Etait-ce cela, la définition du paradis ? Des rayons entiers de plantes et arbustes, de fleurs aussi, de décorations pour le jardin et, plus généralement, l’extérieur. Les yeux d’Eilin brillaient comme une enfant le matin de Noël, elle avait l’impression que tout un monde s’offrait soudain à elle, dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Les jardineries et autres magasins autour du jardinage ne connaissaient pourtant pas de secrets pour elle, du moins, c’était ce qu’elle croyait ; mais cette boutique-ci, elle ne la connaissait pas. Cette virée n’était pas de son initiative mais de celle de Till, qui lui avait proposé une petite sortie pour lier l’utile à l’agréable. Avec le retour du printemps, tous deux seraient très occupés par leur jardin respectif et ainsi, tout en faisant l’acquisition de matériaux ou de graines, ils pourraient discuter tranquillement. Till comptait parmi ses plus proches amis et Eilin l’appréciait beaucoup, tout autant qu’Ana qui aurait bien aimé les voir sortir ensemble. Elle avait grand besoin d’une figure maternelle, puisque la vraie lui faisait défaut, mais plus elle grandissait, plus elle acceptait l’idée qu’Eilin et Till ne seraient jamais rien d’autre que de bons amis. Cela convenait parfaitement à la brune, en tout cas, puisqu’elle pouvait à loisir multiplier les activités avec lui, comme cette sortie nature. « Oh là là… tout a l’air si joli ! Et tu sens cette odeur florale ? Il y a quelque chose, dans l’air… Mon porte-monnaie va en prendre un sérieux coup, j’espère que tu en as conscience… »

Au loin, elle aperçut une petite fontaine en pierre véritable qui projetait autour d’elle des gerbes d’eau glacée. Elle ignorait si cette dernière était à vendre ou si ça faisait partie de la décoration du magasin, mais cela lui donnait des idées ; une fontaine de ce genre, dans son jardin, ne serait-elle pas du meilleur effet ? « Tant pis » décréta-t-elle en croisant les bras, en guise de réponse pour elle-même. « Je serai pauvre, et Ana ne pourra certainement jamais faire d’études si je vide l’argent mis de côté pour acheter des fleurs et des décorations, mais… au moins, j’aurai un joli jardin » elle ne s’adressait pas réellement à Till, elle avait plutôt l’habitude des monologues avec elle-même – mais, consciente que Till pouvait se poser des questions même s’il la connaissait, elle précisa « Je plaisantais » pour l’argent mis de côté pour les études de sa fille, en tout cas. Elle comptait quand même dévaliser le magasin, qu’importe si tout ne tenait pas dans la voiture ou bien si elle devait s’endetter sur les trois prochaines décennies. « Par quoi tu veux commencer ? Je n’ai jamais su faire de choix, je préfère te laisser choisir le premier rayon » les questions mutuelles viendraient après, elle en était persuadée. Pour le moment, ils devaient gérer le plus important : savoir quelle allée emprunter, parce qu’il y en avait tellement qu’Eilin ne savait plus où donner de la tête. Si Till ne prenait pas rapidement une décision, elle ne manquerait pas de défaillir, submergée par trop d’émotions de se retrouver au milieu du paradis.