a night to remember
DANA ⅋ AARON

Vraiment un délire, cette ambiance village fleuri supplément sirop d’érable.
Un vent doux caresse ses cheveux mal coiffés. Il passe sa main une énième fois dans sa tignasse pour redonner un semblant de volume, sachant pertinemment qu’il va devoir abandonner l’idée d’avoir l’air on fleek. Peut importe, de toute façon, il ne fait que flâner dans la rue qui mène à sa demeure du moment : chez Griffin. Il marche lentement, avec cet air contemplatif qui lui est propre. Elle est si fleurie, cette rue. Tout est si… campagnard. Of course, tout ne peut être qu’ainsi lorsqu’on vient de London, east end. L’air de la ville lui manque parfois, le bruit des pots d’échappements, des klaxons effrénés. Mais il avait voulu du dépaysement, se changer les idées pour oublier sa poisse. Entre le refus de prêt pour développer son projet de boutique de disques et le mariage de Bianca, son ex, il était sûr qu’il avait pris la bonne décision de mettre les voiles. Ciao, les désillusions. Nouveau départ.
Il tient dans ses mains un sac qui contient des victuailles pour le soir, petite attention pour remercier son ami de le soutenir en l’accueillant quelques temps jusqu’à ce qu’il décide quoi faire. C’est vrai ça, que faire ? Le plan à la cabane à sucre semblait mort, car il ne voyait plus l’annonce de vendeur depuis quelques jours. Il a de quoi tenir quelques semaines, peut-être deux mois avant d’arriver à court de thunes. Pas stressé, Aaron. Il finit toujours par se débrouiller.
Alors qu’il se rapproche du numéro 23, le britannique remarque une silhouette féminine sortir d’une maison. D’abord, il fronce les sourcils. Ça lui paraît impossible, sur le moment. Après tout, il est à une vingtaine de mètre et du haut de ses trente sept ans, sa vue n’est plus la même qu’il y a vingt ans. Vingt ans. A peu près le même laps de temps qui s'est écoulé sans avoir revu celle qu’il croît reconnaître devant une grande maison au jardin bien fleuri. Très vite, il se rapproche en plissant toujours plus les yeux. Il sent son cœur manquer un battement puis s’accélerer.
« Dana ? » souffle t-il avec un air incrédule, les yeux écarquillés face à la jeune femme.


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Flashback soirée d’août 2003, concert d’Elliott Smith.

Dana, c’est le prénom qu’il pensait avoir entendu. La musique n’était pas si forte mais la foule était en délire. Aaron avait fait près de 9000 kilomètres pour faire ce concert, avait travaillé pendant six mois pour pouvoir se payer le billet et l’hôtel non loin de la salle de l’évènement. Venu seul, il était tombé sur cette fille de son âge, super mignonne de surcroît, avec qui il avait sympathisé juste avant de monter sur scène. Une soirée sous le signe du surréalisme : lui, 17 ans sur scène à jouer de la guitare et chanter avec Elliott Smith.
« J’en reviens pas, Dana ! » cria t-il à sa nouvelle amie dans un accent londonien survolté à cause de ses émotions. Il l’avait rejointe après sa prestation, heureux de ne pas l’avoir perdue et pouvoir exulter avec quelqu’un ce qui venait de se passer. La dernière chanson du set venait d’être annoncée, et l’idée de rentrer seul à son hôtel lui était inconcevable.
« Tu fais quoi après ? » s’empressa t-il de lui demander, essayant de paraître le moins bizarre possible, malgré son impulsivité. C’était quitte ou double, mais il espérait qu’elle ne le trouve pas chiant. Ou menaçant. Ce qu’ils étaient en train de vivre était particulièrement intense, les deux semblant tout à fait portés par la musique. On vit tout intensément à dix sept ans...

@Dana Wolff    

a night to remember
DANA ⅋ AARON

Flashback soirée d’août 2003

C’était tellement le pied total d’être tombé sur une personne à la même énergie que lui. Dana était survoltée et réagissait à la hauteur de ce qui venait de se passer. Lui. Aaron, petite frappe londonienne, avait joué et chanté avec the one and only Elliott Smith. What the actual fuck. Alors bien évidemment qu’il lui demande ce qu’elle fait après. En espérant naïvement qu’elle accepterait de boire un coup avec un type qu’elle venait tout juste de rencontrer. Ses yeux s’illuminent alors que sa vibe matche une nouvelle fois avec la sienne. « Terrific ! » s’exclame t-il, toujours en proie à l’excitation du moment. Dana lui montre alors le Graal : elle a pu prendre une vidéo sur sa caméra. « Mais non ??? » Son regard oscille entre la jeune femme et l’écran qui fait défiler les images de ce qui deviendra l’un des plus beaux moments de sa vie. Sa vue se trouble légèrement, décide de secouer la tête pour garder la face. He’s a man, ok ? « Incroyable, putain c’est génial ! Merci d’avoir fait ça ! Tu as faim ? Je t’emmène où tu veux. » Il lui offre son bras de façon théâtrale, à elle de voir si elle s’en saisit pour aller dans le sens de la foule qui commence à partir vers la sortie. Il aimerait certainement qu’elle ne prenne pas le risque de le perdre, - et pas seulement parce qu’elle possède le souvenir gravé de son duo avec son chanteur préféré - mais respecterait tout à fait qu’elle ne soit pas à l’aise avec cette proximité.
Arrivés tous deux devant l’entrée du Henry Fonda Theater, Aaron s’arrête d’un coup. « Je réalise que je ne connais rien ici. J’ai aucune idée d’où t’inviter à manger ou boire... » Il la regarde avec ce fameux rictus mi-amusé, mi-désolé si caractéristique de sa personne.


Here and now, Redwood Hills

Elle se rappelle de lui, thank Goodness. Il éclate alors de rire en guise de réaction, toujours surpris de cette situation tout à fait surréaliste. Il est soulagé aussi, de voir que même après vingt ans, celle à qui il pense régulièrement – à chaque fois qu’il écoute Elliott Smith en réalité – se souvienne de lui également. Son rire laisse place à l’incrédulité, toujours et encore. Qu’elles étaient les probabilités ? « Dana c’est complètement fou. » fait-il en se rapprochant de la haie qui délimitait sa propriété et la voie publique.
Les yeux plissés, il s’étonne du fait qu’elle n’ait pas du tout l’air d’avoir pris de l’âge. Les seules marques de son visage trahissent juste cette façon qu’elle a de sourire et de froncer les sourcils. Elle est évidemment toujours aussi jolie. « C’est une longue histoire. » Pas si longue, en fait, c’est juste qu’elle… « Tu.. Tu es sur le départ ? » Il regarde à tour de rôle son sac rempli de nourriture asiatique et la trentenaire, une lueur amusée dans les yeux. « C’est littéralement des nouilles aux légumes, du porc au caramel et des nems au poulet. » Il bug encore un peu en la regardant d'un air interrogateur, pas étonnant parce que c’est presque exactement ce qu’ils ont mangé ensemble après le concert d’Elliott Smith, vingt et un ans auparavant.

@Dana Wolff  

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