feat eilin & philip

À peine je sors des vestiaires, je me dirige vers mon bureau pour plonger dans le rythme de cette nouvelle journée qui se dessine. En pénétrant dans la pièce, je remarque que le poste est inhabituellement désert. En fait, à part moi, seul l'officier en charge des appels d'urgence est présent. Je m'installe devant mon écran, entamant ma routine matinale qui consiste à vérifier les derniers rapports et les dossiers en attente. Pendant ce temps, le téléphone retentit brusquement, et mon collègue décroche d'un geste rapide et professionnel. Initialement, je ne prête pas une grande attention à la conversation qui débute de l'autre côté de la ligne. Cependant, au fil des premières secondes, mes oreilles attentives captent un ton inquiétant dans la voix de mon collègue. Je me lève de mon propre siège pour me rapprocher de lui, arborant une expression interrogative. Mon collègue s'efforce de maintenir le contact avec la personne de l'autre côté de la ligne, en vain. Il m'informe rapidement qu'il y a un homme armé, actuellement résidant au Woodhaven Inn, qui a proféré des menaces à l'encontre de son voisin de chambre. Sans perdre un instant, je prends en charge la conversation, annonçant à mon collègue que je tiendrai l'équipe informée de la situation dès mon arrivée sur les lieux. Les informations concernant l'appel me sont communiquées en toute hâte pendant que je me précipite vers la sortie.

Je me gare devant l'auberge, les gyrophares activée pour signaler l'urgence. Selon les informations sommaires transmises par mon collègue, la situation reste nébuleuse. Cependant, dans la petite communauté de Redwood Hills, nous savons que les apparences peuvent être trompeuses, et il est impératif de prendre toute menace au sérieux. Songeant à demander des renforts, puisque que normalement, j'aurais un partenaire avec moi, mais je prends la décision de m'y aventurer. Sachant que nous n'avons pas encore toutes les pièces du puzzle en main, il m'était inutile d'alarmer tout le monde. Lorsque je franchis la porte de l'établissement, je scrute rapidement le hall à la recherche de signes inquiétants. À première vue, tout semble calme. Trop calme ? Une jeune femme se tient derrière le comptoir de la réception, ses traits traduisant la confusion. Je m'approche d'elle, gardant mon regard sérieux de policier. « Bonjour, nous avons eu un appel concernant la sécurité de l'un de vos résidents, qui aurait reçu des menaces armées de son voisin de chambre. Est-ce vous qui avez fait l'appel ? » Son expression étonnée me confirme qu'elle ne semble avoir aucune conscience de la situation. « Avez-vous entendu quelque chose, reçu des plaintes d'autres résidents ? » je poursuis, souhaitant obtenir le maximum d'informations pour comprendre la gravité de la situation. « Est-ce que votre supérieur est présent ? J'aurais besoin d'un accès à la chambre trois et et des infos sur le résident. » Dans le cas où personne ne réponds à la porte.

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Redwood Hills n'est pas réputée pour son taux de criminalité effréné. En retirant la Rose de l'équation, la brigade de police se retrouve souvent sans réel défi stimulant. C’était la même histoire à Littleton. Entre attaques d'animaux, citoyens indisciplinés avec le stationnement, les actes de vandalisme, le quotidien est plutôt routinier. Ainsi, quand un appel inattendu, tel celui de cet après-midi, retentit, je saisis rapidement l'opportunité de me rendre sur les lieux. Sur place, l’ambiance était calme. La dame à l’accueil ne démontre aucune inquiétude en lien avec l’appel et semble plutôt préoccupée par ma présence. « Y a-t-il un autre employé sur place ? » Après, il est bien possible que ce soit la victime qui ait fait l’appel. Mon air sérieux reste collé à mon visage, malgré les doutes de la jeune femme. Ai-je l’air de faire une mauvaise blague ? Si oui, je me suis beaucoup trop donné en sortant la voiture et les gyrophares. « Il est illégal d’usurper la fonction de policier » que je précise afin de lui faire comprendre que oui je suis un vrai officier de police et non je ne suis pas là pour récupérer des friandises. J’enchaîne avec les questions habituelles et les réponses sont tout sauf concluantes. Tente-t-elle de me faire rire ? Ça aurait pu fonctionner si le sujet de l’appel n’était pas aussi sérieux. « Il y a plus de 6 000 armes enregistrées au Vermont et probablement le double qui ne le sont pas. Tout est possible. » Les gens se protègent et encore plus dans cette ville hantée par une secte. C’est moi, ma supérieure. Voilà qui est presque décevant. Cette Eilin ne semble pas trop consciente de ce qui se passe dans son auberge, à croire qu’elle n’y croit pas. Honnêtement, même moi je commence à douter un peu. Je ne réponds pas à sa question, n’ayant pas de temps à perdre. J’ai besoin d’infos et elle me les sers après un petit silence malaisant. Edward Walker, nom qui m’est inconnu. « On a dit la même chose de Ted Bundy. » et ça ne s’est pas bien terminé. Clairement, la jeune femme est naïve. Ce qui est peut-être une qualité pour quelqu’un qui gère une auberge. Qui sait ce qui se passe derrière la porte de chaque chambre.

Je laisse Eilin nous conduire jusqu'à la porte de la chambre trois. M'approchant de l'entrée, je tends l'oreille pour détecter tout signe de présence à l'intérieur. Des mouvements légers et indistincts parviennent à mes oreilles. Je frappe doucement. « Monsieur Walker ? » Les mouvements à l'intérieur s'intensifient, mais aucune réponse ne parvient. « Ici l'Officier King, j'aurais quelques questions à vous poser. » À l'intérieur, l'agitation persiste, mais cette fois, la voix du résident se fait entendre. « Un instant ! » Je jette un regard à Eilin. Quelque chose cloche, non ? Collant mon oreille à la porte. Ça bouge encore. Ma main se pose sur la poignée pour tenter de l'ouvrir, en vain. La porte est verrouillée. Je frappe à nouveau, cette fois avec plus d'insistance. « Ouvrez la porte, s'il vous plaît. » « Ce sera pas long ! » N'ayant plus de temps à perdre, je fais signe à la gérante de l'auberge de déverrouiller la porte, ce qu'elle fait promptement. Ma main se rapproche du manche de mon revolver, prête à intervenir si nécessaire. Cependant, à l'ouverture de la porte, la scène qui se dévoile est totalement inattendue. Edward Walker, debout, vêtu d'un simple chandail, mais sans rien pour dissimuler la partie inférieure de son corps. À ses côtés, une femme en sous-vêtements s'emploie à enfiler un pantalon. Je reste figé devant cette scène gênante, et nous refermons rapidement la porte. « Quand vous serez prêt, je vous attends dans le couloir, Monsieur Walker. » Un peu sous le choc, je regarde la gérante : « Il n'avait pas de… » Pantalons, ni même de caleçon.

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Il m'est difficile de concevoir que la gérante de l'auberge ne se moque pas un peu de moi en ce moment précis. Je réponds sobrement à ses remarques, conservant mon sérieux malgré leur étrangeté. Il est vrai que je ne m'attendais pas du tout à être interpellé au sujet de danseurs exotiques en uniforme d'officier pour les besoins d'une mise en scène. Je me demande si, en me voyant arriver, elle a pu penser que j'allais exécuter une petite chorégraphie et me dévêtir sous son regard amusé. Devant sa question, je prends un moment pour réfléchir, constatant qu'elle semble être sérieuse. Les enterrements de vie de jeune fille ont rendu mon métier bien crédible aux yeux des femmes... « Ça ne s’applique pas pour les arts. » Non, pas qu’il ait envie de qualifier cela comme étant de l’art en soi, mais ça reste un spectacle et il y a des exceptions pour tout ce qui attrait à la mise en scène. Bref, je ne suis pas ici pour débattre de la légitimité de mon métier, mais pour répondre à un appel d'urgence. Les questions de la gérante fusent alors que je n'ai pas plus d'informations qu'elle sur la situation, ce qui commence à éveiller des doutes sur la nature de cet appel. Il semble qu'il soit peu probable qu'un résident ait reçu des menaces armées sans que la gérante en soit informée. Je hausse les épaules en réponse, répétant que tout est possible, sachant que peut-être elle a involontairement hébergé des individus dans le genre sans le savoir. Tout le monde a ses secrets. Toutefois, je m'abstiens de partager cette réflexion par crainte de déclencher une série de questions supplémentaires. Pour le moment, je suis simplement déterminé à rencontrer l'occupant de la chambre numéro trois.

Faut dire qu’en arrivant devant la fameuse porte 3, je me suis imaginé quelques scénarios, prêt à réagir à toute situation. Par contre, il y a bien un scénario auquel je n’ai pas pensé… La chambre des pommes de pin ne porte pas son nom pour rien. Face à la scène, je referme la porte aussitôt. Pas le meilleur réflexe pour un policier, vous direz. Pourtant, je ne suis pas du genre à me gêner facilement devant ce genre de choses. Disons que ce n’est pas la première fois dans ma carrière d’officier que je fais face à un peu de nudité. La connerie humaine n’a pas de limite, croyez-moi… Sauf que là, j’ai comme l’impression que soit on se trompe de chambre, soit que l'appel est une mauvaise blague. Mais ça, je ne pourrais connaître la vérité avant d’avoir discuté avec le bonhomme. Une fois qu’il aura ses pantalons. « J’avais compris.» La référence à Winnie l’Ourson. L’image est encore très fraîche dans mon esprit, malheureusement. Je me dégage un peu de la porte pour m’appuyer l’épaule contre le mur du couloir, tandis qu’Eilin semble mener une deuxième enquête : l’identité de la femme. J’avais envie de dire que, malgré la comparaison à Winnie, cela ne l'empêche pas d’être un psychopathe. Après tout, Bundy couchait avec ses victimes. Mais bon, je m’abstiens une seconde fois de faire part de mes pensées, pour éviter d’inquiéter la gérante plus qu’il ne le faut. À ce point-ci, je doute aussi qu’il le soit. « Peut-être que votre ami n’a pas été faire le tour du bon jardin. » Je reste sérieux, bien qu’au coin de mes lèvres, un rictus vient trahir mes efforts. C’est absurde comme situation.

L'occupant de la chambre réapparaît parmi nous, manifestant clairement son mécontentement à travers sa mâchoire serrée et ses réponses irritées. « Et vous lui avez simplement ouvert la porte ?! » s'exclame-t-il, son regard accusateur se posant cette fois sur Eilin, comme s'il percevait une trahison de sa part. Une tension s'installe dans l'air, accentuée par la frustration évidente de monsieur Walker. « Monsieur Walker, je comprends votre frustration, mais nous avons reçu un appel d'urgence et nous devions nous assurer que tout était en ordre. La sécurité des résidents est notre priorité », que je justifie d'une voix calme, bien que ma remarque semble agir comme de l'huile sur le feu. Les reproches de l'occupant de la chambre trois prennent de l'ampleur, créant un nouveau flot d'accusations auxquelles je me prépare à répondre aussi calmement que possible. Je lui explique la plainte reçu et il reste tout aussi frustré par cette accusation qu'il qualifie comme étant fausse. Je le crois. Je ne le garde pas plus longtemps, ne jugeant pas nécessaire de creuser plus que cela. Ce n’est pas notre homme. De nouveau seul avec la gérante, on se dirige vers la réception. « Désolé pour le dérangement. J’espère qu’il ne vous causera pas trop de problèmes, à cause de cela. » Je pouvais comprendre que la situation n'est pas des plus agréable pour lui, mais bon. Eilin n'a fait que son boulot, tout comme j'ai fait le mien. « Je crois que je ne pourrai plus voir Winnie l'Ourson de la même manière dorénavant. » finis-je par dire, comme pour détendre un peu l'atmosphère.

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Au fil de ma carrière d'officier, j'ai été témoin d'une multitude de situations des plus farfelues. Des individus à moitié dévêtus et intoxiqués, j'en ai rencontré à maintes reprises, au point que cela me semble presque banal. Mais malgré cette routine, il m'arrive parfois d'être surpris, voire même embarrassé, face à certaines circonstances. Cette fois-ci, l'homme en question ne semble ni intoxiqué ni être en train de causer le moindre désordre. Une tentative maladroite d'humour de la part de la propriétaire de l’auberge vient briser quelque peu cette ambiance tendue pendant que nous attendons, dans le couloir. Je réplique avec une remarque qui manque sa cible, mais sa grimace tire tout de même un léger sourire de ma part. Avant que nous puissions poursuivre l'échange, la porte s'ouvre brusquement et monsieur Walker réapparaît devant nous, imposant dans le cadre de porte. Sa voix trahit une frustration mêlée d'embarras alors qu'il s'adresse à nous. Ce pourquoi je ne m’attarde pas plus longtemps. Je le crois lorsqu’il dit être innocent. En rassemblant toutes les pièces du puzzle, il est difficile pour moi de concevoir que celui-ci ait proféré des menaces armées pour ensuite retourner paisiblement dans sa chambre et se livrer à des activités plus intimes à peine quelques instants plus tard - même si techniquement parlant, c’est possible. Mais j'ai déjà accusé des individus et je sais reconnaître un mensonge, la plupart du temps. « La victime ne nous a pas fourni de numéro de chambre. » fais-je remarquer à la propriétaire de l’auberge, lorsque nous atteignons le hall. Je comprends les craintes qu’elle puisse avoir, mais en repensant à toute cette histoire. Je fronce les sourcils d’un air réfléchi en venant s’appuyer contre le comptoir, faisant face à Eilin. N’importe quelle victime d’un tel acte aurait manifesté sa localisation, question de pouvoir fournir tous les détails possibles et par peur que ça se reproduise. « Si elle s’est réellement fait menacer, elle voudrait qu’on la trouve et la protège. » Je ne saute pas à la conclusion qu’il s’agit d’une mauvaise blague, mais je ne l'exclut pas non plus. « Et si vous dites n’avoir rien vu, ni entendu… » Je termine ma phrase par un simple haussement d’épaule. Tout semblait en ordre. « Je ne sais pas si je peux faire quelque chose de plus avec ce que j’ai. Je peux toujours faire le tour des autres résidents, mais je ne crois pas que ça vaille la peine de les alarmer. » Déjà que la propriétaire se retrouve avec un résident fâché, ce serait le comble si les voisins de monsieur Walker ne se sentent plus à trop à l’aise, à l’idée que le gars de la chambre 3 soit possiblement dangereux. Ce qui m’amène à m’excuser de la situation dans laquelle tout cela la met, mais bon. Au final, j’ai fait que mon boulot. Je ne m’en veux pas du tout. « Officier King. » répondis-je, avant d’ajouter : « Philip. »

« Je vais rester quelques minutes, m’assurer qu’il n’attendait pas mon départ pour faire un autre mauvais tour. » Qui sait ? Peut-être qu’il a réellement menacé un autre résident avec une arme. Et puisque la jeune femme ne semble pas trop rassuré par la tournure des choses, autant attendre un peu, et la rassuré un peu avec ma présence. Je reviens sur sa référence à Winnie l’Ourson. « C’était bien trouvé. » Disons que c’était loin d’être la première chose qui me soit venu en tête à ce moment. Ça reste drôle. « Comme ça... avec des Winnie l'Ourson ou des menaces armées ? » Un rire s’immisce au coin de ses lèvres, alors qu’il ajoute : « On voit beaucoup de choses, en tant qu’officier. À Littleton, y'avait ce vieux gars qui jurait avoir été enlevé par des extraterrestres une nuit. Il disait qu'ils lui avaient effacé la mémoire, mais qu'il lui arrivait parfois d'avoir des flashes de souvenirs. Du coup, on recevait plein d'appels parce qu'il se baladait pieds nus sur la route, flingue à la main, prêt à tirer sur quiconque passait. Il pensait que c'étaient des aliens qui voulaient le ramener à bord de leur vaisseau. » Mon sourire se fait plus tendre que moqueur en repensant à lui. Au poste, on riait tous de lui, mais au fond, il était attachant. Ça nous faisait toujours plaisir de recevoir son appel et de lui rendre visite. C'était divertissant. Et je suis sûr qu'au fond, il n'aurait jamais osé appuyer sur la gâchette. « Il me manque un peu, je l’avoue. » À Redwood Hills, les gens ne craignent pas une invasion extra-terrestre, mais plutôt les fanatiques de la Rose Lunaire. « Vous devez en vivre aussi, des situations du genre dans cette auberge ? » Les touristes ne sont pas toujours aussi reposants. Des situations cocasses, elle en a probablement vécu.