It's not true, tell me I’ve been lied to.

Eli & Dee

Voilà deux jours qu’Eli est revenue près de sa ville natale. Le cœur un peu lourd d’être ici, la journaliste réfléchit à ses projets sur les prochains jours. Elle a contacté son mari pour l’informer qu’elle était bien arrivée et qu’elle allait prendre le logement qu’il lui a proposé, bien qu’elle attendait tout de même quelques jours supplémentaires. Eli ne veut pas attirer l’attention, elle n’a prévenu personne car elle cherche à rester discrète. Elle n’a toujours pas remis les pieds sur Redwood Hills, elle y va par étape afin de garder le contrôle de ses émotions. Son départ de cette ville n’a pas été facile, y retourner lui fait encore un peu mal. Mais qu’importe, elle a des objectifs à suivre et elle doit s’y tenir. Une fois qu’ils seront remplis, elle pourra peut-être retourner à New York pour se faire une bonne place au New York Times. Un rêve qui se réalise. Installée dans un hôtel de Burlington, Eli sort son ordinateur pour commencer à écrire ses recherches, tout en réfléchissant à ses contacts qu’elle doit appeler depuis son retour. Fouillant son ordinateur et les réseaux sociaux, elle tombe sur une page spéciale informant de la présence du grand écrivain Dorian Brooks à une séance de dédicace, à Burlington. Eli reprend une profonde inspiration avant de continuer à descendre sur les nouvelles actualités. Elle ne veut pas le voir, pas tout de suite en tout cas alors non, il ne vaut mieux pas penser à lui. Mais voilà, son cerveau lui joue des tours et lui renvoie des images de leur rencontre, de ce qu’ils ont fait auprès de DeWitt, de cette soirée agréable autour d’un Whisky… Le sourire d’Eli s’affiche légèrement sur ses lèvres, sentant son cœur battre un peu plus fort dans sa poitrine. Un autre soupir et voilà qu’elle remonte sur l’information qu’elle venait de lire à son sujet. Bon, c’est finalement le moment de l’affronter. Elle regarde l’heure avant de relire l’article sur lui et la Rose Lunaire. Pendant son absence, DeWitt lui a littéralement broyé le cerveau, Dee n’est plus le même. Eli a bien conscience des changements et elle doit s’y faire. Et justement, peut-être que par lui, elle arrivera à obtenir des informations importantes pour ses différentes quêtes.

C’est décidé, elle va se rendre à cette séance de dédicace. Elle imprime le Redwood Echo dont il est question de Dorian et décide de sortir de son hôtel. Elle se dirige d’abord dans une librairie, histoire de ne pas arriver les mains vides. Evidemment, elle achète le dernier livre de Dee avant de regarder les autres livres. En parcourant les titres, Eli réalise le mauvais sentiment qui l’envahie, comme si elle voulait lui faire comprendre quelque chose avec un simple titre. Non, il faut qu’elle reste détendue et calme. Eli se contente simplement de prendre le livre de l’écrivain en ajoutant le journal local entre les pages. Elle arrive à l’heure et s’installe bien au fond de la salle, scrutant et écoutant l’écrivain et les quelques questions qui lui sont posées. Les dédicaces arrivent et Eli se faufile pour attendre son tour. La personne devant elle disparait, le sourire aux lèvres, alors qu’Eli arrive face à lui, le visage assez fermé, le regard bien trop sérieux posé sur l’écrivain et ami de l’époque. « Pour une ancienne amie. » Souffle Eli en posant le livre devant lui et en ouvrant la première page, pile où elle avait glissé l’article du Redwood Echo. C’est plutôt étonnant mais en le voyant devant elle, à sa portée, Eli réalise que les mots lui manquent. Elle ne sait pas quoi lui dire à part qu’elle est simplement déçue.
 

Nouvelle semaine, nouvelle petite librairie inconnue pour accueillir Dorian. Si le grand projet de son équipe pour lui racheter une réputation a commencé aussi loin que possible de Redwood Hills, ils s’en rapprochent un peu plus chaque semaine. Aujourd’hui : Burlington. Plus que quelques kilomètres pour le séparer du véritable test. Contre toute attente, il ne se sent pas particulièrement nerveux, même quand son agent le prévient que certains de ses voisins risquent de se cacher dans la foule. Une année entière a passé depuis que le Redwood Echo a publié son entrevue avec Selene. Plus personne n’y pense, pas vrai ? Lui s’efforce de ne pas le faire, en tout cas. Il s’efforce aussi de ne poser son regard sur aucun visage en particulier, alors qu’une petite foule l’écoute sagement lire un extrait de son dernier roman. Il sait que la salle est pleine, que des dizaines de regards sont braqués sur lui, mais refuse de reconnaître un seul visage parmi eux. Toute cette histoire avec la Rose Lunaire est derrière lui, désormais, ou du moins c’est ce qu’il veut prétendre. Qu’il compte encore certains de leurs membres parmi ses amis n’a aucune importance. Personne n’a besoin de le savoir. Alors, il se prête au jeu. Il lit quelques pages, puis répond aux questions. La plupart concernent son livre, sa manière de travailler, ses intentions concernant le prochain roman qui se fait attendre depuis un moment. Certaines effleurent vaguement sa vie privée. Personne ne lui demande s’il appartient réellement à la Rose Lunaire, ni pourquoi il a eu l’idée stupide de vanter leurs mérites publiquement. Au fond, cette rencontre ressemble à une réussite.

Aux questions s'enchaînent les dédicaces. Dorian s’installe à la table réservée à cet effet et se lance dans la routine habituelle : accueillir chaque lecteur, discuter quelques secondes, signer son livre. Il fait un véritable effort pour sourire, se montrer charmant et amical. Suivre les règles et les conseils prodigués par l’équipe de communication de sa maison d’édition. Tout, sauf mentir. Sur ce point, il refuse désormais de jouer le jeu. Tout se passe bien. Jusqu’à ce que ça n’aille plus. Un instant, Dorian détourne le regard de la file d’attente, échange quelques mots avec son agent. L’instant d’après, son regard se pose sur le nouveau livre qu’on vient de déposer devant lui. Un malaise le prend aussitôt qu’il reconnaît le papier sous ses yeux. L’article. Ce foutu article qui lui gâche la vie depuis un an. Il entend la voix de la lectrice devant lui, mais les mots qu’elle prononce ne s’impriment pas vraiment. Il faut attendre qu’il lève les yeux sur elle, reconnaisse son visage, pour qu’il comprenne ce qu’elle vient de dire. “Eli ?” Plus d’un an aussi qu’il ne l’a pas vu. La jeune femme qu’il considérait comme une amie, disparue sans laisser de trace, sans dire un mot. Les sourires doux qu’elle lui offrait autrefois sont absents aujourd'hui. Et Dorian comprend vite à quoi elle joue. La petite mise en scène, les reproches qu’elle lui fait sans dire un mot. Il lui en veut tout aussi rapidement. Elle ne comprend pas, elle non plus. Il force un sourire sur ses lèvres, lui joue le rôle du charmant auteur. “Quelle bonne surprise.” lance-t-il, d’un ton faussement enjoué. “Ça fait tellement longtemps. Tu sembles aller très bien, ça fait plaisir.” Pourquoi s’attendait-il à ce qu’elle comprenne ? Tous ses proches, ou presque, ont réagi comme elle. Un seul d’entre eux lui a vraiment demandé ce qu’il avait derrière la tête en écrivant cet article. Ça ne devrait pas le surprendre, certainement pas le blesser. “Tu es de retour, ou seulement de passage pour saluer un vieil ami ?” Il prend la feuille cachée dans le livre et la pose sur la table près de lui, tandis qu’il signe le roman avec les mots demandés par la jeune femme. Pour une ancienne amie. Certaines amitiés ne sont peut-être pas faites pour durer. Quand la dédicace est faite, il repose son stylo, ferme le livre et pose soigneusement la page de l’article dessus, poussant le tout vers Eli du bout des doigts. Il ne retire pas sa main, néanmoins, ne la laisse pas reprendre son livre. “Tu n’as pas idée de tout ce que tu as manqué en ton absence.” dit-il, en relevant son sourire sur elle.

@Eli Amdahl

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Eli & Dee

Est-ce vraiment une bonne idée ? Le retrouver pour en savoir plus sur cet article ? Simplement ça ? Eli aurait très bien pu le contacter à la publication de l’article, cela aurait été plus simple. Mais voilà, maintenant, elle se retrouve devant lui avec ce bout de papier calé entre les pages de son livre. Eli sait qu’il comprendra rapidement où elle veut en venir, elle n’a pas besoin d’énoncer beaucoup de mots, Dee a un esprit vif, elle sait qu’il comprendra ce qu’elle cherche. En croisant enfin son regard, Eli a l’impression de ne plus sentir les battements de son cœur dans sa poitrine, comme si le temps venait de se suspendre au moment où ses lèvres ont prononcé son nom. Il est surpris et c’est normal, elle est partie si rapidement la dernière fois qu’elle n’a pu lui donner de raison ou de nouvelles, il doit forcément lui en vouloir un minimum. Egoïstement, elle n’a absolument pas pensé qu’elle devrait peut-être se justifier auprès de l’écrivain concernant les raisons de son départ…

En entendant ses mots, Eli tente vraiment de rester impassible face à lui, essayant de cacher ses émotions. Elle déglutit tout de même à sa question, bien consciente qu’il reste toujours dans son cœur. Dorian est un vieil ami oui, celui qui arrivait à apaiser la flamme qui l’animait toujours autant, il parvenait à raisonner Eli, il réussissait à calmer ses ambitions un peu trop dévastatrices parfois. Et maintenant ? Elle se retrouve là devant lui, prête à exploser face à cet article insupportable pour elle. « De passage. » Répond simplement Eli. Elle ne lui fait plus confiance, elle n’a donc pas envie de lui dire qu’elle est revenue pour de bon. Et pourtant, elle rêverait de lui dire qu’elle était là maintenant et qu’elle ne compte plus bouger. Qu’elle pourrait aussi l’aider à se sortir de tout ça… Mais son cœur n’a aucun pouvoir sur elle, sa tête régit absolument tout. Ses yeux se posent sur le livre et l’article qu’il fait glisser jusqu’à elle sans retirer sa main, comme s’il essayait de retenir encore un peu le temps. Eli sait qu’elle ne peut s’attarder ici, il y a encore quelques personnes derrière elle. Et pourtant, à sa réflexion sur son absence, Eli ne peut s’empêcher de relever les yeux vers lui avant de lui demander, la gorge légèrement nouée : « Tu en fais partie maintenant ? » Question claire et directe mais elle n’a pas le choix, le temps lui est compté. L’écrivain doit bien savoir le sujet de sa question, elle évoque bien évidement la Rose Lunaire. Avec un tel article, il est évident qu’il doit en faire partie aujourd’hui. Est-ce l’information qu’elle a manqué pendant son absence ?

Une petite année, passée à la vitesse de l’éclair. Dorian ne réalise vraiment le temps écoulé que lorsque son regard se pose sur un visage qu’il ne pensait jamais revoir. C’est douloureux, un instant. De la revoir ici, de se rappeler qu’elle est partie sans se retourner, sans lui dire au revoir. Il y avait pourtant quelque chose entre eux. Une volonté commune, une sorte d’équilibre aussi. Ils étaient amis. Sans se connaître vraiment, sans doute. Pas seulement parce que Eli a quitté la ville sans le prévenir, mais aussi… S’il s’efforce de ne pas le regarder réellement, Dorian ne peut ignorer la présence de son article sur la petite table entre eux. Le message que la jeune journaliste veut lui faire passer en l’apportant avec elle. Il fait semblant de rien, un moment en tout cas. Ravale sa colère, sa déception. Et puis, elle lui pose la question directement. Celle qui est sur toutes les lèvres, mais que personne n’a encore eu le cran de lui poser de but en blanc. Bien sûr, Eli a ce cran. Elle n’a jamais hésité, jamais reculé. Abandonnant enfin son petit jeu idiot, Dorian lève les yeux sur elle et la regarde un instant sans rien dire. Peut-être qu’il se sent un peu coupable, tout au fond. D’avoir plus ou moins trahi ce en quoi ils croyaient tous les deux autrefois. “C’est ce que tu penses ?” demande-t-il après un moment. Ne le connaît-elle pas mieux que ça ? Probablement pas. Elle ne sait pas ce que ça a été, de prendre cette décision en premier lieu, de vivre avec les conséquences. “Mon équipe m’a déconseillé de répondre à cette question, alors ce sera sans commentaire.”

Une part de lui voudrait tout lui expliquer, mais il doute qu’elle comprenne entièrement. Elle n’a vraiment pas idée de tout ce qui a changé en son absence… “Dorian, il y a encore du monde.” Brièvement, son regard se détache de celui d’Eli pour se poser sur son agent. Il est ici pour travailler, pas pour se disputer avec une ancienne amie. Un hochement de tête pour toute réponse et ses yeux retournent à Eli. Il voudrait parvenir à lui dire au revoir et reprendre le cours de sa vie sans plus penser à elle. C’est ce qu’elle a fait de son côté, pas vrai ? Et il n’est pas revenu la trouver en l’accusant de quoi que ce soit. Alors pourquoi est-ce qu’il n’y arrive pas ? “J’ai besoin d’une pause.” dit-il à son agent, avant de se lever brusquement. Il entend le désaccord de l’autre homme, mais n’y prête aucune attention. “Viens avec moi.” lâche-t-il à l’adresse d’Eli quand il passe près d’elle en prenant la fuite. Il ne regarde pas derrière lui alors qu’il sort par la porte de service à l’arrière de la librairie, ne s’inquiète de savoir si Eli l’a suivi seulement quand il se retrouve dehors, dans une petite ruelle sans issue envahie de poubelles. “Qu’est-ce que tu fais là, Elizabeth ?” demande-t-il quand il trouve enfin le courage de se tourner vers elle. “Si tu crois que je suis l’un des leurs, alors pourquoi me faire l’honneur de ta présence, au juste ?” Si elle veut qu’il lui rende des comptes, alors elle doit en faire autant.

@Eli Amdahl

It's not true, tell me I’ve been lied to.

Eli & Dee

En croisant son regard, Eli réalise qu’elle n’aurait jamais dû arriver jusqu’à ici. C’est trop douloureux. Pourquoi s’était-elle accrochée à lui ? Pourquoi s’était-elle trompée sur ses convictions, sur ses valeurs qu’ils partageaient ensemble ? Eli déteste ce qu’elle est en train de faire : une scène devant un public, devant son public… ! Mais encore une fois, elle est trop souvent portée par ses émotions, elle n’a pas hésité à le voir directement, même si ce lieu n’est pas un lieu privé. A sa question, Eli serre soudainement la mâchoire, se retenant d’envoyer valser les premiers mots qui lui viennent à l’esprit. C’est évident non ? Au moment où elle allait ouvrir la bouche, elle est finalement arrêtée par l’écrivain. Il ne doit pas répondre à cette question. Ah. De quoi faire monter l’énervement en elle. Sa mâchoire se crispe encore une fois alors qu’elle relève les yeux vers son agent pour l’assassiner du regard. Eli sent qu’elle va avoir du mal à se contrôler si elle est virée de cette manière. Pas de scène, elle ne doit pas faire de scène car elle ne veut pas le desservir. Il y a encore du monde, il faut qu’elle parte… Mais elle est incapable de bouger, emportée par cette envie extrême d’avoir une réponse de sa part. Eli ne dit rien et relève les yeux en le voyant se lever. Il veut qu’elle le suive. Elle ne réfléchit pas et fonce avec lui vers l’extérieur. Parfait, elle avait besoin de respirer. Eli regarde un instant l’endroit avant de se retourner en même temps que lui, prête à envoyer toute la colère retenue depuis quelques minutes. Mais elle ne dit finalement rien, il a pris de l’avance. Et puis, elle est surtout bloquée, soufflée d’entendre son prénom sortir de sa bouche. Il est plutôt rare qu’on l’appelle de cette manière puisqu’à chaque fois, elle a l’impression qu’on l’atteint en plein cœur.

Ses yeux ne quittent pas les siens alors qu’elle s’avance vers lui, l’air soudainement bien déterminé. Elle ne sait pas par quoi elle doit commencer, mais encore une fois, Eli ne réfléchit pas elle est toujours portée par les émotions et par les sentiments qui l’animent à ce moment-là. Dee est bien le seul à pouvoir calmer sa flamme... Mais il est aussi celui qui lui fait autant mal à cet instant. « Je voulais t’entendre me le dire. Entendre ta voix me dire ce que tout le monde croit sur toi. Que tu as changé de camp, que Selene est adorable et que cette secte n’est pas celle que je crois. » Eli s’arrête pour reprendre son souffle, captant toujours ses yeux : « Je voulais voir ton regard, celui qui allait me prouver à quel point tu t’étais perdu dans leurs filets et qu’il est aujourd'hui impossible de te faire revenir à la raison. »  Elle avait bien lu l’article mais elle n’était pas revenue tout de suite, elle ne l’avait pas appelé non plus. Eli avait besoin de prendre du recul et d’encaisser les choses. Eli reprend soudainement une profonde inspiration, essayant de bloquer sa colère. Mais sa gorge se serre, ressentant une autre émotion venant tout droit de son cœur : « Dis-moi la vérité…. Dee. » Murmure Eli, n’arrivant pas à contrôler les émotions dans sa voix. Elle a peur. Peur d’entendre cette vérité sortir de sa bouche.