Birdy & Benny

Le Mont Mansfield. Sublime montagne dont les sapins étaient recouverts d’un épais manteau de neige en cette période de l’année. Le bleu du ciel, se mariant parfaitement avec la poudreuse blanche, l’endroit avait quelque chose de magique. Pourtant, Benny n’était plus venu ici depuis des années, même plus d’une décennie pour être tout à fait exacte. La dernière fois qu’il était venu, c’était aux côtés d’Aly, sa meilleure amie, à l’âge de dix-sept ans. Comme presque tout adolescent, ils avaient envisagé de partir pour vivre ailleurs. Choisir les montagnes avait été une évidence, parce que la nature a toujours eu ce don de faire ressentir de vraies choses à Benny. Alors, ils avaient fait du stop avec leur sac à dos et leurs rêves, pour finalement se rendre compte que vivre dans la montagne, ce n’était pas forcément aisé. Ils avaient fini par faire demi-tour après avoir passé une longue journée à observer le monde sous leurs pieds et personne ne l’avait jamais su. Aujourd’hui, Aly n’était plus là et Mansfield avait laissé un goût amer dans la bouche de Benny.

Pourtant, Birdy lui avait parlé de son envie de voir cette montagne, parce que tout le monde en parler, même le journal local et qu’elle avait l’impression d’être la seule à ne l’avoir jamais vu. Benny se souvenait avoir souri à Birdy, en lui promettant de l’emmener au sommet si elle en avait le courage. Il n’avait pas vraiment réfléchi au reste, à croire que l’entrée de la jeune femme dans sa vie lui avait offert une sorte d’accalmie, lui qui se sentait la plupart du temps comme une âme perdue et torturée dans ce vaste monde. Garant sa voiture sur le parking, il tourna ensuite son visage vers Birdy.

- Tu as bien tout pris ? Des gants, une bonne écharpe, un bonnet et des chaussures chaudes ?

C’était le minimum à avoir en cette période de l’année et même lui qui ne craignait pas le froid tant que ça, il avait sorti des vêtements chauds, dont une écharpe de toutes les couleurs que lui avait tricoter et offert sa sœur jumelle pour Noël. Il avait également prévu un sac à dos de campeur avec deux, trois petites choses pour pouvoir faire une pause, enfin s’il arrivait jusqu’au spot qui selon Benny valait largement le détour. Souriant à Birdy, il ajouta ensuite :

- Tu sais que j’ai avancé dans mon enquête ? M’enfin, je t’en parlerais sur le chemin.

Puis laissant échapper un léger rire, il ouvrit sa porte pour sortir de la voiture. De quelle enquête pouvait-il bien parler ? Et bien, Benny cherchait maintenant depuis presque un an, le réel prénom de Birdy. Il n’insistait jamais trop sur le sujet, car au fond, ça lui était bien égal de savoir, mais ça l’amusait beaucoup de voir la jeune femme levait les yeux au ciel à chaque fois qu’il y faisait allusion. Benny le sentait, il était tout proche de trouver.

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Birdy & Benny

Magnifique paysage qui vous coupe la parole pour de longs instants, si ce n’est le souffle également, pour vous laisser comme bercée par le ronronnement de la voiture. Dès que les grands sommets étaient apparus, Birdy n’avait cessé de fixer le paysage avec une pointe de perplexité. Environnement si beau et féérique pouvait-il réellement existé ? Progressivement, son bavardage s’était interrompu, pour se ponctuer de quelques exclamations émerveillées. Et, quand elle ne regardait plus dehors, quittant l’ombre des sommets enneigés, elle portait son regard sur Benny qui les conduisait alors en ces terres inconnues pour elle. Le temps passait délicatement. Aux allures d’aquarelle délicate, le monde était toujours autre en compagnie de Benny. Birdy déposait toutes ses armes, ouvrait le pont-levis.  Et finalement, toute muraille ou frontière disparaissait dans son esprit. La liberté de pouvoir être soi-même et de passer de simples et bons moments.

Elle ne présageait pas que ses demandes, ses « et si on y allait ? », supposaient plus pour Benny. Des souvenirs, une présence de son passé, dont elle ignorait encore toute la teneur. Alors, quand ils s’arrêtèrent, elle resta d’humeur joyeuse et détacha sa ceinture en une impulsion pleine de hâte de se retrouver dehors et de commencer l’ascension. Mais avant, elle écouta Benny la rappeler à l’ordre. On ne partait pas sans être bien équipée ! Elle fit une petite moue sérieuse, bien que l’éclat de son regard demeure amusé, comme une adolescente qui répondrait aux recommandations fréquentes de l’un de ses parents. Puis, elle tendit les jambes et bougea ses pieds, chaussés de bonnes chaussures de montagne. Celles-ci avaient connu du pays, des explorations en forêt. Pour l’occasion, elle les avait imperméabilisées. Elle avait aussi son sac contenant quelques denrées, une mini-trousse de pharmacie et des petits plus de nécessité. Mais, dans son équipement, rien n’égalait l’allure de Benny. Ce qu’elle lui fit remarquer.

« Gants. Echarpe. Bonnet. Chaussures qui ont tout sauf l’allure de tongs. Manteau. Chaussettes. Culot… Ok, je m’arrête là. J’ai tout ! »

Elle était taquine parfois. D’ailleurs, elle tourna la tête vers Benny et fixa sa jolie écharpe. « Rien de comparable à ta belle écharpe, ceci dit. Tu as prévu de charmer la montagne ? » Dans un dernier sourire, elle ouvrit sa portière, s’apprêtant à sortir. Mais c’était sans compter sur son compagnon de route. Elle roula des yeux, feignant l’exaspération et se tourna vers lui, faisant fi de l’air glacé qui entrait dans l’habitacle. Bien fait pour lui ! « Dis donc, ne me dis pas que tu es allé jusqu’à voler mon dossier à l’administration ? Un braquage ? Une intrusion nocturne ? C’est méchant à toi de ne pas m’avoir invitée. » Elle rit légèrement, doutant qu’il trouve son fameux prénom… Elle lui offrirait un jour, de manière tout à fait détournée. Peut-être se demandrait-il qui était cette Paula qui lui envoyait des fleurs un jour, qui laissait une boîte de chocolats sur son bureau au lycée un autre, ou qui avait dessiné des soleils sur le givre de sa voiture. A moins qu'elle laisse vraiment demeurer le mystère, et sombrer ce nom.

Enfin, elle posa les pieds à terre pour sortir au grand froid. Et, en effet, ce dernier se fit presque saisissant. Mais si vivifiant ! Elle sortit son manteau, l’enfila, et commença l’emmitouflage en règle pour ne pas perdre un doigt, une oreille, ou le nez. Puis, elle ferma sa portière et fit le tour de la voiture pour rejoindre Benny. Il lui fallait toujours un peu lever la tête pour lui parler. L’incliner en arrière comme si elle s’adressait à une sorte de dieu géant ou à un petit ange perdu dans les nuages. C’était si habituel qu’elle n’y faisait même plus attention. « Et toi, tu es prêt ? » Trépignant d’impatience, elle serrait les lanières de son sac à dos et regarda autour d’eux. « Oh, ça a l’air tranquille. Tout le monde s’est jeté sur les pistes de ski ? » Tant mieux ! Elle craignait de devoir progresser en file indienne ou coller un autocollant fluorescent sur le bonnet de Benny, comme elle l’aurait fait avec un élève, pour ne pas le perdre. Mais, à l’évidence, les fameux charmes de la montagne leur seraient presque réservés. En tout cas pour le moment.

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Birdy & Benny

Un sourire en coin prit forme sur le visage de Benny, alors qu’il jeta l’un des bouts de son écharpe par-dessus son épaule.

- Figure-toi que c’est ma sœur qui m’a faite, j’y tiens beaucoup. Et puis, c’est stratégique, tu me verras de loin comme ça.

Il faut dire que Charlene avait tanné Benny pour qu’il dise de quelle couleur il voulait cette écharpe, mais il n’arrivait pas à se décider sur la couleur qu’il préférait. C’était fluctuant et d’un jour à l’autre, cela pouvait changer, alors comment se décider ? Finalement, une écharpe multicolore avait vu le jour et elle faisait le bonheur de Benny, tous les jours de l’hiver, peu importe son humeur. C’était à son tour maintenant de taquiner sa collègue en lui disant que son enquête avançait petit à petit.

- Mmhh non, ce serait définitivement trop facile. Par contre, j’ai acheté une sorte de livre avec que des prénoms de fille, et j’en raye quelques-uns en fonction de l’avancer de mon enquête. Un jour, il n’en restera plus qu’un.

Il marqua une pause, avant d’ajouter :

- Dernièrement, j’ai rayé Mildred et Harriet.

Bien sûr, en disant cela, Benny scrutait la moindre réaction que pourrait avoir Birdy, parce qu’après tout, on ne sait jamais et que son enquête se basait sur… Strictement rien du tout, à part de la chance. Il avait fermé sa voiture à clé, et ils s’avançaient tous les deux vers le chemin des randonneurs.

- Alors, voilà le programme si cela te convient. On peut marcher sur ce chemin et un peu plus haut, je te propose qu’on s’éloigne un peu pour rejoindre un sommet magnifique que très peu de monde connaît, enfin pas les touristes, ça c’est sûr.

Parce que ce coin était plus reculé et qu’il fallait s’enfoncer un peu dans la neige, ce qui rebutait pas mal de gens, mais où était le plaisir si c’était pour se suivre les uns et les autres sur un chemin en ayant pour seule vue, les fesses de la personne devant soi ?

- Je venais souvent quand j’étais adolescent, l’été c’est génial. Tu peux grimper un peu partout et voir des animaux sauvages si tu as de la chance.

Souriant, tout en regardant Birdy, une question lui vint :

- Tu ne m’as jamais dit, pourquoi avoir choisi de venir vivre ici, tu es originaire du Vermont ?

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