enfants nous surprendront toujours. »  Un sourire se glisse sur ses traits alors que ses yeux se posent sur la mini Audrey Hepburn.  « Enfin, j'espère qu'elle ne va pas m'annoncer demain qu'elle compte devenir actrice. »  Il réfléchit un instant, avant de se rendre compte que ses propos pouvaient sembler maladroits.  « Enfin, je veux dire, je n'ai rien contre ce métier, mais il y a peu d'élus. »  Et s'il pouvait éviter à sa fille de voir ses rêves brisés, il le ferait.  Tous les pères doivent avoir les mêmes ambitions pour leurs enfants : essayer de les tenir le plus éloignés possible des déceptions et des difficultés de la vie, tout en sachant que c'est tout bonnement utopique.  Alejandro doit en savoir quelque chose, lui qui a plusieurs jeunes à la maison.  Ce dernier confirme d'ailleurs que niveau ambiance chez lui, c'est quelque chose, ce qui arrache un grand sourire à Jo.  Ce dernier n'hésite d'ailleurs pas à demander conseil à l'homme qu'il estime d'expérience.  « C'est vrai ? »  Demande-t-il, surpris, avant que son regard ne soit attiré par un jeune s'approchant du punch.  Il ne le quitta pas des yeux afin de s'assurer qu'il ne faisait que se servir un verre, sans « pimenter » la boisson.  Il était peut-être un peu trop tôt pour ça.  Ou ça ne se faisait plus et, une fois encore, Joel était hors du coup.  Un nouveau sourire tendre fait son apparition alors qu'il est question du tempérament de sa fille.  « Disons... qu'elle est en colère contre le vie et que visiblement je suis la personne qui représente la vie à ses yeux. »  Avoir perdu sa mère, se retrouver seule avec son père qui ne gérait pas aussi bien que Nora avaient eu de quoi blesser profondément l'adolescente.  Enfin, c'était les interprétations de Joel.  « Mais tant qu'elle se comporte bien avec les autres, c'est le plus important. »  Il marqua un instant de pause, avant de demander une confirmation.  « Elle se comporte bien chez toi,  hein ? »  Miguel était déjà venu chez les Anderson tout comme Vani avait déjà passé du temps du côté des Alvarez.  

Joel n'imagine pas un instant ce que ça peut faire que d'arriver dans un endroit où la plupart des gens ne partagent pas notre couleur de peau.  Il explique simplement que vu qu'ils vivent dans un petit village, tout nouvel arrivant est considéré comme un étranger, bien innocemment.  Peut-être que les choses avaient été un peu plus compliquées pour les Álvarez ou pas, il n'en saurait jamais rien.  Quoi qu'il en soit, Joel réalisa non sans surprise que cela faisait déjà huit ans qu'il était dans le coin.  Le temps filait à une de ces vitesses !  « Oh. »  Lance-t-il, étonné d'apprendre qu'en fait les parents de son interlocuteur se sont rencontrés ici, avant de déménager plusieurs fois.  Joel en resterait presque bouche bée d'apprendre l'histoire du retour de la famille à Redwood Hills qui résonne un peu en lui.  « Je vois.  Et tu es heureux d'être là ?  J'imagine que tu as dû faire des sacrifices ? »  Joel avait laissé son emploi, ses amis, la maison qu'il aimait pour suivre la femme de sa vie et lui accorder les derniers instants de sa vie.  Pourtant, il ne se verrait pas, à l'heure actuelle, faire machine arrière et retourner vivre à Boston.  Pour Vanina, évidemment, mais s'il était seul, le ferait-il ?  Il n'en était pas sur.

Joel est rassuré de savoir sa fille bien entourée grâce à Miguel qui semble être un ami fidèle.  Ami ou plus, allez savoir, il a déjà tenté de tâter le terrain, mais vous imaginez bien qu'il s'est fait remettre à sa place en bonne et due forme par son adolescente.  Il hoche la tête au commentaire suivant et compatis à la suite.  « Sans blague, leur sacro-sainte vie privée, tu as aussi droit à ce refrain à la maison ? »  Demande-t-il en riant.  Tous les jeunes devaient être pareils, non ?  Même si Matthias et Joel Anderson n'avaient pas été des enfants difficiles.  Ils le devaient à leur mère qui les élevait seule.  Et s'il avait été un peu bagarreur, Joel s'était vite calmé pour Nora, de qui il était tombé amoureux à 14 ans à peine.  Son sourire se fane un peu alors qu'une tortue Ninja (Michelangelo) les interrompt pour signaler que Blanche Neige pleure.  Joel était à deux doigts de faire une blague pas drôle sur le fait que le Prince Charmant mettait sans doute trop de temps à venir et demanda à son acolyte : « Je m'occupe de ce cas-ci et tu prends le suivant, ou on tire à pile ou face ? »  Il pensait passer une soirée peinard, mais visiblement c'était réellement un boulot que de surveiller une telle soirée !  

Alejandro a toujours rêvé d’être père. Il voulait une grande famille, et il l’a eu ! Il ne regrette pas un seul instant ses quatres enfants, même si ce n’est pas facile tous les jours. Comme dit Joel, ils ont le don de les surprendre ! Même quand ils se préparent à tout et n’importe quoi. Mais Alejandro est plutôt du genre à prendre les choses comme elles viennent. Il se demande bien comment il réagirait si un de ses fils lui avouait vouloir devenir acteur. Si c’était Gustavo, il remercierait certainement le ciel de donner un rêve, un but à son fils aîné. Alejandro ne sait plus comment s’y prendre avec lui… En ce qui concerne Miguel ou Emilio… Il est vrai qu’il leur préférerait une carrière moins… aléatoire. « Je suis d’accord, mais bon, si c’est vraiment ce qu’elle veut faire, tu crois que tu serais capable de l’en empêcher ? » Il dit ça avec bienveillance, Al’. Bien sûr qu’il rêve d’une belle carrière pour ses enfants, d’un emploi stable et tout ça, mais à quoi bon s’ils sont malheureux au bout du compte ? Le rôle de parent n’est pas si simple… Et Alejandro parle par expériences ! Bien qu’il ait raté de nombreuses années de vie familiale, bien trop accaparé par son travail, il lui semble qu’il a rattrapé son retard en étant désormais père au foyer. « Enfin, la maison serait beaucoup trop calme s’ils n’étaient pas là… Quand même, j’espère que ce truc d’adolescence là, ça va bientôt se terminer ! J’étais pas si terrible à leur âge ! » En vrai, il était beaucoup plus sage ! Enfin, beaucoup plus sérieux, réservé et timide. Il se demande si ses parents avaient des inquiétudes à son sujet, à cette époque… « T’es son géniteur, donc… Elle est douée en biologie, non ? » Il plaisante, Alejandro. Mais il est d’accord sur ce que Joel dit ensuite. Il attend aussi de ses enfants qu’ils se comportent correctement avec les autres. Il tente, avec l’aide de sa mère, de leur inculquer des valeurs telles que le respect, l’empathie et la générosité. Il regarde son collègue d’un soir. « Bien sûr qu’elle se comporte bien chez moi ! Attends, elle vient souvent à la maison ? » Il laisse planer une seconde de silence, le temps de laisser croire à Joel qu’il n’est pas au courant de la venue de sa fille chez lui. Il reprend ensuite avec un grand rire. « Je plaisante ! Elle est adorable, ta gosse ! T’as fait du bon boulot, Frankie ! » Il lui file alors une tape amicale sur l’épaule.

Ensuite, Alejandro explique les raisons de l’arrivée de sa famille à Redwood Hills. Un choix qu’il avait bien réfléchi car cela voulait dire déraciner toute sa famille pour changer carrément de continent. Il prend un instant pour considérer les questions de Joel. Est-il heureux ici ? Il lui semble. Avait-il fait des sacrifices ? Il imagine que ce sont plutôt ses enfants qui subissent les conséquences de son choix. Il y a aussi son meilleur ami qui les a suivis jusqu’ici… « Ça n’a pas été facile, au début, c’est vrai, mais… J’ai l’impression qu’ils s’y sont fait. » Il pense avant tout à ses gosses, Al’. Bien sûr, quand ils sont en colère, ils lui reprochent de les avoir traîner jusqu’ici, dans ce trou perdu au fin fond du Vermont. Mais ils savent pourquoi ils sont là. Pour leur Abuela…

En ce qui concerne la relation entre Miguel et Vanina, les deux pères semblent au même point. Ils ne savent pas grand-chose ! « Et comment ! Il n’y a que mon neveu de cinq ans qui n’a pas placardé sur la porte de sa chambre le fameux Keep Out ! » Il souffle, Al’. Pas simple de savoir ce qui se passe dans la tête de ceux-là… Et là, un gosse déguisé en tortue les interpelle. C’est vrai qu’ils sont censés chapoter cette soirée… Il avait presque oublié qu’ils étaient cernés par les ados en pleine puberté… « Vas-y, je garde un œil sur le punch. Je gère la prochaine crise. » Il regarde Frankenstein se frayer un chemin entre les gosses. « Lui fait pas peur surtout ! » qu’il lui lance, pour l’encourager. Une fois seul, sans son acolyte, Alejandro observe les jeunes, jetant un regard noir à un petit malin qui s’attarde trop près du punch. Le gamin s’éloigne, non sans un regard dédaigneux pour Mario. Il a déjà pas beaucoup d’autorité sur ses propres gosses alors sur les autres…

Joel prit un instant pour réfléchir.  « Non, tu as raison et peut-être même que plus je lui exposerai mes inquiétudes, plus elle foncerait tête baissée. »  Avoua-t-il en riant, n'ayant pas honte que sa fille se montre si têtue face à lui.  Après tout, Vanina avait du caractère, toutes les personnes la fréquentant le savaient, il n'allait pas faire comme si elle était douce et tendre avec lui, bien qu'elle l'ait été pendant de nombreuses années jusqu'à l'arrivée de cette satanée adolescence.  Chez les Alvarez, cela s'avère aussi rock'n'roll, mais cela met de l'ambiance à la maison.  Par contre, les deux pères se rejoignent sur un point.  « Oh ça, moi non plus ! »  Dit-il, les yeux grand ouverts.  « Je ne sais pas si c'est générationnel ou juste que nous étions deux gosses hors du commun. »  Ajoute-t-il dans un sourire, n'étant jamais avare à l'idée de se jeter des fleurs, bien qu'il soit loin d'être une personne prétentieuse.  C'était juste une des nombreuses façons qu'il avait de plaisanter, n'en déplaise à sa gamine qui le trouvait relou.  Une des diverses choses qu'elle lui reprochait parce qu'il était son père, ce que confirma Alejandro.  Jo rit à la plaisanterie en hochant la tête, avant d'être tout de même plus sérieux lorsqu'il est question de la manière dont son enfant se comporte avec les autres personnes.  Il sait que les gosses sont les plus terribles avec leurs parents parce qu'ils sont dans une relation tellement sécurisante qu'ils peuvent la mettre à l'épreuve.  Il souhaite tout de même vérifier qu'elle se comporte correctement les nombreuses fois où elle se rend chez ses voisins.  Il est rassuré avant de blêmir complètement.  Enfin, son déguisement ne permettait sans doute pas de le voir, mais l'espace d'un instant, il s'imagine sa fille lui mentir et dire se rendre chez Miguel pour aller s'injecter de la drogue dans les yeux (parce que c'est plus dramatique) avec un jeune adulte bien trop âgé pour elle.  Heureusement, ses visions d'horreur font vite place à un soulagement intense lorsqu'il se rend compte qu'il s'est bien fait avoir.  « Tu m'as fichu une de ces trouilles ! »  Avoua-t-il, sans pour autant aller jusqu'à confesser ce qu'il avait imaginé !  « Merci. »  Autant donc il aimait faire l'idiot en se vantant, autant accepter un si joli compliment était plus compliqué, mais lui faisait clairement plaisir.

Joel était bien content que cette famille se soit installée près de chez eux, car visiblement le père était aussi sympathique que son fils Miguel, qui était le seul gamin qu'il connaissait un peu de leur maisonnée.  Cela ne voulait pas dire que ce changement géographique avait été facile à vivre.  Le journaliste se montre d'ailleurs peut-être un brin indiscret en se permettant quelques questions, parce que cela résonnait un peu avec sa propre histoire.  « C'est chouette, je suis content pour vous. »  Une nouvelle fois, les expériences des deux hommes se rejoignent face au mur qui se dresse parfois devant eux lorsqu'ils essayent d'en savoir davantage sur leurs enfants.  Ce n'est pas, contrairement à ce que ces derniers s'imaginent, qu'ils souhaitent s'immiscer dans leur vie privée, mais juste qu'ils ont envie de connaitre la personne que leur petit bébé est en train de devenir et de s'assurer que tout se passe bien pour eux.  Au lycée, avec leurs (petit.e.s) ami.e.s,...  Jo rigole volontiers avant d'ajouter.  « Profite, ça pourrait ne pas tarder à arriver ! »

Les deux hommes sont ensuite interrompus par le travail qui leur incombe.  Ils auraient presque pu l'oublier au vu de la sympathique discussion qu'ils avaient entamée.  Joel écoute avec attention la tortue lui expliquer le problème avant de proposer à Mario deux solutions.  Soit il prend en charge ce premier cas, soit ils se la jouent à pile ou face, ne sachant pas si la prochaine urgence serait plus aisée... ou pire !  « Ca marche, merci. »  Lance-t-il avant de se mettre en route et de glousser à la nouvelle remarque qui lui arrive aux oreilles par dessus la musique.  Joel s'approche donc de la princesse en détresse et découvre les raisons de son chagrin.  On ne peut pas dire que ça soit le plus adroit lorsqu'il est question de sentiments mais il y mit tout son coeur et dut demander à Michelangelo d'aller lui chercher Harley Quinn.  Au bout de quelques minutes, il put revenir près de son acolyte et tout lui expliquer.  « Dispute de meilleures amies à cause d'un garçon qu'elles apprécient toutes les deux.  J'étais pas prêt ! »  Lance-t-il en riant, avant de se servir un verre d'eau.  « Je n'ai plus confiance depuis que je t'ai laissé seul près du punch ! »  Il rit bien sur, avant que son regard ne se pose sur la salle.  Il ne lui semblait plus voir Vanina.  Peut-être était-elle allée à la toilette ?  Il n'allait pas s'en inquiéter tout de suite en tout cas.  Non, il ferait un effort.  « Lançons les paris, a moins que tu ne croies que ça porte malheur ?  Tu penses qu'on aura combien d'interventions à réaliser ? »  

Les adolescents ont tendance à avoir l’esprit de contradiction. Certainement que si Joel exprimait ses inquiétudes à sa fille, celle-ci foncerait tête baissée vers cette carrière d’actrice. En même temps, faire le contraire n’aide pas forcément. « J’ai essayé de ne pas être trop sur le dos de mon grand, histoire de lui laisser la liberté de faire ce qu’il veut, mais je t’avoue que ça ne marche pas non plus… Enfin, maintenant que je suis sur son dos, ça ne le motive pas plus… » Gustavo semble complètement perdu, mais Alejandro se rassure en se disant qu’il ne semble pas malheureux. « Y’a pas vraiment de règles avec eux… » Il souffle. Si le manuel du parfait parent existait, ils seraient au courant ! En même temps, tout cela rendait leur vie pleine de surprise ! En tout cas, c’est comme ça qu’Álvarez voit les choses. Il tente d’être un bon père, et il a quelques années à rattraper à ce niveau-là. Il essaie avant tout que ses gamins soient heureux et bien dans leur peau. « On était sûrement exceptionnel. » Il dit ça sur un ton très sérieux, même si c’est une plaisanterie. Il est du genre à se la raconter, Al’, mais sans se prendre au sérieux. Il pense à sa mère, réfléchit à lui demander comment elle le trouvait, quand il était adolescent. Enfin, il sait pas s’il a trop envie de savoir. Il garde de bons souvenirs de son adolescence, mais il se souvient aussi qu’il n’aimait pas vraiment le garçon qu’il était. Trop timide, trop renfermé. Il a subi aussi quelques plaisanteries de la part de ses camarades… Aujourd’hui, il n’est plus du tout comme ça. Plutôt bout en train, l’âge lui a donné confiance en lui. Moins sérieux que dans sa jeunesse. La plaisanterie semble avoir fait peur à Joel, mais il le rassure. Vanina vient bien régulièrement chez lui, pour voir Miguel. Les Álvarez étant toujours prompts à faire une place aux invités à leur table, la jeune fille s’était retrouvée plus d’une fois à prendre un goûter avec quelques-uns des autres membres de la famille. Miguel a bien tenté de la cacher aux yeux de ses frères, mais peine perdue, surtout avec Margaret ! Une chouette gamine de ce qu’en avait constaté Al’.

Alejandro culpabilise beaucoup quand il pense aux années qu’il a manqué avec ses enfants. Il était présent, mais autant qu’il aurait dû. Il n’a jamais vraiment partagé leur quotidien. Il sait qu’il a manqué énormément de choses. Il tente de se rattraper, mais le peut-il vraiment ? Gustavo et Zelda sont désormais des adultes, Miguel et Emilio des ados. Il goûte les joies de l’enfance grâce à son neveu, Diego. Il l’aide pour ses devoirs, l’emmène au parc, lui fait découvrir un certain nombre de choses. Tout cela, il ne l’avait pas fait avec les autres. Avec ses propres enfants. Gus ne se gêne pas de le lui faire remarquer. De jouer son rôle de père avec quelques années de retard. C’est comme un coup de couteau dans le cœur, ces remarques. Mais il encaisse, Al’. Il les mérite. Mais il profite aussi de ces moments avec son neveu. Pas forcément pour lui-même, mais surtout pour le petit garçon qui a perdu sa mère et qui ne connaît pas son père. Il hoche la tête, sans dire un mot de plus sur le sujet. Leur mission se rappelle à eux. Joel va donc voir ce qui se passe avec Blanche-Neige tandis qu’Alejandro veille sur le punch. Rien de bien compliqué. Il passe juste pour un chelou - comme dit son fils - à regarder de travers quiconque s’approche du saladier. « T’as réussi à t’en sortir ? » Il a bien fait de laisser la place à Frankie. « Je suis pas à l’aise avec les histoires de filles… Zelda est du genre à dire ce qu’elle pense alors… » Il rit à la remarque de Joel. « Tu crois que j’ai mis des somnifères dedans ? Histoire d'assommer tous ces petits monstres… » Tout un tas de gosses qui s’amusent en riant et en criant. Il regarde son collègue en coin. « Pas trop j’espère… » A peine a-t-il dit ça que des cris s’élèvent dans un coin de la salle. Cris de panique ? D’encouragement ? Alejandro lisse sa moustache, remet bien en place sa casquette avant de lancer à Frankie, sérieusement. « Cette fois, c’est mon tour ! » Et le voilà qui fend la foule en direction de l’agitation.