Cette fois, il éclatait franchement de rire, Marty. Et si possible avec moi, avait clamé Peter en toute innocence. S’il le connaissait mieux que cela, peut-être aurait-il pu croire à autre chose qu’à cette simple candeur, mais Peter Black ne lui donnait pas l’impression de vouloir sous-entendre quoi que ce soit. Ce jeu du chat et de la souris avec sa mère avait de quoi faire sourire. Bien sûr, le blond y reconnaissait quelques similarités avec sa propre situation familiale, à la différence près que lui avait plutôt choisi de s’éloigner. Il se souciait toujours du sort de ses proches, Marty, parce qu’il était comme ça. Il se souciait vraiment des gens. Il était simplement d’avis que cette distance, justement, avait été la meilleure chose à faire pour que chacun parvienne à trouver la force de se reconstruire suffisamment pour continuer. Plus sérieusement encore, Peter lui confiait ce qu’il estimait être une dette éternelle. Marty s’était souvent demandé si les choses auraient été différentes, s’il n’avait pas été enfant unique. Ni lui ni Peter ne pouvait véritablement donner réponse à cette interrogation, puisqu’il n’y avait qu’eux. « Oui, je te crois. » Plus que ça, il comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. On n’échappait jamais à son histoire familiale. Certains en faisaient leur prison dorée, d’autres passaient toute leur vie à s’en échapper. « Et je suis désolé. » Pour ce qui était arrivé à la famille Black, cet autre garçon à jamais perdu. Mais plus encore pour ce sentiment dont Peter n’arrivait vraisemblablement pas à se défaire. « Dans ce cas, la seule solution que je vois pour toi, ce serait que tu trouves un compagnon prêt à venir s’installer sur la ferme avec vous tous. » Plaisantait-il gentiment. Aux yeux de Marty, l’un n’empêchait pas définitivement l’autre. « Même le grand amour n’a pas besoin d’être parfaitement exclusif, tu sais… » Il n’était pas ici question de fidélité, loin de ça. Simplement, une relation amoureuse ne signait pas l’abandon du dévouement que l’on pouvait avoir à l’égard d’autres personnes. Songeur, Marty haussait une épaule, avant de préciser à nouveau sa pensée : « Je ne dis pas que j’ai fait les meilleurs choix dans ma vie à ce niveau… Mais je ne crois pas que je pourrais consciemment renoncer au sentiment amoureux. » Le doux vertige qui vous prend au moment d’échanger un regard, la sensation de perdre pied lorsque le désir de l’autre était partagé… Une étrange vague d’émotions le prenait, Marty, l’espace d’un instant. La douleur accablante d’un vide béant dans la poitrine. Sans qu’il ne sache très bien à quoi, ou à qui, le rattacher.

Impossible que son patron ne soit pas l’un des sujets de prédilection de leur conversation. La perspective de Peter était intéressante, nouvelle même. Son admiration pour l’homme d’affaires ne faisait aucun doute. Son affection, aussi. À l’inverse, Marty comprenait mieux ce qui motivait Castiel à s’investir autant, pas seulement en argent, auprès de cette famille. « Ceux des autres… » Répétait-il doucement avec une curiosité certaine. Peter parlait probablement de lui-même et de toute l’aide que Castiel lui avait apportée pour concrétiser son rêve de faire carrière dans le milieu de la musique. Il n’en était pas moins que Castiel lui donnait une tout autre image, à Marty. Autour de lui, étaient rassemblés plus d’un détenteur d’une deuxième, voire d’une troisième chance. Le new-yorkais semblait tout particulièrement sauver la mise pour ceux qui en avaient le plus besoin. Était-donc si parfaitement désintéressé ? Il lui arrivait encore d’en douter, sans pour autant juger celui pour qui il travaillait désormais. Il aurait aimé en savoir davantage, Marty. « Sidonie. » Impossible, tout autant, que son nom de soit pas mentionné dans une de ces conversations. « Il continue son œuvre, c’est ce qu’elle aurait voulu. » Se contentait-il d’énoncer, comme Castiel lui disait si souvent lui-même. Il n’y croyait pas, Marty. C’était plus fort que lui, il n’avait jamais cru que cette femme avait été le grand amour de Castiel. Sans doute parce qu’il doutait en premier lieu que l’homme d’affaires ne considère vraiment les choses sous cet angle. Quant aux rêves de Castiel, ils étaient tout aussi mystérieux pour Peter qu’ils l’étaient pour lui. « Peut-être le vit-il déjà, en quelque sorte. » Être à la tête d’un tel empire et détenir un tel pouvoir faisaient son lot d’envieux, à ne point en douter. Castiel s’était hissé si haut qu’il était difficile de croire qu’il ne l’avait pas un jour ardemment désiré. À l’image parfaitement altruiste que voulait lui peindre Peter, Marty ne croyait pas tout à fait non plus; c’était trop lisse.
Le secrétaire ne se désolait pas de voir cette conversation laissée de côté au profit d’une séance d’écoute privée de la maquette de Peter. Dans un premier temps, il se concentrait pour abattre le plus de travail possible quant à ces formulaires d’impôts. Puis, il ne pouvait pas s’empêcher de se montrer plus curieux à propos de l’autre passion du jeune homme. « Avec plaisir, même si je crois que tu te débrouilles très bien sans pianiste. » Commentait-il avec le sourire. D’autant plus que Marty ne saurait l’accompagner, il était un pianiste de formation classique. La proposition de tatouage qui suivait l’amusait au moins autant qu’elle le surprenait. « Et si je n’enlève pas ma chemise …? » Moqueur, il guettait la réaction de Peter. Après tout, plus souvent qu’autrement, les gens ne le voyaient pas sans ladite chemise. « C’est très beau, Peter. » Ce l’était, le jeune homme avait énormément de talent, spécialement pour avoir créé quelque chose en quelques minutes à peine et en ne connaissait pas si bien que ça son futur client. « Je crois que j’opterais pour quelque chose de plus discret… En lien avec la justice, peut-être. Si ça t’inspire quelque chose. » Peut-être bien qu’il était un peu trop pudique, Marty, pour s’exposer de la sorte et montrer au monde, à tout le moins à ses futures conquêtes, qu’il avait le coeur si fragile.